vendredi 5 juin 2015

PSYCHOSE

                                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site emkafilms7.over-blog.com

Psycho d'Alfred Hitchcock. 1960. U.S.A. 1h49. Avec Anthony Perkins, Vera Miles, Janet Leigh, John Gavin, Martin Balsam, John McIntire, Simon Oakland, Patricia Hitchcock.

Sortie salles France: 2 Novembre 1960. U.S: 16 Juin 1960

FILMOGRAPHIE: Alfred Hitchcock est un réalisateur, producteur et scénariste anglo américain, né le 13 Août 1899, décédé le 29 Avril 1980. 1935: Les 39 Marches. 1936: Quatre de l'Espionnage. Agent Secret. 1937: Jeune et Innocent. 1938: Une Femme Disparait. 1939: La Taverne de la Jamaique. 1940: Rebecca. Correspondant 17. 1941: Soupçons. 1942: La 5è Colonne. 1943: l'Ombre d'un Doute. 1944: Lifeboat. 1945: La Maison du Dr Edward. 1946: Les Enchainés. 1947: Le Procès Paradine. 1948: La Corde. 1949: Les Amants du Capricorne. 1950: Le Grand Alibi. 1951: L'Inconnu du Nord-Express. 1953: La Loi du Silence. 1954: Le Crime était presque parfait. Fenêtre sur cour. 1955: La Main au Collet. Mais qui a tué Harry ? 1956: l'Homme qui en savait trop. Le Faux Coupable. 1958: Sueurs Froides. 1959: La Mort aux Trousses. 1960: Psychose. 1963: Les Oiseaux. 1964: Pas de Printemps pour Marnie. 1966: Le Rideau Déchiré. 1969: l'Etau. 1972: Frenzy. 1976: Complot de Famille.


Précurseur du psycho-killer, chef-d'oeuvre du 7è art classé 18è sur les 100 meilleurs films américains et 1er sur les 100 meilleurs thrillers par l'American Film Institute, Psychose révolutionna le cinéma d'horreur au moment même où il révéla au public le jeune acteur Anthony Perkins. Littéralement habité par son rôle démoniaque, ce dernier parvenant à magnétiser l'esprit du spectateur dans ses échanges de regard mêlés de fourberie et de perversité. L'intensité ensorcelante qui émane de sa prestance s'avère si subtile qu'on jurerait avoir affaire à un authentique serial-killer, quand bien même le spectateur s'ébranlera de stupeur sur l'origine de sa pathologie impartie au dédoublement de personnalité. Solitaire vivant reclus dans un motel et hanté par la mort de sa mère au point de se travestir en elle, Norman Bates caractérise le tueur désaxé dans sa plus terrifiante définition ! Dans le sens du repli sur soi et d'une perte de contact avec la réalité, Norman étant obsédé par l'amour maternel, la jalousie, l'infidélité. Modèle de suspense à la tension exponentielle où l'horreur gothique vient s'infiltrer autour d'une étrange bâtisse résidée par une rombière, Psychose allie crime passionnel et investigation policière sous l'autorité d'un détective privé et d'un couple à la recherche d'une disparue. Marion Crane ayant osé dérober 40 000 dollars à son patron afin de fuir son état pour s'exiler avec son amant. Sur sa route, une pluie battante la contraint de séjourner vers un motel le temps d'une nuit de sommeil. La suite, les millions de fans continuent d'applaudir le tour de force technique alloué à sa mise à mort ! 


Un homicide gratuit aussi brutal que suggéré quand bien même les spectateurs de l'époque ne se remirent jamais d'un rebondissement aussi couillu ! A savoir supprimer l'héroïne au bout de 47 minutes de métrage alors que le public lui vouait une indéniable empathie malgré son indignité. Du jamais vu pour l'époque ! Ce meurtre anthologique perpétré sous la douche valut d'ailleurs à son auteur 7 jours de tournage pour 45 secondes de plans ! Outre la virtuosité de cette séquence choc dont un prochain meurtre aussi percutant viendra confirmer l'agissement méthodique du coupable, Psychose cultive une puissance de fascination par l'élaboration d'un suspense implacable et par la direction hors-pair de comédiens suscitant la tourmente. Par le biais des rapports de force entretenus entre nos protagonistes et Bates, Alfred Hitchcock joue avec leur esprit de suspicion qu'ils éprouvent dans l'inimitié afin d'éclaircir ou de taire la disparition inexpliquée. Bates cumulant au fil de ses interrogatoires les contradictions malgré son flegme faussement avenant, une maladresse qui éveillera la curiosité des investigateurs avides de preuves. Côté horreur oppressante, le cinéaste transfigure l'esthétisme gothique d'une demeure imposante, véritable personnage du film, alors que Madame Bates suggère de temps à autre sa silhouette derrière la fenêtre de sa chambre ! Le sentiment d'insécurité perçu chez nos inquisiteurs sillonnant la demeure, leur inquiétude grandissante d'y découvrir l'identité d'une mégère (potentiellement décédée) et la posture instable de Norman Bates insufflant au fil de leur vaillance une angoisse tangible qui s'acheminera vers un climax littéralement cauchemardesque.


Hypnotique et glaçant dans sa science affûtée d'un suspense à couper au rasoir, Psychose s'édifie en leçon de mise en scène par le brio machiavélique de son auteur, la percussion stridente de Bernard Hermann et l'impulsion diabolique d'Anthony Perkins. Jouant subtilement avec l'inquiétude et l'angoisse de situations indécises, l'oppression et la terreur d'oser y percer un secret mortifère, Psychose cumule les morceaux d'anthologie avec une régularité jubilatoire.

La Chronique de Psychose 2: http://brunomatei.blogspot.fr/2014/05/psychose-2-psycho-2.html

                            Psychose 3: http://brunomatei.blogspot.fr/2016/08/psychose-3.html
Bruno 
5èx

jeudi 4 juin 2015

THE SMELL OF US

                                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site aufeminin.com

de Larry Clark. 2015. France. 1h28. Avec Lukas Ionesco, Diane Rouxel, Théo Cholbi, Hugo Behar-Rhinières, Rayan Ben Yaiche, Maxime Terin, Adrien Binh Doan.

Sortie salles France: 14 Janvier 2015. Interdit au - de 16 ans.

FILMOGRAPHIELarry Clark est un réalisateur, photographe, directeur de la photographie, né le 19 Janvier 1943 à Tulsa dans l'Oklahoma.
1995: Kids. 1998: Another Day in Paradise. 2001: Bully. 2002: Teenage Caveman (télé-film). 2002: Ken Park. 2004: Wassup Rockers. 2006: Destricted (segment Impaled). 2012: Marfa Girl (uniquement dispo sur le net). 2015: The Smell of us.


« Larry a perdu le contrôle, il est devenu barge ! Je suis sorti de cette expérience lessivé et abattu. » Lukas Ionesco.

