vendredi 17 février 2017

DETOUR

                                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmosphere.com

de Christopher Smith. 2016. U.S.A. 1h41. Tye Sheridan, Emory Cohen, Stephen Moyer, Bel Powley,
Gbenga Akinnagbe, John Lynch, Jenna Saras.

Sortie salles U.S: 20 Janvier 2017. VOD France: 17/02/2017

FILMOGRAPHIE: Christopher Smith est un réalisateur et scénariste britannique, né le 16 Août 1970 à Bristol. 2004: Creep. 2006: Severance. 2009: Triangle. 2010: Black Death. 2011: Paris I'll Kill You. 2014: Get Santa. 2016: Détour.


"Quand un homme a un meurtre sur la conscience, il doit creuser deux tombes. Une pour la victime et une pour lui".

VOD honteusement banni de nos salles obscures, Détour est un thriller vitriolé redoutablement efficace sous le pilier d'une narration déstructurée truffée de fausses pistes et rebondissements. Quasi irracontable, le pitch se focalise sur la virée sauvage d'un couple de marginaux embarquant parmi eux un jeune étudiant indécis d'assassiner son beau-père, faute d'une adultère et du coma de sa mère gravement accidentée par ce dernier. Alternant continuellement flash-back et moment présent afin de confondre deux intrigues en une, Christopher Smith prend malin plaisir à brouiller les pistes, perdre nos repères et dissoudre nos hypothèses sous pivot d'un road movie fétide à la fois oppressant et malsain si bien qu'aucun personnage n'en sortira indemne. Soignant le cadre photogénique de son environnement solaire sur bitume et ses escales dans les bars à effeuilleuse, et empruntant en intermittence le procédé du Split-screen afin d'amplifier la tension des évènements imprévisibles, Christopher Smith redouble d'habileté pour charpenter un récit vénéneux sous l'autorité d'anti-héros en perdition. Le personnage coupable et victimisé (remarquablement endossé par le nouveau talent Tye Sheridan dans un jeu contrarié!) sombrant malgré lui dans une déliquescence morale à la suite d'un concours de circonstances aussi accidentelles qu'infortunées. Emaillé de saillies d'humour noir par le truchement d'un jeu de manipulation et de faux semblant, Detour surprend et captive sans jamais lâcher prise, et ce avec le ressort d'un suspense en roue libre.


Cumulant les réussites à rythme métronomique depuis le début de sa carrière, Christopher Smith nous délivre à nouveau avec Détour une excellente (pochette) surprise tirant parti de sa vigueur et de son efficacité grâce à l'audace d'une narration à la fois vrillée et ramifiée. Pour parachever sur une note suave, on peut notamment prôner la contribution musicale de Pablo Clements, James Griffith et Toydrum insufflant par moment un onirisme élégiaque autour de la destinée (précaire) du trio maudit ! 

P.S: Ne stoppez pas le film durant le générique de fin, une ultime surprise vous est réservé !

Bruno Dussart.

jeudi 16 février 2017

BOULEVARD DE LA MORT

                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site www.comingsoon.net

"Death Proof" de Quentin Tarantino. 2007. U.S.A. 1h54. Avec Kurt Russell, Zoë Bell, Rosario Dawson, Vanessa Ferlito, Sydney Tamiia, Tracie Thoms, Rose McGowan.

Sortie salles France: 6 Juin 2007. U.S: 6 Avril 2007

FILMOGRAPHIE: Quentin (Jérome)Tarantino est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur américain, né le 27 Mars 1963 à Knoxville dans le Tennessee.
1992: Réservoir Dogs. 1994: Pulp Fiction. 1995: Groom Service (segment: The Man from Hollywood). 1997: Jacky Brown. 2003: Kill Bill 1. 2004: Kill Bill 2. 2007: Boulevard de la Mort. 2009: Inglorious Basterds. 2012: Django Unchained. 2015: Les 8 Salopards.


