mardi 19 mai 2015

Class 84

                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

Class of 1984 de Mark Lester. 1982. U.S.A. 1h38. Avec Perry King, Merrie Lynn Ross, Timothy Van Patten, Roddy McDowall, Stefan Arngrim, Michael J. Fox, Keith Knight, Lisa Langlois.

Sortie salles France: 29 Septembre 1982. U.S: 20 Août 1982. Interdit au - de 18 ans lors de sa sortie.

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Mark Lester est un réalisateur, producteur et scénariste américain, né le 26 Novembre 1946 à Cleveland, Ohio. 1971: Twilight of the Mayas. 1973: Steel Arena. 1982: Class 84. 1984: Firestarter. 1985: Commando. 1986: Armé et Dangereux. 1990: Class of 1999. 1991: Dans les Griffes du Dragon Rouge. 1996: Public Ennemies. 2000: Blowback. 2000: Sacrifice (télé-film). 2000: Guilty as Charged (télé-film). 2002: Piège sur Internet. 2003: Trahisons. 2003: Ruée vers la Blanche. 2005: Ptérodactyles.


L'année dernière, dans les collèges américains, 280 000 incidents avec violence ont été perpétrés par des étudiants à l'encontre de professeurs ou d'élèves. 
                                                                    Malheureusement... 
                                            Ce film est basé sur des évènements réels.
                                                                    Heureusement... 
                                            Très peu d'écoles sont à l'image de "Lincoln High".
                                                                              ... Pour l'instant.

Voilà ce que nous pouvions lire en guise d'intro avant que le générique y imprime en gros caractères rouges le fameux logo prémonitoire: Class 1984 ! Film culte de toute une génération, comme le souligne également son gros succès en salles et en Vhs, et ce malgré son interdiction au moins de 18 ans, Class 1984 doit sa réputation à la frénésie de son ultra-violence que Mark Lester exploite dans le cadre de la série B avant de décrier en filigrane la flambée inquiétante de la délinquance scolaire. Les flics instaurés à l'entrée des établissements faisant office de geôliers afin de détecter armes blanches et armes à feu que certains lycéens oseraient planquer sous le manteau avant d'aller rejoindre les cours.


Habité d'une ultra-violence aussi gratuite que putassière, tant pour les exactions dévergondées de nos quatre antagonistes que pour la riposte de professeurs incapables de refréner leur rancoeur, le film se permet en outre d'aborder le thème de l'auto-défense par le biais d'un final grand-guignolesque ancré dans toutes les mémoires. Ou lorsqu'un enseignant forcené aura décidé de se faire justice pour trouer la peau à quatre ado ayant violé puis kidnappé sa femme ! Sauf qu'en l'occurrence, il ne s'agit pas d'une traditionnelle vengeance comme on a coutume de voir dans les Vigilante Movies, Andrew  Norris s'efforçant avant tout de retrouver sa femme en VIE avant de tenter d'assassiner avec prévention ses oppresseurs ! D'une efficacité et d'une tension exponentielles quant à la confrontation impitoyable de ce dernier incessamment harcelé par la bande de punks (les comédiens charismatiques s'en donnant à coeur joie dans leur fourberie et raillerie criminelle tout en prédisant un avenir dystopique), Class 1984 signalait avec 20 ans d'avance l'insécurité instaurée en milieu éducatif. Quand bien même Mark Lester surligne avec outrance et dérision l'impuissance de la police et des professeurs si bien que l'un d'eux finira par sombrer dans une dépression suicidaire. A cet égard, personne n'eut oublié la prise d'otages scolaire que Rody McDowall s'inflige flingue à la main durant son cours de biologie pour mieux se faire entendre auprès de ses étudiants ! Débridé, sardonique et violemment réactionnaire, Class 1984 accumule donc les confrontations musclés entre cette troupe de délinquants sans vergogne, digne héritiers d'Orange Mécanique, et nos deux professeurs impliqués malgré eux dans un concours d'intimidations toujours plus hostiles. La tension régulière qui émane de leurs affrontements moraux et physiques finissant par engendrer une violence désaxée que Mark Lester justifie explicitement lors d'un climat de folie furieuse. Complètement frappadingue j'vous dis !


Ultra violent et sans concession de par ses excès de brutalité putassière (la fameuse séquence de viol et le carnage qui s'ensuit !) mais jouissif en diable car d'une efficacité optimale au gré des rapports de force que subissent délinquants psychopathes et professeurs justiciers, Class 1984 puise son intensité dans ce délire assumé et le jeu schizo des comédiens en roue libre (mention spéciale à Timothy Van Patten, délectable de perversité insidieuse). Et ce, bien avant de prophétiser l'inflation de la délinquance scolaire faute d'une démission de la ligue parentale. A savourer tout de même au second degré donc pour ce tableau halluciné de la violence convulsive ! 

*Bruno
22è visionnage

    jeudi 14 mai 2015

    Mad-Max: Fury Road

                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site absolutebadasses.com

    de George Miller. 2014. Australie/U.S.A. 2h00. Avec Tom Hardy, Charlize Theron, Nicholas Hoult, Hugh Keays-Byrne, Rosie Huntington-Whiteley, Riley Keough, Zoë Kravitz.

    Sortie salles France: 14 Mai 2015. U.S: 15 Mai 2015. Australie: 14 Mai 2015

    FILMOGRAPHIE: George Miller est un réalisateur, scénariste et producteur australien, né le 3 Mars 1945 à Chinchilla (Queensland). 1979: Mad-Max. 1981: Mad-Max 2. 1983: La 4è Dimension (dernier segment). 1985: Mad-Max : Au-delà du dôme du Tonnerre. 1987: Les Sorcières d'Eastwick. 1992: Lorenzo. 1997: 40 000 ans de rêve (documentaire). 1998: Babe 2. 2006: Happy Feet. 2011: Happy Feet 2. 2014: Mad Max: Fury Road.


                              "90% de ce que vous verrez à l'écran a vraiment eu lieu". Tom Hardy.
                              "J'ai fait Mad-Max pour retrouver l'essence du cinéma". George Miller. 

