mercredi 31 août 2011

Les Yeux de la Terreur / Night School / Terror Eyes. Prix Spécial du Jury à Avoriaz 1981.


de Ken Hughes. 1981. U.S.A. 1h28. Avec Leonard Mann, Rachel Ward, Drew Snyder, Joseph R. Sicari, Ncholas Cairis, Karen MacDonald.

Sortie en France le 13 Mai 1981. U.S: 24 Avril 1981

FILMOGRAPHIE: Ken Hughes ou Kenneth Hughes est un réalisateur, scénariste, producteur et romancier né le 19 janvier 1922 à Liverpool, Royaume-Uni, décédé le 28 Avril 2991 à Los Angeles de la Maladie d'Alzheimer. 1955: Piège pour une canaille. Portrait d'une aventurière. Les Trafiquants de la nuit. 1964: l'Ange pervers. 1967: Casino Royale. Arrivederci Baby. 1969: Chitty, chitty, bang, bang. 1970: Cromwell. 1975: Aftie Darling. 1978: Sextette. 1981: Les Yeux de la Terreur

 
                               Les Yeux de la Terreur — Rituel sanglant d’un cinéma oublié

Pour son dernier film, le réalisateur de Casino Royale tire sa révérence en 1981 avec un psycho-killer vaguement inspiré de La Lame Infernale, classique du Giallo préfigurant l’accoutrement ténébreux du tueur à moto. Les Yeux de la Terreur révèle au passage, pour la toute première fois, la plantureuse Rachel Ward — future icône de la série Les Oiseaux se cachent pour mourir.

Auréolé d’une belle réputation à l’ère VHS, précédé d’une critique estimable (Prix Spécial du Jury à Avoriaz), ce thriller habilement mené semble aujourd’hui déprécié sur certains sites. Las de ces jugements tranchés, j’ai voulu lui rendre hommage. Car à mes yeux — subjectifs, oui, mais pleinement assumés — Les Yeux de la Terreur demeure l’un des psycho-killers les plus attractifs des années 80.

Le pitch : à Boston, un tueur mystérieux, casqué comme un motard de l’enfer, muni d’un sabre, décapite ses victimes selon un ancien rituel. Judd Austin, détective renommé, épaulé par son adjoint, mène l’enquête. Un anthropologue volage devient rapidement le principal suspect.

Les nostalgiques de l’époque n’ont pas oublié le prologue tranchant, incisif comme une lame d’argent : une institutrice et une écolière patientent sur un tourniquet, à la sortie de l’école. L’enfant rejoint sa mère, le dernier employé quitte les lieux. Seule, l’enseignante aperçoit alors un motard s’approcher. Lentement. Subrepticement. L’homme enclenche le manège. La plateforme tourne, de plus en plus vite. La victime ne peut s’échapper. Puis, soudain, la lame s’abat. La décapitation est foudroyante. Chirurgicale. Terrifiante.


Des séquences de cette trempe, Les Yeux de la Terreur en regorge — violentes, sèches, mais sans jamais verser dans le gore outrancier. Ken Hughes en maîtrise les excès, préférant la tension au carnage. Les apparitions spectrales du tueur, drapé de noir, s’accompagnent de stridences sonores oppressantes, exacerbant l’ampleur de ses méfaits.

Le scénario, certes linéaire, n’éblouit ni par sa richesse ni par la surprise de sa résolution (le choix se limite à un anthropologue adultère ou à sa maîtresse possessive). Mais le cinéaste parvient malgré tout à instaurer une vraie efficacité narrative, notamment via les motivations insolites du tueur.

Le meurtrier s’inspire en effet d’un ancien rituel asiatique : les chasseurs de têtes décapitaient leurs ennemis pour s’approprier leur force vitale, avant de purifier leur âme en immergeant la tête tranchée dans l’eau. Ce cérémonial barbare, Hughes l’enrobe parfois d’un humour noir grinçant : une tête dévale lentement au fond d’un aquarium, sous le regard horrifié d’une vieille dame ; ailleurs, deux maçons dégustent une soupe de ragoût dans un snack, jusqu’à ce que l’un d’eux découvre une mèche de cheveux dans son assiette.

L’épilogue, lui, ose une dernière salve d’ironie noire avec le potentiel retour du tueur revenu d’outre-tombe. Clin d’œil final, délirant, presque jubilatoire.

Le fruit noir de la décapitation.
Scandé par la musique lancinante de Brad Fiedel, oscillant entre pulsations sourdes et éclats frénétiques, Les Yeux de la Terreur tisse un suspense haletant et des estocades horrifiques autour des thèmes du rituel, du désir possessif et de l’émancipation féminine. S’il s’avère si attachant, si efficacement rythmé dans son époque, c’est aussi grâce à la bonhomie désabusée de son duo de flics badins, et à la tension vénéneuse des amants en étreinte — Rachel Ward, dans une posture charnelle, y grave une scène de douche restée anthologique. Et quitte à me répéter : les membres du jury d’Avoriaz ne s’y étaient pas trompés, l’ovation fut méritée.


*Bruno

31.08.11. 6èx

mardi 30 août 2011

Flavia la Défroquée /Flavia, la monaca musulmana


de Gianfranco Mingozzi. 1974. Italie. 1h40. Avec Florinda Bolkan, Maria Casares, Claudio Cassinelli, Anthony Higgins, Jill Pratt.

FILMOGRAPHIE: Gianfranco Mingozzi est un réalisateur et scénariste italien né le 5 avril 1932 à Molinella, province de Bologne en Emilie-Romagne, mort le 7 Octobre 2009 à Rome.
1959: Festa a Pamplona. 1961: Les Femmes accusent. 1967: Trio. 1974: Flavia la défroquée. 1975: Morire a Roma. 1977: Les 3 Derniers jours. 1983: l'Ecran magique. 1987: Les Exploits d'un jeune Don Juan. 1988: La Femme de mes Amours. Ma mère... mon amour. 2000: Le Café des Palmes

                                       

Réalisateur peu connu en France, Gianfranco Mingozzi réalise en 1974 un pamphlet féministe contre le machisme, le rigorisme et le patriarcat exerçant leur dictature durant l'époque moyenâgeuse d'un couvent intégriste.

