lundi 20 mars 2017

ROGUE ONE: A STAR WARS STORY

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site lestoilesheroiques.fr

de Gareth Edwards. 2016. U.S.A. 2h14. Felicity Jones, Diego Luna, Donnie Yen, Ben Mendelsohn, Jiang Wen, Forest Whitaker, Mads Mikkelsen, Alan Tudyk, Riz Ahmed, Spencer Wilding et Daniel Naprous, James Earl Jones, Genevieve O'Reilly, Alistair Petrie, Paul Kasey.

Sortie salles France: 14 Décembre 2016. U.S: 16 Décembre 2016

FILMOGRAPHIEGareth Edwards est un réalisateur, scénariste et producteur britannique, né le 31 Décembre 1975. 2010 : Monsters. 2014 : Godzilla. 2016: Rogue One: a star wars story.


Spectacle enchanteur de guerre et d'aventures à couper le souffle, Rogue One: A Star Wars Story est une grandiose odyssée au souffle épique aussi persuasif que l'imputrescible l'Empire-contre attaque ! Alors que les derniers épisodes, trop lisses et conventionnels, car dénué d'âme et d'esprit créatif n'ont jamais su retrouver la magie de la saga originelle, Gareth Edwards est aujourd'hui parvenu à réactualiser le mythe avec une humilité et une maestria ébouriffantes ! Les séquences d'action, aériennes et terriennes, s'avérant d'une intensité vertigineuse, de par la fluidité et la rigueur de la réalisation, du montage ultra dynamique et du sens du découpage (rien n'a été laissé au hasard dans le moindre cadre !). Outre ses explosions dantesques de batailles tantôt spatiales, tantôt terriennes, les décors grandioses, les figurants réunis en masse (sans faire office de remplissage) et son design formel (telle la scénographie instaurée sur la plage tropicale !) décuplent le dépaysement que le spectateur éprouve à la manière d'un rêve de gosse.


Car 37 ans après la sortie de l'Empire..., Gareth Edwards est parvenu de mon point de vue subjectif à renouer avec mes émotions d'adolescence pour le sens féerique imputé à sa forme et pour la densité des personnages remarquablement dessinés, et ce jusqu'aux seconds rôles. Je pense prioritairement à la troupe des rebelles que Jyn Erso est parvenu à recruter avec l'aide d'un androïde transfuge (oh combien crédible !) afin de pouvoir récupérer les plans de l'étoile noire que son père eut secrètement préservé. Au-delà de l'aspect festif du spectacle aussi généreux qu'attachant (alors qu'il ne cède jamais à une vaine esbroufe !), la dimension dramatique de l'intrigue est également son point positif si bien que les thèmes de l'amour, de la vengeance et du sens du sacrifice étroitement liés au destin de Jyn Erso extériorisent quelques séquences véritablement poignantes et épurées (j'en ai même versé des perles de larmes lors d'un bref instant d'adieu). Si Felicity Jones ne délivre pas une interprétation inoubliable, son charisme sentencieux, sa foi humaine et sa volonté pugnace de compromettre les plans de l'Empire se traduisent avec assez de vigueur morale pour qu'on se laisse prendre à son jeu dramatique. La sobriété de la distribution étant justement une plus-value auprès de sa construction narrative lorsqu'il s'agit de préméditer des stratégies d'attaques ou de brosser des plages d'intimité autour des rapports familiaux ou romantiques de Jyn en initiation héroïque (sans toutefois être sur le front comme ses autres compagnons).


Par le biais d'une histoire simple mais forte, Gareth Edwards est donc parvenu avec Rogue One à redorer un sang neuf à la saga en donnant chair à des personnages matures d'une belle densité morale (à l'instant du guerrier aveugle croyant à la force de manière bien spécifique !). Un nouveau divertissement familial extrêmement sincère et généreux si bien qu'en terme de création d'univers chimérique, Rogue One renoue tout simplement avec la magie du grand spectacle épique. 

Bruno Dussart

vendredi 17 mars 2017

TRAQUE A BOSTON

                                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site cineday.orange.fr

"Patriots Day" de Peter Berg. 2016. U.S.A. 2h13. Avec Mark Wahlberg, Kevin Bacon, John Goodman, J. K. Simmons, Michelle Monaghan, Vincent Curatola.