    30 ans d'attente il nous eut fallu endurer !!! 30 ans à se ronger les ongles pour escompter l'éventuel résurgence du "Road Warrior" sur nos écrans insalubres, et ce bien avant de fantasmer une poignée de trailers extatiques ! Mad-Max: Road Fury a enfin débarqué sur nos écrans en ce jour de gloire du 14 Mai 2015. Oui, jour de gloire si j'ose dire, dans la mesure où cette date commémorative restera ancrée dans le coeur des cinéphiles pour tous ceux qui eurent l'aubaine de découvrir le monstre sur la grande toile. Réalisateur de génie responsable d'une (première) trilogie proverbiale, George Miller s'est à nouveau surpassé dans sa fonction d'alchimiste n'ayant rien à envier à Méliès si bien qu'il réinvente ici le langage cinématographique sous le concept de l'actionner bourrin. Oubliez donc les puddings à l'aspartam cuisinés par ex par la saga Fast and Furious et plongez vous dans la course-poursuite automobile la plus longue et affolante du 7è art ! Tourné dans le désert de Namibie en Afrique australe, Mad-Max Fury Road débute avec l'apparition de notre héros solitaire adossé en amont d'une colline désertique. Synopsis: Alors qu'il tente de reprendre la route à bord de son Interceptor, Max est rapidement pris à parti et capturé par une horde de motards. Après une tentative d'évasion, il établit la rencontre d'Immortan Joe. Un leader imposant sa tyrannie auprès d'une population affamée réduit à l'esclavage. Parmi son clan d'alliés, l'impératrice Furiosa s'efforce de faire diversion pour s'échapper parmi ces épouses, quand bien même l'une d'elles porte l'enfant du tyran. Effrayé à l'idée de perdre son rejeton, Immortan Joe s'empresse dès lors de lâcher ses chiens de guerre contre Furiosa. Sur l'un des bolides antagonistes, Max, enchaîné et muselé, assiste impuissant à cette course infernale en plein désert. Spectacle homérique ahurissant d'inventivité formelle (notamment cette alternance d'intempérie nocturne et de climat solaire ! ) et de prouesse technique (sens du découpage à couper au rasoir !) dans son lot incessant de cascades automobiles s'affrontant sur des plaines tempétueuses au rythme hard-rock d'une guitare enflammée, Mad-Max Fury Road symbolise la fulgurance de surpasser tout ce qui a été vu au préalable afin de combler un public abasourdi par la tornade de bruit et de fureur.


    Nanti de décors et accessoires à couper le souffle dont le souci du détail permet de crédibiliser son univers post-apo, tant auprès de l'infrastructure de la citadelle d'Immortan Joe, de la morphologie débridée des bolides, motos et camions customisés, des défroques guerrières, des armes à canon scié, arbalètes, lance-flammes, tronçonneuse, que d'autres gadgets de destruction, c'est la résurrection d'une saga barbare que nous illustre George Miller parmi l'influence de freaks estropiés (le grimage tribal se succède au look cyberpunk) surgis de Métal Hurlant ! Véritable hymne à l'action dans sa noble générosité et son acuité, à mi-chemin entre le concert hard-rock et le ballet opératique, Mad-Max Fury Road multiplie par 10 les poursuites belliqueuses préalablement transfigurées par son modèle Mad-Max 2. Ainsi, en respectant avec une efficacité imparable la continuité de la mythologie sans jamais s'incliner vers la gratuité et la routine, Miller réussit à renouveler l'action (stratégies récursives d'attaques et de contre-attaques pour l'enjeu de l'eau et de la nourriture, d'allers et retours vers l'oasis de la terre verte, entre guet-apens et retrouvailles pacifistes !) grâce à la symétrie des corps à corps et affrontements motorisés chorégraphiés avec stylisme vertigineux ! Prenant pour thèmes la survie, l'espoir, l'entraide et la rédemption, principalement du point de vue d'une communauté de guerrières farouches, l'intrigue reprend les même motifs que Mad-Max 3 nous eut surligné sous l'impulsion d'une colonie d'enfants (Max s'était alors érigé en figure christique face à leur influence pour renouer contre son gré avec sa part d'humanité). En l'occurrence, les enfants sont ici substitués par des femmes aussi fragiles dans leur soumission de procréation que martiales pour défier leur oppresseur devant le témoignage d'un Max sévèrement individualiste. Car toujours hanté par son passé meurtri mais à nouveau impliqué dans un contexte impitoyable de survie, Max devra s'initier à la confiance et à la fraternité afin de prêter à main forte à ces rebelles féministes avec l'icone de Furiosa. Charlize Theron endossant avec charisme viril une guerrière redoutablement pugnace lors de ses bravoures intensives tout en y insufflant une profonde humanité quant à la destinée de sa communauté en quête de héros. D'ailleurs, bien que convaincant mais quelque peu desservi par sa posture indécise et finalement secondaire (il ne fait qu'épauler durant tout le périple la tribu de Furiosa), Tom Hardy se prête au jeu du guerrier de la route avec moins d'aplomb que sa partenaire, notamment faute de ses états d'âme perturbés par une réminiscence filiale. 


    This is a Lovely Day ! 
    Habité par le rugissement d'une course-poursuite rarement à court de carburant alors que la folie convulsive irrigue les pores de chaque pilote, Mad-Max Fury Road réinvente le cinéma d'action avec une virtuosité et une inventivité telle qu'une première vision nous empêche d'en capter toutes ses trouvailles ! (à l'instar du cinéma précurseur de Buster Keaton et de John Woo). D'autre part, sous son aspect de roller coaster insatiable conçu pour transcender indéfiniment la prochaine action s'y dévoile aussi l'humilité de la cause féminine. Par le biais de leur courage, leur espoir et leur sens de cohésion, l'homme semble aujourd'hui destiné à réapprendre ses valeurs perdues malgré l'entêtement du guerrier solitaire. Max, héros encore déchu de son lourd passé pour autant potentiellement apte à tolérer une nouvelle existence communautaire. 

    Yannick Dahan et Fury Road: http://www.cineplus.fr/pid5876-cine-frisson.html?vid=1280416

    mercredi 13 mai 2015

    CALVAIRE. Prix de la Critique, Prix du Jury, Prix Première, Gérardmer 2005.

                                                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

    de Fabrice Du Welz. 2004. France/Belgique/Luxembourg. 1h33. Avec Laurent Lucas, Jackie Berroyer, Philippe Nahon, Jean-Luc Couchard, Brigitte Lahaie, Gigi Coursigny.

    Sortie salles France: 16 Mars 2005. Belgique: 9 Mars 2005

    FILMOGRAPHIE: Fabrice Du Welz est un réalisateur belge, né le 21 Octobre 1972.
    2004: Calvaire. 2008: Vinyan. 2014: Colt 45. 2014: Alleluia.