Le Pitch: En l'an 1400, dans le sud de l'Italie, une jeune femme, Flavia Gaetani se voit contraint de vivre dans un couvent sous l'autorité de son père, témoin d'avoir observé sa fille émue de la mort d'un guerrier sarrasin. L'ambiance dans le monastère devient davantage indécente et frénétique auprès de la folie déraisonnée de jeunes nonnes refoulées. Dès lors, Flavia en quête d'autonomie décide de s'évader en compagnie d'un juif pratiquant dans une contrée plus paisible. 

                                        

Difficile de décrire ce réquisitoire contre le totalitarisme d'une société à la fois machiste et rigoriste dans ce nunsploitation auteurisant tant il dégage un sentiment persistant de mal être et de fascination d'une expérience vécue comme si nous avions parcouru un bon dans le temps révolu. Autant dire que la manière dont Gianfranco Mingozzi s'y entend pour nous immerger dans une lointaine époque vétuste et rétrograde se révèle aussi rebutante que captivante. Celui-ci réussissant parfaitement à reconstituer une époque moyenâgeuse réactionnaire où notre héroïne réduit à l'état d'esclave, va peu à peu prendre conscience de son existence intolérable et surtout de son emprise sectaire avec une religion extrémiste incapable d'y différencier les valeurs du Bien et du Mal. Ainsi, cette oeuvre austère se vit tel un parcours obsédant d'une femme en éveil à sa sensualité sexuelle et à sa condition de domestique, en proie à sa psyché lourdement éprouvée de par l'agissement de ses comparses délurées et de nonnes hystériques sous emprise de folie extériorisée. A travers un florilège de séquences débridés et hallucinatoires, alternant l'horreur des tortures infligées, l'épanouissement délurée de nonnes endiablées et la prise de conscience humaniste d'une femme jamais dupe, Flavia la Défroquée nous entraîne dans un maelström d'images provocantes et dérangeantes. Une ambiance lourde de névrose dévergondée, décuplée par une mise en image cinglante proche des débordements déraisonnés des Diables de Ken Russel, tourné 3 années au préalable ou encore des visions ésotériques, surréalistes d'Alejandro Jodorowski

                                          

Auprès de son physique ombrageux d'un regard noir renfrogné, Florinda Bolkan (le Venin de la peur, la Longue Nuit de l'Exorcisme) s'avère accomplie dans la peau d'une nonne juvénile réfutant toute forme de domination de la part des mâles incapables d'éprouver la compassion pour la femme assouvie à un objet sexuel quand elle n'est pas une esclave inculquée dans la piété. De par la faveur des insurgés musulmans, sa destinée anarchique semble vouée à une quête de rébellion à grande échelle, telle une Jeanne d'Arc vêtue d'un uniforme belliqueux afin de faire payer à ces tortionnaires un châtiment vindicatif. 

Soutenue d'une douce partition dérivative et baignant dans une superbe photo sepia, Flavia la Défroquée est un nunsploitation à prendre en considération historique sur la vérité des faits exposés. Une forme de documentaire provocateur, difficile d'accès pour certains spectateurs exigeants, mais tout à fait convaincant dans sa démarche d'y dénoncer avec force et fracas une religion obscurantiste, tributaire de sa société despotiste contraire à l'égalité des sexes. Une oeuvre subversive difficilement oubliable de par son ambiance démoralisante, ses scènes chocs malsaines (la castration du cheval, la femme nue enfouie dans la carcasse d'un veau suspendu, les quelques sévices corporels inquisiteurs) et son portrait attentionné pour une femme en pleine crise identitaire. A ne pas mettre entre toutes les mains. 
  
31.08.11
Bruno 

lundi 29 août 2011

TON VICE EST UNE CHAMBRE CLOSE DONT MOI SEUL AI LA CLEF (Il tuo vizio è una stanza chiusa e solo io ne ho la chiave)


de Sergio Martino. 1972. Italie. 1h35. Avec Edwige Fenech, Anita Strindberg, Luigi Pistilli, Ivan Rassimov, Franco Nebbia, Riccardo Salvino, Angela La Vorgnia.

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Sergio Martino est un réalisateur, producteur et scénariste italien né le 19 Juillet 1938, à Rome. 1970: L'Amérique à nu, Arizona se déchaine. 1971: L'Etrange vice de Mme Wardh. La Queue du Scorpion. 1972: L'Alliance Invisible. Ton Vice est une chambre close dont moi seul ait la clef. 1973: Mlle cuisses longues. Polices Parallèles. Torso. 1975: Le Parfum du Diable.
1977: Mannaja, l'Homme à la hache. 1978: La Montagne du Dieu Cannibale. 1979: Le Continent des Hommes Poissons. Le Grand Alligator. 1980: Les Zizis baladeurs. 1982: Crime au cimetière  Etrusque. 1983: 2019, Après la chute de New-York. 1986: Atomic Cyborg.

                                    

Après l'insolite l'Alliance Invisible, Sergio Martino renouvelle le giallo auprès d'un trio de personnages peu recommandables en prise avec les exactions d'un mystérieux tueur. Porté par un scénario constamment impondérable et bénéficiant d'un casting prestigieux (Edwige Fenech, Anita Strindberg, Luigi Pistilli), Ton Vice est une Chambre close... est un jeu de massacre incongru mis en exergue dans une perversité typiquement transalpine ! Dans un village italien, Oliviero est un alcoolique dépravé cumulant les conquêtes féminines et les humiliations imputées à sa jeune épouse Irina au bord de la crise de nerf. Bientôt, un mystérieux assassin sévit dans la région avec deux meurtres compromettant le douteux mari infidèle.



