jeudi 3 mars 2011

LA CHASSE SANGLANTE (Open Season/Los Cazadores)

                                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

de Peter Collinson. 1974. 1H45. Etats-Unis / Suisse / Espagne / Angleterre / Argentine. Avec Peter Fonda, Richard Lynch, John Phillip Law, Alberto de Mendoza, Cornelia Sharpe, William Holden, Simon Andreu.
BIO Peter Collinson (01.04.36 / 16.12.80) est un réalisateur anglais responsable de 17 longs-métrages mis en scène entre 1967 et 1980 (l'or se barre, la nuit des alligators, 10 petits nègres)

L'ARGUMENT: Trois hommes réunis le temps d'un week-end se décident à kidnapper un jeune couple dans une optique bien particulière: la chasse au gibier humain !

Dans la lignée de Délivrance, la Chasse du Comte Zaroff, les Chiens de Paille ou de Week-end sauvage, La Chasse Sanglante s'inscrit dans le réalisme cru des années 70 par son atmosphère malsaine particulièrement poisseuse. La grande force de La Chasse Sanglante est avant tout impartie à son indéniable efficacité d'une narration incongrue où la tension sous-jacente culmine vers un inattendu rape and revenge ! La première partie se résume au jeu de brimades des agresseurs contre leurs victimes réduites à l'état d'esclaves jusqu'à ce qu'une beuverie improvisée aboutisse à une dérive meurtrière. Le climat pervers de cette première partie davantage oppressante est particulièrement bien amené par des comédiens impliqués dans leur fonction d'oppresseur ou de victime démunie. La tension et la panique devant la révélation des faits va monter d'un cran lorsque Nancy va prendre conscience que le but de ce kidnapping n'était qu'un simple divertissement pour perpétrer une véritable chasse à l'homme dans un cadre forestier ! La seconde partie haletante et terriblement cruelle amorce le survival escarpé dans sa violence psychologique atteignant parfois un degré d'intensité émotionnelle à la limite du supportable (Nancy, désespérée et terrifiée, suppliant à ces oppresseurs de la laisser en vie lors d'un ultime appel au secours). La dernière partie étonnante et sarcastique renoue avec l'enjeu dramatique de la scène d'introduction pour renouveler une nouvelle partie de chasse bestiale et transgressive dans son auto-justice expéditive.

Dans un rôle perfide, Peter Fonda se révèle comme à son habitude parfait dans celui du salopard sans vergogne alors que l'on pouvait soupçonner un sursaut d'empathie pour sa relation avec Nancy, la maitresse de Martin. Le patibulaire Richard Lynch au regard finaud et John Phillip Law dans sa bonhomie physiquement rassurante sont parfaits dans leur complicité perverse de camaraderie. Alberto De Mendoza est à mon sens le personnage le plus convaincant dans celui du mari infidèle, complètement livré à l'abandon, mis en retrait devant les agissements de cette bande de meurtriers et de sa propre femme. La ravissante Cornelia Sharpe aurait tendance à s'apitoyer dans sa discrète souffrance, peu expressive dans ses états d'âme refoulés. L'inattendue apparition de William Holden ajoute une saveur subversive au récit pour son rôle à contre-emploi de justicier punitif.

Tendu et brutal, La Chasse Sanglante constitue un classique du survival horrifique ne cédant jamais au racolage dans son florilège de châtiments, humiliations et sévices. Rondement mené, efficacement construit, interprété avec conviction par des comédiens au jeu gouailleur, La Chasse Sanglante dénonce une fois de plus l'instinct pervers de l'homme avide de chasse au gibier dans l'unique plaisir de tuer. 

DEDICACE A MATHIAS CHAPUT.

04.10.10

GRIZZLY, LE MONSTRE DE LA FORET (Grizzly, l’orso che uccide / Claws / Killer Grizzly)

                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site avoir-alire.com

de William Girdler. 1976. U.S.A. 1h37. Avec Christopher George, Andrew Prine, Richard Jaeckel, Joan McCall, Joe Dorsey.

FILMOGRAPHIE: William Girdler est un compositeur, producteur, réalisateur et scénariste américain, né le 22 octobre 1947 à Louisville, dans le Kentucky aux États-Unis, et décédé le 21 janvier 1978 à Manille aux Philippines.
1972: Three on a Meathook. 1974: Quand la ville tremble. 1974: Abby. 1975: l'Antre de l'horreur. 1975: Sheba, Baby. 1976: Grizzly. 1976: Project: Kill. 1977: Day of the Animals. 1978: Le Faiseur d'Epouvante.