Pour son nouveau long-métrage, Larry Clark continue de s'épancher sur le malaise adolescent, principalement du point de vue de l'homosexualité d'un couple en perdition dont l'un est contraint de se livrer à la prostitution pour subvenir à ses besoins. Nouvelle descente aux enfers de la déshumanisation sociétale à renfort de séquences scabreuses alternant le fétichisme, l'hébéphilie et l'inceste, The Smell of Us provoque un malaise viscéral par notre fonction voyeuriste à observer ces ados avides de défonce et de sexe, ultime échappatoire d'une morne existence destituée de tendresse parentale. C'est donc leur quotidienneté blafarde que nous subissons inlassablement avec souci de réalisme extrêmement dérangeant, certains ébats sexuels ou situations obscènes n'hésitant pas flirter avec la pornographie, quand bien même la posture décomplexée de certains adultes s'avère aussi compromise à la déchéance. Mis en scène avec maîtrise et personnalité, Larry Clark possède un talent singulier à filmer la pudeur des corps en quête extatique, ce parti-pris sensitif de nous confondre dans leur peau en mal de sensations et d'expériences de tous bords. A l'instar de leur pratiques sexuelles échangées avec des sexagénaires tout aussi démunis d'affection, faute de leur âge décati. Ces derniers n'hésitant pas à s'autoriser de consommer une jeunesse impassible afin d'effleurer un semblant de compensation à leur solitude. Par le biais de ces protagonistes en perdition, on peut saluer la prestance pleine d'aplomb des jeunes comédiens en roue libre n'hésitant pas à se mettre à nu devant la caméra dans des situations parfois glauques (les attouchements pervers du sexagénaire dans la boite de nuit) ou immorales (l'inceste forcé d'une mère en ébriété auprès de son fils).


Les enfants du chaos
Constat alarmiste d'une génération abdiquée de ligue parentale et assujetti aux outils de communication modernes (internet et les smartphones incitant la jeunesse à fréquenter la pornographie mainstream), The Smell of Us arbore le documentaire scrupuleux dans son parti-pris de ne nous faire échanger la déchéance morale d'adolescents frigides déconnectés d'humanité. Il en émane une oeuvre aussi austère et désespérée qu'antipathique, d'autant plus difficilement accessible dans sa manière clinique de cumuler les séquences-chocs jusqu'à la gêne viscérale. Que l'on adhère ou que l'on rejette en bloc, l'épreuve laisse des traces pour rester difficilement digérable. 

Pour public averti.

Bruno Matéï 

mercredi 3 juin 2015

Communion Sanglante / Alice sweet Alice / Holly Terror / Communion / Alice douce Alice

                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site Horreur.net.

d'Alfred Sole. 1976. 1h50. Avec Linda Miller, Paula Sheppard, Brooke Shields, Louisa Horton Hill, Antonio Rocca, Lillian Roth.

Sortie salles U.S: 13 Novembre 1976

FILMOGRAPHIE: Alfred Sole est un réalisateur, scénariste et chef décorateur américain, né le 2 Juillet 1943 à Paterson, New-Jersey. 1972: Deep Sleep. 1976: Alice, sweet Alice. 1980: Tanya's Island. 1982: Pandemonium.


Inédit en salles en France, discrédité d'audience commerciale et relativement passé inaperçu lors de sa sortie Vhs retitrée Communion Sanglante, Alice sweet Alice ne trouva les faveurs des cinéphiles et des critiques qu'après revisionnage(s). Prenant pour thèmes la religion, l'adultère, le trouble psychologique, l'engagement parental et la vengeance, ce slasher malsain par son ambiance diaphane, son climat étouffant et sa violence rugueuse (le premier homicide dans l'église s'avère d'une audace effroyable !) parvient à captiver par le biais d'exactions meurtrières d'une silhouette enfantine. Après le meurtre de la petite Karen au sein d'un presbytère, sa soeur aînée Alice est suspectée par l'entourage familial et la police d'en être la potentielle responsable. Quelques jours plus tard, c'est au tour de sa tante d'être sauvagement agressée par un individu affublé d'un imperméable jaune et d'un masque sur le visage (le même accoutrement que portait Karen quelques heures avant son décès !). Témoin de l'agression, Alice persuade la police qu'il s'agit de sa soeur préalablement décédée. Déclarée perturbée pour ses penchants cruels et coupable après s'être soumise au détecteur de mensonge, elle est envoyée dans un institut spécialisé. 


Combinant les codes du slasher et ceux du giallo pour la caractérisation fétichiste du tueur masqué accoutré d'une combinaison criarde, Alice sweet Alice façonne un suspense scrupuleux au fil du cheminement psychologique d'Alice et de son entourage tout en alternant avec des séquences-chocs particulièrement âpres. De par son souci de cruauté pour les meurtres sévèrement perpétrés où l'environnement glauque d'une banlieue blafarde intensifie le malaise éprouvé (le supplice intenté dans une industrie désaffectée). Sans accorder une grande importance à démasquer l'identité de l'assassin indécelable, Alfred Sole prend avant tout parti de dénoncer l'obscurantisme au coeur d'une bourgade profondément catholique tout en remettant en cause la responsabilité parentale lorsque les enfants du divorce pâtissent d'une détresse affectueuse. La grande force du film résidant dans le développement de ces personnages torturés, déchus ou peu fréquentables (le voisin ventripotent aux tendances pédophiles vivant reclus dans un appartement insalubre) évoluant autour de la fragilité d'une fillette à tendances perverses. Par la tragédie des exactions criminelles où l'innocence paye le lourd tribut de la responsabilité des adultes, la religion se retrouve destituée d'angélisme au sein même du refuge de Dieu. Outre la sobre prestance des comédiens jusqu'aux seconds-rôles charismatiques, on peut s'attarder sur le visage mi-angélique, mi-démoniaque de Paula Sheppard symbolisant avec ambivalence la dégénérescence psychologique d'une ado réfugiée dans la perversion et la jalousie depuis sa privation de gratitude.


Glauque et malsain, trouble et cruel, Communion Sanglante (pour reprendre l'alternative du titre français plus évocateur à mon sens) renoue avec la tradition du slasher en privilégiant l'étude des caractères de ses personnages partagés entre leur foi catholique, leur culpabilité et le dysfonctionnement d'un fanatisme religieux. Sombre requiem sur l'innocence galvaudée, ce grand film schizophrène est à réhabiliter d'urgence tant son atmosphère licencieuse (score lancinant à l'appui !) nous hantent la mémoire !

*Bruno 
4èx

mardi 2 juin 2015

RE-ANIMATOR. Prix Spécial Section Peur, Avoriaz 86.

                                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site misantropey.com

de Stuart Gordon. 1985. U.S.A. 1h26. Avec Jeffrey Combs, Bruce Abbott, Barbara Crampton, David Gale, Robert Sampson, Gerry Black.