En 1972, Sergio Martino renoue une quatrième fois avec l'iconographie giallesque après nous avoir séduit cette même année avec l'Alliance Invisible, puis un an au préalable agrémenté son habile talent avec l'Etrange vice de Mme Wardh et la Queue du Scorpion. Dès le préambule, putanesque et baroque pour l'ambiance dépravée d'une demeure champêtre accueillant des convives libertins, l'intrigue insiste de suite sur l'empathie de l'épouse psychologiquement humiliée et physiquement violentée par un mari volage dénué de compassion. Après le meurtre d'une jeune libraire avec qui Oliviero eut rendez vous, les soupçons vont s'orienter sur son profil sans vergogne et déloyal. Défavorablement, un second crime, beaucoup plus compromettant sera perpétré dans sa propre demeure, portant atteinte cette fois-ci à l'esclave noire de maison. Le scénario de prime abord canonique détourne ensuite des ficelles en exploitant les deux protagonistes principaux comme des complices impromptus auprès d'un meurtre sauvagement perpétré à la faucille. Sergio Martino illustrant avec soin psychologique le quotidien débauché d'un égrillard et de sa pauvre épouse torturée, contrainte de subir ses inlassables réprimandes. L'arrivée d'une affriolante nièce lubrique déstructurera la relation masochiste du couple alors qu'un troisième meurtre sera à nouveau perpétré auprès d'une prostituée. Mais un retournement de situation aléatoire désarçonnera l'intrigue sinueuse en dévoilant aussi furtivement le véritable visage de l'assassin !



La seconde partie s'oriente ensuite vers le huis-clos d'une demeure victorienne auquel un trio pervers s'est porté complice d'un cadavre croupissant derrière les murs de la cave. Sans compter l'omniprésence d'un énigmatique chat noir sauvagement blessé à l'oeil par l'un d'entre eux qui accomplira au terme la plus finaude des revanches. D'ailleurs, Sergio Martino se permet au passage de s'accorder une référence à une fameuse nouvelle d'Edgar Allan Poe lors de son épilogue fatalement ironique et morbide. L'actrice transalpine Edwige Fenech (la femme la plus sexy de la planète !) déploie une fois de plus toute la mesure de son talent charnel dans son jeu naturellement polisson d'effrontée impudente déployant son anatomie corporelle d'une beauté charnue. La sublime Anita Strindberg (le Venin de la peur, l'Antéchrist, Qui l'a vu mourir ?) envoûte également l'écran de son regard azur empli de désespoir et de névrose sous-jacente, accumulés des contraintes licencieuses auprès du mari immoral. L'excellent Luigi Pistilli (Et pour quelques dollars de plus, le Bon, la Brute et le Truand, la Baie Sanglante) lui partage la vedette avec sa trogne impassible de dangereux pervers aviné.

                                     

Le Chat noir
Baignant dans la clarté d'une photo expressive et de classieux décors architecturaux, Ton Vice est une Chambre Close... est un superbe giallo inspiré d'une narration captivante par le biais d'une galerie de personnages tendancieux. L'ambiance putanesque qui émane autour de la sensualité audacieuse de femmes vénéneuses, les scènes gores efficacement troussées, son suspense intense parachevant un dénouement percutant répertorient ce giallo singulier auprès des meilleures réussites du genre.

29.08.11.
* Bruno

mardi 23 août 2011

DE L'EAU POUR LES ELEPHANTS (Water for Elephants)


de Francis Lawrence. 2011. U.S.A. 1h55. Avec Robert Pattinson, Reese Withespoon, Christoph Waltz, James Frain, Hal Holbrook, Paul Schneider, Tim Guinee, Dan Lauria, Ken Foree, Tatum Etheridge.

Sortie en salles en France le 4 Mai 2011. U.S: 22 Avril 2011.

FILMOGRAPHIE: Francis Lawrence est un réalisateur américain né le 26 Mars 1970 à Vienne, en Autriche. 2005: Constantine. 2007: Je suis une Légende. Eddie Dickens and the Awful End. 2011: De l'Eau pour les Eléphants. 2012: Constantine 2.

                                      

Francis Lawrence m'avait particulièrement surpris avec sa nouvelle adaptation de Matheson, Je suis une Légende, campé par un étonnant Will Smith tout en sobriété. En l'occurrence, il rend cette fois un puriste hommage aux romances flamboyantes de la grande époque hollywoodienne. Quelque peu prévisible et n'échappant pas à certaines conventions du genre (happy-end rassurant à l'appui !), De l'eau pour les Éléphants réussit à séduire dans sa sincérité de livrer sans pathos un spectacle plaisant et émouvant. Un conte de fée romanesque et foisonnant auquel un trio de comédiens contemporains réussissent à transcender les clichés usuels du genre.
Dans les années 30, Jacob Jankowski, étudiant studieux pour son enseignement dans la médecine vétérinaire, vient de perdre ses parents et décide de tout quitter pour s'aventurer dans une contrée indéterminée à bord d'un train de marchandise. Il se trouve que ce convoi est emménagé par une troupe ambulante affiliée aux spectacles de cirque. Le jeune orphelin va rapidement faire la rencontre du directeur autoritaire marié à une acrobate vertueuse. Une relation amoureuse naît entre les deux jeunes amants.



Spectacle tous publics tourné à l'ancienne dans son esprit exaltant et romantique érigé autour d'un cirque, De l'Eau pour les Eléphants doit son charme et sa réussite à la personnalité intègre d'un metteur en scène réfutant la guimauve conforme à ce type de production populaire. Grâce à son talent consciencieux à narrer une histoire forte privilégiée par un épatant trio de comédiens, cette aventure humaine relate avec souffle passionnel une intrigue amoureuse sur fond de maltraitance animale. Hormis la superficialité d'un titre pompeux, le récit fait donc appel à la cruauté pour dénoncer les sévices corporels que pourraient subir certains animaux esclaves des chapiteaux de cirque. En l'occurrence, un éléphant devenu le souffre-douleur d'un directeur mégalo aussi intraitable que bestial pour s'y faire entendre et obéir. Mais l'arrivée inopinée d'un jeune vétérinaire va sérieusement perturber sa hiérarchie dictatoriale, notamment auprès de ses employés. Alors qu'au fil de la progression du récit, l'épouse de celui-ci va finalement se laisser attendrir par cet inconnu loyal et bienfaisant. Toutes les séquences émouvantes illustrant la relation empathique entre nos deux héros pour l'animal violenté ou sacrifié font preuve d'une modeste émotion car elle ne sombre jamais dans le sentimentalisme larmoyant (comme ce cheval volontairement abattu de manière succincte afin de le libérer de sa blessure létale). Il en est autant question pour l'histoire d'amour traditionnellement imposée auquel un trio d'amants va devoir s'affronter pour remporter la mise. Un affrontement psychologique davantage compromettant lorsque le mari n'est plus dupe de la relation amoureuse impartie entre son épouse et l'étranger, culminant vers un dénouement aussi déterminant qu'explosif.