Surfant sur le succès des Dents de la mer sorti un an au préalable, Grizzly, le Monstre de la Forêt est un démarquage bisseux du chef-d'oeuvre de Spielberg. Bâti sur le même canevas narratif (meurtres en pagaille commis sur des vacanciers par une créature monstrueuse, cupidité du directeur à laisser l'entrée libre de son parc forestier, traque finale de la bête par des chasseurs pugnaces), le film de William Girdler est une modeste série B tirant profit de son concept horrifico-catastrophiste avec un grain de violence gore (un gamin se fait arracher la jambe devant le témoignage horrifié de sa mère). Avec l'aimable participation de Christopher Georges et de trognes de seconds zone toutes aussi avenantes (Richard Jaeckel en tête !), Grizzly emprunte ses clichés rebattus sans complexe mais avec la foi d'un réalisateur obstiné. Dans le sens où il s'évertue tant bien que mal à rendre attachant un spectacle ludique par l'efficacité de situations alertes auquel un animal enragé va multiplier ses attaques sanglantes. Néanmoins, les protagonistes qui évoluent durant le récit s'avèrent plutôt superficiels et maladroits dans leur démarche héroïque ou couarde. Mais leur partie de cache-cache improvisée au sein de la forêt s'avère assez ludique quand certains des vacanciers se retrouvent incessamment traqués par la bête. Alors que plus tard, les rôles vont s'inverser vis à vis de braconniers déterminés à le prendre en chasse.
Le point d'orgue inévitable compromis à l'habituelle traque du monstre s'avère notamment cocasse quand trois de nos comparses ont fermement décidé de mettre un terme à ces exactions meurtrières. Enfin, la manière expéditive et couillue dont la bête est exterminée par l'un d'eux ne manque pas non plus d'attrait fantaisiste.


Les Dents de la Terre
Pour les amateurs de nanars dérivés des années 70, Grizzly est un petit produit d'exploitation assez distrayant et pittoresque. La mise en scène superficielle, le cabotinage des acteurs, les situations redondantes qui empiètent le récit et l'absence d'intensité renforcent son capital sympathie par la foi du réal de nous avoir bricolé un ersatz du film de monstre. Les apparitions du Grizzly prêtant plus à sourire qu'à provoquer l'effroi escompté. 
A voir également d'un oeil amusé pour son dépaysement écolo, sa violence débridée ainsi que la bonhomie des vétérans de seconde zone !

NOTE: Grâce au succès du film, une suite intitulée Grizzly II : the Predator avait été mise en chantier, avec George Clooney et Charlie Sheen dans les rôles principaux. Faute de financements et de quelques problèmes liés aux effets spéciaux, cette suite n'aura jamais vu le jour.

26.04.13. 3èx
Bruno Matéï



THE EXPENDABLES

                                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site expendables.wikia.com

de Sylvester Stallone. 2010. U.S.A. 1H44. Avec Bruce Willis, Arnold Schwarzenegger, David Zayas, Terry Crews, Sylvester Stallone, Jet Lee, Jason Statham, Micker Rourke...

BIO: Sylvester Enzio Gardenzio Stallone, né le 6 juillet 1946 à New York, est un acteur, réalisateur, scénariste et producteur de cinéma américain.
Tributaire de 8 longs-métrages en tant que metteur en scène, il démarre la réalisation en 1978 avec La Taverne de l'enfer. Il tourne ensuite un an plus tard la suite de Rocky pour renouer avec l'étalon italien dans Rocky 3, l'oeil du tigre en 1982. Oublions le pathétique Staying Alive sorti en 1983 pour retrouver de nouveau l'énième suite des aventures du boxeur de Philadelphie dans un 4è volet entrepris en 1985.
Après une longue abscence derrière la caméra, Stallone renoue avec l'ambition de ses plus grands succès commerciaux pour tenter de donner suite en 2006 et 2008 aux mythes que sont Rocky et Rambo. Deux de ces icones les plus célèbres d'une riche carrière en demi-teinte.
En 2010, il entreprend The Expendables qui se veut un ultime hommage au cinéma d'action ludique qui aura bercé des millions de fans dans les années 80, rassemblant une tête d'affiche hors pair pour le genre viril et codifié.

L'ARGUMENT: Une bande de mercenaires sont envoyés en mission par la CIA pour renverser un dictateur du pays Sud-américain.