Sortie salles France: 12 Mars 1986. U.S: 18 Octobre 1985

Récompenses: Prix Spécial Section Peur, Avoriaz 1986.
Prix du Meilleur Film, Catalogne 1985.
Prix du Meilleur Film et Meilleurs Effets Spéciaux, Fantafestival 1986

FILMOGRAPHIE: Stuart Gordon est un réalisateur, producteur et scénariste américain, né le 11 Août 1947 à Chicago (Illinois).
1979: Bleacher Bums (télé-film). 1985: Ré-Animator. 1986: Aux portes de l'au-delà. 1987: Dolls. 1988: Kid Safe (télé-film). 1990: Le Puits et le Pendule. 1990: La Fille des Ténèbres. 1990: Robojox. 1993: Fortress. 1995: Castle Freak. 1996: Space Truckers. 1998: The Wonderful ice cream suit. 2001: Dagon. 2003: King of the Ants. 2005: Edmond. 2005: Masters of Horro (le cauchemar de la sorcière - Le Chat Noir). 2007: Stuck. 2008: Fear Itself.


Film-culte de la génération 80, succès public inespéré dans l'hexagone (635 284 entrées), Re-animator est également la révélation du cinéaste néophyte Stuart Gordon avant que Brian Yuzna, attitré à la production, ne soit reconnu quatre ans plus tard avec Society. En pleine mouvance du gore burlesque, le cinéaste rivalise ici d'audace et d'inventivité pour cette variation extravagante de Frankenstein. Inspiré d'une nouvelle de Howard Phillips Lovecraft, l'intrigue se focalise sur les expérimentations d'Herbert West, étudiant en médecine ayant récemment découvert un sérum permettant de réanimer les défunts. Hébergé en colocation chez Dan Cain, il débute ses expériences avec le cadavre d'un animal, le chat fraîchement décédé de son locataire. Délibéré à passer au stade supérieur, il s'entreprend de continuer l'expérience sur un être humain. Epaulé de son équipier, ils se dirigent vers la morgue de l'hôpital afin de tester le vaccin sur un cadavre. Pendant ce temps, le professeur Hill, ennemi juré de West, à la ferme intention de s'emparer de ses travaux illégaux pour accéder à la célébrité. 


A partir de ce pitch prometteur fertile en effets chocs sanglants et gags hilarants (toutes les séquences où le surveillant de police intervient avec une indolence versatile s'avèrent d'une drôlerie irrésistible !), Stuart Gordon nous concocte un bijou d'humour noir inspiré du cartoon. Nanti d'excellents maquillages de Anthony Doublin et John Naulin, Ré-animator s'en donne à coeur joie dans les démembrements, déchiquetages et décapitations que West et son acolyte outrepassent pour la réussite d'un projet improbable, rendre la vie (impossible) à des morts (erratiques) ! Ces derniers estropiés revenants à la vie dans une furie incontrôlée ! Outre l'efficacité des quiproquos, revirements et dommages collatéraux que West et Cain accumulent maladroitement, l'intrigue est également rehaussée de la fougue impétueuse des comédiens déjantés. Jeffrey Combs iconisant son personnage contemporain de Frankenstein avec l'obsession délurée de daigner coûte que coûte révolutionner la création de la vie ("il se prend pour Dieu... Mais Dieu a horreur de la concurrence !" Dixit l'accroche publicitaire ! ). Secondé par son sympathique adjoint Dan Cain, Bruce Abbott lui partage la vedette dans la peau du médecin crédule rendu irresponsable à oser lui prêter main forte. Epaulé d'une tendre compagne plongée dans le désarroi (son père vient de subir par malchance la résurrection du sérum avant de se voir infliger une camisole psychiatrique !), Barbara Crampton n'hésite pas à dévoiler ses charmes dans son plus simple appareil avant de s'égosiller, à l'instar d'une séquence nécrophile restée dans les annales. Enfin, pour incarner l'arriviste aussi mesquin que cynique, David Gale exprime un rictus sadique dans sa posture démembrée encore plus avide à parfaire ses ambitions délétères (violer Megan par le biais de sa caboche décapitée et planifier une résurrection de masse avant l'arrivée de son concurrent !).  


Jouissif et trépidant car d'une drôlerie souvent hilarante dans sa succession de gags débridés et rebondissements sanglants, Ré-animator n'a pas volé sa réputation de chef-d'oeuvre du gore folingue que des comédiens en roue libre exacerbent à renfort d'hystérie collective !

Bruno Matéï
6èx

lundi 1 juin 2015

VENIN (Venom)

                                                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site arte.tv
                                                
de Piers Haggard. 1981. UK. 1h32. Avec Klaus Kinski, Oliver Reed, Nicol Williamson, Sarah Miles, Sterling Hayden, Cornelia Sharpe, Lance Holcomb, Susan George.
Date de sortie : 11 Juin 1981.

Sortie salles France: 20 Janvier 1982

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Piers Haggard est un réalisateur anglais né le 18 Mars 1939.
1970: La Nuit des maléfices, 1979: The Quatermass conclusion, 1980: Le Complot diabolique du Dr. Fu Manchu, 1981: Venin, 1994: La Brèche, 2006: Les pêcheurs de coquillage (Télé-film).


Pour rappel, Venin est l'adaptation du roman "Des serpents sur vos têtes" d'Alan Scholefield, publié en France dans la collection "Série Noire". Les américains s'approprient les droits quand bien même l'illustre Tobe Hooper s'attelle à la réalisation. Mais préférant s'attaquer à son nouveau projet du fameux Massacre dans le Train Fantôme, il quitte précipitamment le tournage au bout de quelques jours. Le producteur Martin Bregman invoque alors au réalisateur britannique Piers Haggard de le remplacer après seulement une dizaine de jours de préparation. A Londres, trois gangsters prennent en otage un garçon et son grand-père contre une demande de rançon. Mais ce qui devait débuter comme un banal kidnapping va vite se transformer en huis-clos cauchemardesque lorsque un Mamba noir, le serpent le plus vénimeux au monde, s'est infiltré par erreur dans la maison. La police, dépêchée sur les lieux, tente de collaborer avec les ravisseurs. 


Série B d'exploitation efficacement gérée sous l'égide de Piers Haggard, petit artisan de série B à qui l'on doit notamment l'étonnant La Nuit des Maléfices, Venin empreinte le chemin balisé du suspense policier avec ce kidnapping d'un bambin que des malfaiteurs tentent de négocier parmi l'hostilité d'un intrus infiltré parmi eux dans l'enceinte de leur refuge. C'est là où l'intrigue, aussi modeste et sans surprises soit-elle dans ces attaques cinglantes, tentative d'effraction et concertation, tire parti de son originalité avec l'icone du Mamba Noir ! Le serpent le plus vénimeux au monde qu'un enfant venait de récupérer à son domicile après l'erreur de livraison d'un zoo. A cette occasion, et pour crédibiliser sa présence, on est d'ailleurs surpris d'apprendre au générique de fin qu'un réel Mamba eut été sélectionné pour le tournage après avoir été rigoureusement dressé ! Alternant suspense latent et tension horrifique, Venin parvient à divertir et retenir l'intérêt grâce à la présence sournoise du reptile parfois établie en caméra subjective (ses errances dans les conduits d'aération), quand bien même ses altercations s'avèrent parfois impressionnantes de réalisme par leur intensité incisive. A l'instar du premier meurtre invoqué chez la domestique, l'actrice Susan George parvenant à retranscrire avec beaucoup de vérité l'impuissance de son désemparement, son marasme contre l'asphyxie, faute du poison foudroyant injecté dans son sang. Grâce à sa vigueur dramatique, on reste encore impressionné par la violence de cette cruelle mise à mort au moment scrupuleux où la victime succombe à ses blessures. Outre la sympathique distribution des seconds-rôles (Sarah Miles en doctoresse altruiste, Nicol Williamson en détective flegme, Sterling Hayden en papy débonnaire et Lance Holcomb en garçonnet fragile), Venin s'affirme un peu plus avec la prestance notable de deux monstres sacrés. Oliver Reed et Klaus Kinski se disputant violemment le pouvoir avec inimitié d'ego et insolence de la discorde.  