Après son triomphe commercial auprès de la trilogie sirupeuse Twilight, Robert Pattinson réussit honorablement à éclipser son personnage pubère d'ado immortel pour endosser un rôle plus mature et tempéré dans sa nouvelle démarche romanesque à lutiner une femme violentée. Campée par notre radieuse Reese Withespoon, son charme ténue n'a rien à envier aux égéries de la belle époque tant son jeu dépouillé ne bifurque jamais dans les sentiments sirupeux. Ovationné après son rôle marquant d'officier nazi dans Inglorious Basterd, Christophe Waltz réussit encore admirablement à se fondre dans la peau d'un individu interlope car particulièrement sournois. Un patriarche finalement méprisable dévoilant davantage son penchant vénal pour la torture animale ainsi que son irascibilité machiste à vouloir coûte que coûte dompter sa dulcinée.


Hormis son caractère délibérément prévisible et une incohérence narrative intervenant vers un dernier quart-d'heure trop vite expédié (après avoir été violemment corrigé, Jacob réussit trop facilement à retrouver les traces de ses agresseurs embarqués à bord du train !), De l'eau pour les Eléphants séduit sans excès en provoquant une émotion déférente pour ce spectacle flamboyant. Mené avec brio et surtout formidablement interprété, cet hommage aux épopées romantiques d'antan réussit donc à emporter l'adhésion du public prioritairement sensible.

Note: le film est tiré du roman de Sara Gruen

23.08.11
Bruno Matéï

                                          

lundi 22 août 2011

RESCUE DAWN


de Werner Herzog. 2007. U.S.A. 2h06. Avec Christian Bale, Steve Zahn, Jeremy Davies, Toby Huss, Evan Jones, Galen Yuen, François Chau.

Sortie en salles U.S: 4 Juillet 2007.  France: Juin 2008: le film est sorti directement en DVD et n'a pas été doublé, le distributeur français ayant conservé le doublage francophone canadien.

FILMOGRAPHIE: Werner Herzog, de son vrai nom Werner Stipetic, est un réalisateur, acteur et metteur en scène d'opéra allemand, né le 5 septembre 1942 à Munich, (Allemagne).
1968: Signes de vie, 1970: Les Nains aussi ont commencé petit, 1971: Fata Morgana, 1972: Aguirre, le Colèe de Dieu, 1974: L'Enigme de Kaspar Hauser, 1976: Coeur de Verre, 1977: La Ballade de Bruno, 1979: Nosferatu, fantôme de la nuit, Woyzeck, 1982: Fitzcarraldo, 1984: Le Pays où rêvent les fourmis vertes, 1987: Cobra Verde, 1991: Cerro Torre, le cri de la roche, 1992: Leçons de ténèbres, 2001: Invincible, 2005: The Wild Blue Yonder, 2006: Rescue Dawn, 2009: Bad Lieutenant.

                             

Hommage subjectif d'un puriste amateur d'évasion
Werner Herzog, réalisateur hétéroclite de renom s'est inspiré en 2006 d'un fait divers ayant eu lieu en pleine guerre du Viêt-Nam au cours duquel un pilote américain (d'origine allemande) a réussi à s'échapper de son camp de prisonniers. Inédit en salles dans notre pays hexagonal, le film est directement passé à la trappe du DTV. En 1997, le réalisateur avait déjà entrepris un documentaire sur le sujet, intitulé Little Dieter Needs to Fly.
Envoyé en mission au Laos à bord de son avion durant la guerre du Viêt-nam, le lieutenant Dieter Dengler est abattu en plein vol par l'antagoniste. Ayant survécu au moment du crash, il est fugacement kidnappé par des miliciens pour être embrigader dans un camp de prisonniers. Avec l'aide de deux américains et trois compagnons étrangers, Dieter envisage d'élaborer un plan d'évasion.
                          
Film de guerre flegmatique d'une surprenante sobriété dans son refus de livrer un survival conventionnel tributaire de traditionnelles scènes d'action vigoureuses, Rescue Dawn surprend modestement à livrer une aventure humaine cauchemardesque d'une belle dimension psychologique. Après le kidnapping de l'aviateur Dieter retenu prisonnier dans un camp de miliciens, la première partie nous illustre la dure quotidienneté de son calvaire et les conditions de vie imposées parmi un petit groupe d'autres détenus auquel il décide de s'engager à les convaincre qu'une évasion risquée est concrétisable. Werner Herzog filme le destin de cette poignée de citoyens appréhendés par l'ennemi opiniâtre dans une mise en scène personnelle, à hauteur d'homme puisque dédiée à l'intimité de survivants en phase de déclin. D'ailleurs, les quelques scènes de torture qui interviennent au début du récit se révèlent plutôt suggérées, refutant une quelconque brutalité spectaculaire, habilement détournées ici par la dimension psychologique de celui qui subi les violences physiques punitives. En prime, le réalisateur accorde beaucoup d'importance à l'immensité de la nature environnante, sauvage et hostile, exacerbée par les teintes naturalistes et pastels d'une jolie photographie et auquel les animaux et insectes évoluent instinctivement dans leur milieu écologique. Des images limpides d'une poésie prude que n'aurait pas renié Terrence Malick et qui accorde une forme d'originalité à ce type de récit viril potentiellement frénétique. Après les conditions de vie drastique illustrées sans complaisance envers les victimes, les préparatifs minutieux de l'évasion sont enfin dévoilées par un leader loyal et enthousiaste motivé par son instinct optimiste plein d'aplomb. Réserves précaires de nourriture et outils façonnés de manière artisanale sont concoctés par nos rebelles, alors qu'un conflit d'autorité semble se confirmer envers deux d'entre eux. Dans ces nombreuses prises de risque compromises envers nos personnages anxieux de leur quête libertaire, un savant suspense lattent est efficacement distillé au fur et à mesure de la progression de leurs enjeux capitaux. 
                         