Sortie salles France: 8 Mars 2017. U.S: 13 Janvier 2017

FILMOGRAPHIE: Peter Berg est un réalisateur, acteur, producteur, scénariste et compositeur américain, né le 11 Mars 1962 à New-York.
1998: Very Bad Things. 2003: Bienvenue dans la jungle. 2004: Friday night lights. 2007: Le Royaume. 2008: Hancock. 2012: Battleship. 2013: Du sang et des larmes. 2016: Deepwater. 2016: Traque à boston.


Réalisateur touche à tout capable du meilleur et de quelques ratés, Peter Berg n'en finit plus de nous surprendre depuis ses récents succès Du sang et des Larmes et Deepwater alors qu'il se fit connaître avec une première oeuvre diablement réjouissante, la comédie sardonique Very Bad Things. Aujourd'hui, il s'implique à nouveau dans l'adaptation du fait divers pour mettre en boite Traque à Boston. Un titre simpliste mais prometteur faisant d'ailleurs quelque peu écho aux polars des années 70. Le 15 Avril 2013, des terroristes commettent deux attentats en plein marathon de Boston. Recherchés par toutes les polices, le duo est sur le point de parfaire une nouvelle attaque quand bien même le sergent Tommy Saunders s'efforce de retrouver leur trace avec l'appui du FBI. A travers ce fait divers tragique fustigeant à nouveau le spectre du terrorisme, Peter Berg emprunte le schéma du thriller à suspense parmi une solide maîtrise et un sens acéré de l'efficacité.


A l'instar de son unique séquence d'action aussi virtuose qu'anthologique nous immergeant de plein fouet au sein d'une guérilla urbaine à feu et à sang ! D'une vigueur et d'un réalisme hallucinants, la réalisation assidue nous plaque au siège lors de ses échanges de tirs et de bombes que se disputent policiers et terroristes. Au-delà de cet affrontement belliciste proprement vertigineux qu'on croirait sorti d'un film de guerre, Peter Berg s'efforce toutefois de fidéliser l'action des évènements avec sobriété et dignité. Le mise en scène studieuse prenant son temps dans une fidèle chronologie de retracer l'enquête et la longue traque qu'éprouve la police après nous avoir reconstitué sans esbroufe (mais avec un réalisme pénible) les deux explosions meurtrières du marathon de Boston. Du point de vue des terroristes en fuite, Peter Berg peaufine notamment avant la traque promise une nouvelle tentative d'attentat qu'ils s'efforcent à nouveau de perpétrer sous le schéma d'un suspense haletant. Certaines séquences furieusement anxiogènes (mais expurgées de fioritures) insufflant une tension terriblement viscérale lorsque deux victimes tenteront vaillamment de s'extirper de leur situation de danger létale. Quant à sa distribution virile, et en dépit du talent infaillible de nos illustres seconds-rôles (Kevin Bacon, John Goodman se partagent la vedette avec une mutuelle autorité), Mark Wahlberg s'investit à nouveau dans une posture pugnace avec charisme et modestie si bien que l'intensité des sombres évènements qui empiètent l'intrigue émanent notamment de sa constance à appréhender les criminels en dépit d'un handicap corporel ! (il boite de la jambe droite suite à un accident).


Sans jamais sombrer dans la série B de comptoir afin de divertir un public facile, Traque à Boston redore le blason du thriller à suspense avec un savoir-faire technique et une digne sobriété si je me réfère à la fidélité de sa reconstitution historique et au témoignage imputé aux victimes des attentats et secouristes (images d'archives, interview des survivants à l'appui en guise d'épilogue) pour nous laisser en mémoire un poignant hommage jamais sirupeux. 

Bruno Matéï

jeudi 16 mars 2017

L'EMPIRE DE LA TERREUR

                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site kebekmac.blogspot.fr

"Tales of Terror" de Roger Corman. 1962. U.S.A. 1h29. Avec Vincent Price, Maggie Pierce, Leona Gage, Edmund Cobb, Peter Lorre, Joyce Jameson, John Hackett, Lennie Weinrib, Wally Campo, Alan DeWitt, Basil Rathbone, Debra Paget, David Frankham.

