vendredi 18 septembre 2015

L'AU-DELA (The Beyond)

                                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

"E tu vivrai nel terrore - L'aldilà" de Lucio Fulci. 1981. Italie. 1h27. Avec Catriona MacColl, David Warbeck, Cinzia Monreale, Antoine Saint-John, Veronica Lazar, Anthony Flees, Giovanni De Nava, Al Cliver.

Sortie salles France: 14 Octobre 1981. Italie: 29 Avril 1981. Interdit aux - de 18 ans lors de sa sortie.

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Lucio Fulci est un réalisateur, scénariste et acteur italien, né le 17 juin 1927 à Rome où il est mort le 13 mars 1996. 1966: Le Temps du Massacre, 1969 : Liens d'amour et de sang , 1971 : Carole, 1971: Le Venin de la peur,1972 : La Longue Nuit de l'exorcisme, 1974 : Le Retour de Croc Blanc, 1975: 4 de l'Apocalypse, 1976: Croc Blanc, 1977 : L'Emmurée vivante, 1979: l'Enfer des Zombies, 1980 : la Guerre des Gangs, 1980 : Frayeurs, 1981 : Le Chat noir, 1981 : L'Au-delà, 1981 : La Maison près du cimetière , 1982 : L'Éventreur de New York , 1984 : 2072, les mercenaires du futur, Murder Rock, 1986 : Le Miel du diable , 1987 : Aenigma, 1988 : Quando Alice ruppe lo specchio, 1988 : les Fantomes de Sodome, 1990 : Un chat dans le cerveau, 1990 : Demonia, 1991 : Voix Profondes, 1991 : la Porte du Silence..


Spectacle (enchanteur) de poésie morbide autour d'une scénographie gothique aussi ensorcelante qu'anxiogène (l'hôtel bucolique de la Nouvelle-Orléans et ses chambres poussiéreuses), L'Au-delà est entré au fil des décennies au panthéon du genre alors qu'à sa sortie il fut souvent dénigré à tort comme une vulgaire série B à la violence aussi gratuite qu'obscène. Revoir pour la énième fois ce mastodonte putrescent sans jamais se lasser de son impact visuel (intensité renforcée des maquillages hallucinés de Giannetto De Rossi !), sensoriel (l'impact olfactif de nos cadavres purulents !) et auditif (Fabio Frizzi se déchaînant à composer un contrepoint musical tantôt lancinant, tantôt mélodique !), prouve à quel point Lucio Fulci était un génie passé maître dans l'art de rationaliser notre peur intrinsèque: la hantise de la mort et sa putréfaction corporelle. Cette angoisse du néant, ce rapport viscéral au trépas, cette effluve nauséabonde émanant de cadavres décrépits ou de corps fraîchement torturés, l'Au-delà l'inscrit sur pellicule rubigineuse (photo sépia de Sergio Salvati en sus !) par le biais d'une caméra chirurgicale auscultant les plaies déchiquetées de l'agonie humaine. 


Si l'intrigue simpliste, voir incohérente diront certains, n'est qu'un prétexte à étaler à intervalle régulier des mises à mort d'anthologie jamais vues au préalable (même la séquence des araignées parfois décriée pour la facture mécanique d'une ou deux figurines parvient miraculeusement à nous transir d'émoi !), Lucio Fulci parvient à la transcender grâce à la symétrie d'une mise en scène étonnement stylisée (on peut prôner par exemple la mémorable fantasmagorie routière lorsque Emilie et son berger allemand se figent au milieu d'une chaussée sans destination !). Ou comment également réussir l'exploit de transfigurer les pires sévices crapoteux grâce à la beauté sulfureuse d'une poésie mortifère dédiée au spectacle pestilentiel (inoubliable supplice du bain d'acide consumant délicatement le visage d'une veuve avant de laisser écouler sur le sol une mousse crémeuse d'un rouge pastel !). Hymne effronté à la cruauté organique (le martyr christique de Schweick transgresse la morale d'une justice dépravée !), cantique à la mort mais aussi à la plénitude du repos éternel (voir l'épilogue fantasmatique décrivant avec une sidérante poésie picturale la vision du néant, représentation graphique du tableau de Schweick !), sarabande infernale de zombies en ascension (leur déambulation iconique au sein de l'hôpital provoque un malaise pétrifiant) auquel l'enfer entrouvre l'une de ses portes pour laisser libre court aux rituels meurtriers, l'Au-délà empoisonne ses personnages sous l'impulsion d'une entité fétide tout en les confrontant avec des phénomènes surnaturels nonsensiques ! La fresque du peintre (métaphore de l'enfer !) n'étant finalement que la prémonition de ces suppliciés que Fulci nous matérialise avec une fulgurance sépulcrale. 