La seconde partie plus intense et décisive nous entraîne en interne de cette vaste nature auquel notre groupe de survivants va tenter de s'y extraire pour renouer avec leur autonomie rédemptrice. C'est en particulier l'imparable Dieter Dengler et son complice au bord de l'épuisement et de la folie qui vont devoir faire preuve de subterfuge et bravoure physique pour ne pas se laisser appréhender par l'ennemi invisible. Là aussi, une tempérance au niveau de l'action intrépide est privilégiée dans l'itinéraire extrême envisagé parmi ses 2 hommes au bord du marasme, sans que la tension ne vienne s'amoindrir. A contrario, on sera surpris par une séquence choc, sauvage et cruelle intervenant de manière totalement aléatoire à un des protagonistes planqué aux abords d'un village vietnamien. Quand à l'épilogue salvateur et poignant, il réserve un joli moment d'émotion largement assigné par l'excellent Christian Bale.
Un acteur livrant une fois de plus une prestance probante d'une riche intensité dans sa quête affirmée de retrouver au plus vite une liberté inespérée. Un personnage héroïque jamais caricatural, privilégié par son profil chevronné engagé dans la dignité humaine, ne cherchant jamais à se montrer plus finaud ou adroit que son voisin.  inflexible, docilement autoritaire, téméraire, d'un courage et d'une loyauté pleine d'humilité, l'acteur renouvelle son talent inné à s'approprier d'un nouveau rôle majeur. Ce qui va aussi daigner d'enrichir la narration à gagner en véracité et acuité émotionnelle.
                             
Leçon de courage et de survie, Rescue Dawn est un captivant survival sortant des sentiers battus pour contourner habilement les conventions habituelles du genre avec retenue et discrétion. Le soin apporté à la mise en scène octroyée à ces personnages d'une belle profondeur humaine, la beauté dantesque des décors grandioses dans lequel ils évoluent et la densité de leur récit âpre et désespéré acheminent à un très beau témoignage héroïque injustement passé inaperçu.
22.08.11. 
Bruno Matéï. 
                                        

samedi 20 août 2011

Suspiria / Soupirs !

                                                       Photo empruntée sur Google appartenant au site: http://www.listal.com/viewimage/1466818h

de Dario Argento. 1977. Italie. 1h39. Avec Jessica Harper, Stefania Casini, Flavio Bucci, Miguel Bosé, Barbara Magnolfi, Susanna Javicoli, Eva Axen, Rudolf Schundler, Udo Kier, Alida Valli, Joan Bennett.

Sortie en salles en France le 18 Mai 1977. U.S: 12 Aout 1977.

FILMOGRAPHIE: Dario Argento est un réalisateur et scénariste italien né le 7 septembre 1940, à Rome (Italie). 1969: l'Oiseau au plumage de Cristal, 1971: Le Chat à 9 queues, Quatre mouches de velours gris, 1973: 5 Jours à Milan, 1975, Les Frissons de l'Angoisse, 1977: Suspiria, 1980: Inferno, 1982: Ténèbres, 1985: Phenomena, 1987: Opera, 1990: 2 yeux Maléfiques, 1993: Trauma, 1996: Le Syndrome de Stendhal, 1998: Le Fantome de l'Opéra, 2001: Le Sang des Innocents,2004: Card Player, 2005: Aimez vous Hitchcock ?, 2005: Jennifer (épis Masters of Horror, sais 1), 2006: J'aurai leur peau (épis Masters of Horror, sais 2), 2006: Mother of Tears, 2009: Giallo, 2011: Dracula 3D.

                                   

« La magie est une chose à laquelle on croit, où et quand que ce soit, et qui que l’on soit. »
Deux ans après son chef-d’œuvre giallesque Les Frissons de l’Angoisse, Dario Argento fait coup double avec Suspiria, clef de voûte du fantastique moderne, exploitant l’univers de la sorcellerie comme nul autre cinéaste avant lui. Spectacle halluciné de sons et de lumières, cet opéra de mort nous emporte dans un maelström d’émotions, à la merci d’un auteur transi de créativité — un génie illuminé, transcendé par l’alchimie d’une caméra expérimentale. Ou comment réinventer l’effroi à travers l’existence des sorcières, personnifiées par la mère des soupirs : Helena Markos.

Synopsis : Susie Benner, jeune ballerine américaine, débarque à Fribourg par une nuit pluvieuse. Après un trajet en taxi, elle se heurte à l’entrée close de son académie de danse. Une jeune fille effarée fuit les lieux. Bientôt, celle-ci sera sauvagement assassinée. Peu à peu, Susie comprend que l’école dissimule d’inquiétants secrets — alors que d’autres meurtres glaçants s’y succèdent.

                                        
Suspiria débute par un prologue suffocant. Sous une pluie diluvienne, Susie appelle un taxi. À bord, conduite par un chauffeur étrange, son trajet nocturne baigne dans une aura anxiogène : ses yeux troublés semblent happés par l’opacité agressive de la pluie battante. L’angoisse monte, jusqu’à la vision irréelle d’une silhouette féminine fuyant à travers les bois. C’est une apprentie, récemment renvoyée de l’école. Quelques instants auparavant, Susie avait tenté de comprendre ses paroles paniquées à l’interphone. Dario Argento, maître de ses ambitions formelles, installe déjà une atmosphère envoûtante, fascinante, magnétique. La partition entêtante des Goblin — comptine morbide aux chœurs hurlants — accompagne un florilège d’images fantasmagoriques, jusqu’à l’apothéose du double homicide. Cruauté hallucinée, pluie de coups de couteau, et ce gros plan incongru d’un cœur battant transpercé par une lame… Ces vingt premières minutes sont une épreuve sensorielle sans équivalent : une transe horrifique d’une virtuosité absolue. La caméra, véloce et sagace, multiplie les angles improbables, orchestrant un concerto funèbre où les hurlements s’accordent à la frénésie d’un conte de fée désaxé.

                                            

Le récit suit alors Susie, guidée à travers l’antre d’un mystère latent, au cœur d’une académie de danse. Établissement d’une beauté baroque irréelle, où chaque recoin se pare de décors picturaux flamboyants, saturés de teintes criardes. La caméra transcende le moindre détail, érige chaque plan en fresque désincarnée. Entre les loges des danseuses et les pièces secrètes environnantes, s’étend un labyrinthe ésotérique dominé par une force occulte. La hiérarchie, régie par des femmes d’autorité, semble complice de secrets impies. La perte de repères s’intensifie à mesure que la mort frappe : un aveugle dévoré par son chien dans un palais désert, une ballerine curieuse prise au piège dans des filets métalliques. Argento, alchimiste cruel, nous hypnotise la vue et l’ouïe. L’horreur surgit sans prévenir, sublimée par des zooms intrusifs venant ausculter la chair entaillée. Cette alliance de gore outrancier et de grâce visuelle, filmée avec une sensibilité presque tactile, nous fascine avec une angoisse indicible.