    Récompensé au Festival de Gérardmer, de Cannes et d'Amsterdam, Calvaire surpris les cinéphiles pour ce premier essai réalisé par un cinéaste belge, Fabrice Du Welz. Véritable coup de maître dans la maîtrise de sa mise en scène autonome cédant parfois à l'expérimentation et dans sa faculté de distiller un malaise aussi prégnant que répulsif, Calvaire emprunte le genre horrifique sous couvert de survival hérité de ses ancêtres Délivrance et Massacre à la Tronçonneuse (dont un fameux "clin d'oeil" pour la scène du souper !). Après son dernier concert, un chanteur de maison de retraite tombe en panne de voiture sur le chemin forestier du retour. Par le biais d'un étrange inconnu, Marc est ensuite aimablement dirigé vers l'hospitalité de Bartel, un veuf vivant reclus dans sa ferme. Au fil de leur relation amicale, Marc éprouve un malaise face à la désinvolture de ce dernier hanté par sa solitude depuis le décès de sa femme. Alors qu'il s'était disposé à réparer son véhicule, Bartel s'en débarrasse finalement afin de séquestrer son hôte. Le calvaire peut commencer... 


    Plongée horrifique dans le tréfonds de l'aliénation mentale, Calvaire aborde la thématique du refoulement sexuel du point de vue de paysans vivant en autarcie dans leur nature sauvage. Privés de toute présence féminine, ils s'adonnent en guise de sexualité et d'ennui à la zoophilie sur leur propre bétail. Ce qui nous vaut déjà une étreinte sulfureuse proprement dérangeante dans sa manière de diluer une perversité immorale par la suggestion de l'acte innommable. Farce macabre sur le besoin irrépressible d'être aimé et le poids de la déréliction entraînant chez ces métayers rétrogrades une schizophrénie influente, Calvaire multiplie les séquences inconfortables sous la main-mise du ravisseur Bartel. L'incroyable Jackie Berroyer endossant son rôle avec une ironie sournoise dans ses expressions d'impudence et de pulsions désaxées. Toutes les séquences d'humiliations et de tortures infligées sur Marc s'avérant aussi cruelles que sardoniques dans sa condition de victime estropiée. Réduit à l'état de travelo tuméfié d'ecchymoses, ce dernier est contraint de se fondre dans la peau de l'épouse soumise sous l'impériosité possessive de Bartel. Quand aux seconds-rôles tout aussi demeurés qui empiètent le récit, Fabrice Du Welz persévère dans le malsain et le crapoteux lorsque les voisins de Bartel décident de s'accaparer de son fameux trophée en guise d'esclavage sexuel. Influencé notamment par la Traque de Serge Leroy, il nous transcende une dernière partie aussi anxiogène que chimérique lorsque Marc est contraint de s'incliner dans les brumes d'une forêt spectrale où plane un silence de mort (des plages oniriques d'un esthétisme ténébreux à couper le souffle !). 


    A travers les thèmes de l'obsession sexuelle et amoureuse, du refoulement, de la psychose et de l'isolement, Fabrice Du Welz transfigure avec Calvaire un sommet d'horreur psychologique où l'humour noir et le scabreux se télescopent avec un réalisme déroutant (à l'instar de la "danse obsédante des fous" composée au piano dans une auberge chargée d'atmosphère sulfurique !). Fascinant et perturbant à la fois, l'expérience de Calvaire, survival référentiel, possède finalement une identité quant à la personnalité hétérodoxe de son auteur provocateur.  

    Bruno Matéï

    Récompenses: Grand Prix du meilleur film fantastique européen, lors du Festival du film fantastique d'Amsterdam en 2005
    Prix de la critique internationale, Prix du jury et Prix Première, au festival de Gérardmer, 2005
    Nomination au prix de la meilleure photographie, lors des Joseph Plateau Awards en 2006
    Prix Très Spécial, Cannes 2004

    mardi 12 mai 2015

    MAGGIE

                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site journaldugeek.com

    de Henry Hobson. 2015. U.S.A. 1h35. Avec Arnold Schwarzenegger, Abigail Breslin, Joely Richardson, Aiden Flowers, Carsen Flowers, J.D. Evermore.

    Sortie salles France: 27 Mai 2015. U.S: 8 Mai 2015

    FILMOGRAPHIE: Henry Hobson est un réalisateur américain.
    2015: Maggie.


    A cause d'une pandémie en roue libre et avec le soutien du médecin, un père envisage de se reclure dans sa demeure familiale afin d'éviter le placement en quarantaine de sa fille infectée. Progressivement, la transformation morale et physique de cette dernière gagne du terrain... Prenant pour thème l'infection du point de vue du zombie, Maggie tente de dépoussiérer le genre horrifique dans une forme intimiste afin de se démarquer de la surenchère que nombre de réalisateurs ont le plus souvent trivialisé dans les séries B d'exploitation.



    Baignant dans une mélancolie existentielle où la nature désaturée se défraîchie devant le témoignage sentencieux de métayers, la première oeuvre de Henry Hobson fait inévitablement preuve d'intentions louables par sa sincérité à privilégier l'étude de caractère et le climat dépressif en décrépitude. Confinant l'essentiel de son action sur les rapports familiaux en huis-clos d'un père et de sa fille prochainement destinés à se séparer face à la maladie, le film est contrebalancé d'un score élégiaque aussi sensible qu'infructueux. Métaphore sur le cancer et le crédit du temps présent, Maggie tente de provoquer une émotion candide quant à la situation désespérée de cette adolescente en phase terminale, quand bien même le père ("joué" par un Schwarzzie aussi apathique que stérile, alors que tout le monde s'attendait enfin à LA révélation de sa carrière !) observe sa dégénérescence avec une empathie bouleversée. Chargé de sinistrose pour la condition démunie de cette victime en quête d'amour de dernier ressort et de rédemption, Henry Hobson n'insuffle jamais une quelconque émotion, faute d'une direction d'acteurs jamais investis dans leur fonction altruiste et surtout d'une réalisation austère survolant un cheminement narratif en perte de vitesse. Il en émane un sentiment de frustration permanent quant aux intentions sincères de mettre en valeur les ressorts dramatiques de l'amour filial et la crainte de la mort auquel le script, futile, ne réserve jamais d'éventuels surprises pour la fatalité de Maggie.


    Poussif, jamais empathique ou poignant (ou alors avec parcimonie en de brèves occasions) et ennuyeux à force de ressasser la relation précaire d'un père et de sa progéniture en mutation, Maggie rate le coche de ses intentions intègres, faute d'un scénario défaillant, d'une interprétation anémique et d'une réalisation inexpressive. Reste quelques belles images de poésie bucolique et un soupçon d'esthétisme envoûtant au sein de sa nature décharnée. 