L'Etrange couleur des larmes de ton corps
En dépit de la superficialité des dialogues et d'une direction d'acteurs perfectibles que leur charisme inquiétant parvient malgré tout à rehausser, l'Au-delà réussit l'exploit de nous parfaire le plus beau poème morbide jamais inscrit sur pellicule. Ou à l'instar de l'opéra gracile Suspiria et à travers la splendeur du néant, comment ornementer les pires sévices du châtiment humain par le biais d'une féerie macabre et d'un climat funèbre aussi évocateur que lyrique ! Envoûtant, angoissant et effrayant (Emilie entourée d'un quatuor de zombies gutturaux en interne de son salon, le plombier surgissant de la baignoire pour énucléer la domestique !), l'Au-delà est également sublimé par la présence suave de Catriona MacColl avec l'influence symbolique d'une non-voyante échappée de l'enfer. 

Dédicace à Christina MassartMathias Chaput et Boss Ju
Bruno Matéï. 5èx

La critique de Mathias Chaput:
Véritable ode à la putréfaction, « l’au-delà » est le meilleur film de Fulci à ce jour…
Doté d’un onirisme incroyable et omniprésent (suffit de voir la fin du film pour comprendre que tout ceci n’était qu’un rêve !), le spectateur navigue entre irréel, horreur, angoisse et fascination…
Tout est relaté merveilleusement, avec des morceaux de bravoure incroyable (notamment les scènes dans l’hôpital) , certaines séquences témoignent de l’horreur pure (les araignées), et les comédiens sont tous bien impliqués dans leurs rôles, laissant transparaitre leur angoisse et leur incompréhension face à des phénomènes qui les dépassent…
De nos jours, certains le trouveront désuet et daté, ceci dit il ne faut pas occulter que « L’au-delà » est un pan du cinéma d’horreur d’auteur, véritable pilier, véritable renaissance d’un genre à son apogée vers le début des eighties !
Un film de puriste en somme… pas donné à tout le monde !
Dans ce paysage actuel de remakes à tout va, il est parfois bon de se replonger dans les œuvres des maitres, des dieux du gore !
Et Fulci fait partie de cette catégorie …
Certaines mauvaises langues diront que le maestro a pompé religieusement « Shining » (le coup de la chambre) ou « Suspiria » (le chien dévorant l’aveugle), en attendant il a su insufflé à son métrage un côté épique et surdimensionné dans l’horreur ultime !
Considérons qu’il était littéralement en état de grâce et qu’il a accouché de quelque chose qui se vit, une EXPERIENCE, l’aboutissement d’une carrière donnant naissance à une perle, un morceau cristallin, reléguant tous les autres films du genre au rang inférieur et marquant la pierre tombale d’un certain cinéma populaire !
Surprenant, exerçant une fascination empathique encore maintenant, « L’au-delà » est d’une puissance, d’une beauté et d’un impact hors du commun !!!!
A voir religieusement…
10/10 intemporel

jeudi 17 septembre 2015

IN THE CUT

                                                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site ebay.com

de Jane Campion. 2003. U.S.A/Australie/Angleterre. 1h58. Avec Meg Ryan, Mark Ruffalo, Nick Damici, Jennifer Jason Leigh, Micheal Nuccio, Sharrieff Pugh, Heather Litteer, Patrice O'Neal, Kevin Bacon.