Sans surprise et modeste pour l'enjeu dramatique de sa prise d'otage mais constamment efficace et indéniablement attachant grâce à son suspense anxiogène, la bonhomie de sa distribution et la présence fascinante du reptile tapi dans l'ombre, Venin reste un fort sympathique huis-clos cauchemardesque que les nostalgiques des années 80 auront principalement plaisir à déguster. 

Bruno Matéï
01.06.15. 6èx 
01.01.11 5è (415 vues)

Photos ci-dessous, Lance Holcomb


 




                                         

jeudi 28 mai 2015

EDEN LAKE

                                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site avoir-alire.com

de James Watkins. 2008. Angleterre. 1h31. Avec Kelly Reilly, Michael Fassbender, Tara Ellis, Jack O'Connell, Thomas Turgoose, Bronson Webb, Finn Atkins.

Sortie salles France: 8 Octobre 2008. Angleterre: 5 Septembre 2008

FILMOGRAPHIE: James Watkins est un réalisateur et producteur anglais, né le 20 Mai 1973 à Nottingham. 2008: Eden Lake. 2012: La Dame en Noir. 2016: Bastille Day.


Epreuve de force jusqu'au-boutiste dans sa violence nauséeuse engendrée par des délinquants juvéniles adeptes du crime gratuit, Eden Lake empreinte le cheminement du survival avec un réalisme cru à couper au rasoir. Pour une première réalisation, le réalisateur anglais James Watkins frappe fort et juste dans l'art de diluer une angoisse morale et de retrouver l'intensité dramatique, l'atmosphère putride des fleurons des années 70 tels que Délivrance, I Spit on your grave ou La Dernière maison sur la gauche. Abordant le sujet brûlant des "enfants tueurs" auquel certains d'entre eux n'hésitent pas à filmer leurs actes meurtriers par le biais du camescope ou du portable (quand bien même des sites voyeuristes tels que Ogrish répertorient leurs exactions sur un tableau de cotation !), Eden Lake met en appui le laxisme et l'incivisme de nos sociétés modernes. La perte des valeurs, la démission parentale, l'absence de repère incitant certains ados désoeuvrés à se réfugier dans une délinquance criminelle, notamment faute de l'affluence du chômage. Ces ados étant issus de milieu prolétaire, parfois même molestés par certains de leurs parents, quand bien même ces derniers reproduisent un comportement insouciant lors de leurs beuveries festives de fin de semaine.


Nanti d'un suspense cadencé et d'une tension dramatique parfois très éprouvante, Eden Lake glace le sang dans sa manière documentée, radicale, acérée à dénoncer (et non exploiter !) le comportement crapuleux, car si déloyale, d'adolescents influencés par la dynamique de groupe. A contre-emploi des séries B gores conçues pour divertir le spectateur en toute tranquillité, le film prend donc parti de déranger jusqu'au malaise émotionnel lorsqu'un couple de vacanciers se retrouve pris au piège parmi la provocation de marmots en pleine forêt. La descente aux enfers que vont parcourir Jenny et Steve, nous la subissons la peur au ventre avant que le désespoir nous rattrape pour nous saisir à la gorge, les séquences de torture et d'humiliation s'avérant d'une intensité aussi abrupte que bouleversante. Tout l'inverse donc du cinéma d'exploitation moderne relancé par les franchises Saw et Hostel, illustres précurseurs du Tortur'Porn ! La fragile empathie que nous éprouvons pour les amants s'avère d'autant plus poignante parmi la dignité humaine des comédiens. Étonnante de naturel dans sa délicatesse innocente puis sa bravoure de dernier ressort, Kelly Reilly trouve le ton juste à endosser le rôle physique d'une femme en perdition gagnée par le courage de survivre, quand bien même son partenaire se retrouve sévèrement châtié par l'injustice. Michael Fassbender insufflant une expression bouleversante dans sa posture de martyr et sa conscience éprouvée de redouter sa dernière journée ! On peut également saluer le charisme naturel des adolescents rebelles redoublant de cruauté et sadisme envers leurs boucs émissaires pour imposer leur loi du plus fort !


Sous couvert de survival horrifique extrêmement dérangeant et poisseux, James Watkins cultive le drame social pour nous alerter sur la situation inquiétante d'une génération indisciplinée livrée à la loi du plus audacieux. De par leur démarche compétitive à repousser leur peur et se défier l'initiation au meurtre, Eden Lake caractérise l'expérience extrême où la terreur est avant tout psychologique ! A l'instar de sa conclusion radicale et nihiliste puisque sans échappatoire, Eden Lake est une épreuve morale en chute libre avant de symboliser l'effroi d'une innocence monstrueuse. Euphémisme s'il en est, le terme "traumatisant" est à sceller pour qualifier le contenu de cette affliction cinégénique.  

Pour public averti.

Bruno Matéï
2èx

Récompenses:
Festival international du film de Catalogne: Prix spécial pour le long-métrage
Empire Awards: Meilleur film d'horreur, Meilleur film britannique
Prix du Cercle des critiques de film de Londres: Meilleure Performance de Jeunesse Britannique: Thomas Turgoose
Fantasporto: Meilleur Film fantastique international.



mercredi 27 mai 2015

POSSESSION. Prix d'Interprétation Féminine, Cannes 1981.

                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinebisclassics.blogspot.fr/

d'Andrzej Zulawski. 1982. France/Allemagne. 2h04. Avec Isabelle Adjani, Sam Neil, Margit Carstensen, Heinz Bennent, Johanna Hofer, Carl Duering, Shaun Lawton.

Sortie salles France: 27 Mai 1981. Allemagne: 2007

FILMOGRAPHIE: Andrzej Zulawski est un réalisateur, scénariste, écrivain, metteur en scène de théâtre polonais, né le 22 Novembre 1940 à Lwow (Lviv). 1971: La Troisième partie de la nuit. 1972: Le Diable. 1975: L'Important c'est d'aimer. 1981: Possession. 1984: La Femme Publique. 1985: L'Amour Braque. 1987: Sur le globe d'Argent. 1989: Mes Nuits sont plus belles que vos jours. 1989: Boris Godounov. 1991: La Note Bleue. 1996: Chamanka. 2000: La Fidélité. 2015: Cosmos.