Echec commercial à sa sortie quand bien même la presse fut plutôt partagée (bien que Wikipedia aurait tendance à me contredire), Boulevard de la Mort fait parti d'un diptyque formé avec le jouissif Planet Terror. Hommages au Grindhouse, ces cinémas de quartiers spécialisés dans les films d'exploitation, Boulevard de la mort est une éloge aux cascadeurs des Seventies cultivant des risques inconsidérés lorsqu'ils furent contraints de doubler les acteurs de séries B dans des bobines d'action aussi décomplexées qu'homériques. Signalant à moult reprises les références du genre que symbolisent La Grande Casse, Larry le dingue, Mary la garce, l'Equipée du Canonbal et Point Limite Zero, Quentin Tarantino dédie son amour à ces productions artisanales avec une sincérité qui impose le respect, sachant notamment que l'infographie des productions mainstream est ici écartée. Car en dépit d'une première partie futilement languissante s'appuyant trop sur la redondance de dialogues interminables, Boulevard de la Mort est un trip aussi biscornu que singulier. Empruntant les genres du psycho-killer et du road movie musclé, Tarantino jumelle ses composantes avec une détonante alchimie. Avec ses têtes d'affiche féminines viriles au caractère bien trempé, le climat d'insolence et de douce folie qui émanent de leur posture rebelle s'avère irrésistiblement attrayant lorsqu'un cascadeur psychotique sexuellement frustré décide de s'en prendre à elles avec couardise.


Scindé en deux parties distinctes, Boulevard de la mort s'avère en premier lieu parfois terrifiant et réaliste lors des impressionnantes scènes de violences graphiques expurgées de dérision. Je cite prioritairement l'anthologique crash automobile filmé sous divers angles (et selon moult points de vue) afin d'ébranler le spectateur immergé dans l'habitacle du véhicule des victimes tout en observant de l'extérieur l'impact cinglant des bolides se percutant de plein fouet ! Gore et sans concession, le climat subitement malsain de cette première partie déroute le spectateur quand bien même au préalable les échanges de discussion des garçonnes réunies autour d'un bar ne manquaient pas de causticité pour brocarder la gente masculine. Outre l'aspect insolite de l'intrigue (un cascadeur sclérosé prend son pied en coursant sur bitume des donzelles avec son véhicule customisé !) et le charisme proéminent de ses comédiennes pétulantes, la présence insidieuse de Kurt Russel s'en donnant à coeur joie en misogyne pervers exacerbe la facture baroque d'un climat hostile préalablement sous-jacent. Quant à la seconde partie beaucoup plus trépidante et littéralement jouissive, Quentin Tarantino nous sert généreusement une course poursuite aussi effrénée que débridée si bien que les rôles subitement inversés vont insuffler chez le spectateur un sentiment de jouissance réactionnaire lorsque nos héroïnes pugnaces auront décidé de contre-attaquer sans répit leur bourreau. Décomplexées, cocasses et déjantées, ses nouvelles héroïnes avides de vitesse et de rancoeur insufflent un sentiment euphorique de liberté lors des affrontements automobiles que Tarantino coordonne avec une maestria ébouriffante ! A l'instar de cette folle séquence au cours duquel l'une des héroïnes se cramponne désespérément sur le capot de sa voiture coursée à vive allure, la main attachée à une lanière !


Visuellement rutilant (Tarantino est pour la 1ère fois de sa carrière directeur de la photo !), référentiel comme de coutume et musicalement entraînant, Boulevard de la mort fait presque office d'ovni dans sa structure hybride et l'aura indicible d'un psycho-killer routier inscrit dans l'excentricité. En dépit de ses maladresses et d'un rythme défaillant (les dialogues néanmoins inventifs et pittoresques s'avèrent ici moins efficaces et percutants qu'au préalable durant sa première partie), Boulevard de la mort est un savoureux moment de peloche toujours plus insolent et frénétique sous le pivot d'un affrontement de survie à perdre haleine. A redécouvrir d'urgence si j'ose dire si bien qu'au second visionnage le spectacle s'avère beaucoup plus apprivoisable ! 