Sortie salles France: 5 Novembre 2003. U.S: 22 Octobre 2003.

FILMOGRAPHIE: Jane Campion est une réalisatrice et scénariste néo-zélandaise, née le 30 Avril 1954 à Wellington. 1989: Sweetie. 1990: Un Ange à ma table. 1993: La leçon de piano. 1996: Portrait de Femme. 1999: Holly Smoke. 2003: In the Cut. 2009: Bright Star.


Réalisatrice reconnue par la critique avec Un Ange à ma Table (Grand Prix du Jury à la Mostra de Venise, 90) et la Leçon de Piano (Palme d'Or, Cannes 93), Jane Campion change de registre en 2003 pour emprunter le mode du thriller avec In the Cut, d'après un roman de Susanne Moore. Prenant pour interprète principale l'illustre Meg Ryan dévoilée ici sans maquillage dans un rôle à contre-emploi de son image charmeuse et romantique, Jane Campion nous brosse un portrait de femme indépendante en perdition. Celle d'une professeur de lettres égarée entre sa solitude, son passé familial galvaudé et ses rencontres sexuelles sans lendemain. Meg Ryan, quasi méconnaissable, donnant corps à son personnage apathique avec une émotion contenue, une sensibilité contrariée et un tempérament versatile. Témoin malgré elle des exactions sordides d'un serial-killer démembrant ses victimes, le détective Malloy est contraint de l'interroger, faute du premier crime perpétré sous la fenêtre de son appartement. Rapidement, Frannie se laisse courtiser par ce dernier pour entamer avec consentement une relation lubrique. Mais l'arrogance du meurtrier à l'affût de ses déplacements ainsi qu'un 3è crime crapuleux vont bouleverser sa banale quotidienneté. 


Thriller singulier dans la forme puisque le film esthétiquement crépusculaire se morfond dans un climat anxiogène indicible, In the Cut est une errance au bout de l'enfer urbain qu'une femme esseulée va emprunter de manière impromptue par sa fragile influence et ses rencontres plus ou moins marginales (si on excepte sa relation intrigante avec l'inspecteur Malloy). Chargé d'un érotisme torride par le biais de séquences charnelles particulièrement sensorielles, l'intrigue oppose les étreintes sexuelles à l'horreur de situations crapoteuses parmi l'errance d'une héroïne facilement malléable. Avec le parti-pris de réfuter les conventions du genre, Jane Campion s'intéresse surtout à fignoler son cadre urbain entaché d'une aura glauque vénéneuse autour de l'évolution ambivalente de Malloy et Franny, communément épris d'idylle entre jeux sexuels et désirs éthérés. Nanti d'un langage parfois cru et même de l'utilisation audacieuse d'inserts X lors d'une séquence clef confinée dans les toilettes d'un bar, la réalisatrice sème trouble et malaise afin de désorienter le spectateur embarqué dans une investigation policière à la progression indécise. Exploitant avec subtilité suspense latent, angoisse palpable et tension sous-jacente, In the Cut hypnotise les sens du spectateur parmi l'habileté machiavélique d'une réalisation auteurisante faisant honneur à l'étude caractérielle (l'identité de l'assassin s'avérant finalement peu louable). Avec son atmosphère aussi glauque que feutrée régie au coeur d'un New-York ombrageux et parmi les motivations lubriques de personnages (seconds-rôles à l'appui !) ne prêtant pas à la quiétude, le spectateur observe cette jungle avec l'impuissance de prêter main forte à notre héroïne vulnérable.


L'amour en berne
Angoissant et oppressant, sensuel et provocant, malsain et éprouvant (l'épicentre traumatique s'avère d'une intensité dramatique aussi rigoureuse que bouleversante !), In the Cut bouscule les habitudes du spectateur impliqué dans un thriller d'un érotisme instable, de par les frustrations sexuelles et la désillusion des protagonistes en dépit amoureux. Sans doute un des thrillers les plus marquants des années 2000 malgré sa retenue publique. 