POUR UNE POIGNEE DE HEROS
Maintes fois annoncé et fantasmé à grand renfort de teasers et bande annonces prometteuses concoctés pour une horde de fans surexcités de voir à nouveau réunis sur grand écran leurs héros intrépides aux muscles saillants, Sylvester Stallone nous avait promis un hommage sincère et respectueux envers ces séries B d'exploitation de la vieille école. Des plaisirs coupables tournés sans prétention aucune (ou si peu) qui ont notamment envahi avec succès les rayons VHS des années 80.   Pour citer les exemples les plus éloquents, les amateurs virils se repassent toujours en boucle Tango et Cash, Haute Sécurité, Cobra, Le Dernier Samaritain, Rémo, sans arme et dangereux, Oeil pour oeil, Full contact, Bloodsport ou encore Commando. Le résultat est-il à la hauteur de nos espérances ? En partie, on peut dire que oui tant cette nouvelle production remise au goût du jour reprend les ingrédients conventionnels des séries B survitaminées d'antan avec ce juste dosage d'action et d'humour. Mais aussi un mauvais goût assumé pour les scènes gores violentes et cartoonesques (hormis cette fâcheuse manie indolente à se laisser commander par des CGI aseptisés). Néanmoins, son prologue maladroit aurait pu annoncer le pire des vicissitudes à venir. En effet, cette séquence d'introduction mollement mise en scène débute sur un trafalgar peu inspiré dans ses actions tempérées, son caractère spectaculaire tombant ici à plat. La suite s'annonce un peu bancale avec la caractérisation folichonne de certains de nos personnages pour les retrouvailles familiales de l'équipe de choc. Et cela en dépit de clins d'oeil plutôt cocasses, Bruce Willis et Arnold Scwarzeneger se moquant d'eux même avec une décontraction spontanée. Cette narration désordonnée impose donc de prime abord et d'une façon malhabile les enjeux de nos mercenaires prêts à partir au combat et annihiler l'ennemi.

Le scénario balisé (une guerre est déclarée entre les bons et les méchants avec en guise d'appât une jeune rebelle farouche dont Stallone s'éprendra de manière affectueuse) n'est pas plus mauvais que nos productions eighties citées au préalable. Mais la sympathie de nos personnages héroïques casse-cou et les séquences d'action qui vont intervenir au bout de 30 minutes ravivent notre contentement soulagé d'assister à un spectacle généreux et ludique. C'est notamment ce défilé de stars complices qui fait vraiment plaisir à retrouver ici pour un fantasme qui relevait auparavant de l'utopie. Que ce soit Mickey Rourke, Dolph Lundgren, Steve Austin, Bruce Willis, Arnold Schwarzeneger, Jet Lee, Eric Roberts, Jason Stathan, et bien sur l'inoxydable Sylvester Stallone. Il est d'ailleurs dommageable que Steven Seagal et Jean Claude Vandamme n'aient pas répondu présent pour une telle opportunité !
Dans le rôle du leader chevronné, Sylvester Stallone impose avec décontraction son habituelle bonhomie et sa sympathie innée de briscard à la trogne burinée, du haut de ses 64 printemps. Il reste tout de même dans une belle forme physique pour ses talents d'acrobaties, de cogneur pugnace et de coureur fugace. Jason Statham, nouveau jeune prodige du cinéma d'action, prête son alliance avec une fougue délibérée pour servir ce commando atypique parti en guerre contre une armée de soldats et un tyran pernicieux. Sa prestance aussi juvénile que virile est un atout de charme et son maniement habile du couteau fait illusion pour défendre la vie des plus démunis. Jet Lee transcende l'action par l'art martial de ses combats chorégraphiés avec vigueur et sensualité pour les coups assénés contre l'ennemi désarçonné. Quand à Eric Roberts voué au bad guy d'un trafiquant de drogue, il incarne avec mesquinerie un personnage orgueilleux tout à fait détestable dans son snobisme hautain et sa lâcheté méprisante.

The Expendables n'est donc pas le film d'action ultime fantasmé par une armée de fidèles amateurs mais il reste un bon divertissement agréable à suivre en dépit d'une première partie laborieuse. La décontraction de nos illustres stars (vétustes ou contemporaines) du cinéma bourrin, la loufoquerie de certains dialogues et sa naïveté assumée, les séquences d'action jouissives (malgré une scène de poursuite automobile illisible) et son final apocalyptique concourent de nous offrir un spectacle assez honnête à contrario d'un manque d'ambition et d'émotion. 

06.10.10
Bruno Matéï

                    

TOUT CE QUI BRILLE


de Hervé Mimran, Géraldine Nakache. 2010. France. 1H40. Avec Leïla Bekhti, Virginie Ledoyen, Géraldine Nakache, Audrey Lamy, Manu Payet, Linh-Dan Pham.