« Je dois à la mystique d'Andrzej Zulawski de m'avoir révélé des choses que je ne voudrais jamais avoir découvertes... Possession, c'était un film infaisable, et ce que j'ai fait dans ce film était tout aussi infaisable. Pourtant, je l'ai fait et ce qui s'est passé sur ce film m'a coûté tellement cher... Malgré tous les prix, tous les honneurs qui me sont revenus, jamais plus un traumatisme comme celui-là, même pas... en cauchemar ! ». Isabelle Adjani.

Fable sur le communisme et le totalitarisme que symbolise à lui seul le mur de Berlin, Possession reste avant tout à mon sens un cauchemar sur pellicule à ranger dans le genre horrifique tant Zulawski pousse l'hystérie des personnages au paroxysme de leur folie meurtrière. Alors que Marc rentre de voyage pour retrouver sa famille, son épouse Anna décide de le quitter après lui avoir avouée une adultère. Incapable de tolérer la rupture et plongé dans une inexorable dépression, Marc ne cesse de la harceler jusqu'à engager un détective. Par le témoignage de ce dernier, nous apprenons qu'Anna entame en définitive une double relation si bien qu'une étrange créature tapie dans l'ombre d'une chambre est sur le point d'enfanter un double masculin ! 


Expérience avec la folie d'une intensité rarement égalée à travers le surjeu névralgique des comédiens se questionnant sur la foi spirituelle et la valeur du Bien et du Mal, Possession ensorcelle l'esprit du spectateur, notamment grâce à la performance cinglante d'une Isabelle Adjani habitée par la déchéance psychotique. A l'instar de sa crise de nerf endurée dans les couloirs d'un métro, l'actrice se délivrant corps et âme face à une caméra voyeuriste afin d'extérioriser ses pulsions incontrôlées de psychose. Provocateur en diable et n'ayant aucune pudeur à façonner un film monstre habité par l'aberration, Zulawski abuse de scènes chocs crapuleuses par le biais d'un réalisme clinique aussi éprouvant que dérangeant. Avec sa photo blafarde, sa tapisserie délabrée d'appartements insalubres et sa scénographie urbaine d'une Allemagne aphone de citadins, le cinéaste cristallise ainsi un univers anxiogène littéralement étouffant, miroir de la déliquescence morale des protagonistes en dépression. Outre l'horreur des situations et les hystéries collectives qui irriguent les pores d'une intrigue incertaine, Possession clame également le drame psychologique pour la rupture conjugale qu'un couple s'efforce d'adouber en se rejetant mutuellement la faute. C'est d'ailleurs à la suite de son propre divorce que Zulawski s'est entrepris d'entamer l'écriture de son scénario afin d'exorciser sa douloureuse expérience. De par son dépit inconsolable, ce dernier extériorisant devant une caméra rotative une fracture sentimentale de tous les excès. Une déroute amoureuse qu'un couple en crise se refuse mutuellement à assumer à travers leur sens de responsabilité et esprit d'orgueil.


Malsain et dérangeant, glauque et éprouvant, suffocant et d'une violence parfois ardue, Possession symbolise l'expérience horrifique de la démesure, au même titre que l'Exorciste de Friedkin. Dans la mesure où le film scandale de Zulawski multiplie les crises de démence avec une singularité et une intensité aussi tranchées ! Pour parachever, on peut autant saluer le travail artisanal de Carlo Rambaldi ayant parvenu à transfigurer une créature organique insaisissable, et que derrière l'horreur de la métaphore s'y cache également un chef-d'oeuvre d'une beauté nonchalante. L'avidité insatiable, désespérée, d'aimer et d'être aimé dans l'harmonie conjugale au point de perdre pied avec sa réalité ! 
Pour public averti !

Bruno Matéï
3èx

Récompenses:
Festival de Cannes 1981 : Prix d'interprétation féminine pour Isabelle Adjani (également récompensée pour Quartet).
Césars 1982 : César de la meilleure actrice pour Isabelle Adjani.
Mostra de cinéma de São Paulo : Prix de la critique pour Andrzej Żuławski.
Fantasporto : Mention spéciale du public pour Andrzej Żuławski.
Prix de la meilleure actrice pour Isabelle Adjani.

mardi 26 mai 2015

SAILOR ET LULA. Palme d'Or, Cannes 90.

                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site discreetcharmsandobscureobjects.blogspot.co

Wild at Heart de David Lynch. 1990. U.S.A. 2h05. Avec Nicolas Cage, Laura Dern, Diane Ladd, Willem Dafoe, Isabella Rossellini, Harry Dean Stanton, J.E. Freeman, Grace Zabriskie.

Récompense: Palme d'Or au Festival de Cannes, 1990

Sortie salles France: 24 Octobre 1990. U.S: 17 Août 1990

FILMOGRAPHIE: David Lynch est un réalisateur, photographe, musicien et peintre américain, né le 20 Janvier 1946 à Missoula, dans le Montana, U.S.A.
1976: Eraserhead. 1980: Elephant Man. 1984: Dune. 1986: Blue Velvet. 1990: Sailor et Lula. 1992: Twin Peaks. 1997: Lost Highway. 1999: Une Histoire Vraie. 2001: Mulholland Drive. 2006: Inland Empire. 2012: Meditation, Creativity, Peace (documentaire).


"Sailor et Lula est une histoire d'amour qui passe par une étrange autoroute dans le monde moderne et tordu." David Lynch.

A partir de l'itinéraire improvisé d'un couple de jeunes amants mutuellement épris de passion amoureuse mais compromis par l'arrogance d'une mégère maternelle, Sailor et Lula renouvelle la romance avec un goût prononcé pour le baroque, la féerie (l'ombre du Magicien d'Oz plane sur leurs frêles épaules !) et le surréalisme. Il est d'ailleurs étonnant de constater que cette oeuvre flamboyante émaillée d'éclairs d'érotisme torride et de violence âpre ait pu remporter la Palme d'Or à Cannes ! 


David Lynch se délectant à façonner une fresque lyrique où la passion des sentiments se dispute à la rage de survivre dans un monde étrangement sensuel et délétère. Menacée par une mère possessive sexuellement frustrée, et hantée par une agression sexuelle durant son adolescence, Lula tente d'exorciser ses démons dans les bras de son amant instable, ce dernier accumulant les bourdes à fréquenter et à combattre des marginaux pour protéger sa muse. Road Movie contemplatif au cours duquel la mort rode autour de leur errance existentielle, Sailor et Lula se positionne en récit initiatique pour leur fragilité candide partagée entre la souffrance d'une démission parentale, leur fougue amoureuse et leur crainte d'un avenir sans perspective professionnelle. Spoil ! D'où la décision de dernier ressort pour Sailor de participer à un hold-up afin de combler les attentes financières de sa future famille Fin du Spoil. Hypnotique et sensoriel, onirique et macabre, le climat insolite que David Lynch parvient magnifiquement à matérialiser est notamment transcendé par l'extravagance d'une jungle de marginaux corrompus par leur déchéance perverse. Cette obsession du désir sexuel que le couple cultive dans leur passion commune est donc contrebalancée avec les pulsions lubriques d'antagonistes frustrés de leur échec amoureux. 