Dédicace à Arnaud Kovac
Bruno Matéï
2èx

mardi 15 septembre 2015

TUEURS NES. Grand Prix Spécial du Jury, Mostra de Venise, 1994.

                                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site moviepostershop.com 

"Natural Born Killers" d'Oliver Stone. 1994. U.S.A. 2h02 (Director's Cut). Avec Woody Harrelson, Juliette Lewis, Tom Sizemore, Tommy Lee Jones, Rodney Dangerfield, Everett Quinton, Jared Harris, Pruitt Taylor Vince, Edie McClurg, Russell Means, Lanny Flaherty, Robert Downey Jr.

Sortie salles France: 21 Septembre 1994. U.S: 26 Août 1994

FILMOGRAPHIE: Oliver Stone (William Oliver Stone) est un réalisateur, scénariste et producteur américain né le 15 septembre 1946 à New-York.
1974: La Reine du Mal, 1981: La Main du Cauchemar, 1986: Salvador, Platoon, 1987: Wall Street, 1988: Talk Radio, 1989: Né un 4 Juillet, 1991: Les Doors, 1991: JFK, 1993: Entre ciel et Terre, 1994: Tueurs Nés, 1995: Nixon, 1997: U-turn, 1999: l'Enfer du Dimanche, 2003: Comandante (Doc), 2003: Persona non grata, 2004: Looking for Fidel (télé-film), 2004: Alexandre, 2006: World Trade Center, 2008: W.: l'Impossible Président, 2009: Soul of the Border, 2010: Wall Street: l'argent ne dort jamais. 2012. Savages.


Film culte à la polémique tempétueuse dès sa sortie en raison de sa violence triviale ultra sarcastique, Tueurs Nés traite de ce thème du point de vue psychotique d'un couple de serial-killers engagés à éradiquer la vie d'autrui avant de succomber à leur romance. Trip expérimental d'une fulgurance visuelle exubérante (foisonnance de plans rapides et concis modifiant sans prévenir texture et colorimétrie de l'image !), cocktail au vitriol d'humour noir, d'action cartoonesque et d'ultra violence décomplexée, Oliver Stone allie l'hyperbole et la surenchère afin de porter en dérision la schizophrénie de l'homme hanté par son instinct meurtrier. Ou comment renouer ici avec une liberté épanouie du point de vue immoral de tueurs galvaudés par leur enfance martyr ! A travers ces écorchés de la vie incapables de refréner leur haine, Oliver Stone en profite pour dénoncer la responsabilité morale de nos sociétés modernes se vautrant dans la vulgarité avec une complaisance irresponsable via le tube cathodique !  


Sur ce point, on peut d'ailleurs prôner la manière satirique à laquelle le réalisateur se raille des sitcoms familiales (rajout de rires outrés en fond sonore afin de mieux manipuler le public et l'inciter à ricaner !) pour vulgariser la jeunesse de Mickey et Mallory ! Retraçant de manière débridée et dans un maelstrom d'images ultra agressives leur équipée sauvage avant leur arrestation médiatique puis leur évasion, Tueurs Nés se porte en réquisitoire sur la complicité des médias à engendrer des criminels de masse au travers de leurs émissions sensationnalistes en quête d'audimat. En l'occurrence, ces reportages racoleurs combinant images d'archives et reconstitution factice afin de glorifier le parcours morbide des tueurs en série les plus scandaleux. La quête du scoop le plus crapuleux commenté par des journalistes véreux ayant perdu toute notion de lucidité et de moralité au sein d'une société de décadence ! Baignant dans un climat perpétuel de folie furieuse, en martelant notamment le spectateur de métaphores cauchemardesques émanant des esprits torturés du couple criminel, Tueurs Nés puise son intensité et sa fascination par le portrait imparti à sa jungle de désaxés. C'est à dire l'être humain conditionné à refouler sa violence dans une société civique mais ici contraints de laisser extérioriser sa déchéance animale sous l'influence libertaire d'un couple de tueurs ! Parmi cette posture cabotine et outrancière, les acteurs habités par leur rôle s'en donnent à coeur joie dans les exubérances en roue libre ! Que ce soit Roberft Downey Jr en journaliste cupide subitement réveillé par l'autonomie de son instinct meurtrier, Tom Sizemore en flic sournois tributaire de sa déviance sexuelle, Tommy Lee Jones en directeur pénitentiaire habité par une démence castratrice, Woody Harelson en sommité criminelle et enfin Juliette Lewis donnant corps à son personnage impavide avec constance inquiétante et une sensualité naturelle trouble ! 