BIO: Il s'agit de la première réalisation de Hervé Mimran et Géraldine Nakache (01.01.80), tous deux scénaristes du film. Géraldine Nakache est également actrice dans une série TV (Kaamelot) et quelques comédies frenchies (Comme t'y es belle, RTT, Jusqu'à toi, Tu peux garder un secret ?).Elle a aussi supervisé les casting des émissions Groland sur Canal +, puis en tant qu'assistante-réalisatrice sur les fictions des Guignols de l'info. En 2000 elle travaille sur la chaîne Comédie et y passe d'assistante-productrice et productrice exécutive. De 2003 à 2005, elle se met en scène dans Starloose Academy et La Télooose, deux émission parodiant les programmes télévisés.

TOUT CE QUI BRILLE EST EPHEMERE.
Portrait intime d'un duo de jeunes filles utopistes à la recherche du bonheur et d'un désir de luxe pour l'illusion perdue des paillettes et des noctambules imbus de leur condition extravagante. A travers l'itinéraire de ces deux jeunes filles pétillantes de vitalité et d'esprit de camaraderie, nos deux réalisateurs dépeignent une introspection dans leur fidèle amitié et des conflits qui en émanent. Un témoignage lucide débordant de chaleur humaine sur le sens et les valeurs de l'amitié lorsque qu'une situation fructueuse pour l'une fera le malheur de l'autre. Ely et Lila se connaissent depuis leur tendre enfance et partagent leur journée à flâner, imiter leurs idoles caricaturées, savourer les instants anodins de la vie imprévue quand elles ne trouvent pas de petits boulots intermédiaires de vendeuse de pop-corn dans un ciné ou de babysitting forcé. Au fil des rencontres inopinées, elles vont se lier d'amitié avec un duo de lesbiennes chics et bon genres, tributaires de nuits débridées dans les soirées mondaines. Mais l'univers artificiel des bourgeoises vampirisées par l'or et l'argent vont faire tourner la tête à Lila jusqu'à délaisser son amie de longue dâte et entreprendre sa nouvelle destinée, un semblant de vie plus harmonieuse. 

Dans le rôle d'Eli, Géraldine Nakache  apporte la touche de douceur avec son physique traditionnel, rehaussé d'un charme de fraîcheur auquel elle apporte une belle vérité humaine. Une âme en peine au fil de la progression du récit car atténuée par la douleur affective. C'est dans les bras d'un enfant pour son rôle improvisé en Baby-sitter qu'elle tentera de retrouver un regain de douceur et de tendresse entre deux blagues involontaires de son autre amie, une prof de sport extravertie souvent témoin des conflits orageux. Leïla Bekhti interprète la jolie Lila avec tempérament dans son caractère brut, traversé de crises de délires ausis amusés qu'effrontés et sa froide fermeté à ne pas se laisser marcher sur les pieds. Charmante et rayonnante dans son physique enjôleur mais aussi éprouvée, lamenté, déçue par une idylle perfide, davantage en prise de remord pour son amitié écornée. Lila est avant tout une fille fragilisée, profondément blessée par l'absence d'un père fuyant, parti refaire sa vie au Maroc avec une autre dulcinée. Elle se révèle souvent touchante, juste et intense dans ses expressions amères livrées au désenchantement. Dans celle de la bonne copine de service, Audrey Lamy est une prof de gym hilarante par ces allures de garçon manqué. Elle trouve le juste équilibre pour son talent irrésistible à provoquer le rire dans ses réparties verbales et son esprit rancunier à ne plus se laisser gentiment profiter par ses deux acolytes complices.

Avec sa superbe BO entraînante, Hervé Mimran et Géraldine Nakach nous offrent ici une comédie de moeurs pétillante, pleine de fraîcheur et de tempérament, illuminé par le formidable duo de jeunes actrices novices extraverties inscrites dans la spontanéité. Tout ce qui brille traitant avec beaucoup d'humanité autant que d'humour débridé les relations étroites, éphémères, tendancieuses ou fidèles de l'amitié sans facilité ni pathosLe film observe également au passage les rapports familiaux avec cette nouvelle génération plus indépendante et affirmée quant à l'évolution de la fille au sein de notre société contemporaine. Un joli premier long-métrage fougueux, sincère qui sort du lot traditionnel des productions françaises et qui pourrait aussi rappeler sur le même thème le magnifique la Vie rêvée des Anges d'Eric Zonka, avec ici une tonalité plus optimiste et vigoureuse.

07.10.10

REMEMBER ME

                       

de Allen Coulter. 2010. U.S.A. 1H53. Avec Robert Pattinson, Emilie de Ravin, Pierce Brosnan, Martha Plimpton, Chris Cooper, Lena Olin, Peyton List, Ruby Jerins, Amy Rosoff, Meghan Markle...

BIO: Allen Coulter est un réalisateur et producteur, notamment envers diverses séries TV (X Files, Millenium, Rose, Six Feet Under, Damage, Rubicon, les Sopranos, Nurse Jackie). Son premier long-métrage, Hollywoodland est sorti en 2007.