Transfiguré par le brio de sa mise en scène stylisée, la charge érotique du duo galvanisant Nicolas Cage (en gros dur au coeur tendre !) / Laura Derne (en pin-up sensuellement provocante !) et par sa BO rock endiablée (on y croise aussi bien Elvis Presley, Chris Issak, Powermad que Richard Strauss !), Sailor et Lula s'édifie en chef-d'oeuvre pour la romance torturée impartie au couple d'apprentis. Ou par le biais de leur fusion amoureuse, comment inculquer un coeur sauvage à canaliser ses émotions afin d'accéder à la sociabilité d'un monde étrangement pervers !

Bruno Matéï
3èx

lundi 25 mai 2015

LES NOUVEAUX SAUVAGES. Prix du Public, Saint-Sébastien, 2014

                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site cines.com.py

Relatos salvajes de Damian Szifron. 2014. Argentine/Espagne. 2h02. Avec Ricardo Darin, Leonardo Sbaraglia, Dario Grandinetti, Erica Rivas.

Sortie salles France: 14 Janvier 2015. Argentine: 21 Août 2014

FILMOGRAPHIE: Damián Szifron est un réalisateur et scénariste argentin, né le 9 Juillet 1975 à Ramos Mejia. 2003: El Fondo del Mar. 2005: Tiempo de valientes. 2014: Les Nouveaux Sauvages.


Dans la lignée des Monstres de Dino Risi, Les Nouveaux Sauvages emprunte la démarche du film à sketchs pour mettre en appui la destinée vindicative de personnages bafoués par l'injustice au sein d'une civilisation aussi sournoise qu'individualiste. La première histoire, la plus courte, nous distille finalement un goût amer puisqu'elle fait directement écho à la terrible tragédie de l'Airbus de la Germanwings survenue le 24 mars dernier lorsqu'un pilote avait délibérément contraint de crasher son avion au péril de ses passagers. Corrosif et pittoresque lorsqu'il s'agit d'illustrer la stupéfaction de voyageurs apprenant qu'ils connaissent communément l'identité d'un certain Gabriel Pasternak, le dénouement s'avère particulièrement grinçant pour illustrer l'exaction d'un pilote d'avion incessamment discrédité par son entourage. Le second sketch, le plus faible, tourne autour d'une éventuelle vendetta de "mort au rat" qu'une serveuse de restaurant hésite à mettre en pratique contre un entrepreneur immobilier, principal fautif de la mort de son mari. Une histoire assez prenante dans le compromis du stratagème que se disputent les deux serveuses, rehaussée d'une bonne idée à mi-parcours pour rehausser la gravité de leur propos mais desservie d'un dénouement tout de même frustrant.


Le troisième segment, haletant et complètement débridé, relate l'affrontement physique de deux automobilistes après s'être insultés sur la route parce que l'un d'eux roulait trop lentement. Drôle, mesquin et méchamment cruel pour dépeindre l'absurdité de leur lutte des classes, les règlements de compte se succèdent à une cadence échevelée quant à savoir qui emportera la victoire, jusqu'à ce qu'une conclusion ne vienne les réconcilier par le biais du clin d'oeil macabre. La quatrième anthologie relate le pétage de plomb d'un ingénieur en explosif contre l'intransigeance d'une entreprise de fourrière. L'intrigue faisant honneur aux réparties verbales de ce dernier essayant vainement d'élucider l'injustice de son procès contre une bureaucratie innégociable. Le cinquième récit, incisif et sardonique dans sa chute macabre, brosse le portrait d'une bourgeoisie déloyale lorsqu'une famille est contrainte de négocier le sort de leur fils chauffard (il vient de percuter une femme enceinte après avoir pris la fuite) avec un avocat, un jardinier et un enquêteur. Un récit savoureux dans la galerie véreuse impartie à ces personnages mesquins auquel l'amitié n'a ici aucune signification pour leur soif du profit. Enfin, la dernière histoire achève de manière magistrale cette fable sur la dictature des sociétés modernes, l'incivisme, la jalousie, l'orgueil, la cupidité et la fourberie avec la nuit de noce de jeunes mariés épris d'entrain et de bonheur dans leur situation amoureuse mais rapidement rattrapés par la révélation d'une adultère que la jeune épouse va apprendre en direct de sa procession ! Jouissif, jubilatoire, insolent et plein de gravité, ce bijou d'humour acide dévoile l'envers de l'amour et de la fidélité par le biais d'un rupin subitement gagné par le remord. Bourré de répliques cinglantes dans l'expression rancunière de l'épouse, d'incidents violents et d'une rencontre inopinée au clair de lune, ce jeu de massacre réussit même à distiller une poignante empathie lors de sa dernière partie aigre-douce.


Si la plupart des sketchs s'avèrent remarquablement contés parmi l'acerbité d'intrigues à rebondissements et parmi l'impulsion tempétueuse de ces personnages, le dernier segment confiné dans une salle de noce vaut à lui seul le détour dans son brassage d'émotions contradictoires afin de décrier l'irresponsabilité de l'acte du dévouement. 

Bruno Matéï

Récompenses:
Festival international du film de Saint-Sébastien 2014 : Prix du public du meilleur film européen
National Board of Review Awards 2014 : meilleur film en langue étrangère

vendredi 22 mai 2015

TRAINSPOTTING

                                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site imgkid.com

de Danny Boyle. 1996. Angleterre. 1h34. Avec Ewan McGregor, Ewen Bremner, Jonny Lee Miller, Robert Carlyle, Kevin McKidd, Kelly Macdonald, Peter Mullan, James Cosmo.

Sortie salles France: 19 Juin 1996. Angleterre: 23 Février 1996

FILMOGRAPHIE: Danny Boyle est un réalisateur Britannique, né le 20 Octobre 1946 à Manchester.
1994: Petits Meurtres entre amis. 1996: Trainspotting. 1997: Une Vie moins Ordinaire. 2000: La Plage. 2002: 28 Jours plus tard. 2004: Millions. 2007: Sunshine. 2008: Slumdog Millionaire. 2010: 127 Hours. 2013: Trance. 2015: Steve Jobs.