Film malade habité par la frénésie d'une violence compulsive, farce au vitriol dénonçant avec dérision insolente l'ascension de la Real TV (le débriefing carcéral et la tuerie qui s'ensuit en direct live !) et la responsabilité des médias et des journalistes en quête du scoop le plus éhonté, fable cinglante sur le pouvoir de l'image, l'influence de la violence cinématographique et la fascination morbide éprouvée pour les serial-killers, Tueurs Nés est une expérience sensorielle sous impulsion reptilienne. Une catharsis en somme au tueur qui sommeille en chacun de nous !

Bruno Matéï
3èx

Récompenses: Mostra de Venise 1994, Grand prix spécial du jury et Prix Pasinetti de la meilleure actrice pour Juliette Lewis


lundi 14 septembre 2015

FIRESTORM

                                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site chinesemov.com

"Fung Bu" de Alan Yuen. 2013. Hong-Kong/Chine. 1h49. Avec Andy Lau, Gordon Lam, Ka-Tung, Yao Chen, Jacqueline Chan.

Sortie salles Hong-Kong: 19 Décembre 2013

FILMOGRAPHIE: Alan Yuen est un réalisateur, scénariste, acteur et producteur chinois
1994: Ai qing jia you shan. 2002: Seung Fei. 2013: Firestorm.


Polar d'action co-produit entre la Chine et Hong-Kong, Firestorm reprend le concept de base d'un modèle du genre, Heat de Michael Mann pour les récurrents agissements de braqueurs professionnels s'en prenant à des camions de transport de fond parmi des moyens disproportionnés (outre leur artillerie militaire, la séquence d'ouverture utilise de manière inédite une grue afin de désosser un fourgon blindé !).


Il s'agit donc d'une incessante rivalité entre ces derniers et les forces de l'ordre que nous relate fébrilement Alan Yuen, quand bien même sous argument corrupteur, le héros principal (l'inspecteur Yan Bin qu'endosse avec aigreur charismatique Andy Lau) est entaché d'une justice aussi sournoise qu'expéditive pour maîtriser ses assassins. Si le scénario n'apporte rien de neuf pour son incessant jeu de chat et de la souris entre flics et truands sans pitié Spoil ! (un gosse y trinque sous les yeux impuissants du paternel !) fin du Spoil, l'énergie de la mise en scène, l'habile dosage des séquences d'actions aussi spectaculaires qu'inventives et l'ambiguïté du héros prêt à braver sa profession pour éradiquer le Mal insuffle une redoutable efficacité au cheminement narratif. En parallèle, Alan Yuen s'intéresse également à mettre en appui la tentative de rédemption d'un second-rôle en sursis, un jeune ex-taulard partagé entre le désir de renouer avec sa marginalité et celui de se racheter une conduite afin de récupérer l'amour de sa compagne. Mené sans répit car surtout dédié à l'impact homérique des fusillades sanglantes, règlements de compte, poursuites effrénées en véhicule et confrontation finale au paroxysme de l'apocalypse (stratégie d'attaque catastrophiste à l'appui !), Firestorm n'oublie pas de provoquer l'émotion parmi la caractérisation humaine d'un flic en voie de perdition morale depuis la mort d'un acolyte. Parmi la dramaturgie d'un évènement aussi brutal, Firestorm gagne donc en intensité tout en portant un regard subversif à l'identité de son personnage obnubilé à l'idée d'éradiquer ses assassins quelqu'en soit les moyens requis, quand bien même l'empathie éprouvée pour son indic progressera lorsque ce dernier tentera une bravoure de dernier ressort.