B-D. 2èx

mercredi 15 février 2017

ALLIES

                                                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

"Allied" de Robert Zemeckis. 2016. U.S.A. 2h05. Avec Brad Pitt, Marion Cotillard, Simon McBurney, Lizzy Caplan, Jared Harris, Matthew Goode, Anton Lesser, August Diehl

Sortie salles France/U.S: 23 Novembre 2016

FILMOGRAPHIE: Robert Zemeckis est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 14 Mai 1951 à Chicago (Illinois). 1978: Crazy Day. 1980: La grosse Magouille. 1984: A la Poursuite du diamant vert.1985: Retour vers le Futur. 1988: Qui veut la peau de Roger Rabbit. 1989: Retour vers le Futur 2. 1990: Retour vers le Futur 3. 1992: La Mort vous va si bien. 1994: Forrest Gump. 1997: Contact. 2000: Apparences. 2000: Seul au monde. 2004: Le Pôle Express. 2007: La Légende de Beowulf. 2009: Le Drôle de Noël de Mr Scrooge. 2013: Flight. 2015: The Walk. 2016: Alliés.


Après nous avoir époustouflé avec le vertigineux The Walk, Robert Zemeckis change de registre pour renouer avec les productions hollywoodiennes d'après-guerre avec Alliés. Un thriller à suspense où se jumellent avec bonheur guerre, romance et espionnage sous l'impulsion d'un couple glamour que forment spontanément Brad Pitt (petit bémol toutefois pour son jeu contracté de mécontentement trop permanent) et l'immense Marion Cotillard (divine de naturel mais aussi bouleversante dans le rôle équivoque d'un potentielle espionne allemande). 1941, Casablanca. Après avoir achevé leur dangereuse mission d'éradiquer un ambassadeur allemand au cours d'une soirée mondaine, un couple d'espions (l'un canadien, l'une française), tombent communément amoureux. Exilés à Londres, ils se marient et donnent naissance à une fille, quand bien même l'un des supérieurs de Max lui annonce que son épouse serait probablement une espionne Nazi ! 


Entièrement bâti sur l'interrogation morale du héros à suspecter l'identité de son ancienne adjointe, Alliés insuffle un suspense remarquablement latent sous le pivot d'une paranoïa exponentielle que celui-ci tente de canaliser. Robert Zemeckis s'appuyant sur la passion des sentiments qu'ils se partagent afin d'intensifier les enjeux dramatiques culminant à une éventuelle exécution sommaire. Visuellement flamboyant, tant pour le sens consciencieux de sa reconstitution historique que de ces décors classieux, Alliés renoue avec les spectacles d'antan afin de contenter le grand public amateur de romance et de suspense quelque peu hitchcockien. Ponctué de scènes d'action percutantes, Zemeckis assure le spectacle avec vigueur sans jamais céder à la gratuité de l'esbroufe si bien que la plupart des éclairs de violence qui irriguent l'intrigue dépendent d'une mission et des motivations rebelles de Max en investigation illégale car en quête de vérité afin de disculper sa dulcinée. Qui plus est, en intensifiant les enjeux humains du couple en crise, Zemeckis se permet de clore son histoire (basée sur des faits réels !) sur une note romantique Spoiler ! littéralement bouleversante si je me réfère à la notion de sacrifice découlant d'un des protagonistes ! Fin du Spoiler.


Sans volonté de révolutionner le genre ou de parfaire un chef-d'oeuvre, Robert Zemeckis se contente de nous servir avec efficacité, formalité et sincérité un formidable divertissement avant tout bâti sur la densité morale du couple ombrageux Brad Pitt/Marion Cotillard impliqué dans la tourmente d'une éventuelle félonie. 

B-D

mardi 14 février 2017

MOONLIGHT

                                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Barry Jenkins. 2016. U.S.A. 1h50. Avec Mahershala Ali, Janelle Monáe, Naomie Harris, Trevante Rhodes, Ashton Sanders, Alex R. Hibbert, André Holland.

Sortie salles France: 1er Février 2017. U.S: 21 Octobre 2016

FILMOGRAPHIEBarry Jenkins, né le 19 novembre 1979 à Miami (Floride), est un réalisateur et scénariste américain. 2003: My Josephine. 2003: Little Brown Boy. 2008: Medicine for Melancholy
2009: A Young Couple. 2009: Tall Enough. 2011: Chlorophyl. 2016: Moonlight. 2017: Omniboat.
A Contract with God.


