mardi 14 février 2012

The Crow

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

d'Alex Proyas. 1994. U.S.A. 1h42. Avec Brandon Lee, Ernie Hudson, Michael Wincott, David Patrick Kelly, Angel David, Rochelle Davis, Bai Ling, Laurence Mason, Michael Massee, Bill Raymond.

Sortie salles France: 3 Août 1994. U.S: 11 Mai 1994

FILMOGRAPHIE: Alex Proyas est un réalisateur, producteur et scénariste australien, né le 23 Septembre 1963 en Egypte. 1994: The Crow. 1998: Dark City. 2002: Garage Days. 2004: I, Robot. 2009: Prédictions. 2012: Paradise Lost.


"Il y a longtemps, les gens croyaient que quand quelqu'un meurt un corbeau emporte son âme jusqu'au pays des morts. Mais il arrive parfois, quand des choses trop horribles se sont passées, que l'âme emporte avec elle une immense tristesse et qu'elle ne puisse pas retrouver le repos. Quelque fois, et seulement quelque fois, le corbeau peut faire revenir cette âme pour que le bien reprenne ses droits sur le mal." 

"The Crow : L’Amour Éternel des Ombres".
Inspiré du comic book de James O’Barr, Alex Proyas transfigure pour son premier essai un conte gothique, vertigineux et flamboyant, où la romance élégiaque s’évade du cadre expressionniste. Habité du magnétisme indicible de Brandon Lee, ce requiem empli de sensibilité se pare d’une résonance tragique lorsque, le 31 mars 1993, l’acteur tire sa révérence, mortellement blessé par balle lors d’une scène. Un accident d’autant plus cruel et imbitable que son père, Bruce Lee, mourut jadis dans des circonstances aussi mystérieuses — conflit avec la mafia chinoise, collusions avec le producteur Raymond Chow, rupture d’anévrisme ?

Le pitch : la veille de leur mariage, la nuit de la Toussaint, le chanteur Eric Draven et sa compagne Shelly sont sauvagement assassinés par une bande de malfrats. Un an plus tard, par l’entremise d’un corbeau, Eric Draven sort de sa tombe pour venger la mort de sa défunte.

Perle maudite, faute d’un deuil inéquitable, The Crow semble possédé par son âme. Un paradoxe qui fait écho à la fiction (involontairement « méta »), où le personnage revenu de l’au-delà réclame justice aux responsables de la mort de sa compagne. À travers une photographie monochrome d’un esthétisme crépusculaire à damner un saint, la quête meurtrière d’Eric Draven — fantôme au visage maculé de blanc, à la manière d’un polichinelle — nous est contée dans un esprit gothique audacieusement destroy. Héritage d’une architecture ancestrale médiévale, modernité d’une musicalité rock enflammée : sous ses allures d’actionner moderne rythmé par les exactions du justicier, Proyas évoque avant tout la sublime romance déchue d’un ange habité par la haine depuis le sacrifice de son couple, incapable de trouver le repos dans l’obscurité de l’au-delà.

Aujourd’hui ressuscité par le pouvoir occulte d’une corneille, il s’engage à anéantir le Mal infiltré dans une cité livrée au chaos. Lamenté par son deuil, hanté de souvenirs tantôt morbides, tantôt édéniques, Eric Draven trouve refuge auprès d’une ado esseulée à qui il tendra la main. Entre son assistance et celle d’un flic pondéré, il perpétuera sa vengeance tout en inculquant à ceux qu’il chérit ses valeurs spirituelles de tendresse et d’amour. 


Dans un rôle iconique de mort-vivant frondeur et invincible, Brandon Lee incarne sa part d’éternité avec une prestance surnaturelle, diaphane. L’idée dérangeante de sa mort accidentelle sur le tournage exacerbe cette aura mystique qui imprègne la pellicule (j’insiste). Son interprétation viscérale renforce la fragilité d’un personnage meurtri, investi autant dans sa traque impitoyable que dévoué à enseigner l’amour à ses proches. Aux côtés de Rochelle Davis, qui incarne avec pudeur une adolescente candide éprise de tendresse pour ces amants maudits, la fragile émotivité s’exprime dans une situation sans repère — sa mère toxicomane étant incapable d’assumer son rôle parental, qu’Eric n’hésitera pas à lui rappeler.


"Si les êtres que nous aimons nous sont arrachés, pour qu'ils vivent longtemps, il ne faut jamais cesser de les aimer. Les immeubles brûlent, les gens meurent, mais l'amour véritable est éternel..."
Soutenu par la frénésie d’une BO rock endiablée, transcendé par un esthétisme macabro-gothique à couper le souffle, The Crow s’érige en requiem fébrile pour romantiques déchus, avant d’introniser l’acuité de l’amour. Chef-d’œuvre flamboyant, gracieux et mélancolique, sublimé par l’icône de son acteur damné. Conte torturé, écorché vif, débordant de virginité et de tendresse, où l’alchimie émotive dépasse la raison. Probablement l’un des poèmes crépusculaires les plus romantiques et obsédants jamais transfigurés sur pellicule. Plongés dans l’univers opaque et sensible de The Crow, nous sommes confrontés à une élégie désolée — la séquence finale, au chevet du tombeau, intime et bouleversante, déchire nos larmes de délivrance devant le visage replié d’Eric Draven, un visage que rien ne peut remplacer. À moins qu’une dernière main secourable ne s’abatte — quand l’amour n’a jamais été abandonné…

*Bruno
14.02.12
11.05.24. 4èx. 4K Vost


                                       


4 commentaires:

  1. Je ne l'aurais pas mieux écrit!!! The Crow reste à mes yeux une des plus belles expériences cinématographiques de ma vie! Une véritable claque!
    Toujours très content de te lire malgré mes faibles apparitions.
    Vjack

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  2. J'en ai les larmes aux yeux en lisant ta critique Bruno, je me souviens être resté après le générique de fin à l'époque, comme si je ne voulais pas que ça s'arrête, refusant cette mort injuste... Une œuvre qui m'a bougé, me bouge et me bougera encore jusqu'à ma mort...Merci à toi pour ce témoignage . RIP Brandon

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  3. Très flatté et très touché Franck que ça te parle autant, émotionnellement parlant. Et notre point commun c'est que lorsque je l'ai vu au cinéma, durant le générique de fin, personne ne bougeait de son fauteuil, tout le monde était hypnotisé, je n'oublierai jamais ce moment élégiaque !

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