L'ARGUMENT:  Tyler est un jeune américain de 22 ans en rébellion contre sa famille, en particulier envers son patriarche à cause d'un drame suicidaire familial.
A la suite d'une altercation avec un chef de police, Tyler décide de se venger en draguant la fille de ce dernier.
Cette histoire naissante d'un véritable amour fusionnel marquera à jamais chaque protagoniste.

                    

Au vu de la trame convenue mise au service du jeune premierRobert Pattinson qui aura traumatisé toutes les adolescentes du monde entier avec la  saga Twilight (dans le rôle du docile vampire amoureux), Remember me pourrait rebuter au vu du sujet avec ces doux airs de bluette sirupeuse façon Roméo et Juliette. Sans compter le ton niais, pour ne pas dire fleur bleue d'une affiche faussement transparente pour la promise romance reçue.
Il n'en est rien ! Ce drame passionnel raconte avant tout avec une vraie personnalité l'histoire d'un père et son fils en guerre contre leur autorité, leur esprit de rancune tenace, en quête éternelle d'une rédemption salvatrice avant que n'aboutisse un évènement inopiné qui changera à jamais le destin de nos héros réprimandés.

En 1991, une mère et sa fille se font violemment agresser en pleine nuit aux abords d'une rame de métro par deux voyous appâtés par le sac à main. Au dernier moment, l'un des deux agresseurs décide de supprimer la mère d'une balle mortelle.
10 ans plus tard, la fille aujourd'hui âgée d'une vingtaine d'années vit paisiblement avec son père, un officier de police fébrilement aigri, fragilisé par ce drame tendancieux.
A un autre endroit de la ville se profile une violente altercation avec des voyous venus agresser un couple dans une ruelle désertée. Le jeune Tyler, un garçon marginalisé par la perte du suicide de son frère et rendu rebelle contre son père condescendant ira courageusement s'interposer et tenter de sauver les victimes prises à parti.
Mais l'arrivée de la police et le ton audacieux de Tyler envers ce chef de service autoritaire le mènera au fond d'une cellule, en garde à vue avant que son père, un riche businessman new-yorkais paye la caution pour venir le libérer.
Quelques jours plus tard, Tyler décide avec l'influence de son acolyte d'accoster la fille du flic irascible pour la draguer en guise vindicative.
Mais une idylle naissante va alors s'interposer entre les deux amants avant que ne reviennent à l'appel les rancunes et les profondes blessures des âmes endeuillées. Des conflits familiaux pernicieux induits dans la douleur affective, profondément meurtris par un passé douloureusement affecté.

                                

Allen Coulter nous livre avec une sincérité prude sans excès de pathos un portrait écorné, lamenté sur deux familles endeuillées par la perte d'un être cher. A travers le fil conducteur d'une histoire d'amour jamais exacerbée par des procédés artificiels pour noyer la corde sensible, Remember Me traite avant tout avec sobriété d'une poignée de personnages conflictuels, en guerre avec leur colère et la révolte alimentées par une sombre iniquité. Divers destins laminés par le poids du passé qui vont à nouveau renouer avec l'horreur d'un quotidien inopiné mais qui permettra aussi de réparer et ressouder les valeurs fondamentales des liens de l'amour familial.

Robert Pattinson prête son charme habituel et sa présence rebelle pour un rôle délicat dans ses états d'âme livrés dans la rigide rancune, ses tourments et ses plaies douloureuses entaillées par la mort soudaine du suicide de son frère dont il obstruera le poids de la condamnation envers son père austère et trop fier, obnubilé par ses affaires de finance. Un rôle inné de personnage froid que prête l'excellent Pierce Brosnan dans une interprétation parfaitement acquise.
La douce et fragile Emilie de Ravin (apparue dans Lost), charmante blonde aux yeux bleux interprète avec assez de prestance et de tempérance un rôle frivole d'aimante épanouie avant que le paternel, campé par le génial Chris Cooper, ne vienne s'interposer dans une révolte imméritée et amoindrir les relations amoureuses entre les deux amants.

                    

LE NOUVEAU MONDE.
Naturellement photographié dans un style en phase avec la réalité expressive d'une ville New-yorkaise, Remember Me est une étonnante surprise, un beau drame humain poignant enrichi par l'épaisseur psychologique des destins croisés d'une poignée de survivants à jamais marqués par un évènement historique inconcevable. Un final choc halluciné qui met KO le spectateur stupéfait  par cette estocade abrupte, qui trouvera sa moralité dans une énonce significative du personnage historique de Gandhi.
Où l'importance d'une vie se trouve uniquement dans la seconde du temps à venir qui pourrait tout basculer et en modifier les données selon chaque existence à déterminer.
Un nouveau drame éhonté mais exutoire qui permettra aussi de renouer avec les liens familiaux d'un père imbus plus toléré et de l'innocence de sa petite fille, tous deux en quête lamentée d'un amour cathartique.

