de Robert Eggers. 2024. U.S.A. 2h12. Avec Bill Skarsgård, Lily-Rose Depp, Nicholas Hoult, Aaron Taylor-Johnson, Willem Dafoe.
Sortie salles France: 25 Décembre 2024 (Int - 12 ans avec avertissement)
FILMOGRAPHIE: Robert Eggers est un réalisateur américain né le 7 juillet 1983 à Lee (New Hampshire). 2015: The Witch. 2019: The Lighthouse. 2022: The Northman. 2024: Nosferatu.
A mes yeux (étourdis), 2 authentiques films d'horreur auront su marquer de leur empreinte (à la fois mature, ambitieuse, personnelle) l'année 2024: The Substance et Nosferatu.
Si bien que voué corps et âme à redonner chair au plus célèbre vampire du cinéma, Robert Eggers accomplit ici le prodige de réinventer le mythe à travers un schéma narratif éculé que l'on revit ici comme s'il s'agissait de la première fois. Et donc, à ceux et celles qui n'y ont vu qu'un écrin d'une fulgurance formelle indiscutable en reprochant surtout son classicisme narratif poussif, je leur réplique que Nosferatu possède plus d'atouts dans sa besace pour s'extirper de la facilité des conventions en se reposant uniquement sur ses lauriers visuels. Tant et si bien qu'il contient un coeur, voir même une âme à travers l'autonomie si particulière de son climat à la fois austère, trouble, déconcertant, froid, glaçial, violent, putrescent, primitif même. A l'instar des exactions du vampire pestilentiel que l'on redoute avec une irrépressible fascination morbide. Chacune de ses apparitions provoquant rejet et stupéfaction à travers sa vigueur gestuelle, gutturale (une voix rocailleuse à damner un saint), corporelle auprès de sa nouvelle morphologie plus vraie que nature.
Ou encore, et pour confirmer son potentiel dramatique, la teneure audacieuse de son final élégiaque d'une beauté funeste aussi bouleversée que désespérée, tout en osant braver la conclusion du roman de Bram Stoker. Car outre ses idées inédites émanant de sa formalité picturale et des expressivités des corps meurtris et/ou contorsionnés se débattant contre le Mal, Nosferatu est transcendé du jeu transi d'émoi des comédiens habités par l'appréhension, la peur de l'étrange, de l'inconnu, la fièvre du désordre, le désarroi, la rage de vaincre la bête immonde qui sommeille dans les rêves d'Ellen que Lily-Rose Depp endosse avec une force expressive à la fois viscérale, charnelle, erratique. Une dimension morale aussi pénétrée et évocatrice qu'Isabelle Adjani dans Possession de Zulawski. Quand bien même notre vampire iconique débarrassé de moult clichés séculaires (absence de canine, corps nullement famélique, absence de miroir sans reflet) se pare d'une posture si robuste et nécrosée qu'il inspire comme jamais effroi, dégoût, révulsion, aversion. Bref, il fait peur pour de vrai ! Tant auprès de sa présence insalubre que l'on redoute à des kilomètres que de son immoralité à s'approprier l'âme d'Ellen en tant qu'imposteur, tricheur, traître, manipulateur à travers son égoïsme rigoureusement détestable. Un être abject incapable d'y chérir la femme, aussi méprisant que puant (à l'instar des pustules envahissant son corps nécrosé) que Bill Skarsgård donne chair avec un art consommé de l'accent roumain (à découvrir obligatoirement en VO pour en saisir toute son intonation emphatique).
Film de vampire conjuguant à merveille classicisme et modernité (notamment auprès d'une violence gore étonnamment organique) autant que film de possession rigoureusement renversant que Robert Eggers transcende dans un expressionnisme aussi saisissant qu'hyper inspiré, Nosferatu est un sublime poème d'une beauté nécrosée singulière. Tout en étant peut-être difficilement apprivoisable au 1er abord auprès d'une frange de spectateurs les plus exigeants, il divisera assurément, notamment pour sa facture gothique puritaine renforcée d'une tonalité aussi froide qu'austère. En tout état de cause, et passée la hype, je suis persuadé qu'un second visionnage le rendra encore plus gracieux, pour ne pas dire gratifiant après avoir digéré une première fois son contenu (trop ?) florissant.
*Bruno
Budget: 50 millions de dollars
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