Sortie salles France: 12 Avril 1972. U.S: 4 Juillet 1962

FILMOGRAPHIE: Roger Corman est un cinéaste américain, né le 5 avril 1926 à Détroit, Michigan
1955: Day the World Ended. 1956: It's Conquered the World. 1957: Rock all Night. 1957: l'Attaque des Crabes Géants. 1957: Not of this Earth. 1957: Vicking Women. 1957: The Undead. 1958: War of the Satellites. 1958: She-Gods of Shark Reef. 1958: Swamp Women. 1958: Teenage Caveman. 1958: Mitraillette Kelly. 1959: Un Baquet de Sang. 1960: La Petite Boutique des Horreurs. 1960: La Chute de la Maison Usher. 1961: Ski Troop Attack. 1961: La Chambre des Tortures. 1961: Atlas. 1962: The Intruder. 1962: l'Enterré Vivant. 1962: l'Empire de la Terreur. 1962: La Tour de Londres. 1963: Le Corbeau. 1963: La Malédiction d'Arkham. 1963: l'Horrible cas du Dr X. 1963: l'Halluciné. 1964: Le Masque de la Mort Rouge. 1964: l'Invasion Secrète. 1965: Le Tombe de Ligeia. 1965: Not of this Earth. 1966: Les Anges Sauvages. 1967: l'Affaire Al Capone. 1967: The Trip. 1970: Bloody Mama. 1971: Gas-s-s-s. 1971: Le Baron Rouge. 1990: La Résurrection de Frankenstein.


Quatrième adaptation de Poe supervisée par le maître Roger Corman, l'Empire de la Terreur regroupe 3 anthologies auquel se télescopent harmonieusement les thèmes de la jalousie, de la vengeance, de l'adultère et du surnaturel. D'une durée écourtée de 22 minutes, le 1er sketch intitulé Morella illustre la vengeance d'une mère de famille morte en couche par la cause de sa fille. 26 ans plus tard, et pour se faire pardonner, cette dernière rend visite à son père au sein de sa poussiéreuse demeure. Mais celui-ci, passéiste et mélancolique, n'est pas prêt de lui accorder la rédemption. Si Morella s'avère inévitablement l'épisode le plus faible de la trilogie, Roger Corman parvient toutefois à maintenir l'attention grâce à l'esthétisme envoûtant d'une demeure sclérosée et à sa faculté de nous faire croire à l'improbable lorsqu'un fantôme vindicatif décide de prendre sa revanche sur son passé galvaudé. L'interprétation fort convaincante (Vincent Price en tête dans un rôle assez proche du personnage meurtri et solitaire d'Usher !) rehaussant l'intensité des enjeux humains compromis par les sentiments de remord, de rancoeur et de pardon.


Le second sketch, Le Chat Noir, constitue une savoureuse comédie horrifique lorsqu'un époux alcoolique se voit contraint de concurrencer un dégustateur de vin lors d'une soirée arrosée au sein d'une auberge. Epris d'amitié, Montresor invite le dégustateur Fortunato à son domicile, quand bien même ce dernier ne reste pas insensible aux charmes d'Annabel, épouse soumise au vieux machiste. Par le biais d'une intrigue charpentée émaillée de situations cocasses, Vincent Price et Peter Lorre s'en donnent à coeur joie dans le mimétisme outrancier pour nous livrer un irrésistible numéro d'acteurs. Je songe inévitablement à l'épreuve du vin que nos deux compétiteurs affrontent avec un cabotinage volontairement badin. Outre l'aspect fantaisiste de son intrigue et des péripéties que Montresor accuse lors de ses hallucinations d'ébriété ou de ses querelles avec un chat, l'esthétisme raffiné des décors gothiques (taverne chaleureuse, ruelles touristiques et foyer victorien) nous ensorcelle à nouveau si bien que Roger Corman nous immerge d'autant mieux dans son époque vétuste par le truchement d'une flamboyante photographie. On s'amusera également, et pour parachever, de son astucieuse chute sardonique que les amateurs connaissent sans doute sur le bout des doigts !


La dernière anthologie prénommée La Vérité sur le cas de M. Valdemar s'avère assurément la plus originale et captivante lorsqu'un hypnotiseur tente de percer les secrets d'une éventuelle vie après la mort avec l'accord de son patient moribond. Au centre de cette incroyable énigme, un triangle amoureux va sévèrement compromettre l'enjeu spirituel pour culminer une fois encore à une vengeance d'outre-tombe. Vincent Price, au jeu cette fois plus sobre, et le charismatique Basil Rathbone s'affrontant avec une autorité dandy, quand bien même la sublime Debra Paget (bon dieu, quelle déesse !) électrise l'écran de sa présence chétive sous la ténuité de son regard azur.