Dépourvu des clichés usuels au film de ghetto, un très beau portrait introspectif (et parfois sensitif) d'une quête identitaire infortunée. Chapeau bas pour la triple interprétation impartie au personnage principal et pour le réalisme de sa mise en scène épurée à la fois inventive, autonome et expérimentale.
B-D

Récompenses:
National Society of Film Critics 2016 :
Meilleur Film
Meilleur réalisateur
Meilleure révélation féminine pour Janelle Monáe
Meilleur acteur dans un second rôle pour Mahershala Ali
Meilleur Film indépendant
Top 10 des films de l'année
5e cérémonie des Boston Online Film Critics Association Awards 2016 :
Meilleur film
Meilleur acteur dans un second rôle pour Mahershala Ali
Meilleure distribution
19e cérémonie des British Independent Film Awards 2016 : Meilleur film indépendant international
26e cérémonie des Gotham Independent Film Awards 2016 :
Meilleur film
Audience Award
Special Jury Award de la meilleure distribution
88e cérémonie des National Board of Review Awards 2016 :
Meilleur réalisateur
Meilleure actrice dans un second rôle pour Naomie Harris
82e cérémonie des New York Film Critics Circle Awards 2016 :
Meilleur réalisateur
Meilleur acteur dans un second rôle pour Mahershala Ali
Meilleure photographie
74e cérémonie des Golden Globes 2016 :
Meilleur film dramatique
National Society of Film Critics 2017 :
Meilleur Film
Meilleur réalisateur
Meilleure révélation féminine pour Janelle Monáe
Meilleur acteur dans un second rôle pour Mahershala Ali
Meilleur Film indépendant
Top 10 des films de l'année
Alliance of Women Film Journalists 2017 :
Meilleur Film
Meilleur réalisateur
Meilleur scénario adapté
Meilleur acteur dans un second rôle pour Mahershala Ali
Meilleure distribution
Meilleure cinématographie pour James Laxton (en)
Meilleure rédaction pour Joi McMillon (en) et Nat Sanders (en)

lundi 13 février 2017

DR JERRY ET MR LOVE

                                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site fan-de-cinema.com

"The Nutty Professor" de Jerry Lewis. 1963. U.S.A. 1h45. Avec Jerry Lewis, Stella Stevens, Del Moore, Kathleen Freeman, Howard Morris, Elvia Allman, Buddy Lester.

Sortie salles France: 4 Septembre 1963. U.S: 4 Juin 1963

FILMOGRAPHIE: Joseph Levitch, dit Jerry Lewis, est un humoriste, acteur, producteur et réalisateur de cinéma américain, né le 16 mars 1926 à Newark dans l'État du New Jersey, aux États-Unis.1949 : How to Smuggle a Hernia Across the Border. 1960 : Le Dingue du Palace. 1961 : Le Tombeur de ces dames. 1961 : Le Zinzin d'Hollywood. 1963 : Docteur Jerry et Mister Love. 1964 : Jerry souffre-douleur. 1965 : Les Tontons farceurs. 1966 : Trois sur un sofa. 1967 : Jerry la grande gueule. 1969 : The Bold Ones: The New Doctors (série TV). 1970 : One More Time. 1970 : Ya ya mon général ! 1972 : The Day the Clown Cried. 1980 : Au boulot... Jerry ! 1983 : T'es fou Jerry.


Parodie fantastique détournant le mythe de Jekyll et Hyde, Dr Jerry et Mr Love est une comédie débridée que Jerry Lewis, acteur et réalisateur, transcende sur un rythme trépidant. De par sa multitude de gags souvent visuels et d'inspiration cartoonesque et l'abattage impayable de l'acteur vedette dans un double rôle antinomique. Par son physique outrancier volontairement stéréotypé, ses mimiques exubérantes et sa maladresse intarissable, Jerry Lewis se glisse dans la peau du professeur Julius Kelp avec une conviction désarmante de naturel, quand bien même il parvient aussi brillamment à se dédoubler dans le corps de Mr Love avec distinction et égoïsme arrogants. Quant à la croquignolette Stella Stevens, cette dernière lui partage la vedette avec une douce tendresse dans son regard azur pour son empathie partagée auprès du professeur.