Se clôturant par le chaos d'une confrontation furieusement belliqueuse en plein centre urbain (comptez 20 bonnes minutes de pyrotechnie à feu et à sang !), Firestorm exploite habilement l'esbroufe à l'aide d'une virtuosité géométrique et l'intensité narrative d'une guerre de clans parmi l'autorité véreuse d'un anti-héros obsédé par sa justice criminelle. 

Dédicace à Jean Michel Micciche.
Bruno Matéï

vendredi 11 septembre 2015

MONSTER BOY: HWAYI

                                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

de Jang Joon-Hwan. 2013. Corée du Sud. 2h06. Avec Yeo Jin-goo, Kim Yoon-seok, Cho Jin-Woong, Jang Hyun-sung, Kim Sung-Kyun, Park Hae-Joon.

Sortie salles Corée du Sud: 9 Octobre 2013. Sortie Dvd France: 29 Octobre 2014

FILMOGRAPHIE: Jan Joon-Hwan est un réalisateur et scénariste coréen.
2003: Jigureul jikyeora ! 2010: Kamelia (segment "Love for Sale"). 2013: Monster Boy


Concentré d'action et d'ultra violence aussi sardonique que cruelle, Monster Boy fait office de descente aux enfers du point de vue d'un adolescent embrigadé dès son enfance par des braqueurs pour tenir lieu de rançon. Après avoir été confiné au fond d'une cave durant son enfance puis ayant parvenu à canaliser ses visions hallucinatoires d'un monstre tapi dans l'ombre, Hwayi est aujourd'hui enrôlé pour devenir un tueur méthodique sous son apprentissage parental. Mais au moment de sa première effraction chez un particulier, une révélation inopinée va totalement bouleverser la donne et le substituer en ange exterminateur. Polar aussi tranchant qu'une lame de rasoir pour son parti-pris insolent d'illustrer les exactions meurtrières d'une famille dysfonctionnelle au passé galvaudé, Monster Boy aborde les thématique de la démission parentale, l'enfance maltraitée, la perte de l'innocence et la vengeance par le conditionnement d'un adolescent en voie de mutation. Ou comment parvenir à se fondre dans la peau d'un tueur sans vergogne après avoir réussi à dompter le monstre qui sommeille en nous ! L'éveil et l'équilibre de la maturité étant ici compromis par une éthique nihiliste de perpétrer le Mal sans justification. 


Emaillé de séquences surréalistes pour la caractérisation graphique d'une créature haineuse, Monster Boy bouscule nos habitudes par le biais d'une ambiance aussi survoltée que réaliste, notamment avec l'appui d'une violence sournoise et la personnalité décalée d'antagonistes victimes Spoil ! de leur condition orpheline fin du Spoil. Poignant à plus d'un titre, notamment pour l'intensité dramatique de sa dernière partie, l'intrigue oscille efficacement les règlements de compte sanglants, courses-poursuites et bastonnades autour des agissements punitifs d'un adolescent en crise identitaire. La vigueur brutale qui émane de sa rancune et la vélocité de la caméra nous entraînant dans une vertigineuse spirale de violence toujours plus pernicieuse pour ceux qui s'y morfondent ! Outre sa facture homérique d'exploiter des scènes d'actions à la chorégraphie virtuose, Monster Boy privilégie autant la réflexion sur l'engrenage et l'endoctrinement de la violence (vaincre la peur pour prendre ici la place du monstre que l'on combattait !) tout en fustigeant la responsabilité parentale destituée de pédagogie et de nobles valeurs. La caractérisation psychologique de Hwayi en requête identitaire s'avérant toujours plus bouleversante sous l'impulsion névralgique de l'étonnant Yeo Jin-Goo. On peut également saluer la prestance habitée de Kim Yoon-seok (déjà fulgurant en meurtrier crapuleux dans Sea Fog !) endossant avec flegme viscéral et ambiguïté morale une figure paternelle aussi traumatisée d'un passé martyr. 