Conclusion: Sans atteindre les niveaux autrement plus ambitieux de la Chute de la maison Usher, du Masque de la Mort rouge et de La Tombe de Ligeia, L'Empire de la terreur constitue une fort sympathique série B sous la direction de Corman vouant à nouveau son amour au genre gothique avec une intégrité indéfectible.

Eric Binford.
2èx 

mardi 14 mars 2017

KIDS

                                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site senscritique.com

de Larry Clark. 1995. U.S.A. 1h31. Avec Leo Fitzpatrick, Sarah Henderson, Justin Pierce, Chloë Sevigny, Rosario Dawson, Harold Hunter, Harmony Korine, Yakira Peguero.

Sortie salles France: 28 Juillet 1995 

FILMOGRAPHIELarry Clark (né le 19 janvier 1943 à Tulsa dans l'Oklahoma) est un photographe, réalisateur et directeur de la photographie américain. 1995 : Kids. 1998 : Another Day in Paradise. 2001 : Bully. 2002 : Teenage Caveman (TV). 2002 : Ken Park. 2004 : Wassup Rockers
2006 : Destricted - segment Impaled. 2012 : Marfa Girl. 2015 : The Smell of Us.


Cri d'alarme contre le fléau du Sida qu'une jeunesse déboussolée contracte en toute inconscience, Kids fait l'effet d'un électro-choc dans sa radicalité à imprimer sur pellicule un docu-fiction criant de vérité autour du mal-être existentiel. Afin de se préserver des maladies vénériennes, le jeune Telly cumule les conquêtes sexuelles de très jeune âge. Mais une de ses récentes amies, Jenny, apprend par une praticienne qu'elle est séropositive. Désespérée, elle tente d'avertir son ancien amant alors que ce dernier s'adonne librement à la débauche parmi ses camarades adeptes de drogues et d'alcool. Pour son premier essai derrière la caméra, Larry Clark impose le respect par son brio à filmer sans concession les pérégrinations urbaines de jeunes banlieusards livrés à une déchéance à la fois physique et morale.


Agrémenté de dialogues TRES crus dictés par des comédiens amateurs (ou néophytes) au charisme naturel (Rosario Dawson, étonnante de spontanéité en allumeuse impudente, Chloë Sevigny, bouleversante de désarroi auprès de sa pathologie vénérienne, Leo Fitzpatrick, plus vrai que nature en érotomane aux tendances pédos quand bien même Justin Pierce lui partage la vedette avec une identité aussi perverse !), Kids nous fait pénétrer dans leur intime quotidienneté avec un malaise viscéral prégnant. Le spectateur étant contraint d'observer malgré lui leur inlassable conversation égrillarde entre 2/3 défonces de joints et parties de jambe en l'air. Quand bien même la 1ère victime du Sida accablée d'impuissance et de chagrin tentera en dernier ressort de retrouver son amant de passage afin de lui faire assumer sa lourde responsabilité. Si Kids foudroie autant émotionnellement parlant et nous laisse en état de choc sitôt le générique écoulé, c'est notamment grâce au parti-pris de son auteur à dépeindre de la façon la plus glauque et épidermique qui soit les agissements libidineux de ces ados sans vergogne (ils ne respectent jamais la gente féminine et se complaisent dans une raillerie putassière) tributaires de l'ivresse de la baise, de la défonce et des beuveries. Mais derrière les actions triviales de ses jeunes branleurs issus de quartiers défavorisés, on ne peut toutefois s'empêcher d'éprouver une profonde tristesse et empathie quant à leur condition pubère victime de démission parentale. Incultes et désireux de brûler leur vie au jour le jour sans se soucier des conséquences du lendemain, ces Kids issus de la génération 90 insuffle une vive émotion dans leur condition fragile juvénile, dans leur exubérance ignorante à s'adonner aux dérives avec un épanouissement suicidaire.