    Bruno Matéï

    lundi 11 mai 2015

    ALLELUILA

                                                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmosphere.com

    de Fabrice Du Welz. 2014. Belgique/France. 1h35. Avec Stéphane Bissot, Lola Duenas, Edith Le Merdy, Anne-Marie Loop, Laurent Lucas, David Murgia, Helena Noguerra.

    Sortie salles France: 26 Novembre 2014

    FILMOGRAPHIE: Fabrice Du Welz est un réalisateur belge, né le 21 Octobre 1972.
    2004: Calvaire. 2008: Vinyan. 2014: Colt 45. 2014: Alleluia.


    Raymond Fernandez et sa compagne Martha Beck devinrent célèbres sous le nom des « Lonely Hearts Killers » (les « Tueurs aux petites annonces ») à la suite de leur procès pour une série de meurtres commis en 1949. On estime qu’ils ont tué jusqu’à 20 femmes entre 1947 et 1949.

    S'inspirant de l'affaire des "Tueurs aux petites annonces" que Leonard Kastle avait magnifiquement porté à l'écran dans Les Tueurs de la Lune de Miel, Fabrice Du Welz la réadapte à sa sauce singulière, Alleluila surfant entre le cinéma de genre et celui d'auteur. Employée dans une morgue et divorcée, Gloria fait la rencontre de Michel par le biais d'une annonce. Follement amoureuse de lui, elle s'aperçoit rapidement que derrière l'apparence de son gentleman se cache un prédateur escroquant les femmes célibataires. Après lui avoir pardonné sa première infidélité, elle s'engage de s'associer avec lui afin d'être à ses côtés et de pouvoir préserver son amour. Mais la jalousie ardente de Gloria finit par la mener vers la folie meurtrière. 


    Révélé par le cauchemardesque Calvaire, Fabrice Du Welz renoue avec l'ambiance éthérée d'une étrangeté indicible où la mise en scène, inventive et ciselée, est conçue pour bousculer les sens du spectateur en perte de repères. Prenant pour thèmes l'amour fou et le crime passionnel, Alleluia nous relate entre réalisme cru et poésie baroque le parcours en chute libre d'un couple d'amoureux compromis par l'adultère. De par le point de vue influençable d'un gigolo redoutablement pervers dans ces intentions perfides à manipuler la gente féminine tout en profitant sexuellement de leurs corps. Par son comportement aussi cruel que cynique, comment peut-il alors éprouver de véritables sentiments pour sa muse au moment où cette dernière observe par le trou de la serrure ses ébats avec une impuissance toujours plus inconsolable ? Baignant dans une atmosphère aussi diaphane qu'irrésistiblement vénéneuse, Alleluia parvient à créer un malaise diffus au fil de son cheminement dramatique quant à la posture toujours plus irascible de Gloria. Illuminée par la présence de Lola Duenas, l'actrice ibérique parvient à dégager une intense émotion par son charme pétillant d'embrasser l'amour à bras ouvert avant d'engendrer une jalousie maladive face au témoignage dégradant de Michel. Cette rage d'aimer, ce désir possessif de s'accaparer de lui étant retranscrit avec une vérité fulgurante et un jeu viscéral habité par la psychose. Déjà remarqué dans Calvaire, Stéphane Bissot lui partage dignement la vedette dans une présence longiligne d'escroc à la petite semaine englué dans sa médiocrité du chantage, du subterfuge et d'une déviance sexuelle insatiable. Dans un rôle secondaire de dernier ressort, Helena Noguerra (soeur de la chanteuse Lio) s'en sort honorablement pour incarner la beauté d'une jeune mère célibataire, plus lucide et affirmée que les autres victimes, mais néanmoins dépourvue de perspicacité à déflorer la véritable identité de Michel. Dernier point que j'aimerai relever pour témoigner de la qualité essentielle de la distribution, la présence infantile de la petite Pili Groyne ! Cette dernière parvenant à afficher avec un incroyable tempérament naturel une fillette dégourdie nantie de réparties cuisantes (voir l'incroyable séquence de la discorde maternelle !), juste avant de rehausser l'intensité d'un enjeu de survie pour sa condition de victime tantôt choyée, tantôt molestée !


    Malsain, dérangeant et plutôt cru dans sa violence gore ou son érotisme ostensible, insolite, étrange et pastel à la fois, Alleluia fait office de conte de fée frelaté dans son constat imparti à l'amour fou et à sa trahison. Par le biais de sa mise en scène alambiquée (notamment ce parti-pris de filmer au plus près les corps et les regards pour en capter l'essence des sentiments) et le jeu machiavélique des acteurs, l'oeuvre choc renouvelle son fait divers avec un pouvoir de séduction nécrosé. 

    Bruno Matéï

    La Chronique des Tueurs de la Lune de Miel : http://brunomatei.blogspot.fr/2014/09/les-tueurs-de-la-lune-de-miel-honeymoon.htm
    La Chronique de Calvairehttp://brunomatei.blogspot.fr/…/calvaire-prix-de-la-critiqu…

    Les autres adaptations: Un homme fatal (Lonely Hearts de Andrew Lane, 1991), Carmin profond (1996), Cœurs perdus (2006) ainsi qu’un épisode de la télé-série Cold Case : Affaires classées.

    samedi 9 mai 2015

    KINGSMAN: SERVICES SECRETS

                                                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmosphere.com 

    "Kingsman: The Secret Service" de Matthew Vaughn. 2014. Angleterre/U.S.A. 2h08. Avec Taron Egerton, Colin Firth, Samuel L. Jackson, Mark Strong, Michael Caine, Sophie Cookson.

    Sortie salles France: 18 Février 2015. U.S: 13 Février 2015

    FILMOGRAPHIE: Matthew Vaughn est un réalisateur, scénariste et producteur anglais, né le 7 Mars 1971 à Londres.
    2004: Layer Cake. 2007: Stardust, le mystère de l'étoile. 2010: Kick-Ass. 2011: X Men, le commencement. 2014: Kingsman: services secrets. 


    Réalisateur anglais célébré par Kick-Ass, c'est durant ce tournage que Matthew Vaughn eut à nouveau l'idée de transposer à l'écran un autre Comic Book, The Secret Service. Sous l'impulsion d'un jeune acteur novice en tête d'affiche (Taron Egerton s'en sort aisément dans sa stature pugnace de jeune loup en apprentissage !) et d'une poignée d'acteurs renommés (Samuel L. Kackson, Michael Caine, Colin Firth), Kingsman: services secrets nous cuisine un savoureux cocktail d'action, d'aventures et de cocasserie dans un esprit décomplexé où pointe le politiquement incorrect. Clairement pensé comme une parodie de James Bond et un hommage aux "vieux" classiques du cinéma noble, l'intrigue allie espionnage industriel outre-mesure (que Samuel L. Jackson se prend malin plaisir à comploter dans une posture de grand benêt !), et action homérique cultivant le goût du gore cartoonesque (même si certains effets numériques ratés viennent désamorcer leur impact spectaculaire).


