jeudi 7 mars 2013

Aguirre, la Colère de Dieu / Aguirre, der Zorn Gottes

                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site dvdclassik.com

de Werner Herzog. 1972. Allemagne. 1h33. Avec Klaus Kinski, Helena Rojo, Del Negro, Ruy Guerra, Peter Berling, Cecilia Rivera.

Sortie salles France: 26 Février 1975 (Cannes: 16 Mai 1973). Allemagne: 29 Décembre. 1972. U.S: 3 Avril 1977

FILMOGRAPHIE: Werner Herzog (Werner Stipetic) est un réalisateur, acteur et metteur en scène allemand, né le 5 Septembre 1942 à Munich (Allemagne).
1968: Signes de vie. 1970: Les Nains aussi ont commencé petits. 1972: Aguirre, la colère de Dieu. 1974: l'Enigme de Kaspar Hauser. 1976: Coeur de verre. 1977: La Ballade de Bruno. 1979: Nosferatu, fantôme de la nuit. 1979: Woyzeck. 1982: Fitzcarraldo. 1984: Le pays où rêvent les fourmis vertes. 1987: Cobra Verde. 1991: Cerro Torre, le cri de la roche. 1992: Leçons de ténèbres. 2001: Invincible. 2005: The Wild Blue Yonder. 2006: Rescue Dawn. 2009: Bad Lieutenant: escale à la Nouvelle-Orléans. 2009: Dans l'oeil d'un tueur.

 
"Le Roi des Singes et des Brumes".
Film phare dans la carrière de Werner Herzog, Aguirre est une expérience sensorielle peu commune dans le paysage cinématographique. Filmée dans les décors naturels du Pérou, cette odyssée humaine menée par un mégalomane totalitaire devient une aventure épique de la démesure, un voyage naturaliste hors du temps. Le héros principal, conquistador espagnol gonflé d’orgueil, entraîne ses hommes au cœur d’une jungle hostile, remontant un fleuve en radeau à la recherche d’un Eldorado irréel.

Capté à la manière d’un documentaire contemplatif scrutant faune et flore sous l’ère du XVIe siècle, Herzog nous fait partager l’introspection d’un dictateur convaincu que son destin relève d’une ambition divine. Sa mise en scène expérimentale épouse l’hyperréalisme de l’improvisation : cadrages fixes sur les visages impassibles, caméra à l’épaule pour épier les murmures conspirateurs. On devine les risques encourus par l’équipe technique, les figurants, les comédiens — convoyés de chevaux et de mammifères, progressant à travers des sentiers impraticables, avalés par une végétation féroce. Le tournage fut houleux — comme en témoignent la séquence du radeau pris dans les rapides, ou l’inoubliable prologue aérien où les conquistadors dévalent à pied une montagne noyée de brume —, sans oublier les conflits légendaires opposant Herzog à son comparse furieux, Klaus Kinski.


Habité par son rôle névrosé, ce dernier incarne Aguirre avec une foi maladive : posture de roi orgueilleux, regard halluciné, colère irascible. Sa présence quasi surnaturelle renforce le caractère baroque, insolite, de cette expédition suicidaire hantée par sa propre démence. L’ennemi, invisible, tapi dans l’ombre végétale, frappe sans prévenir, précipitant les colons vers une mort sourde. Le final mystique illustre à merveille l’arrogance d’un homme devenu roi de rien, perdu sur un radeau infesté de singes capucins, poursuivant sa dérive vers une cité d’or chimérique, sans jamais concevoir que la mort l’attend.

 
"La Jungle aux Yeux Hallucinés". 
Illuminé par la musique envoûtante de Popol Vuh et l’interprétation possédée de Kinski, Aguirre est un morceau de cinéma hypnotique, d’une puissance formelle rare. Une expérience sensitive inoubliable, qui transcende la folie intrinsèque de l’homme assoiffé de pouvoir et de gloire. Aguirre, avatar de la dictature fasciste, erre ainsi à jamais, seul roi de sa propre perdition.

07.03.13. 3èx
Bruno Matéï

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