mercredi 5 septembre 2018

La Nuit des Diables / La Notte Dei Diavoli

     
                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site pinterest.co.uk

de Giorgio Ferroni. 1972. Italie/Espagne. 1h31. Avec Gianni Garko, Agostina Belli, Cinzia De Carolis, Mark Roberts, Bill Vanders, Teresa Gimpera, Luis Suarez, De Carolis Cinzia, Umberto Raho.

Sortie en salles en Italie le 29 Avril 1972 

FILMOGRAPHIEGiorgio Ferroni est un réalisateur, acteur, monteur, producteur et scénariste italien né le 12 Avril 1908, décédé le 17 Août 1981. 1936: Pompei. 1939: Terre de feu. 1942: Macario au Far-west. 1946: Sans Famille. 1947: Tombolo, paradis noir. 1960: Le Moulin des Supplices. 1961: La Guerre de Troie. 1963: Hercule contre Moloch. 1964: Le Colosse de Rome. 1964: Hélène, Reine de Troie. 1966: Trois cavaliers pour Fort Yuma. 1966: Le Dollar Troué. 1971: La Grande Chevauchée de Robin des Bois. 1972: La Nuit des Diables. 1975: Le dur... le mou... et le pigeon.

D'après une nouvelle de Tolstoï, déjà portée à l’écran par Mario Bava dans l’un des fameux sketchs des 3 Visages de la peur, La Nuit des Diables renoue avec l’épouvante gothique sous la mainmise de l’éminent Giorgio Ferroni. Douze ans après nous avoir émus avec le splendide Moulin des Supplices, il renouvelle ici, de manière autrement horrifique, la romance morbide où perce la mélancolie d’un amour disparu, brisé par une solitude insurmontable.

Le pitch : blessé, Nicolas est retrouvé dans un état de choc, à la lisière d’une forêt. Soigné en institut psychiatrique, il se montre incapable de se souvenir de son passé. En proie à une panique croissante, il redoute l’arrivée de la nuit comme une menace. Sa terreur redouble lorsqu’une jeune femme, Sdenka, vient lui rendre visite — douce, presque irréelle. Peu à peu, des fulgurances morbides fissurent l’amnésie : les souvenirs refont surface.

Réalisateur prolifique, Giorgio Ferroni signe avec La Nuit des Diables une seconde incursion dans l’épouvante gothique, traversée d’un climat d’étrangeté prégnant, à la croisée du vampirisme, du folklore zombie et d’une dérive gore aussi inattendue que saisissante. Car si les scènes-chocs, magnifiquement filmées et parfois étonnamment complaisantes, font preuve d’une poésie morbide typiquement latine, elles doivent aussi leur impact aux trucages bluffants du génial Carlo Rambaldi. Le réalisme artisanal sidère encore aujourd’hui : visages putréfiés fondus dans le cadre, textures à peine décelables, illusions mouvantes… Tout respire la maestria et le malaise.

Soignant avec brio le cadre inquiétant d’une forêt sépia, clairsemée et silencieuse, La Nuit des Diables suit l’errance d’un médecin contraint de solliciter refuge auprès d’une famille recluse, après avoir failli renverser une inconnue sur une route déserte. Le portrait de ces métayers, en retrait du monde urbain, nous est restitué avec une attention quasi ethnographique : rituels scrupuleux, regards hagards, postures imprégnées d’un mysticisme fiévreux.

Pour cause : derniers héritiers d’un village abandonné, ils se barricadent dès la tombée du jour, fuyant une entité que l’on murmure sous le nom de vourdalak. Une sorcière vampirique, errante, qui rode chaque nuit pour contaminer les vivants en leur suçant le sang. Nicolas, d’abord incrédule, doit se rendre à l’évidence : la malédiction n’est pas une superstition. La disparition soudaine du patriarche le confirme, tout comme la complicité naissante entre lui et la belle Sdenka, pétrie de douceur et de résignation.

Avec un soin esthétique subtilement baroque, Ferroni insuffle à cette fable occulte une étrangeté troublante, incarnée par des décors ruraux hantés, traversés d’animaux sauvages (sangliers, loups hurlants) qui deviennent presque des personnages secondaires. Pour affirmer sa singularité, il y ajoute des touches d’érotisme audacieuses pour l’époque, et de fulgurants éclats gores qui viennent percuter la tradition gothique. La dernière partie, haletante, fait monter la tension lorsque chaque membre de la famille Ciuevelak succombe tour à tour aux assauts des vourdalaks. Ferroni joue sur le doute : qui est encore humain ? Qui s’est déjà laissé contaminer, caché derrière les bosquets ?...

Visages blêmes, spectres noctambules en proie à la démence, sorcière profanatrice, cadavres perforés puis putréfiés, rires sardoniques d’enfants cruels… Autant d’images saillantes, troublantes, qui cristallisent la confrontation âpre entre Bien et Mal — jusqu’à un dénouement résolument amer, qui tourne le dos au happy-end avec une ironie presque sadique.

Baignant dans le clair-obscur d’une nature champêtre inquiétante, traversée d’une poésie charnelle, La Nuit des Diables illustre avec une mélancolie capiteuse le conte d’épouvante à travers la détresse de créatures solitaires, en quête d’un salut impossible. Plus sombre et oppressant à mesure que la nuit s’installe, le film culmine dans une traque désespérée, où résonne le hurlement d’une victime dévastée par sa psyché brisée.

Et le spectateur, fasciné, y croit jusqu’au bout, avec un délicieux masochisme, porté par l’élégie maladive de Giorgio Gaslini.
Magnifique, j’vous dis.

* Bruno
20.10.23. 3èx
05.09.18. 
14.12.11 (295 v)

2 commentaires:

  1. J'avais un doute avant de voir le film et j'ai adoré l'ambiance, l'histoire et la BO

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  2. Second visionnage pour ma part et je l'ai beaucoup mieux apprécié (même si j'avais déjà beaucoup aimé la 1ère fois)

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