mardi 5 mars 2013

Carrie au bal du diable. Grand Prix Avoriaz, 1977.


de Brian De Palma. 1976. U.S.A. 1h38. Avec Sissy Spacek, Piper Laurie, Amy Irving, Nancy Allen, John Travolta, William Katt, Betty Buckley.

Sortie salles France: 22 Avril 1977. U.S: 3 Novembre 1976

FILMOGRAPHIE: Brian De Palma, de son vrai nom Brian Russel DePalma, est un cinéaste américain d'origine italienne, né le 11 septembre 1940 à Newark, New-Jersey, Etats-Unis. 1968: Murder à la mod. Greetings. The Wedding Party. 1970: Dionysus in'69. Hi, Mom ! 1972: Attention au lapin. 1973: Soeurs de sang. 1974: Phantom of the paradise. 1976: Obsession. Carrie. 1978: Furie. 1980: Home Movies. Pulsions. 1981: Blow Out. 1983: Scarface. 1984: Body Double. 1986: Mafia Salad. 1987: Les Incorruptibles. 1989: Outrages. 1990: Le Bûcher des vanités. 1992: l'Esprit de Cain. 1993: l'Impasse. 1996: Mission Impossible. 1998: Snake Eyes. 2000: Mission to Mars. 2002: Femme Fatale. 2006: Le Dahlia Noir. 2007: Redacted.

 
Sous l’emprise d’une foi fanatique et la cruauté d’une jeunesse en meute, l’éveil d’une adolescente devient martyre. Brian De Palma transcende l’horreur en tragédie lyrique, livrant avec Carrie un cri de douleur aussi bouleversant que terrifiant — où l’effroi naît du rejet, et la colère du cœur brisé.

Auréolé du Grand Prix à Avoriaz un an après sa sortie triomphante (33 millions de dollars de recettes pour un budget de 1 800 000 !), Carrie demeure sans nul doute l’une des plus puissantes adaptations de Stephen King. Un chef-d’œuvre du fantastique moderne, d’une rare émotivité pour un genre traditionnellement voué à terrifier. Littéralement envoûté par la prestance iconique de Sissy Spacek, incarnant une souffre-douleur timorée, Carrie s’affirme avant tout comme un drame psychologique transplanté dans les arcanes d’une épouvante satanique, orchestrée par une mégère fondamentaliste.

À travers la tragédie de cette lycéenne introvertie, soudainement confrontée à sa puberté et raillée par ses camarades, Brian De Palma sonde les abîmes du fanatisme religieux sous l’emprise d’une mère castratrice. Avec une acuité psychologique bouleversante, il érige une intrigue baroque, fondée sur la télékinésie, que Carrie devra dompter pour exorciser sa colère et accomplir une vengeance démoniale. Alternant le romantisme fragile de sa relation avec son cavalier et le puritanisme dément d’un enseignement maternel dévoyé, De Palma tisse une tension sourde, tiraillée entre compassion fébrile et angoisse rampante.

Toute cette charge de sentiments contrariés — compromis entre l’amour pathologique d’une catholique fanatique et la révolte silencieuse d’une enfant martyrisée — converge vers un suspense hitchcockien au sein du bal de fin d’année… avant l’éruption sanglante de l’enfer.

Si ce drame horrifique conserve intact son pouvoir d’émotion et de fascination, il le doit en grande partie à l’interprétation sensorielle de la révélation Sissy Spacek. D’une sensibilité à fleur de peau, elle incarne avec une grâce funèbre l’effroi d’une adolescente craintive, sans cesse piétinée par les autres. À l’image de cette danse imposée par son cavalier, moment d’étreinte vertigineuse — magnifié par un travelling circulaire — où elle semble enfin s’épanouir dans une gratitude méritée. Mais lorsqu’un acte de moquerie prémédité vient profaner ce fragile apaisement, la stupeur de Carrie, "reine ensanglantée", fait basculer la terreur dans le surnaturel. En face, Piper Laurie incarne à la perfection la mégère dévote, psalmodiant mécaniquement ses versets sacrés avec une ferveur aussi morbide que glaçante.


Un film d’horreur qui fait pleurer, une fois n’est pas coutume.
Sublimé par le score envoûtant de Pino Donaggio et la présence gracile, quasi spectrale, de Sissy Spacek, Carrie s’impose comme la quintessence du fantastique contemporain : fusion bouleversante d’émotion meurtrie et d’horreur incandescente, sous le voile d’un fanatisme religieux. Métaphore de la puberté foudroyée, tableau cruel de l’adolescence suppliciée, cette tragédie funèbre s’élève grâce à une mise en scène virtuose, d’une précision hitchcockienne. L’anthologique "bal maudit", en particulier, convoque toute la science du suspense de De Palma, exacerbée par la technique binaire du split screen.

* Bruno
05.03.13. 5èx

Récompense: Grand Prix à Avoriaz et Mention Spéciale pour Sissy Spacek en 1977




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