    Scindé en deux parties, Kingsman privilégie de prime abord l'entraînement intensif de jeunes recrues se disputant le poste du prochain "Lancelot" au sein de la prestigieuse agence, Kingsman. Ce dernier, parti en mission, ayant été lâchement exécuté par l'acolyte d'un magnat utopiste prêt à parfaire un complot meurtrier contre l'humanité. Par le biais de cette conjuration ciblant Internet et les Smartphones, Matthew Vaughn en profite pour se railler de la société de consommation (Mac-Donald notamment dont Richmond Valentine s'en porte garant !), de ces appareils modernes toujours plus performants afin de nous inciter à repasser au tiroir-caisse. Qui plus est, la religion est également mise au pilori lors d'un stratagème expérimental, un carnage festif au sein d'une église intégriste. La seconde partie mise ensuite l'accent sur les stratégies d'attaque et de défense que nos héros vont tenter de transcender sous la houlette de l'agent Merlin. Quand bien même Valentine est sur le point de lobotomiser la population mondiale en meurtriers désaxés sous l'impulsion d'une carte Sim ! Si le film parvient habilement à amuser et à solliciter notre attention, il le doit également aux ressorts dramatiques qui interfèrent durant le cheminement incertain du héros en quête paternelle et identitaire (une manière de relancer l'intensité des enjeux d'un point de vue vindicatif et de le tester à l'épreuve de la riposte !), et à son intrigue en chute libre traversée de frénésie incontrôlée ! A l'instar du final orgasmique, délire assumé de gags sardoniques, subterfuges à répétition, gun-fights stylisés et corps à corps chorégraphiés. Qui plus est, la galerie de personnages extravagants s'en donnent à coeur joie d'afficher leurs bravoures fantaisistes par le biais de gadgets insolents conçus pour épicer les confrontations belliqueuses !


    Avec son esthétisme vintage combiné dans une facture high-tech d'anticipation, à l'instar de la défroque excentrique de ces espions au tailleur impeccable, Kingsman parvient à renouveler le genre d'espionnage grâce à l'esprit décomplexé de l'action bourrine et de la cocasserie cartoonesque. Un divertissement survitaminé tirant donc parti de sa fougue par son refus infaillible de prétention. James Bond n'a qu'à bien s'tenir et continuer à faire grise mine ! 

    Bruno Matéï

    vendredi 8 mai 2015

    The King of New-York

                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site Silverferox

    d'Abel Ferrara. 1990. Italie/Angleterre/U.S.A. 1h43. Avec Christopher Walken, David Caruso, Laurence Fishburne, Victor Argo, Wesley Snipes, Janet Julian, Joey Chin, Steve Buscemi.

    Sortie salles France: 18 Juillet 1990. U.S: 28 Septembre 1990

    Récompense: 1991: MysFest -"Best Direction" (Abel Ferrara) Prix du meilleur réalisateur

    FILMOGRAPHIE: Abel Ferrara est un réalisateur et scénariste américain né le 19 Juillet 1951 dans le Bronx, New-York. Il est parfois crédité sous le pseudo Jimmy Boy L ou Jimmy Laine.
    1976: Nine Lives of a Wet Pussy (Jimmy Boy L). 1979: Driller Killer. 1981: l'Ange de la Vengeance. 1984: New-York, 2h du matin. 1987: China Girl. 1989: Cat Chaser. 1990: The King of New-York. 1992: Bad Lieutenant. 1993: Body Snatchers. Snake Eyes. 1995: The Addiction. 1996: Nos Funérailles. 1997: The Blackout. 1998: New Rose Hotel. 2001: Christmas. 2005: Mary. 2007: Go go Tales. 2008: Chelsea on the Rocks. 2009: Napoli, Napoli, Napoli. 2010: Mulberry St. 2011: 4:44 - Last Day on Earth. 2014: Welcome to New-York. 2014: Pasolini.


    Deux ans avant son chef-d'oeuvre Bad Lieutenant, Abel Ferrara nous eut déjà estomaqué avec le fulgurant King of New-York. Hormis son échec commercial à sa sortie et des critiques parfois mitigées, le film finit au fil des années par se tailler une réputation culte auprès d'une frange de cinéphiles jamais remis d'une expérience aussi opaque et frénétique. Une fresque mafieuse inscrite dans le nihilisme, notamment pour son portrait imparti à la déliquescence morale d'antagonistes convergeant inévitablement vers l'impasse. Transcendé de la présence ensorcelante de Christopher Walken dans l'un de ses meilleurs rôles, The King of New-York hypnotise les sens du spectateur de par sa faculté immersive à nous plonger dans l'univers du gangstérisme parmi l'obédience d'un caïd à peine libéré de prison. Le pitchDélibéré à reprendre le contrôle de sa ville et peut-être postuler pour la place de Maire, Frank White est malencontreusement contraint de livrer une bataille sans merci contre le cartel pour se disputer l'enjeu de la drogue. Soutenu par quelques avocats corrompus, sa manoeuvre triviale a également pour but de financer la reconstruction d'un hôpital afin de venir en aide aux plus démunis et pour se racheter une bonne conscience. Mais une poignée de flics réactionnaires ont décidé de transgresser leur règle pour mieux alpaguer celui que l'on surnomme: le Roi de New-York. 