Glauque, malsain, sordide, dérangeant et psychologiquement éprouvant, Kids nous saisit à la gorge dans sa peinture nihiliste de brosser les portraits peu recommandables de jeunes délinquants incapables de se responsabiliser face au fléau du Sida (l'un d'entre eux évoquera d'ailleurs qu'il s'agit d'une rumeur infondée). Car autour de leurs excès toxicomanes et délinquants (passage à tabac communautaire sur un jeune quidam, maraude dans une épicerie), c'est avant tout un cri d'alarme contre la contagion de la maladie que Larry Clarke dénonce avec une lucidité documentée parfois à la limite du soutenable. De ce coup de maître d'une intensité dramatique sans retenue émane un témoignage inoubliable aussi essentiel qu'accablant si bien que la réalité eut rejoint la fiction lorsque Justin Pierce (Casper) se suicida par pendaison en 2000 et qu'Harold Hunter (Harold) mourut d'un arrêt cardiaque en 2006 après avoir inhalé de la Coke. 

A Justin et Harold...

P.S: A privilégier impérativement la VOST !

Bruno Dussart.
4èX



vendredi 10 mars 2017

Donnie Darko

                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site lecinemaavecungranda

de Richard Kelly. 2001. U.S.A. 1h53. Avec Jake Gyllenhaal, Jena Malone, Drew Barrymore, Mary McDonnell, Katharine Ross, Patrick Swayze, Noah Wyle, Holmes Osborne, Maggie Gyllenhaal,
Daveigh Chase, James Duval.

Sortie salles France: 30 Janvier 2002. U.S: 26 Octobre 2001

FILMOGRAPHIEJames Richard Kelly plus souvent appelé Richard Kelly est né le 28 mars 1975 à Newport News (Virginie, États-Unis). Il est réalisateur et scénariste américain. 2001 : Donnie Darko. 2006 : Southland Tales. 2009 : The Box.


Le jour de la fin de votre monde.
Film culte d'une génération célébré avant tout pour l'ossature de son scénario aussi inracontable qu'abscons, Donnie Darko s'inspire du cinéma de Lynch pour nous égarer dans un univers métaphysique (et spirituel) sensiblement envoûtant sous l'impulsion cérébrale de personnages énigmatiques parfois même ubuesques. Mais sans vouloir copier ou (involontairement) parodier son aîné, Richard Lynch possède son identité propre pour y cristalliser une oeuvre insolite lestement étrange, magnétique, hypnotique, ensorcelante, passionnante. Le spectateur à la fois constamment dérouté et fasciné ne pouvant s'empêcher d'observer l'errance morale du héros entraîné dans un dédale spatio-temporel parmi l'aura d'un climat baroque à l'indicible mystère. Et c'est ce qui fait la telle puissance de cet OFNI à marquer d'une pierre blanche au point de ne pas en sortir indemne, jusqu'aux larmes (bicéphales) de délivrance. 

Le Pitch: Donnie est un ado instable et rebelle si bien qu'il consulte depuis quelques temps une psychothérapeute afin de canaliser ses angoisses et découvrir pour quels motifs il aperçoit lors de ses rêves et crises de somnambulisme un homme déguisé en lapin surnommé Franck. Avant que le réacteur d'un avion ne s'écrase dans sa chambre, Donnie est contraint de quitter son lit sous l'égide de son personnage irréel lui avertissant que la fin du monde aura lieu dans 28 jours. A partir de cet instant, sa vie semée de rencontres amicales et hostiles bascule dans une seconde dimension afin de lui révéler son incroyable destinée impartie au sens du sacrifice. 


Ainsi, en traitant des thèmes du voyage temporel et de la spiritualité, des notions essentielles de peur et d'amour qui régissent notre existence, du mal-être adolescent et de l'abnégation, Richard Lynch redouble d'ambition, de passion, de brio pour y consolider une intrigue hermétique incroyablement originale si l'on parvient à déceler la plupart des tenants et aboutissants de la personnalité sinueuse de Donnie. (Car on est pas obligé de tout comprendre pour aimer, l'important c'est de rêver). Quand bien même ses témoignages amicaux auront un rapport commun avec ses actions personnelles vouées à un bouleversement de la fatalité. D'ailleurs, ceux qui craignent se triturer un peu trop les méninges sans en avoir saisi le dénouement, il vaudrait mieux se rabattre sur la version Director's Cut plus extensible de 20 minutes que Richard Lynch explique avec plus de fluidité quant aux indices et rebondissements savamment balisés. Mais au-delà de l'aspect obsédant de son histoire ramifiée (à l'instar d'un puzzle à reconstruire) faisant appel aux théories sur la fragilité de l'être et de l'existence et la prédestination, sa distribution disparate détonne d'autant mieux (on y croise Drew Barrymore, Mary McDonnell, Katharine Ross, Patrick Swayze et Noah Wyle pour le meilleur) de manière à renforcer le caractère déroutant de leurs agissements extravagants, interlopes, secrets. Enfin, Jake Gyllenhaal (dans un âge juvénile) endosse le rôle-titre avec un naturel fragile à la fois trouble et décomplexé dans sa posture schizo d'ado en résolution existentielle. Epaulé d'une jolie BO contemporaine qui ravira les amateurs éclairés, Donnie Darko se permet notamment en intermittence d'y composer de petits clips atmosphériques où l'émotion parfois dramatique finit par distiller une mélancolie palpable jusqu'au final bouleversant d'une sensibilité aigüe qu'on ne voit pas venir.   