11.10.10

DEDICACE A SYLVAIN GONZALES.

                               

mercredi 2 mars 2011

Le Cercle Infernal. Grand Prix à Avoriaz 1978.

   

"Full Circle / The Haunting of Julia" de Richard Loncraine. 1977. Canada/Angleterre.1H38. Avec Mia Farrow, Keir Dullea, Tom Conti, Jill Bennett, Robin Gammell, Cathleen Nesbitt, Anna Wing, Edward Hardwicke, Mary Morris, Pauline Jameson, Arthur Howard...

Sortie salles France: 3 Mai 1978

FILMOGRAPHIE: Richard Loncraine est un réalisateur britannique né le 20 Octobre 1946 à Cheltenham du Gloucestershire, Grande Bretagne. 1975: Flame. 1977: Le Cercle Infernal1982: Drôle de missionnaire. Pierre qui brûle. 1995: Richard III. 2004: La Plus belle victoire. 2006: Firewall. 2009: My One and Only


"S'introduire comme un rêve dans l'esprit d'une femme chétive est un art, en sortir est un chef-d'oeuvre."
Sous prétexte d'un cas de demeure hantée habitée d'une présence maléfique, Richard Loncraine aborde en 1978 les thèmes du deuil familial et de la difficulté de surmonter la perte de l'innocence à travers un drame psychologique transplanté dans le cadre de l'épouvante gothique. Possession, Folie, réincarnation, autosuggestion se télescopant dans une prude discrétion. Récompensé du Grand Prix à Avoriazle Cercle Infernal laisse libre court à un au-delà insaisissable à travers l'exutoire d'une mère traumatisée, transie d'amour pour sa défunte fille. Le Pitch: Lors d'un déjeuner matinal, Julia et son époux Magnus sont témoins de l'étouffement de leur fille avec un morceau de pomme. Paniquée, elle lui inflige une trachéotomie avant l'arrivée latente des secours. Deux mois plus tard, après un séjour en hôpital psychiatrique, Julia encore perturbée de la mort de sa fille quitte son mari ainsi que sa demeure familiale pour s'installer dans un vaste pavillon londonien. Inexplicablement, elle ressent de manière intuitive une étrange présence dans les lieux, quand bien même l'arrivée de médiums expérimentés amplifiera son trouble sentiment d'insécurité et de résignation à découvrir l'horrible vérité. 


Dès l'éprouvant prologue inopinément tragique, nous sommes témoins d'un incident domestique des plus cruels. Une scène choc réaliste particulièrement impressionnante de par son marasme imposé auprès d'une fillette agonisante, un morceau de pomme dans le fond de sa gorge. Et le point d'orgue de nous administrer sur celle-ci aussi mourante une trachéotomie infructueuse perpétrée par sa propre mère. La scène suivante se clôt sur le plan fixe du regard blême et hagard de cette dernière, tremblotante devant sa porte d'entrée face aux secouristes médusés ! Sa posture contractée, son absence apathique nous dévoilant ensuite un tablier maculé de sang auquel sa main droite y brandit un couteau de cuisine. Un prologue anthologique au montage adroit afin d'y distiller une intensité éprouvante aussi malaisante 
qu'insupportable. Car quoi de plus innommable que d'observer (sans complaisance) l'agonie d'une fillette condamnée à la fatalité !


Passé ce tragique fardeau aussi tétanisant que poignant, Julia se retrouve 2 mois plus tard sciemment seule dans une demeure poussiéreuse d'aspect gothique. Mais au fil des jours et de son isolement, elle éprouve un sentiment persistant d'inquiétude mêlée de fascination envers cet endroit feutré. Par la suite, ce sentiment irrationnel perdurera pour s'exacerber lors de l'improvisation d'une séance de spiritisme conseillée par la belle soeur de son époux. Ainsi, passée cette dérangeante communication avec les morts le cheminement nébuleux de Julia va prendre un tournant autrement délétère autour d'une énigme des plus sordides. Mais obsédée par des révélations aussi improbables que motivantes, notamment en y établissant un rapprochement avec la mort de sa fille, elle se laissera embarquer dans une enquête consciencieuse afin d'y démystifier son caractère surnaturel et par la même occasion sauver une âme perdue. Des avis de recherche aux révélations interlopes vont profondément heurter sa sensibilité puisque s'identifiant à nouveau vers un autre drame infantile et d'y opposer notamment une analogie avec son expérience vécue. 