Quand le nom d’Helena Markos résonne enfin, évoqué par un psychiatre érudit, plus aucun doute ne subsiste : le monde des sorcières existe. Et Argento, loin de se contenter d’effrayer, cherche à rationaliser l’absurde, à inscrire le surnaturel dans un dessein tyrannique : faire souffrir pour mieux dominer. Les sorcières ne peuvent atteindre la divinité qu’en infligeant la douleur, la maladie, la mort. Leur doctrine impie conduit à l’enfer, par la magie et la souffrance. Le secret que Susie finit par percer devient une épreuve initiatique. Sa quête de vérité, nourrie de courage, la propulse dans les ténèbres — jusqu’à l’apothéose, entre feu, hurlements et révélation.

"La Danse des Sorcières".
Conte de fées pour adultes où Blanche-Neige se serait égarée au Pays des Merveilles, Suspiria est une expérience ultime : celle de la peur de l’inconnu sublimée par la beauté d’une horreur érotique. Argento, hanté par ses obsessions occultes, compose ici l’opéra anxiogène le plus étincelant : fusion d’élégance éthérée et de terreur viscérale. Illuminé par la douceur spectrale de Jessica Harper — aussi engourdie par cet univers onirique qu’assommée par le concerto infernal des Goblin —, Suspiria s’érige en ballet cabalistique. La danse de sorcières la plus envoûtante de l’histoire du cinéma.
Rien que ça.

*Bruno 

Dédicace à Jessica Harper et Bruno Matéï (qui ne s'en est jamais remis)

19.08.11. 6

vendredi 19 août 2011

Le 7è Voyage de Sinbad / The 7th Voyage of Sinbad

                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

de Nathan Juran. 1958. U.S.A. 1h28. Avec Kerwin Mathews, Kathryn Grant, Richard Eyer, Torin Thatcher, Alec Mango, Danny Green, Harold Kesket, Alfred Brown, Nana DeHerrera, Nino Falanga, Luis Guedes.

Sortie salles U.S: 23 Décembre 1958.  Allemagne de l'Ouest: 5 Décembre 1958.

FILMOGRAPHIE: Natha Juran est un réalisateur, scénariste et directeur artistique américain, né le 1er Septembre 1907 à Bucovine (Roumanie), décédé de mort naturelle le 23 Octobre 2002 à Paolos Verdes Estates (Etats-Unis). 1953: La Légande de l'Epée Magique. 1957: La Chose surgie des Ténèbres. A des Millions de kms de la Terre. Le Cerveau de la Planère Arous. 1958: L'Attaque de la Femme à 50 Pieds. La 7è Voyage de Sinbad. 1962: Jack, le Tueur de Géants. 1964: Les premiers Hommes dans la lune.
1966: The Deadly Mantis. 1967: Billy the Kid. Les Trompettes de Jéricho. Les Aventuriers de l'Espace.
1969: Land Raiders. 1973: The Boy who Cried Werewolf.

                                     

Il était une fois un enfant qui modelait des monstres dans le garage de ses parents pour se raconter des histoires fabuleuses et effrayantes... Quelques décennies plus tard, il deviendra le poète inné des effets-spéciaux, créateur d'une oeuvre enchanteresse au service du cinéma... Ray Harryhausen.

La même année que l'Attaque de la Femme à 50 pieds, Nathan Juran entreprend avec Le 7è Voyage de Sinbad l'une des plus notoires aventures des 1001 nuits parmi le personnage iconique du capitaine tueur de monstre. Produit pour un million de dollars, le film en engendre 6 pour devenir le succès surprise de l'année. Il permet alors de lancer une franchise lors d'une série de films mettant en vedette le célèbre marin mais surtout les créatures façonnées par un maître des effets-spéciaux, Ray Harryhausen. En prime, il s'agit du premier film colorisé auquel l'égérie du stop motion (ou plus précisément le procédé du Dynamation) participa à l'élaboration des trucages confectionnés durant près d'un an.

                                 

Le pitch: Sinbad le Marin rassemble un groupe de 25 dangereux prisonniers pour voyager dans le Sud de l'île de Colossa. Le but de cet expédition est de retrouver une écaille de volatile pour rendre la taille normale de sa dulcinée miniaturisée par un mage. A travers leur parcours semé d'embûches, ils vont établir la rencontre d'un bestiaire de monstres improbables !

Classique notoire, Le 7è voyage de Sinbad s'avère l'un des spectacles les plus populaires et appréciés des aventures du marin de par son efficacité pour l'enchaînement successif de séquences toutes plus spectaculaires et féeriques les unes que les autres. Sans jamais verser dans la surenchère cette aventure endiablée est menée sur un rythme trépidant ne laissant que peu de répit aux protagonistes. Le scénario structuré et la mise en scène au service des personnages étant agencés pour nous faire rêver 1h30 durant. Un concentré de pure fantaisie et de merveilleux déployés pour nos héros alpagués par une horde de monstres délirants. Tant auprès des cyclopes à sabot, du squelette décharné revenu à la vie, du volatile à deux têtes, du dragon vert enchaîné ou encore de cette femme serpent brièvement métamorphosée pour le tour d'un spectacle de magie dirigé par un oracle ! D'autres personnages fantastiques plus dociles sont également de la partie pour nous attendrir et séduire, telle l'idylle de Sinbad, malencontreusement miniaturisée par les pouvoirs occultes le magicien Sokurah, ou encore le génie infantile confiné dans une lampe. L'attraction du film est évidemment due en majeure partie à ces séquences oniriques calibrées par le maître des effets-spéciaux, Ray Harryhausen. Chaque séquence traitant une créature insolite en stop motion s'insérant facilement avec les prises de vue réelles auquel nos personnages évoluent, si bien que l'on a cette troublante impression de les voir réellement affronter ces monstres en pâte à modeler ! Les décors kitchs saturés de couleur criarde et la complicité enthousiaste des comédiens participant également au charme naïf de ce fabuleux voyage aussi enchanteur que dépaysant. Quand bien même la musique épique du grand Bernard Herrman influe une formidable vigueur lors de ces péripéties hallucinées.

