de William Lustig. 1980. U.S.A. 1h28. Avec Joe Spinell, Caroline Munro, Abigail Clayton, Kelly Piper, Rita Montone, Tom Savini, Hyla Marrow, James Brexster, James Brewster, Tracie Evans, Sharon Mitchell.
Sortie salles en France le 09 mars 1982 / U.S: 26 Décembre 1980.
FILMOGRAPHIE: William Lustig est un réalisateur américain né le 1er février 1955 dans Le Bronx à New York. Il est le neveu du boxeur Jake La Motta.
1980: Maniac. 1983: Vigilante. 1988: Maniac Cop. 1990: Maniac Cop 2. 1993: Maniac Cop 3.
1997: Uncle Sam.
Gestation d’un mythe contemporain
Au lendemain de Noël 1980, et cinq mois avant le premier volet de la saga Vendredi 13, surgit sur les écrans Maniac, réalisé par le novice William Lustig. Un pavé dans la mare. Une expérience déviante, un électrochoc dans le paysage ludique du psycho-killer. Genre aujourd’hui rebaptisé "slasher", démocratisé deux ans plus tôt par John Carpenter avec l’immuable Baby-Sitter Murders — clin d’œil à peine voilé à ce qui deviendra Halloween.
Synopsis : Frank Zito est un solitaire reclus dans son appartement, en compagnie de mannequins de vitrine. Leurs visages sanguinolents sont coiffés de perruques qu’il cloue méthodiquement sur leur crâne. Ces chevelures sont en réalité les scalps de femmes qu’il a traquées et mutilées lors de ses errances nocturnes. Frank rôde dans New York pour punir, une à une, celles qui croisent sa route.
Scènes de crimes
D’emblée, le film tranche dans le vif. Sur une plage déserte, un couple d’amants se prélasse sous un ciel nuageux. Une silhouette, haletante, s’approche et les exécute avec une sauvagerie glaçante. Une double mise à mort (strangulation, égorgement), capturée dans une photographie blafarde, granuleuse, suintant la mort. Mais cette scène n’est qu’un cauchemar : une réminiscence fiévreuse du tueur, enfermé dans la moiteur de sa chambre. Plus tard, dans une chambre de motel, une prostituée est étranglée, scalpée. La séquence, étirée, nous foudroie par son réalisme sec. Gros plans sur les visages figés d’effroi, l’étreinte moite de Frank, ruisselant de sueur, qui s’acharne à mains nues sur le cou de sa proie. Aucun cinéaste, jusque-là, n’avait osé aller aussi loin. Un autre moment-clé : la traque d’une infirmière dans le métro. Une chasse étouffante, ininterrompue, qui culmine dans les toilettes publiques, où la victime tente, en vain, de contenir sa respiration. Le spectateur, lui aussi, suffoque, pris dans la claustration hypnotique du cadre.
Un tueur dans la ville
Lustig ne lâche jamais son monstre. Il le suit, nuit après nuit, dans une New York en décomposition morale, suintant l’insécurité. La ville, ici, semble sous sa coupe. Avec une froideur quasi documentaire, le cinéaste scrute les ruelles gangrenées, les recoins poisseux, l’ombre du monstre se glissant dans chaque faille. En parallèle, Lustig ausculte la psyché fracturée de Frank. Monologues maladroits, pensées fangeuses, souvenirs mutilés : le spectateur plonge dans les ténèbres d’un homme dévasté. Sa solitude, son trauma d’enfance, sa culpabilité à l’égard d’une mère abusive qu’il n’a jamais su combler, le ronge. Sa haine des femmes, sa frustration sexuelle, tout converge vers une fureur misogyne. Même sa tentative de relation avec une photographe (la prêtresse Caroline Munro) échoue : un espoir d’amitié éteint d’avance.
Dans la tête du tueur
Si Maniac dérange avec une telle acuité, c’est aussi grâce à Joe Spinell. Hallucinant. Viscéral. Habité par ses démons. Son physique adipeux, son regard noir, ses râles suffocants : tout, chez lui, est mal-être incarné. Dans ses moments d’égarement, il parle seul, sanglote, regrette la perte de sa mère – mégère catin, spectre vénéneux. Par les stigmates visibles de la maltraitance (cicatrices, enfermement dans des placards), Spinell parvient, par éclairs, à nous arracher une forme de compassion. Il est victime autant que bourreau.
"Crâne ouvert sur la nuit".
Expérience extrême. Cinéma de déviance, épreuve immorale, intime, au plus près d’un damné incurable. Maniac tranche à vif. Son ambiance mortifère, son réalisme halluciné, sa violence frontale, toujours aussi troublants. Le film n’a rien perdu de son pouvoir d’attraction perverse. Une descente aux enfers implacable, jonchée de visions gore, signées par l’incontournable Tom Savini. Et cette bande-son stridente, électro-percussive (Jay Chattaway au sommet), qui broie les nerfs. Éprouvant. Anxiogène. Hypnotique. Et parfois, d’un surréalisme maladif, comme ce final apocalyptique qui nous laisse pantelants, coincés dans la psyché éclatée d’un homme qui voulait juste créer un monde avec ses poupées.
Note : En France, Maniac, interdit aux moins de 18 ans, dut patienter deux longues années avant d’accéder aux salles, victime de la censure giscardienne. Il fut également interdit en Australie et en Allemagne de l’Est.
08.03.17. 5èx
27.02.11. (472 vues)
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