    Polar ultra violent à travers ses éclairs de brutalité acérés déployant règlements de compte entre bandes rivales ainsi qu'une poursuite automobile effrénée au coeur de l'enfer new-yorkais, The King of New-York est l'un des films les plus envoûtants (score lancinant à l'appui !) que l'on ait pu inscrire sur pellicule. Un polar d'une noirceur abyssale, une virée cauchemardesque dans les tréfonds d'une métropole agonisante où gangsters et flics se provoquent mutuellement avec un entêtement suicidaire. Nanti d'un esthétisme crépusculaire et d'une mise en scène stylisée où le luxe est également mis en contraste afin de mettre en exergue l'addiction que peut insuffler une existence aussi faste que celle de Frank et ses sbires, The King of New-York reproduit le même effet de fascination que pouvait l'être le personnage de Tony Montana dans Scarface. Ce même attrait pour le goût de l'argent et des résidences luxueuses auquel la compagnie de jeunes filles en lingerie fine se récurent le nez avant de passer à l'étreinte ou à l'affront (elles font également usage des flingues pour protéger leur baron). Peinture nihiliste d'une société dégingandée engluée dans la corruption de l'argent et l'affluence de la drogue face à la pression d'une criminalité incontrôlable, Abel Ferrara cristallise l'idée du chaos avec un réalisme proprement crépusculaire. Ainsi, par le biais du personnage iconique de Frank White, il provoque une empathie ambivalente pour sa posture héroïque de gangster intouchable et son absolution d'y financer un Hôpital tout en continuant d'exercer ses exactions sanglantes auprès de parrains impliqués dans les trafics d'être humains et l'exploitation sexuelle de mineurs. S'efforçant d'incarner une sorte de Robin des Bois des temps modernes en quête de rédemption, Frank White n'en reste pas moins un ange exterminateur tributaire de son idéologie mégalo à travers ses pulsions irréfragables de haine et de violence.  


    Cocaïne
    Chef-d'oeuvre du polar noir d'une intensité viscérale électrisante, The King of New-York reste l'un des plus fascinants films de gangsters jamais réalisés. En ange de la mort, Frank White faisant office de légende criminelle pour ses ambitions disproportionnées à dompter une ville en chute libre. Il en émane une fresque de décadence d'un pessimisme absolu auquel son pouvoir vénéneux s'avère aussi étrangement stimulant que profondément malsain quant à sa peinture baroque du vice, du stupre et du luxe. 

    Dédicace à Daniel Aprin
    Bruno Matéï
    6èx

    jeudi 7 mai 2015

    New-York, 2 heures du Matin

                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site backtothemovieposters.blogspot.com

    "Fear City" de Abel Ferrara. 1984. U.S.A. 1h36. Avec Tom Berenger, Melanie Griffith, Billy Dee Williams, Jack Scalia, Rossano Brazzi, Rae Dawn Chong, John Foster.

    Sortie salles France: 18 Juillet 1984. U.S: 16 Février 1985.

    FILMOGRAPHIE: Abel Ferrara est un réalisateur et scénariste américain né le 19 Juillet 1951 dans le Bronx, New-York. Il est parfois crédité sous le pseudo Jimmy Boy L ou Jimmy Laine. 1976: Nine Lives of a Wet Pussy (Jimmy Boy L). 1979: Driller Killer. 1981: l'Ange de la Vengeance. 1984: New-York, 2h du matin. 1987: China Girl. 1989: Cat Chaser. 1990: The King of New-York. 1992: Bad Lieutenant. 1993: Body Snatchers. Snake Eyes. 1995: The Addiction. 1996: Nos Funérailles. 1997: The Blackout. 1998: New Rose Hotel. 2001: Christmas. 2005: Mary. 2007: Go go Tales. 2008: Chelsea on the Rocks. 2009: Napoli, Napoli, Napoli. 2010: Mulberry St. 2011: 4:44 - Last Day on Earth. 2014: Welcome to New-York. 2014: Pasolini.


    Trois ans après l'Ange de la Vengeance, Abel Ferrara renoue avec les ambiances nocturnes de la métropole new-yorkaise soumise ici aux exactions d'un serial-killer expert en arts-martiaux. 
    Le pitch: Matty, ancien boxeur aujourd'hui associé à un club de strip-tease assiste impuissant au déclin de son buziness depuis les agressions sanglantes commises sur ses effeuilleuses. Rongé par le remord d'avoir tué un de ses adversaires en plein match de boxe, il se retrouve dans une impasse à tenter d'appréhender le mystérieux tueur. Jusqu'au jour où son comparse et sa petite amie deviennent les nouvelles cibles de l'assassin. Entièrement filmé de nuit au sein des quartiers miteux de Manhattan,  New-York, 2 heures du matin s'édifie en fascinante plongée dans le cadre d'une boite de strip-tease prise à parti avec un maniaque dont nous ne connaîtrons jamais le mobile. L'intérêt résidant plutôt dans le portrait de cet ancien boxeur hanté par sa culpabilité depuis un homicide involontaire. En quête de rédemption, et c'est là où l'intrigue distille un parfum de souffre particulièrement vénéneux, ce dernier s'efforce de s'opposer à la violence jusqu'au jour où il est contraint de s'y adonner depuis un concours de circonstances toujours plus préjudiciables. 


    Car au risque de sombrer dans la faillite professionnelle et s'attirant la colère de ces rivaux pour leur entreprise en chute libre, Matt finit par sombrer dans l'obsession d'appréhender coûte que coûte le responsable de ses ennuis et de ses névroses. Ce qui culminera vers un final redoutablement âpre lorsqu'il usera à nouveau de ses poings pour éradiquer un adversaire adepte en arts-martiaux. Outre l'efficacité de l'intrigue oscillant les rebondissements horrifiques et les rapports de force entre associés véreux (notamment la filature infructueuse d'une police réactionnaire) et membres mafieux (que notre anti-héros côtoie depuis un contexte sanglant de son enfance), New-York, deux heures du matin tire-parti de son pouvoir de fascination par son climat d'authenticité régi au sein d'une jungle urbaine à laquelle une faune marginale se complaît au voyeurisme. En dépit des rôles secondaires criants de vérité dans leur stature machiste ou burinée (à l'instar de l'intervention mafieuse d'un parrain), le film est transcendé de la carrure inflexible de Tom Berenger portant le film à bout de bras de sa stature proscrite. Ce dernier endossant dans une attitude à la fois flegme et renfrognée un macro au coeur tendre assailli par la culpabilité de son instinct meurtrier. Il y émane un saisissant portrait sans concession car à double-tranchant, ce dernier étant contraint de réveiller sa tendance destructrice pour la survie de sa compagne et afin d'inhumer son passé galvaudé. 


    D'une violence percutante et d'une morale ambiguë, New-York, deux heures du matin n'a rien perdu de sa puissance d'évocation de par l'illustration sordide de sa jungle urbaine subordonnée à la perversion et au crime gratuit. Taillé sur-mesure dans une intrigue solide terriblement magnétique, ce redoutable psycho-killer exploite notamment avec beaucoup d'efficacité le caractère oppressant du contexte horrifique parmi la facture psychologique d'un anti-héros condamné à l'impasse après avoir ranimer ses pulsions meurtrières. A ne pas rater. 