                                

Alors que nos blockbusters actuels dotés de budgets faramineux se rabattent trop souvent sur des effets-spéciaux numériques pour tenter de nous bluffer à renfort d'action pétaradante, le 7è voyage de Sinbad transcende son économie de moyens de par l'amour d'un travail artisanal et de cette sincérité de nous enchanter comme au prémices de notre naïve enfance. L'association du génie des FX et d'un cinéaste sans prétention contribuant à immortaliser ce voyage poétique au pays des mythologies séculaires.

"L'animation doit être un langage, un art, c'est à dire la création de quelque chose sortant du néant, une projection pendant une heure et demie d'une pseudo réalité des plus bizarres extensions de l'imagination à l'injection d'une vie illusoire dans ce qui est basiquement inanimé." Ray Harryhausen.

*Bruno
25.08.2011
30.09.24. 3èx. Vostfr

                               

jeudi 18 août 2011

La Nuit des Morts-Vivants de Tom Savini / The Night of the Living-Dead (1990).


de Tom Savini. 1990. U.S.A. 1h29. Avec Tony Todd, Patricia Tallman, Tom Towles, Mc Kee Anderson, William Butler, Katue Finneran, Bill Mosley.

Sortie en salles U.S.A: 19 Octobre 1990.

FILMOGRAPHIE: Tom Savini est un acteur, réalisateur, maquilleur et ateur d'effets-spéciaux américain, né le 3 Novembre 1946 à Pittsburgh (Pennsylvanie).
1990: La Nuit des Morts-Vivants (Remake). Maquilleur: 1974: Deranged. 1977: Martin. 1978: Zombie. 1980: Vendredi 13. Maniac. 1981: Carnage. Rosemary's Killer. 1984: Vendredi 13 IV. 1986: Le Jour des Morts-Vivants. Massacre à la Tronçonneuse 2. 1988: Incidents de Parcours. 1993: Trauma. 2004: Family Portraits.

 
"Les vivants ne sont plus ce qu’ils étaient". 
22 ans après le chef-d'œuvre de George A. Romero, La Nuit des Morts-Vivants fait l’objet d’un remake, à la demande du maître lui-même, dépité — comme toute son équipe technique — de n’avoir pu être rémunéré, suite à une erreur juridique autour des droits d’auteur. À l’origine du film fondateur, le maquilleur Tom Savini devait assurer les effets spéciaux, mais son enrôlement précipité au Viêt Nam comme photographe de guerre le contraignit à abandonner le projet. En 1990, Romero — cette fois producteur et désireux de récupérer les bénéfices qui lui furent jadis dérobés — réunit l’équipe initiale et confie la mise en scène à son fidèle complice : Tom Savini.

Le pitch : un frère et une sœur se rendent sur la tombe de leur mère lorsqu’un inconnu moribond agresse soudainement la jeune femme. Dans la lutte, le frère chute et meurt brutalement. Barbara, terrorisée, s’échappe in extremis et trouve refuge dans une maison isolée, près du cimetière. Là, elle rencontre un Afro-Américain déterminé à survivre face à ces êtres hagards, apathiques… revenus d’entre les morts, sans explication.

On pouvait légitimement être réfractaire à l’idée d’un remake de l’un des films les plus terrifiants jamais tournés. Pourtant, scénarisé et produit par Romero, réalisé par un Tom Savini novice derrière la caméra, La Nuit des Morts-Vivants version 1990 s’avère une résurrection inespérée. Dès le prologue — ponctué de la réplique culte ("Ils vont venir te chercher, Barbara !") — Savini prend ses distances avec l’original en injectant de nouveaux éléments narratifs imprévus. L’ambiance funèbre, renforcée par le réalisme clinique des zombies décharnés, cloue le spectateur, emporté par la brutalité sèche des agressions (la mort accidentelle de Johnny, notamment, percute avec une force viscérale). Et quelle idée brillante que de tourner cette scène-clef en plein jour — contre toute attente — dans la lumière crue d’un cimetière, quand Savini envisageait initialement un orage diluvien.

La fuite paniquée de Barbara à travers les champs ouvre sur une terreur qui ne faiblit pas, ponctuée de rencontres avec d'autres morts-vivants errant autour d’une maison champêtre transformée en piège. Les scènes d’horreur sont d’une précision clinique, sublimées par l’apparence fétide de zombies plus vrais que nature. Il se murmure que Romero, bluffé, aurait même ressenti un soupçon de jalousie devant la qualité graphique des créatures. Un réalisme effroyable, fruit du travail acharné de John Vulich et Everett Burrell, qui passèrent des mois à compulser des ouvrages de médecine légale pour coller au plus près à la réalité : non, les cadavres ne sont pas gris, mais parcheminés.

 
Après l’installation de nos deux protagonistes, le film développe avec finesse la galerie de personnages secondaires réfugiés dans la cave. Avec une intelligence rare, Savini parvient à réinventer un mythe usé. Son alchimie fonctionne grâce à une mise en scène appliquée, des zombies saisissants, des comédiens habités par des tensions antagonistes, et une atmosphère de fin du monde oppressante. Il inverse subtilement les archétypes : Barbara, autrefois frêle et apeurée, devient ici une survivante pugnace. Le huis clos, somptueusement photographié, réactive la complexité humaine — entre lâcheté, égoïsme et peur. Lors de confrontations explosives, Savini ausculte notre orgueil, notre méfiance instinctive envers l’Autre, dans une Amérique rongée par ses propres démons.


"Cadavres exquis : anatomie d’un remake possédé".
Sans jamais sombrer dans le gore festif ou outrancier, La Nuit des Morts-Vivants version Savini frappe fort. Baigné d’un esthétisme limpide, presque bucolique — contraste cruel avec la beauté morbide de son apocalypse rampante — ce joyau rugueux mérite une réhabilitation d’urgence. Immersif jusqu’à l’étouffement, il fouille les entrailles de notre bassesse, juge nos aïeux déchus et dresse un requiem pour les damnés. Quant aux zombies, Savini signe là l’un des plus beaux travestissements cadavériques du cinéma : jamais la putréfaction n’aura eu autant d’âme (avec bien entendu l'inégalé chef-d'oeuvre de Romero).