Timide et introverti, Julius Kelp, professeur de chimie, décide d'expérimenter une formule qui pourrait lui offrir vigueur et beauté physique. Parvenant à accomplir son utopie, il arpente le soir les bars afin de se tailler sa nouvelle notoriété puis par la même occasion courtiser la jeune Stella Purdy. Réflexion sur l'hypocrisie de l'apparence et ses artifices extravagants, Dr Jerry et Mr Love se base sur l'argument de Robert Stevenson (le dédoublement physique de personnalité) pour en extraire une comédie couillue émaillée de situations irrésistibles. Tant pour les pitreries maladroites d'un professeur extrêmement complexé de son physique lambda que pour l'égocentrisme de Mr Love cumulant jeux de drague et intimidations avec la gente masculine avec une provocation machiste. Qui plus est, à travers cette fantaisie semée de trouvailles aléatoires (l'improvisation emphatique du directeur du lycée interprétant une pièce de Shakespeare face à l'influence de Mr Love), Jerry Lewis se permet en prime de provoquer l'émotion lors d'un final bouleversant militant pour l'acceptation de soi et la beauté interne.


Tour à tour désopilant et déjanté (la convocation de Julius chez le directeur, ses séances de muscu, le sketch de son enfance auprès d'une mère abusive, l'épreuve audible qu'il endure durant un cours après une soirée d'ébriété), Dr jerry et Mr Love n'a rien perdu de sa verve, de sa cocasserie et de son énergie pour provoquer le rire avant de nous attendrir vers une conclusion aussi dramatique que rédemptrice. Un classique étonnamment moderne et astucieux que Jerry Lewis, acteur, cinéaste et scénariste, coordonne avec une insoupçonnée ambition. 

B-D. 4èx

vendredi 10 février 2017

LA PUTAIN

                                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"Whore" de Ken Russel. 1991. U.S.A/Angleterre. 1h24. Avec Theresa Russell, Frank Smith, Gail McMullen, Benjamin Mouton, Bob Prupas, Jack Nance.

Sortie salles France: 17 Juin 1992

FILMOGRAPHIE: Ken Russell est un réalisateur, scénariste, acteur, producteur, monteur et directeur de la photographie britannique né le 3 juillet 1927 à Southampton.
1967 : Un cerveau d'un milliard de dollars, 1969 : Love , 1970 : The Music Lovers, 1971 : Les Diables, 1971 : The Boy Friend, 1972 : Savage Messiah, 1974 : Mahler, 1975 : Tommy, 1975 : Lisztomania, 1977 : Valentino, 1980 : Au-delà du réel, 1984 : Les Jours et les nuits de China Blue,1986 : Gothic, 1988 : Salome's Last Dance , 1988 : Le Repaire du ver blanc ,1989 : The Rainbow ,1991 : La Putain, 2002 : The Fall of the Louse of Usher, 2006 : Trapped Ashes segment "The Girl with Golden Breasts".


Plutôt mal aimé par le public et la critique, aussi parce que les thèmes avaient été beaucoup mieux abordés dans l'électrisant Les Jours et les Nuits de China Blue, La Putain fait office de vilain petit canard au sein de la carrière impudente de Ken Russel. Série B glauque et sordide où le pittoresque de certaines situations scabreuses se mêle à d'autres dérives d'un mauvais goût assumé, la Putain doit beaucoup de son dynamisme en la présence de son actrice vedette, Teresa Russel. L'actrice se dévoilant à nu dans la peau introspective d'une catin en quête de rédemption derrière sa condition soumise. Spontanée, désinvolte et désinhibée, elle magnétise l'écran par son bagout trivial et sa posture ultra aguicheuse à séduire les mâles dominants n'ayant aucune déférence pour la Femme. Filmé à la manière d'un documentaire si je me réfère aux monologues récursifs que notre féministe nous pérore face caméra, la Putain délivre sur l'écran insalubre ses états d'âme avec une liberté de ton qui impose le respect. Ken Russel s'autorisant de compiler moult expériences sexuelles/confrontation machistes assez crues, parfois déviantes et violentes sur un ton décalé déroutant. Par son aspect reportage inscrit dans une facture à la fois baroque et débridée émane une expérience maso assez fascinante en dépit de la vacuité d'une narration redondante tournant autour de la quotidienneté sordide d'une putain mise à mal avec sa gente masculine. En guise d'amuse gueule et afin d'appuyer le caractère saugrenu de l'ensemble, on peut notamment s'amuser des aimables caméos d'Antonio Fargas ("Huggy les bons tuyaux" de la série Starsky et Hutch) en philanthrope à la p'tite semaine et de la star du X Ginger Lynn lors d'une brève séquence morbide !