Une psychanalyse sur la schizophrénie ?
Ineffable, lestement électrisant et profondément trouble auprès de son climat de mystère davantage prégnant, Donnie Darko reste une référence du genre d'une richesse cérébrale infinie. Une expérience inclassable à savourer de préférence à tête reposée (restez attentifs aux moindres évènements qui irriguent l'écran), un chef-d'oeuvre émotif d'une intensité dramatique bipolaire qui vous hantera jusqu'à la prochaine révision. Car plus on redécouvre Donnie Darko, plus la porte du cellier s'ouvre à nous avec une faculté immersive surréaliste. 

*Eric Binford
3èx. 17.04.24. Vost. 4K

jeudi 9 mars 2017

THEATRE DE SANG

                                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site fan-de-cinema.com

"Theatre of Blood" de Douglas Hickox. 1973. Angleterre. 1h44. Avec Vincent Price, Diana Rigg, Ian Hendry, Harry Andrews, Coral Browne, Robert Coote, Jack Hawkins, Michael Hordern, Arthur Lowe.

Sortie salles France: 16 Août 1973. U.S: 5 avril 1973

FILMOGRAPHIEDouglas Hickox est un réalisateur britannique, surtout connu comme réalisateur de films d'action, né le 10 janvier 1929 à Londres, ville où il est mort le 25 juillet 1988. 1959 : Behemoth the Sea Monster coréalisé avec Eugène Lourié. 1963 : It's All Over Town. 1964 : Just for You. 1969 : Les bicyclettes de Belsize. 1970 : Le Frère, la sœur et l'autre. 1972 : La Cible hurlante. 1973 : Théâtre de sang. 1975 : Brannigan. 1976 : Intervention Delta. 1979 : L'Ultime Attaque. 1983: The Hound of the Baskervilles (TV). 1984 : The Master of Ballantrae (TV). 1985 : Blackout


Clairement influencé par le succès de l'Abominable Dr Phibes, Douglas Hickox recrute le notoire Vincent Price et reprends les mêmes codes narratifs (vengeance diabolique perpétrée par un mort revenu d'outre-tombe, humour noir en roue libre par le biais de ses mises en scènes morbides, romance en berne avec sa fille prévenante) pour parfaire Théâtre de Sang. Satire au vitriol des critiques aussi bien intransigeantes que bien-pensantes, cette farce macabre compte prioritairement sur l'efficacité de ses scènes chocs à la fois redoutablement cruelles et singulières pour divertir un public complice. Car prenant pour anti-héros un personnage emphatique issu du milieu du théâtre, Théâtre de Sang se focalise sur la vengeance de Lionheart depuis que des journalistes auront préféré imputer un prestigieux trophée au profit d'un acteur concurrent.