A moins que tout cela n'était peut-être que le fruit de son imagination, de sa psyché tourmentée à tenter de se déculpabiliser de la mort accidentelle de sa propre fille, fantôme errant au coeur de sa conscience dépressive ! Motivé par le pouvoir de suggestion afin de préconiser un envoûtement palpable, Richard Loncraine cristallise avec Le Cercle Infernal un drame de la solitude sublimant, sous le pivot d'un suspense aussi lourd que passionnant, une ambiance gothico-funèbre étonnamment indicible. La densité de sa narration diaboliquement sournoise demeurant d'autant plus captivante à travers la quête spirituelle d'une mère aussi démunie qu'hantée par les forces du Mal. Dans le rôle iconique de Julia, Mia Farrow  délivre une fois encore un jeu de fragilité névrotique à travers son doux regard azur mêlé d'appréhension et de curiosité morbide de par son insatiable soif de vérité ! Une composition nuancée toute en sensibilité que son physique fluet et famélique renvoient à sa vulnérabilité morale. Démunie et désorientée mais obsédée par ses convictions, elle se laisse probablement soumettre par l'influence d'une victime démoniale au point de se laisser voguer vers un échappatoire funeste qu'elle ne peut maîtriser. Ainsi, si Le Cercle Infernal dégage un tel pouvoir de fascination ineffable auprès de son suspense en crescendo, il le doit notamment à la cruauté malsaine de sa trame couillue abordant le thème de l'enfant maléfique avec une sensibilité aussi aigue qu'ambigüe. Si bien que rarement ce thème cher au Fantastique n'eut été traité avec autant de suggestion "nécrosée" si j'ose dire. Et ce à travers la teinture sépia d'une splendide photo scope qui ne demande qu'à nous enivrer. 


Elégie maternelle.
Scandé de l'inoubliable mélodie élégiaque de Colin Towns à marquer d'une pierre blanche, Le Cercle Infernal se décline en chef-d'oeuvre diaphane de par sa puissance émotionnelle aussi subtile que dépouillée émanant d'un récit irrésolu. Richard Loncraine illustrant avec tact et pudeur la trajectoire désargentée d'une mère en berne en quête d'une main secourable par le biais des forces de l'au-delà. Sensiblement angoissant et anxiogène à travers un climat ouaté difficilement explicable par les mots, malsain et dérangeant (la séance de spiritisme plutôt glaçante alors qu'elle n'y dévoile rien, Julia brandissant sans raison une tortue ensanglantée dans le parc à enfants, les révélations horrifiantes d'un témoin clef du meurtre d'Olivia mais aussi celles de la mère impotente confinée dans l'asile), Le Cercle Infernal se substitue en poème obsédant auprès de son épilogue capiteux sciemment filandreux et interrogatif. Et ce bien au-delà du générique de fin, le spectateur restant tétanisé par cette image figée profondément mélancolique ! Car un final tragique d'une beauté funèbre sensorielle infiniment hypnotique. Diamant noir (étonnamment) chétif, comparable à la céramique d'une porcelaine, Le Cercle Infernal s'érige en drame maternel singulier au fil (si ténu) d'une acuité émotionnelle aussi obscure que déchue.   

Remerciement immodéré à Ciné-Bis-Art.

*Bruno
16.10.10.  
07.05.21. 4èx

Récompense: GRAND PRIX, Avoriaz 78.

VERSAILLES

                    

de Pierre Schoeller. 2008. France. 1H53. Avec Guillaume Depardieu, Max Baissette de Malglaive, Aure Atika, Judith Chemla, Brigitte Sy, Patrick Descamps.

BIO: Pierre Schoeller est un Réalisateur français, compositeur, scénariste, dialoguiste, adaptateur né en 1961.
Versailles est son second film, réalisé 4 ans après Zéro Défaut et en attendant son prochain projet: l'Exercice de l'état.

L'ARGUMENT: Un SDF et un enfant abandonné vont se lier d'amitié et vivre ensemble une aventure humaine écorchée vive.

                    

Sur le thème délicat de l'exclusion engendrant une marginalité davantage consolidée dans sa conviction déchue, Versailles décrit avec une belle justesse et de réalisme le destin croisé de trois êtres humains démissionnés d'une société individualiste toujours plus ingrate et irrévérencieuse.