Comédie caustique au succès international et objet de culte auprès d'une génération de cinéphiles, Trainspotting est la consécration de Danny Boyle, cinéaste anglais préalablement révélé avec un petit thriller d'humour noir, Petits meurtres entre amis. Pourvu d'un sens de dérision décalé afin de se démarquer des clichés concernant le thème éculé de la drogue, Trainspotting parvient à tirer parti de son originalité par la démarche déjantée de cinq héroïnomanes condamnés à s'épauler et se trahir pour le compte perfide de leur dope. Vivant mutuellement une existence miséreuse dans leur bourgade écossaise touchée par la dépression économique, ils passent leur temps à flâner, voler, dealer et se shooter entre deux tentatives de décrochage que leur leader Mark Renton essaie désespérément d'appliquer malgré l'influence de l'entourage.  


Nanti d'une mise en scène inventive et expérimentale afin de mieux nous immerger dans les effets désirables (orgasme extatique à l'intraveineuse, hallucinations édéniques) et indésirables de l'héroïne (impuissance sexuelle, perte de sens avec la réalité, bad-trip, overdose, crise de manque insoutenable), Danny Boyle réussit à allier fascination et répulsion quant à la perversité du produit que nos héros s'injectent obstinément sans prêter attention à la vivacité du monde extérieur. A l'instar de la séquence traumatisante auquel une mère défoncée se rend subitement compte que son bébé est mort de dénutrition ! Une situation cauchemardesque d'une intensité dramatique éprouvante, le cinéaste n'hésitant pas à filmer explicitement le cadavre nécrosé du bambin. Aussi réaliste que décalé dans les stratagèmes audacieux que nos junkies se contraignent de pratiquer pour obtenir leur produit, à l'instar de leur transaction pour 2 kilos d'héroïne, Danny Boyle ne cesse d'enjoliver sa mise en scène à l'aide d'un esthétisme poético-baroque (la fameuse plongée sous-marine dans la cuvette de toilette insalubre, les hallucinations cauchemardesques de Mark durant son sevrage !). Notamment en jouant avec la saturation / désaturation de décors tantôt psychédéliques, tantôt glauques au sein du refuge familier des drogués. Une manière d'établir un contraste entre l'illusion de leur bonheur et la réalité sordide de leur miséreux quotidien. Si certaines séquences débridées prêtent à la rigolade dans leur sens du gag vitriolé (le châtiment scatologique invoqué à Spud par sa compagne, le vol de la cassette porno que Mark a échangé chez le domicile de Tommy), d'autres moments exaltent un humour noir assez cru (la disparition d'un de leurs amis mort dans une circonstance aussi sordide que singulière). 


Mené avec entrain par une galerie de junkies délurés plongés dans l'illusion de la came, Trainspotting parvient à alerter le cercle infernal et dévastateur de la drogue avec une inventivité et une dérision aussi acerbe que grinçante (à l'instar du dénouement cynique de l'épilogue inscrit dans la désillusion). Scandé par une BO éclectique alternant la pop et la techno à une cadence métronomique et dominé par la prestance spontanée de comédiens au caractère bien trempé (mention particulière à Robert Carlyle en psychopathe avili par son alcoolisme et sa violence convulsive et à la présence ambivalente d'Ewan McGregor en junkie intarissable !), Trainspotting continue d'insuffler son emprise de bad-trip par le biais d'un réalisme désincarné !

Bruno Matéï
4èx

Récompenses:
Prix du meilleur film et du meilleur réalisateur au Festival international du film de Seattle de 1996.
BAFTA Award du meilleur scénario adapté en 1996.
BSFC Award du meilleur film en 1996.
Empire Awards du meilleur film britannique, du meilleur réalisateur britannique, du meilleur acteur britannique (Ewan McGregor) et du meilleur espoir (Ewen Bremner) en 1997.
BAFTA Scotland Awards du meilleur film et du meilleur acteur (Ewan McGregor) en 1997.
Bodil du meilleur film non-américain en 1997.
Lion tchèque du meilleur film étranger en 1997.
Brit Award de la meilleure bande-originale de film en 1997.
London Critics Circle Film Awards du meilleur acteur (Ewan McGregor) et du meilleur producteur en 1997

jeudi 21 mai 2015

PHANTASM. Prix Spécial du Jury, Avoriaz 80.

                                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site wrongsideoftheart.com

de Don Coscarelli. 1979. U.S.A. 1h32. Avec Michael Baldwin, Bill Thornbury, Reggie Bannister, Kathy Lester et Angus Scrimm.

Sortie salles France: 4 Juillet 1979

FILMOGRAPHIE: Don Coscarelli est un scénariste et réalisateur américain né le 17 Février 1954 à Tripoli (Lybie).
1976: Jim the World's Greatest. 1976: Kenny and Compagny. 1979: Phantasm1982: Dar l'invincible
1988: Phantasm 2. 1989: Survival Quest. 1994: Phantasm 3. 1998: Phantasm 4. 2002: Bubba Ho-tep. 2012: John Dies at the end.


La dédramatisation du trépas du point de vue fantasmatique d'un adolescent.
Pour son troisième long-métrage, le néophyte Don Coscarelli frappe un grand coup dans le paysage fantastique avec un film à petit budget récompensé du Prix Spécial du Jury à Avoriaz puis célébré dans les vidéo-clubs au tout début des années 80. Pour classifier le contenu de Phantasm, on peut stipuler qu'il s'agit d'un croisement entre le conte horrifique, le fantastique et la science-fiction, à l'instar de son dernier acte désincarné révélant l'origine du Tall Man et de ses esclaves. Son succès commercial s'avère d'ailleurs si payant que trois suites inégales seront réalisées avec plus ou moins d'efficacité. Un adolescent et son frère aîné sont la cible d'évènements étranges dans le funérarium de leur contrée après qu'un de leur ami fut retrouvé assassiné. Un croque-mort patibulaire, une sphère volante et une communauté de nains intentent à leur tranquillité. Dès le préambule fantasmatique par l'aura trouble qui s'y dilue au sein d'une nécropole nocturne, un meurtre à l'arme blanche est perpétré auprès d'un individu par une pulpeuse aguicheuse. Nous faisons ensuite connaissance avec les amis du défunt, Jodie et Mike, deux frères déjà bien endeuillés par la disparition de leurs parents. Alors que l'aîné délaisse son frère pour tenter de conquérir la femme, Mike s'offusque à ce qu'il lui soit soutiré en s'efforçant impertinemment de le pister. C'est après l'inhumation de leur ami Tommy que Mike est témoin d'un acte improbable: l'apparence spectrale d'un croque-mort dérobant le cercueil du défunt pour le stocker dans le coffre d'un corbillard.
                                     