Baignant dans un climat de douce folie où le baroque se dispute à l'excentricité, Théâtre de Sang s'édifie en jubilatoire jeu de massacres sous le pilier d'une intrigue simple mais habile (notamment la manière dont Lionheart est parvenue à s'extirper de la mort puis sa rencontre impromptue avec sa nouvelle troupe de théâtre). Un hommage persifleur aux pièces de Shakespeare et au cinéma d'épouvante hérité des grands classiques (l'Homme au masque de cire, le Fantôme de l'opéra à titres d'exemples). Dans un rôle à nouveau déclamatoire, Vincent Price jubile à se glisser dans la peau d'un acteur sardonique élaborant les pièges machiavéliques sous l'intonation de célèbres citations que Shakespeare lui aura inculqué à travers ses adaptations. Assez proche de son personnage de Phibes, Price évite néanmoins de le singer ou de le caricaturer si bien qu'il se permet ici plus d'extravagance dans ses moult déguisements avec une liberté de ton au naturel décomplexé (le personnage du coiffeur gay à la coiffure psychédélique ou celui du chef cuisto affublé de moustaches affinées). Au niveau des mises à mort inventives, on se surprend de leur cruauté tolérée (la séquence du gavage parmi la recette aux p'tits chiens donnent franchement la nausée) quand bien même certains effets gores ne manquent parfois pas d'audaces avec l'appui d'une violence tranchée (la première victime battue à mort). Enfin, en filigrane, on peut également énoncer une réflexion sur le rapport obsessionnel à la passion lorsqu'un homme épris de vengeance finit en désespoir de cause par sombrer dans une folie meurtrière finalement suicidaire.


Sans atteindre le niveau du chef-d'oeuvre L'Abominable Dr Phibes, Théâtre de Sang constitue autant un hommage décalé aux tragédies de Shakespeare et une diatribe contre les critiques pisse-froids qu'un savoureux divertissement sardonique aussi badin que débridé. A redécouvrir avec un plaisir sadique bonnard. 

Bruno Dussart
2èx

mercredi 8 mars 2017

Maniac

                                                              Photo emprunté sur Google, appartenant au site videodrome666.tumblr.com

de William Lustig. 1980. U.S.A. 1h28. Avec Joe Spinell, Caroline Munro, Abigail Clayton, Kelly Piper, Rita Montone, Tom Savini, Hyla Marrow, James Brexster, James Brewster, Tracie Evans, Sharon Mitchell.

Sortie salles en France le 09 mars 1982 / U.S: 26 Décembre 1980.

FILMOGRAPHIE: William Lustig est un réalisateur américain né le 1er février 1955 dans Le Bronx à New York. Il est le neveu du boxeur Jake La Motta.
1980: Maniac. 1983: Vigilante. 1988: Maniac Cop. 1990: Maniac Cop 2. 1993: Maniac Cop 3.
1997: Uncle Sam.


Gestation d'un mythe contemporain.
Au lendemain de Noël 1980 et cinq mois avant le 1er volet de la saga Vendredi 13 sort sur les écrans Maniac réalisé par le novice William Lustig. Un pavé dans la marre, une expérience déviante faisant office d'électro-choc au sein du paysage ludique du psycho-killer. Genre familièrement intitulé "slasher" et démocratisé deux ans au préalable par John Carpenter avec l'immuable Baby-sitter murder (ça c'était pour le clin d'oeil car rebaptisé depuis sa sortie par le titre celte Halloween). Frank Zito est un solitaire vivant reclus dans son appartement en compagnie de mannequins de vitrine. Leur visage sanguinolent est entaché de perruques qu'il s'applique à clouer sur leur crane. Ces chevelures sont à l'origine de véritables scalps qu'il perpétue sur des proies féminines durant ses errances nocturnes. Frank rodant dans la ville de New-York pour punir toutes les femmes qu'il aborde incidemment.


Scènes de crimes
Sans concession, le préambule rentre dans le vif du sujet pour illustrer sous une photo granuleuse blafarde un double meurtre crapuleux (strangulation et égorgement). Sous l'intempérie d'un ciel nuageux, un couple d'amants se prélasse sur une plage déserte. Sans rémission, une présence hostile à la respiration pondéreuse s'avance vers eux pour les assassiner avec une rare sauvagerie ! L'ambiance mortifère qui s'y dégage s'infiltre déjà à travers la pellicule maculée de sang ! Mais tout ceci n'était qu'une réminiscence ! Un cauchemar à nouveau fantasmé par le tueur au sein de l'intimité de sa chambre. C'est ensuite vers une cité urbaine malfamée qu'il déambule pour trouver refuge dans une chambre de motel en compagnie d'une jeune prostituée. Furtivement, elle finira étranglée et scalpée ! La brutalité graphique de cette longue séquence éprouvante foudroie par son réalisme âpre en insistant notamment sur les visages horrifiés des protagonistes (plans serrés à l'appui !). Un sentiment suffocant renforcé de la physionomie spectrale du tueur ruisselant de perles de sueur car s'acharnant de ses mains béantes sur le cou de la victime pour l'étouffer ! Ce premier homicide au climat de folie tangible dérange à point tel qu'aucun cinéaste n'était allé aussi loin pour le retranscrire aussi explicitement. Un autre exemple illustre bien le parti-pris à la fois ostentatoire et radical de Lustig avec la poursuite dans le métro au cours duquel notre tueur coursera sans répit une infirmière avant de la trucider. Un morceau d'anthologie au climat de claustration singulier si bien qu'il provoque le marasme, autant pour la victime effarouchée s'efforçant de retenir son souffle dans une cabine de toilette, que pour le spectateur voyeur tétanisé par la perméabilité de sa terreur épidermique !