    *Bruno Matéï
    14.05.22. 5èx

    mercredi 6 mai 2015

    L'AME DES GUERRIERS. Meilleur Premier Film, Mostra de Venise, 1994

                                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site soundtrackcollector.com

    "Once Were Warriors" de Lee Thamahori. 1994. Nouvelle-Zélande. 1h42. Avec Rena Owen, Temuera Morrison, Mamaengaroa Kerr-Bell, Julian Arahanga, Taungaroa Emile, Rachael Morris Jr, Joseph Kairau.

    Récompense: Meilleur premier film, Mostra de Venise, 1994

    Sortie salles France: 10 Janvier 1994

    FILMOGRAPHIE: Lee Tamahori est un réalisateur néo-zélandais, né le 17 Juin 1950 à Wellington. 
    1994: L'âme des Guerriers. 1996: Les Hommes de l'Ombre. 1997: A couteaux tirés. 2001: Le Masque de l'Araignée. 2002: Meurs un autre jour. 2004: XXX 2. 2007: Next. 2011: The Devil's Double. 2015: Emperor.


    Uppercut émotionnel comme on en voit rarement à l'écran, l'Ame des Guerriers dépeint avec réalisme à couper au rasoir la descente aux enfers d'une famille de Maoris, faute de l'autorité castratrice d'un père de couleur noir rongé par l'alcool et blasé par l'esclavage de ces ancêtres. Epaulé d'une photo ocre afin d'accentuer le climat irrespirable d'un environnement insalubre, ce premier film laisse une cicatrice indélébile dans l'esprit du spectateur peu habitué à s'incliner devant une expérience aussi brutale ! 


    Prenant pour cadre la banlieue déshéritée d'Auckland en Nouvelle-Zélande, Lee Tamahori aborde les thèmes du chômage, de la délinquance, de la violence conjugale et de la démission parentale, la cellule familiale volant ici en éclat, du point de vue d'une misère sociale sans repères. Les enfants livrés à eux-même, car témoins de la déliquescence parentale, trinquant inévitablement pour se réfugier vers la drogue et la marginalité. Notamment parmi le repère influent d'une bande de guerriers juvéniles grimés de tatouages tribaux à l'instar de leurs ancêtres Maoris. Par le biais de la figure paternelle en déchéance morale, faute de son alcoolisme et de son refus d'assumer son rôle paternel, Lee Tamahori nous assène de plein fouet des discordes conjugales d'une brutalité à la limite du soutenable. Si l'épreuve de force de l'âme des Guerriers s'avère si oppressante par son intensité névralgique, c'est qu'il parvient à distiller un malaise proche du marasme pour la condition déplorable impartie à la femme battue. Humiliée, menacée de mort et molestée sous les coups d'un phallocrate dépendant de sa musculature, de sa lâcheté et de sa médiocrité, cette dernière persévère néanmoins à lui tenir tête avec une dignité féminine. Observant leur condition miséreuse où les orgies d'alcool sont monnaie courante lors de soirées entre amis peu fréquentables, l'âme des guerriers transcende le portrait de cette mère de famille gagnée par la rage de vaincre la tyrannie machiste après avoir assumé son inadvertance maternelle, passée une tragédie inconsolable.   


    D'une rigueur émotionnelle parfois insupportable mais d'une dignité bouleversante pour la stature vaillante allouée à la femme battue, l'âme des Guerriers transcende ses clichés de sinistrose grâce à son réalisme tranché et à la dimension fragile de ses laissés-pour-compte reconvertis en guerriers conquérants. Un très grand film aussi furieusement épique que bouleversant dans sa dramaturgie opiniâtre, et un vibrant hommage à la communauté spirituelle des Maoris !
    Pour public averti

    Dédicace à Peter Hooper
    Bruno Matéï
    3èx

      mardi 5 mai 2015

      DEAD ZONE. Prix de la Critique, Prix du Suspense, Antenne d'Or, Avoriaz 1984.

                                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site imagesetmots.fr

      "The Dead Zone" de David Cronenberg. 1983. U.S.A. 1h44. Avec Christopher Walken, Brooke Adams, Tom Skerritt, Herbert Lom, Anthony Zerbe, Colleen Dewhurst, Martin Sheen, Sean Sullivan.

      Sortie salles France: 7 Mars 1984. U.S: 21 Octobre 1983

      FILMOGRAPHIE: David Cronenberg est un réalisateur canadien, né le 15 mars 1943 à Toronto (Canada). 1969: Stereo. 1970: Crimes of the Future. 1975: Frissons. 1977: Rage,1979: Fast Company. 1979: Chromosome 3. 1981: Scanners. 1982: Videodrome. 1983: Dead Zone. 1986: La Mouche. 1988: Faux-semblants. 1991: Le Festin nu. 1993: M. Butterfly. 1996: Crash. 1999: eXistenz. 2002: Spider. 2005 : A History of Violence. 2007: Les Promesses de l'ombre. 2011: A Dangerous Method. 2012: Cosmopolis. 2014: Maps to the Stars.


      Un an après son chef-d'oeuvre visionnaire, Videodrome, David Cronenberg s'est entrepris en 1983 d'adapter à l'écran, et pour la première fois de sa carrière, un roman de Stephen King. Couronné du Prix de la Critique, du Prix du Suspense et de l'Antenne d'Or à Avoriaz, Dead Zone a notamment bénéficié des faveurs du public et de la critique après un succès commercial dignement mérité. Pourvu d'un scénario original déployant des intrigues annexes toujours plus captivantes et alarmistes quant à l'issue précaire du destin de l'humanité, ce drame psychologique d'une grande intensité est transcendé par la présence de Christopher Walken. L'acteur se fondant dans la peau du professeur infirme avec une vérité humaine proprement bouleversante par son statut fragile de medium tributaire de son don, et donc rapidement étiqueté par la population comme un charlatan, voir une bête de foire.