Insolent, hors norme et licencieux, La Putain est à découvrir comme une attachante curiosité dans son parti-pris personnel et provocateur d'ausculter l'introspection d'une catin pleinement lucide de sa condition avilissante. A préconiser toutefois chez l'auditoire d'un public averti. 
B-D. 3èx

MANCHESTER BY THE SEA


de Kenneth Lonergan. 2016. U.S.A. 2h17. Avec Casey Affleck, Kyle Chandler, Michelle Williams, Lucas Hedges, Gretchen Mol, C.J. Wilson, Ben O’Brien…

Sortie salles France: 14 décembre 2016. États-Unis : 18 novembre 2016

FILMOGRAPHIE: Kenneth Lonergan, né le 16 octobre 1962 à New York, est un dramaturge, scénariste et réalisateur américain. 2000 : Tu peux compter sur moi (You can count on me)
2011 : Margaret. 2016 : Manchester by the Sea.


Le Pitch :
Lee Chandler, un homme à tout faire, doit se rendre à Manchester, la ville dans laquelle il a passé la majorité de son existence, suite au décès de son frère. Désigné comme tuteur de son neveu Patrick, un adolescent de 16 ans, il se retrouve confronté à des responsabilités qui font ressurgir les fantômes d’un passé auquel il a toujours cherché à échapper…

LA CRITIQUE DE MANCHESTER BY THE SEA:
Scénariste du Gangs Of New York de Martin Scorsese et de Mafia Blues, d’Harold Ramis, Kenneth Lonergan a fait ses débuts derrière la caméra en 2000 avec Tu peux compter sur moi, un drame avec Laura Linney et Mark Ruffalo, qu’il a également écrit. 11 ans plus tard, il livrait son second long-métrage, Margaret (dont il fut d’ailleurs dépossédé). Deux films qui ne laissaient pas vraiment deviner que le réalisateur avait en lui quelque chose d’aussi profond que Manchester By The Sea


CASEY AFFLECK DANS LA TOURMENTE
Alors que son frère, Ben, a semble-t-il toujours recherché le maximum d’exposition, en s’imposant comme une star dans le sens le plus classique du terme, via ses choix cinématographiques ou sa propension, peut-être involontaire, à attirer les flashs des photographes, Casey Affleck a évolué au rythme de films plus confidentiels. Gerry, Lonesome Jim, L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, Gone Baby Gone, Les Amants du Texas ou encore Les Brasiers de la Colère étant de purs drames inscrits dans une tradition noble du septième-art américain , qui ont offert au comédien de multiples occasions de prouver son talent et sa capacité à incarner des personnages en souffrance et ô combien torturés. Avec Manchester By The Sea, Casey Affleck récidive mais réussit l’exploit de ne pas faire dans la redite facile. Son rôle est au centre de la dynamique du long-métrage de Lonergan. Il est quasiment de tous les plans et cristallise toute l’attention. Le scénario, qui s’articule autour du deuil et de la difficulté de continuer à vivre après une tragédie, à contre-courant, toujours, compte sur l’acteur pour donner du corps aux thématiques, qu’il sublime avec un naturel confondant et une aisance qui force en permanence l’admiration. Avec une économie dont il est plutôt familier, Affleck nous gratifie d’une performance incroyable, intense, toute en retenue, face à laquelle il est de bon ton de tomber en admiration. Lee, son personnage, se faisant le réceptacle d’une peine insondable mais aussi d’une résilience inouïe mais jamais propice à des débordements qui auraient pu déboucher sur un certain cabotinage.
Dirigé à la perfection, Casey Affleck donne le La aux autres acteurs qui pourtant, ne lui servent pas la soupe. Dans cette tragédie moderne baignée dans la grisaille d’un hiver américain sur la côte Est, tout le monde a son rôle à jouer et personne n’est mis au rencard. Même Michelle Williams, qui contrairement à ce que l’affiche et la promo du film veulent nous faire croire, ne tient pas l’un des premiers rôles, mais parvient à incarner l’une des nombreuses facettes de cette histoire aussi triste que belle car portée par un souffle discret mais puissant propice à l’introspection. En face d’Affleck, tour à tour, l’excellent Kyle Chandler, le solide C.J. Wilson et le jeune surdoué Lucas Hedges, entretiennent une émotion et une rythmique qui font du film ce qu’il est, à savoir une partition complexe et évidente à la fois.