Un tueur dans la ville
Sans perdre de vue ses pérégrinations nocturnes, Lustig continuera de se focaliser sur ses monstrueuses exactions perpétrées dans une mégalopole new-yorkaise tangiblement hostile, car d'autant plus asservie par l'emprise du tueur qu'il semble en être le taulier des lieux. Lustig cultivant avec souci documentaire le sentiment d'insécurité omniprésent régi au sein d'un dédale urbain en déliquescence morbide. Dans une ambiance opaque irrésistiblement magnétique, il dessine en parallèle l'introspection pathologique du criminel en sondant notamment ses pensées licencieuses sous l'impulsion de monologues patauds. Le spectateur observant attentivement ses tourments et ses cauchemars nocturnes résultants d'une profonde solitude et d'un trauma infantile en mettant en évidence sa culpabilité mélancolique de n'avoir pu combler sa mère abusive. De ses névroses et de sa déréliction émanent un refoulement sexuel, une profonde misogynie envers les femmes qui empiètent son chemin. Sa rancoeur et sa haine de sa mère autrefois punitive le contraignant à se transformer en ogre vindicatif contre la gente féminine, et ce en dépit de sa brève liaison amiteuse avec une photographe de mode (endossée par la prêtresse Caroline Munroe) qu'il s'efforce vainement de nouer.


Dans la tête du tueur
Si Maniac fascine et dérange de façon aussi épidermique, c'est également grâce à la prestance hallucinée de Joe Spinell littéralement habité par ses démons internes. Une présence viscérale sidérante de naturel que renforce en prime son physique adipeux et vérolé, sa chevelure croulante et son regard noir habité par la psychose. Qui plus est, ses longs râles plaintifs ne cessent d'hanter la pellicule durant son cheminement autodestructeur noyé de sang mais aussi de larmes. Car malgré tout, et par intermittence, on se surprend à lui tolérer une certaine empathie lors de moments intimes d'une quotidienneté ennuyeuse où ce dernier se parle à lui même pour regretter la disparition de sa mégère autrefois catin. Par le truchement de son passé de maltraitance infantile (il porte des stigmates de sévices corporels sur le corps et on apprend qu'il fut souvent confiné au fond d'un placard en guise de châtiment), Joe Spinell nous insuffle de la compassion dans sa fonction de victime sacrifiée.

                          
Une expérience de cinéma extrême, un choc visuel halluciné, une épreuve immorale en compagnie intime d'un comparse incurable !  
Par son ambiance mortifère à couper au rasoir émanant d'une virée urbaine criminelle, Maniac semble paradoxalement encore plus trouble, fascinant et immersif qu'à l'époque de sa sortie ! Une descente aux enfers jusqu'au-boutiste qui aligne sans modération des scènes gores graphiques d'un réalisme cinglant (respect Mr Savini !), quand bien même sa bande-son stridente aux percussions électros (Jay Chattaway à son apogée!) décuple son sentiment endémique d'insécurité. Eprouvant, angoissant, dérangeant mais éminemment fascinant, Maniac cultive en prime un réalisme parfois surréaliste (à l'instar de son final apocalyptique des plus perturbants !) auprès du psyché torturé du tueur tentant désespérément de fonder un semblant d'harmonie autour de mannequins en berne 

Note: En France, le film, interdit au moins de 18 ans, dû attendre deux ans pour pouvoir accéder à nos salles, faute des démêlés intransigeants d'une censure Giscardienne. Il fut en outre interdit en Australie et en Allemagne de l'est.

Bruno Matéï
08.03.17. 5èx
27.02.11. (472 vues)