                          
Canaliser la peur pour vaincre la douleur.
Epaulé d'une partition onirique entêtante, Don Coscarelli s'est entrepris avec Phantasm de nous bâtir un univers macabro-surnaturel hors des sentiers battus. Par la démarche investigatrice d'un adolescent angoissé à l'idée d'être abandonné et de perdre son frère, un univers opaque se matérialise sous l'impulsion de sa jalousie et sa paranoïa. Spoiler ! Dans son esprit tourmenté, le directeur d'un funérarium enlève des cadavres pour les réduire à la taille de gnome afin de les confiner en esclavage vers sa planète lointaine. Durant le cheminement de Mike émaillé d'incidents à répétition et de rencontres macabres, et par l'influence de son imaginaire débordant, c'est une lutte contre ses propres démons qu'il est contraint de combattre afin de canaliser sa peur morbide depuis la tragique disparition de sa famille. Fin du Spoil. Les vicissitudes baroques et débridées que ce dernier doit parcourir, Don Coscarelli les matérialisent avec un sens créatif vertigineux et un climat de mystère ensorcelant par sa scénographie mortifère. Notamment par le biais d'une structure narrative elliptique brouillant parfois les repères du présent et du passé pour mieux nous égarer dans un dédale cauchemardesque. Que ce soit l'hostilité d'une sphère volante, foreuse de cerveau, la mutation d'un doigt en insecte, le camouflage de nabots erratiques et l'entrée dimensionnelle vers une planète rouge, Phantasm est une invitation au voyage, un périple initiatique vers l'acceptation du deuil qui entraînera la maturité du jeune héros. Les portes d'une nouvelle dimension nous sont donc ici ouvertes par l'entreprise d'une morgue afin de conjurer nos affres et nos névroses imparties au mystère de l'inconnu ! L'inaccessibilité de l'absolu ! En pionnier du fantastique contemporain, Don Coscarelli ne manque pas non plus d'humour noir parmi l'excentricité de ces créatures malfaisantes tout en alternant avec l'alchimie érotique du corps féminin mis en valeur pour la curiosité d'un ado en éveil sexuel. Niveau prestance iconique, personne ne peut oublier le rictus diabolique d'Angus Scrimm dans celui du Tall Man, figure singulière du Boogeyman dans son imposante fonction de croque-mort à la lourde démarche. Outre les seconds-rôles attachants qui accompagnent le jeune Mike, A. Michael Baldwin endosse avec beaucoup de naturel la fragilité innocente d'un adolescent en berne contraint de refréner son traumatisme du deuil avec une bravoure expansive.
                                       

La vie n'est qu'un long rêve dont la mort nous réveille.
Par son pouvoir de fascination régi autour d'une scénographie mortuaire et le brassage hétéroclite des genres détournés, Phantasm s'édifie en chef-d'oeuvre du fantastique moderne, hymne universel au rêve, à la spiritualité et à l'approbation de la mort. L'intelligence métaphorique du scénario, l'univers onirico-macabre qui y est dépeint avec créativité endémique et son inoubliable mélodie obsédante acheminant Phantasm à la jouvence éternelle. Les amoureux transis d'émoi de bizarrerie ne se sont d'ailleurs jamais remis d'une expérience aussi irrationnelle pour consentir la fatalité de la mort, ou l'illusion de l'existence ! 

06.07.11.  5 (186 vues)
21.05.15.  6èx
Bruno Matéï.


mercredi 20 mai 2015

TRUE ROMANCE

                                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

de Tony Scott. 1993. U.S.A. 2h00. Avec Christian Slater, Patricia Arquette, Michael Rapaport, Christopher Walken, Dennis Hopper, Saul Rubinek, Bronson Pinchot, Samuel L. Jackson, Gary Oldman, Brad Pitt, Val Kilmer, James Gandolfini, Chris Penn, Tom Sizemore, Michael Beach, Frank Adonis.

Sortie salles France: 3 Novembre 1993. U.S: 10 Septembre 1993

FILMOGRAPHIE: Tony Scott (né le 21 juillet 1944 à Stockton-on-Tees, Royaume-Uni - ) est un réalisateur, producteur, producteur délégué, directeur de la photographie, monteur et acteur britannique. 1983 : Les Prédateurs, 1986 : Top Gun, 1987 : Le Flic de Beverly Hills 2, 1990 : Vengeance,1990 : Jours de tonnerre,1991 : Le Dernier Samaritain,1993 : True Romance, 1995 : USS Alabama,1996 : Le Fan,1998 : Ennemi d'État, 2001 : Spy Game, 2004 : Man on Fire, 2005 : Domino, 2006 : Déjà Vu, 2009 : L'Attaque du métro 123, 2010 : Unstoppable..


Echec commercial lors de sa sortie, True Romance finit néanmoins par accéder au rang de film-culte chez les cinéphiles aguerris d'une ultra-violence aussi corrosive que cartoonesque. Scénarisé par Quentin Tarantino dont on reconnait bien là la verve de ses dialogues satiriques, True Romance se rapproche plus d'une déclinaison de Sailor et Lula dans le portrait marginal du couple d'amants et les conséquences de leur corruption, que du mythique Bonnie and Clyde auquel l'affiche française prêtait allusion. Tony Scott ne lésinant pas sur le caractère sanglant des règlements de compte et passage à tabac (à l'instar du mémorable corps à corps barbare entre Alabama et un tueur misogyne !) dans un esprit sardonique où l'humour noir fait des étincelles. 


Clarence, vendeur de comics, fan d'Elvis et de films de Kung-Fu, établit la rencontre d'une escort-girl, Alabama, en pleine séance de cinéma. Emportés par le coup de foudre, ils décident rapidement de se marier avant que Clarence ne se décide d'aller récupérer les affaires de son épouse chez son ancien mac, Drexl Spivey, et de le supprimer. Après la mortelle altercation, Clarence s'empare par mégarde d'une valise bourrée de Coke. Sans le sou, le couple décide par le biais d'un ami de revendre la drogue auprès d'un producteur d'Hollywood. Jouissif et trépidant dans son intrigue à revirements, quiproquos et rencontres inopportunes auquel la violence aride éclate de manière brutale, hilarant dans sa galerie fantaisiste de malfrats déjantés auquel d'illustres comédiens se prêtent au jeu avec ferveur (mention spéciale pour le numéro anthologique que Christopher Walken insuffle dans sa posture parodique de parrain sicilien !), True Romance s'instaure en plaisir de cinéma malotru. Notamment pour la caricature assignée aux financiers véreux d'Hollywood, l'hommage attendrissant invoqué à la Pop-Culture et son goût pour la farce caustique auquel la fourberie de certains antagonistes dévoile l'envers d'une industrie cinématographique rongée par le cynisme et la cupidité. Par sa facture exotique (le cadre ensoleillé des palmiers de Los Angeles) et le vent de charme et fraîcheur que le couple Christian Slater / Patricia Arquette laisse planer avec fougue passionnelle, True Romance allie tendresse et trépas dans un cocktail acidulé d'hystérie collective (fusillade paroxystique à l'appui !). 


Soutenu par la bande-son exaltante d'un Hans Zimmer particulièrement inspiré par les sonorités tropicales, True Romance transfigure la romance criminelle par le biais du polar brutal auquel les réparties inventives et la galerie effrontée des comédiens participent autant à son attrait de séduction ! Classique moderne du genre, cette "vraie" romance (adoubée par Tarantino himself pour l'alternative du happy-end de Scott !) reste aujourd'hui toujours aussi pétillante et pétaradante ! 

Bruno Matéï
3èx