MÉLANCOLIE GLACIALE
Authentique mélodrame américain, Manchester By The Sea évite habilement tous les pièges inhérents au genre et vient tutoyer les grands classiques. Très littéraire, dans le sens où ses images semblent parfois tout droit sorties d’un roman du genre de ceux qu’ont pu écrire Jim Harrison et Stephen King (avec Dolores Claiborne par exemple) ou tous ceux qui ont tenté de capturer l’essence des sentiments humains sans avoir recours aux lieux communs. Habitée par une poésie pénétrante, la prose de Kenneth Lonergan sait laisser la place aux silences, qui permettent d’ailleurs à son objectif d’exploiter le paysage, dont les contours ou encore les remous de l’océan offrent un écho à la tragédie qui se joue entre les membres de cette famille dysfonctionnelle. La mélancolie qui habite le long-métrage est ainsi d’un pudeur absolue. Elle naît de cette précision incroyable, qui caractérise à la fois la réalisation, le scénario et le jeu des acteurs et participe à cette faculté saisissante qu’a l’histoire de nous immerger pour captiver sans nous prendre en otage d’une émotion pourtant dévastatrice. Le choix de la musique est en cela important vu qu’il traduit une volonté de rester dans un registre classique, sans s’interdire de véritables envolées lyriques. Le montage est au diapason, vu qu’il construit le background des personnages sans effets superflus, là encore avec un naturel appréciable. La fluidité est totale et donne à Manchester By The Sea l’occasion de nous proposer des séquences ahurissantes, à l’image de ce flash-back entrecoupé de retours au présent, enveloppé par les nappes de l’Adagio d’Albinoni.


SAISIR L’INSAISISSABLE
Manchester By The Sea n’a rien d’un film facile. Pour ce qu’il raconte tout d’abord, certaines scènes étant particulièrement difficiles bien qu’au fond, on ne nous montre que l’essentiel sans tomber dans une complaisance un peu crasse, mais aussi pour la façon dont il a de dérouler son récit. En s’attachant à de petits détails, sans rien oublier, en laissant la place à des multiples respirations… Et c’est précisément ainsi qu’il sait au final sonner juste. Tout s’imbrique à la perfection. Y compris quand l’espoir d’un sursaut de vie intervient dans la morne routine de cet homme brisé. Car ici l’espoir est ténu et son arrivée subtile. Rien n’est évident. Ni la noirceur ni la lumière. C’est aussi pour cela que Manchester By The Sea tient du classique instantané : il sait saisir l’insaisissable sans avoir l’air de le faire. Car il touche à une certaine universalité…

En Bref…
Drame américain inscrit dans une noble tradition, Manchester By The Sea émeut autant qu’il impressionne par sa justesse et par sa pudeur. Une poésie folle se dégage de ces images où la froidure d’un hiver impitoyable fait écho à la détresse d’un homme et des siens confrontés aux tourments d’une vie impitoyable. Que ce soit au niveau du fond ou de la forme, Kenneth Lonergan a réussi. Son troisième long-métrage confine au sublime.

@ Gilles Rolland. Note: 4,5/5
En savoir plus sur http://www.onrembobine.fr/critiques/critique-manchester-by-the-sea/#t0BhoXEcq6TukDTl.99

Mon p'tit mot:
A l'instar de l'humanisme sensitif (mais dépouillé) du cinéma de James Gray et Cassavetes, un drame fragile sur le poids insurmontable de la culpabilité et du deuil infantile. Peut-être/sans doute le meilleur rôle de Casey Affleck !
B-D

Récompenses:
2016 : Festival du film de Hollywood : Prix du meilleur scénario pour Manchester by the Sea1
Boston Online Film Critics Association Awards 2016 : Meilleur scénario original pour Manchester by the Sea
National Board of Review Awards 2016 : Meilleur scénario original pour Manchester by the Sea
New York Film Critics Circle Awards 2016 : Meilleur scénario original pour Manchester by the Sea