Emotionnellement foudroyant pour ses éclairs d'ultra-violence décomplexée, son action épique et sa dramaturgie en chute libre, Monster Boy dresse, non sans une certaine dérision vitriolée, le portrait aliénant d'une famille dysfonctionnelle noyée par leur déchéance immorale depuis leur condition de déréliction. Cri d'alarme contre les conséquences de la démission parentale engendrant la haine de leur progéniture, Monster Boy dégage un humanisme désespéré sous l'appui symbolique de l'Ange du Mal. 

Dédicace à Jean Marc Micciche
Bruno Matéï

jeudi 10 septembre 2015

HYENA. Prix du Jury au Festival de Beaune, 2015.

                                                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site dailymars.net

de Gérard Johnson. 2014. Angleterre. 1h52. Avec Peter Ferdinando, Stephen Graham, MyAnna Buring, Elisa Lasowski, Neil Maskell, Richard Dormer, Tony Pitts, Mehmet Ferda.

Sortie salles France: 6 Mai 2015. Interdit aux - de 16 ans.

FILMOGRAPHIE: Gerard Johnson est un réalisateur, scénariste et producteur anglais, né le
2009: Tony. 2014: Hyena.


Polar choc venu d'Angleterre alors qu'il s'agit de la seconde réalisation de Gerard Johnson, Hyena enthousiasma tant les festivaliers de Beaune qu'il repartit avec le Prix du Jury, sans compter ses récompenses attribuées à Sitges pour celui du Meilleur Film et au Festival européen des Arcs pour celui du Meilleur Acteur que Peter Ferdinando endosse avec une vérité sinistrée ! Uppercut émotionnel d'une grande intensité pour le cheminement de perdition qu'une poignée de flics corrompus s'adonne alors que leur leader tentera en désespoir de cause une quête de rédemption, Hyena fait l'effet d'un mauvais trip pour la verdeur de son réalisme poisseux. Glauque et viscéralement malsain, l'ambiance ténébreuse que Gerard Johnson parvient à régir autour de ses témoins galeux nous ensorcelle parmi la scénographie d'une cité urbaine en décrépitude.


Surveillé par l'autorité de ses supérieurs sur le point de le coffrer pour corruption et meurtre, et menacé de mort par deux tueurs albanais qu'il tente maladroitement de coffrer, (des frères impliqués dans le trafic de came et traite des blanches), l'officier Michael Logan magnétise l'écran de sa présence anxiogène où l'ombre de la déroute semble planer sur ses épaules. Accro à la coke, portant peu d'affection à sa compagne et toujours plus nécrosé par ses trafics en tous genres, ce dernier s'efforce dans un regain de conscience à daigner porter secours auprès d'une albanaise réduite à l'esclavage. Avec souci de réalisme d'une mise en scène personnelle tantôt expérimentale, tantôt stylisée, le réalisateur nous plonge dans cet univers de crime, d'extorsion et de corruption sous l'impulsion du flic ripou en instance de survie. Si le scénario déjà vu n'apporte pas vraiment de nouveauté pour les règlements de compte, trahisons et filatures que se disputent police et pègre, la manière scrupuleuse dont le cinéaste dresse le portrait aride de ces marginaux burnés et l'introspection accordée aux états d'âme de l'officier nous fascine de façon contemplative. Notamment en accordant le bénéfice de l'empathie pour les conséquences dramatiques de sa déchéance morale et de son soutien héroïque auprès de l'albanaise. Si les âpres éclairs de violence qui traversent l'intrigue impressionnent durablement la mémoire, la manière retorse dont Gerard Johnson l'exploite élude tout effet de sensationnalisme, notamment avec le parti-pris d'un réalisme baroque parfois stylisé d'effets de ralenti ! 


