de Jack Clayton. 1967. Grande Bretagne. 1h47. Avec Dirk Bogarde, Margaret Brooks, Pamela Franklin, Mark Lester, John Gugolka, Sheldon Williams, Sarah Nicholls, Gustav Henry, Parnum Wallace.
Sortie salles France: 6 Septembre 1973
FILMOGRAPHIE: Jack Clayton est un réalisateur, producteur et scénariste anglais, né le 1er mars 1921 à Brighton, décédé le 26 Février 1995 à Slough (Royaume-Uni). 1959: Les Chemins de la haute ville. 1961: Les Innocents. 1964: Le Mangeur de Citrouilles. 1967: Chaque soir à 9 heures. 1974: Gatsby le magnifique. 1983: La Foire des Ténèbres. 1987: The Lonely passion of Judith Hearne. 1992: Memento Mori (télé-film).
Six ans après son chef-d'œuvre Les Innocents, Jack Clayton renoue avec le thème de l’enfance meurtrie, adaptant un roman de Julian Gloag. Honteusement méconnu pour une raison qui m’échappe encore, Chaque soir à 9 heures est sans doute l’un des plus beaux films jamais consacrés à l’innocence infantile. Une épreuve de force morale, souvent éprouvante, où des enfants d’une même fratrie se retrouvent livrés à eux-mêmes depuis la disparition de leur mère. Le prologue, à cet égard, est d’une douleur inouïe : l’une des aînées assiste à la mort de sa mère, avant que les autres ne la rejoignent en silence pour se recueillir à ses côtés. La mélodie fragile de Georges Delerue, pudique, souligne cette émotion candide qui transparaît sur chacun de leurs visages — vision cruelle de la mort, lorsque l’innocence en est le témoin direct.
Nourris d’un catholicisme profondément ancré, les enfants se réfugient chaque soir à 21 heures dans le jardin, sanctuaire devenu rituel, pour communiquer avec leur mère à travers l’aînée, Diana. Enterrée là, en secret, les soupçons ne tardent pas à naître — d’abord dans l’esprit de la maîtresse de maison, puis chez l’institutrice. Par un étrange hasard, leur père, absent depuis des années, réapparaît et dissipe provisoirement les doutes. D’abord perçu comme bienveillant, il gagne leur confiance — sauf celle d’Elsa, la plus lucide, qui devine rapidement la supercherie : cet homme n’est qu’un imposteur sans vergogne, indifférent à leur sort.
Dans le décor d’une demeure gothique rongée par le silence (reflet du rigorisme moral de la mère), la première partie nous familiarise avec cette petite communauté d’enfants sous l’autorité vacillante de Diana. Fragile, endeuillée, obsédée par l’idée d’un au-delà, elle parvient à se persuader — et à convaincre les autres — qu’elle peut dialoguer avec l’absente. Une illusion pieuse, transformée en code moral, censée maintenir un semblant d’ordre. Mais son fanatisme névrosé empoisonne lentement la dynamique du groupe, jusqu’à produire une scène d’humiliation insoutenable infligée à la petite Gerty.
La seconde moitié laisse place à l’irruption du père dans toute son hypocrisie — un loser imbibé, plus irresponsable encore que les enfants qu’il prétend guider. Loin du stéréotype anecdotique, Clayton choisit de se concentrer sur le combat intérieur d’Elsa, qui tente par tous les moyens de faire entendre la vérité à ses frères et sœurs. Ses affrontements avec Diana, volcanique et tyrannique, deviennent le cœur battant du récit : un duel où se croisent immaturité, pouvoir et désespoir.
À travers les thèmes de la démission parentale, du fanatisme religieux, de l’apprentissage et de la perte, Clayton signe un drame familial d’une intensité bouleversante, inscrit dans la chair même de l’enfance. Le jeu cru et viscéral des enfants, la tension constante de leurs échanges, nous installent dans un inconfort croissant, jusqu’à ce qu’un terrible secret familial vienne déchirer le voile de leur foi.
Une initiation à la maturité, aussi fragile que brutale, dont nul ne sort indemne.
Dérangeant, malsain, mais d’une sensibilité bouleversante, Chaque soir à 9 heures porte en lui la marque des plus grands : par sa mise en scène précise, son intensité dramatique, et le jeu d’une justesse foudroyante, Clayton nous plonge dans un drame familial aussi obscur qu’inoubliable. Ces enfants abandonnés, si profondément attachants, nous laissent hébétés, le souffle court, face à une conclusion sans retour — sans illusion sur leur avenir.
2èx
Chef d'œuvre tout comme les innocents ! La direction d'acteurs est superbe concernant les enfants, L'ambiance mortifère mais cependant immersive dans sa tonalité confère un cachet unique à ce film o combien maîtrisée de À à z.
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