Sortie en France le 13 Mai 1981. U.S: 24 Avril 1981
FILMOGRAPHIE: Ken Hughes ou Kenneth Hughes est un réalisateur, scénariste, producteur et romancier né le 19 janvier 1922 à Liverpool, Royaume-Uni, décédé le 28 Avril 2991 à Los Angeles de la Maladie d'Alzheimer. 1955: Piège pour une canaille. Portrait d'une aventurière. Les Trafiquants de la nuit. 1964: l'Ange pervers. 1967: Casino Royale. Arrivederci Baby. 1969: Chitty, chitty, bang, bang. 1970: Cromwell. 1975: Aftie Darling. 1978: Sextette. 1981: Les Yeux de la Terreur
Pour son dernier film, le réalisateur de Casino Royale tire sa révérence en 1981 avec un psycho-killer vaguement inspiré de La Lame Infernale, classique du Giallo préfigurant l’accoutrement ténébreux du tueur à moto. Les Yeux de la Terreur révèle au passage, pour la toute première fois, la plantureuse Rachel Ward — future icône de la série Les Oiseaux se cachent pour mourir.
Auréolé d’une belle réputation à l’ère VHS, précédé d’une critique estimable (Prix Spécial du Jury à Avoriaz), ce thriller habilement mené semble aujourd’hui déprécié sur certains sites. Las de ces jugements tranchés, j’ai voulu lui rendre hommage. Car à mes yeux — subjectifs, oui, mais pleinement assumés — Les Yeux de la Terreur demeure l’un des psycho-killers les plus attractifs des années 80.
Le pitch : à Boston, un tueur mystérieux, casqué comme un motard de l’enfer, muni d’un sabre, décapite ses victimes selon un ancien rituel. Judd Austin, détective renommé, épaulé par son adjoint, mène l’enquête. Un anthropologue volage devient rapidement le principal suspect.
Les nostalgiques de l’époque n’ont pas oublié le prologue tranchant, incisif comme une lame d’argent : une institutrice et une écolière patientent sur un tourniquet, à la sortie de l’école. L’enfant rejoint sa mère, le dernier employé quitte les lieux. Seule, l’enseignante aperçoit alors un motard s’approcher. Lentement. Subrepticement. L’homme enclenche le manège. La plateforme tourne, de plus en plus vite. La victime ne peut s’échapper. Puis, soudain, la lame s’abat. La décapitation est foudroyante. Chirurgicale. Terrifiante.
Des séquences de cette trempe, Les Yeux de la Terreur en regorge — violentes, sèches, mais sans jamais verser dans le gore outrancier. Ken Hughes en maîtrise les excès, préférant la tension au carnage. Les apparitions spectrales du tueur, drapé de noir, s’accompagnent de stridences sonores oppressantes, exacerbant l’ampleur de ses méfaits.
Le scénario, certes linéaire, n’éblouit ni par sa richesse ni par la surprise de sa résolution (le choix se limite à un anthropologue adultère ou à sa maîtresse possessive). Mais le cinéaste parvient malgré tout à instaurer une vraie efficacité narrative, notamment via les motivations insolites du tueur.
Le meurtrier s’inspire en effet d’un ancien rituel asiatique : les chasseurs de têtes décapitaient leurs ennemis pour s’approprier leur force vitale, avant de purifier leur âme en immergeant la tête tranchée dans l’eau. Ce cérémonial barbare, Hughes l’enrobe parfois d’un humour noir grinçant : une tête dévale lentement au fond d’un aquarium, sous le regard horrifié d’une vieille dame ; ailleurs, deux maçons dégustent une soupe de ragoût dans un snack, jusqu’à ce que l’un d’eux découvre une mèche de cheveux dans son assiette.
L’épilogue, lui, ose une dernière salve d’ironie noire avec le potentiel retour du tueur revenu d’outre-tombe. Clin d’œil final, délirant, presque jubilatoire.
Le fruit noir de la décapitation.
Scandé par la musique lancinante de Brad Fiedel, oscillant entre pulsations sourdes et éclats frénétiques, Les Yeux de la Terreur tisse un suspense haletant et des estocades horrifiques autour des thèmes du rituel, du désir possessif et de l’émancipation féminine. S’il s’avère si attachant, si efficacement rythmé dans son époque, c’est aussi grâce à la bonhomie désabusée de son duo de flics badins, et à la tension vénéneuse des amants en étreinte — Rachel Ward, dans une posture charnelle, y grave une scène de douche restée anthologique. Et quitte à me répéter : les membres du jury d’Avoriaz ne s’y étaient pas trompés, l’ovation fut méritée.
*Bruno