      Après un terrible accident qui lui valu 5 ans de coma et la rupture sentimentale avec sa fiancée, John Smith souffre de visions prophétiques uniquement par le contact d'une poignée de mains. Grâce à son pouvoir inexpliqué, il réussit à extirper des flammes une fillette lors d'un incendie domestique. Sa notoriété grandissante, la police lui suggère son appui pour le cas d'un serial-killer sévissant depuis quelques années au sein de Castle Rock. Plongé dans sa solitude car victime de son fardeau surnaturel, il refuse leur proposition avant de se raviser. Quand bien même il s'aperçoit finalement qu'il est non seulement capable d'entrevoir le passé et le présent mais qu'il est également apte à en modifier le futur. Plaidoyer pour le droit à la différence lorsqu'un individu victime de sa clairvoyance est contraint de se reclure, faute de l'intolérance et la curiosité des citadins avides de sensationnalisme, David Cronenberg en établit le portrait fragile d'un homme entraîné dans une dérive d'évènements aussi graves que fructueux quand à l'issue de leurs résolutions. Par le biais de son destin singulier, la déveine que John protestait dans une insupportable solitude va finalement se transformer en offrande lorsque le sort de l'humanité s'apposera entre ses mains. Par la gravité d'un contexte apocalyptique laissant présager la gestation d'une 3è guerre mondiale, David Cronenberg distille un suspense tendu tout en ironisant sur la démagogie sournoise du monde politique lorsqu'un candidat à la présidence redouble de persuasion à endoctriner son électorat à renfort de serments racoleurs. Sur ce point, l'interprétation pleine d'à-propos de Martin Sheen s'avère délectable dans sa faculté machiavélique à dompter sa population mais aussi son entourage et ses concurrents, notamment par l'intimidation du chantage. Se rattachant toujours à la dimension humaine de John partagée entre la raison d'un acte d'héroïsme et la passion des sentiments, l'intrigue accorde davantage de crédit à la déchirante histoire d'amour que ce dernier endure parmi la présence récurrente de son ancienne compagne, supporter politique de Greg Stillson !


      "Si le futur était entre vos mains, le changeriez-vous ?"
      Sous couvert d'argument fantastique accordant une réflexion sur la nature plausible du don, Dead Zone juxtapose le drame psychologique et la romance impossible du point de vue d'un medium en quête de rédemption. Dans sa fonction précaire d'invalide partagé entre la malédiction du sort et le sens du devoir, David Cronenberg en extrait un chef-d'oeuvre de sensibilité que Christopher Walken transfigure avec une émotion humaine à fleur de peau (score mélodique de Michael Kamen à l'appui).  

      Bruno Matéï
      8èx

      Récompenses:
      Saturn Award du meilleur film d'horreur, 1984
      Prix de la critique, prix du suspense et Antenne d'or au Festival international du film fantastique d'Avoriaz 1984.
      Meilleur film et prix du public au Fantafestival, 1984.

      lundi 4 mai 2015

      POLYTECHNIQUE

                                                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmofilia.com

      de Denis Villeneuve. 2009. Canada. 1h17. Avec Karine Vanasse, Sébastien Huberdeau, Maxim Gaudette, Evelyne Brochu, Pierre-Yves Cardinal, Johanne-Marie Tremblay.

      Inédit en salles en France. 

      FILMOGRAPHIE: Denis Villeneuve est un scénariste et réalisateur québécois, né le 3 octobre 1967 à Trois-Rivières.
      1996: Cosmos. 1998: Un 32 Août sur terre. 2000: Maelström. 2009: Polytechnique. 2010: Incendies. 2013: An Enemy. 2013: Prisoners.


      Réalisateur aujourd'hui reconnu du public grâce à ces deux récentes oeuvres, Prisoners et Enemy, Dennis Villeneuve s'était intéressé en 2009 à relater les tragiques évènements de la tuerie de l'école polytechnique de Montréal survenue le 6 Décembre 1989 au Quebec. Tourné en noir et blanc, Polytechnique retransmet avec souci documentaire la journée sanglante qui eut lieu au sein de l'établissement sous l'impulsion d'un tueur misogyne, et les conséquences psychologiques de deux rescapés après le carnage. Réfutant toute forme de voyeurisme et de complaisance (d'où le parti-pris du noir et blanc afin de stériliser le caractère sanglant des séquences les plus dures), le film fait preuve d'une surprenante pudeur dans sa manière de nous reconstituer cette dérive meurtrière par le biais d'une mise en scène réfléchie. Notamment sa construction narrative infaillible où l'alternance du présent et du passé en exacerbe l'intensité des situations démunies (à l'instar de cet étudiant martelé par le remord de ne pas avoir cédé à l'héroïsme de dernier ressort pour sauver son amie !). 


      La caméra fluide scrutant les lieux de l'établissement comme un dédale sans repères que les élèves apeurés tentent in extremis de s'extraire dans un élan de survie, quand bien même les états d'âme de deux rescapés nous sont évoqués avec une sensibilité dépressive lorsqu'ils essaient de se raccrocher au soutien familial ou à la progéniture. Ces séquences intimistes, parfois même poétiques dans la pudeur existentielle, renforcent l'indicible tristesse qui irrigue les tourments des survivants après avoir vécu l'horreur d'une situation impondérable. Là où la tranquillité du quotidien scolaire s'interrompait brusquement pour céder place aux exactions meurtrières d'un étudiant déclarant sa haine contre le féminisme car les accusant d'avoir ruiné sa vie ! Sur ce dernier point, Dennis Veilleneuve fait également diluer une angoisse exponentielle quant aux motivations dérangées du tueur et ces préparatifs du carnage, notamment en insistant sur la mise en attente des actes crapuleux (ce dernier, déterminé, étant néanmoins gagné par l'inquiétude et le stress avant la réaction du passage à l'acte). 


      Modèle de mise en scène et de dignité où les non-dits des protagonistes, leur posture parano et leur impuissance de contredire la mort laissent transparaître une émotion aussi fragile que bouleversante, Polytechnique dresse le puissant témoignage d'une fusillade de triste mémoire, réflexion existentielle sur une jeunesse psychotique livrée à une solitude incurable, avant de mettre en appui l'épreuve humaine du traumatisme avec candide désarroi. 

      Dédicace à Jean Marc Micciche
      Bruno Matéï

      In Memoriam:
      Geneviève Bergeron (née en 1968), étudiante en génie civil.
      Hélène Colgan (née en 1966), étudiante en génie mécanique.
      Nathalie Croteau (née en 1966), étudiante en génie mécanique.
      Barbara Daigneault (née en 1967), étudiante en génie mécanique.
      Anne-Marie Edward (née en 1968), étudiante en génie chimique.
      Maud Haviernick (née en 1960), étudiante en génie des matériaux.
      Barbara Klucznik-Widajewicz (née en 1958), étudiante infirmière.
      Maryse Laganière (née en 1964), employée au département des finances.
      Maryse Leclair (née en 1966), étudiante en génie des matériaux.
      Anne-Marie Lemay (née en 1967), étudiante en génie mécanique.
      Sonia Pelletier (née en 1961), étudiante en génie mécanique.
      Michèle Richard (née en 1968), étudiante en génie des matériaux.
      Annie St-Arneault (née en 1966), étudiante en génie mécanique.
      Annie Turcotte (née en 1969), étudiante en génie des matériaux.
      Au moins quatre personnes se sont suicidées à la suite de cet événement.