Expérience sordide de polar dépressif où flics ripoux et mafieux albanais se bafouent l'autorité sans aucune vergogne, Hyena est une plongée vertigineuse au coeur de la bassesse humaine. Avec sa réalisation auteurisante et ces trognes burinées d'une interprétation hors pair, Gerard Johnson parvient miraculeusement à réinventer le classicisme de sa narration parmi la photogénie crépusculaire d'une cité urbaine méphitique. Avec l'appui de son esprit nihiliste et iconoclaste, une grosse majorité de spectateurs sortiront néanmoins frustrés d'un épilogue aussi elliptique ! Préparez vous donc à la douche froide ! 

Bruno Matéï

Récompenses: Prix du jury au Festival du film policier de Beaune en 2015
Meilleur film à Fantàstic Orbita de Sitges Film Festival 2014 
Meilleur Acteur (Peter Ferdinando) au Festival Européen des Arcs 

mercredi 9 septembre 2015

SEA FOG

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"Haemoo" de Shim Sung-bo. 2014. Corée du Sud. 1h56. Avec Kim Yoon-seok, Park Yoo-chun, Han Ye-ri.

Sortie salles France: 1er Avril 2015. Corée du Sud: 13 Août 2014

FILMOGRAPHIE:  Shim Sung-bo est un scénariste (Memories of Murder, 2003) et réalisateur sud-coréen. 2014: Sea Fog.


Première réalisation de Shim Sung-ho, scénariste de Memories or murder, Sea Fog aborde le thème (on ne peut plus actuel !) de la situation des migrants à travers un périple maritime en perdition. Le film, sans concession par son climat aussi malsain qu'étouffant, provoque d'autant plus le malaise qu'il s'inspire d'une histoire vraie ! Parce qu'il est sur le point de perdre son emploi, un capitaine propose à son équipage d'accepter d'embarquer des migrants chinois en toute illégalité. Par la cause d'une défaillance technique, leur transaction converge à une impitoyable descente aux enfers. 


Introspection au coeur de la turpitude humaine, épreuve de force morale pour la survie, jeu de massacre entre un équipage cupide corrompu par leurs bas instincts de dernier ressort, Sea Fog est un drame horrifique d'une intensité éprouvante. De par le réalisme sordide alloué à la déchéance d'une équipe de prolétaires contraints d'enfreindre la loi afin de préserver leur précarité professionnelle, Shim Sung-ho insuffle un malaise toujours plus tangible au fil de leur dérive meurtrière en chute libre. Ce dernier prenant soin de structurer une intrigue machiavélique autour de leurs exactions où chacun des membres de l'équipage ne comptera finalement que sur leur libre arbitre afin de rester en vie et fuir leur responsabilité. Outre le portrait méprisable alloué à la nature humaine, la force de l'intrigue résidant également dans la tension d'une progression de suspense quant à la situation alarmiste octroyée à une clandestine planquée sous la salle des machines. En filigrane, et avec une pudeur sensible aussi lyrique que bouleversante, le cinéaste prenant soin de nous attacher à la survie de cette candide rescapée éprise d'affection pour un jeune matelot. Autour de leur faible enjeu de survie où l'injustice des règlements de compte s'avère toujours plus abrupt, l'intrigue converge vers une tournure dramatique au dénouement indécis. A savoir si la rédemption amoureuse pourrait vaincre la mort et parvenir à leur faire oublier l'expérience traumatique.


Drame horrifique jusqu'au-boutiste sur fond de romance à l'humanisme affligé, Sea Fog empreinte le canevas de l'oeuvre choc sans misérabilisme ni complaisance. Shim Sung-ho illustrant âprement un constat aussi édifiant que pessimiste sur la nature humaine lorsque l'homme est contraint de transgresser la loi pour l'unique enjeu de sa survie. A travers ce périple morbide où la fonction des immigrants n'est qu'un bénéfice de gain, le cinéaste pointe du doigt l'irresponsabilité des passeurs à oser braver risques et préjudice. Une épreuve d'autant plus bouleversante pour la réalité sociale de son thème d'actualité que Shim Sung-ho dépeint scrupuleusement avec une sensibilité sans échappatoire. 

Dédicace à Cid Orlandu et Jean Marc Micciche.
Bruno Matéï