*Bruno
18.08.11. 4èx

                                        

lundi 15 août 2011

Alien, la Résurrection / Alien: resurrection


de Jean Pierre Jeunet. 1997. U.S.A/Angleterre. 1h44. Avec Signourney Weaver, Winona Ryder, Dominique Pinon, Ron Perlman, Gary Dourdan, Michael Wincott, Kim Flowers, Dan Hedaya, J.E. Freeman, Brad Dourif, Raymond Cruz.
Sortie en salles en France le 12 Novembre 1997. U.S.A: 26 Novembre 1997.

FILMOGRAPHIE: Jean Pierre Jeunet est un réalisateur et scénariste français né le 3 Septembre 1953 à Roanne, Loire.
1978: l'Evasion (court), 1980: Le Manège (animation de marionnettes), 1981: Le Bunker de la dernière rafalle (court 26 mns coréalisé avec Marc Caro), 1984: Pas de repos pour Billy Brakko (court), 1989: Foutaises, 1991: Delicatessen (coréalisé avec Marc Caro), 1995: La Cité des Enfants perdues (coréalisé avec Marc Caro), 1997: Alien, la Résurrection, 2001: Le Fabuleux destin d'Amélie Poulain, 2004: Un Long Dimanche de Fiançailles, 2009: Micmacs à Tire-larigot.

                                    

Cinq ans après le troisième opus, christique et fiévreux sous la patte de David Fincher, c’est au tour d’un cinéaste français d’imposer son empreinte à l’univers ombrageux d’Alien. Deux cents ans après la mort de Ripley, des généticiens sans scrupules l’ont clonée, croisant son ADN avec celui de l’alien qu’elle portait. Subitement revenue à la vie, Ripley les avertit : les monstres issus de leurs manipulations sont une menace létale impossible à contenir. Avec l’arrivée imprévue d’un groupe de mercenaires, le chaos redouble : un alien s’échappe du laboratoire et contamine tout.


Dès le générique, mosaïque diaphane d’images macabro-charnelles, Jean-Pierre Jeunet imprime sa marque organique à ce nouvel opus, centré sur la singularité trouble de Ripley. Ressuscitée malgré elle, son psyché et sa chair corrompues par l’ADN alien, elle devient une hybride : force surhumaine, insensible à la douleur, viscéralement hantée par l’emprise d’une forme extra-terrestre perfide. Dans cette traque haletante, aux côtés de mercenaires claquemurés dans l’entraille du vaisseau, Ripley oscille : attirance maternelle pour ces monstres mutants, et fierté farouche de protéger encore l’espèce humaine. Ce quatrième volet puise son originalité dans ce profil interlope : symbiose impure que Jeunet transfigure en séquences baroques d’une beauté funèbre, comme ce moment où Ripley, souveraine et soumise, se laisse enlacer par les aliens - une étreinte organique, à la sensualité fascinante, que Cronenberg n’aurait pas reniée.

Entre séquences d’action superbement millimétrées (la poursuite aquatique oppressante !) et rebondissements perfides infligés à des personnages retors, Jeunet s’en remet à l’efficacité d’un récit sans temps mort. Il insuffle une poésie vénéneuse à son univers glauque : laboratoire grouillant de monstres difformes dignes du Dr Frankenstein, accouchement terminal d’un alien mi-homme mi-bête… L’horreur culmine quand Ripley découvre son double, clone monstrueux, agonie de chair en lambeaux se recomposant dans un râle de souffrance. Nouvelle posture, nouvelle coupe : Sigourney Weaver porte ce film sur ses épaules, transcendée par une ambiguïté qu’elle n’avait jamais effleurée. Habitée par ce rôle de clone asservi, elle provoque une empathie inattendue jusqu’à son apogée.

Face à elle, la grâce nerveuse de Winona Ryder étonne : humaine et artificielle à la fois, en écho troublant à la versatilité de Ripley. Dominique Pinon insuffle une gouaille pittoresque, Ron Perlman campe un guerrier rugueux et Brad Dourif, inquiétant, incarne un savant possédé par son rêve délirant de dompter ces bêtes indomptables.

                            

Une résurrection organique ! 
Superbement photographié dans des décors rubigineux autres, Jeunet réussit le pari risqué d’honorer une saga mythique. Moins substantiel que ses aînés, ce quatrième volet emporte pourtant l’adhésion par son rythme échevelé et son atmosphère trouble. Mais c’est surtout ce portrait de Ripley - nouvelle matriarche bâtarde, à la lisière du Mal - qui électrise la fascination et couronne ce requiem charnel.

Dédicace à Luke Mars.
15.08.11
Bruno Matéï. 4

Les critiques des autres opus:
Alien, le Huitième Passager: http://brunomatei.blogspot.fr/2012/04/alien-le-huitieme-passager.html
Aliens, le retour: http://brunomatei.blogspot.fr/…/aliens-le-retour-aliens.html
Alien 3: http://brunomatei.blogspot.com/2011/09/alien-3.html
Note: Cet opus reçut un excellent accueil critique et public en Europe mais les réactions furent plus mitigées outre-Atlantique, notamment en ce qui concerne l’apparence de l’alien mi-humain.
Une des scènes les plus marquantes du film reste le passage filmé sous l’eau avec deux aliens qui nagent agilement vers un groupe de passagers tentant de quitter le vaisseau en passant par les cuisines inondées. Cette scène a été une des plus compliquées à tourner du fait que l’actrice Winona Ryder est ablutophobe (elle qualifie cette expérience de tournage comme « la pire de sa vie ») et qu’un grand nombre de prises a dû être réalisé. La préparation et le tournage ont demandé plus d’un mois de temps et cette séquence a été la première à être réalisée pour le film, comme on le découvre dans le making-off de la séquence, sur les bonus du DVD « Édition Prestige ».

Les effets spéciaux de cet épisode furent réalisés en majeure partie par une équipe française : la compagnie de Pitof, Dubois.