Une jeune mère, Nina et son fils Enzo, sans domicile fixe, vivent au jour le jour tant bien que mal dans un état d'esprit où l'insalubrité, l'ennui et le désespoir de survivre coûte que coûte pèseront un peu plus chaque matin négligeable.
Sur leur chemin impromptu ils vont rencontrer Damien, un SDF vivant loin de la civilisation dans une cabane au fond des bois de Versailles.
Un matin, après avoir fait l'amour à cet inconnu, elle part brusquement sans avertir quiconque et abandonne son fils pour le laisser aux bras de Damien.
Les deux vagabonds livrés à eux même vont apprendre à se connaitre et vivre ensemble sans savoir ce que réservera le lendemain dérisoire.

                   

Pierre Schoeller raconte sans pathos ni misérabilisme un douloureux portrait d'un duo brisé par la vie qui ne leur aura jamais fait de cadeau.
Le début nocturne où l'on observe un gosse de 5 ans accompagné de sa mère, trouvant refuge dans un endroit neutre pour sommeiller sur des planches de carton disposées sur un bitume goudronné annonce bien la tonalité morose et aigrie auquel nous allons assister.
La première partie nous oriente dans une leçon de vie que nous n'avons pas coutume de connaitre et vivre malgré les documentaires à la TV que l'on a pu parfois assister, consacrés à ces jeunes désoeuvrés qui ont tout ignoré du jour au lendemain.
C'est l'existence humaine de Damien et d'un petit enfant de 5 ans, Enzo, que nous allons suivre dans un environnement forestier dénué de toute présence humaine en dehors des quelques fidèles amis qui viendront parfois leur rendre visite.
Nos deux SDF uniformisés vont poursuivre d'inlassables nuits mornes monocordes sans étoiles ni espoir, éclairées par un discret feu de camp avant de pouvoir s'endormir communément dans une cabane pour mieux se protéger de l'indifférence et le manque de reconnaissance.
Au fur et à mesure de sa nouvelle vie de bohème avec un "paternel" recomposé pour ce rôle improvisé, Enzo, enfant encouragé par son existence innée d'une blême incertitude et d'une précarité instable va peu à peu s'accommoder, se familiariser, se compléter avec Damien.
La deuxième partie un peu plus harmonieuse et aseptisée renoue avec un mode de vie plus orthodoxe, revigorant avec cette décision parentale pour l'amour infantile et son éthique pédagogique. Un espoir permis et salvateur pour la nouvelle vie du petit Enzo avant que sa mère maternelle ne vienne brusquement refaire surface.

                     

Guillaume Depardieu dans le rôle de Damien est impérial de vérité humaine dans sa composition viscérale d'un personnage miné par sa vie misérable et moribonde. Un marginal endurci dans sa solitude et sa haine vindicative d'une société condescendante qui ira jusqu'à dénigrer, avilir les plus démunis en déversant par exemple du javel dans un vide ordures rempli d'aliments consommables qui n'étaient pas périmés.
Un rôle poignant, une expression animale habitée par la pertinence d'authentifier ce SDF laminé par l'intolérance ainsi que le pouvoir imbus d'un système consulaire endoctriné dans la récurrence de ses lois répressives. Un physique de baroudeur taillé à la serpe par l'oxygène anxiogène de son climat blafard. Une âme dépitée, brimée par la rigidité de longues années vaines mise en cause de sa démission d'insertion dénuée d'espoir.
Mais l'arrivée inopinée d'Enzo lui amènera un regain d'intérêt, une indulgence, une bienfaisance à tenter de reconstruire la vie d'un enfant qui n'avait rien demandé dans un dernier acte optimiste mais néanmoins acerbe et contrarié.
Sachez le, cet immense acteur qu'est Guillaume Depardieu est divin, bouleversant d'amertume accablée et d'acuité humaine affligée.
Il faut tout autant saluer l'incroyable interprétation de Max Baissette de Malglaive, totalement photogénique dans celui de l'enfant inculte, du haut de ces 5 ans offrant une surprenante prestance instinctive, un regard innocent de bambin désincarné, débordant de sensibilité désoeuvrée, d'ignorance dans ses yeux noirs détachés de fougue et d'ardeur. Il se révèle perpétuellement  émouvant, attachant, particulièrement poignant dans sa trajectoire inflexible avant de pouvoir renouer avec un semblant de vie accoutumé.

                         

LES INSOUMIS DE LA PERDITION.
Sur une note musicale hésitante d'un clavier de piano, dans une photographie naturaliste éclairée de décors ternes et aseptisés, Versailles est un drame social existentiel d'une force inévitable dans ses relations introverties et taciturnes, sans niaiserie imposée ni excès de mièvrerie totalement expurgée.
Un témoignage pragmatiste dur et émouvant sur la destinée de deux êtres qui se sont mutuellement sauvés la mise le temps d'un moment opportun avant de réaffecter leur pesante rancoeur avec les liens parentaux.
Il narre tout autant l'histoire précaire d'un homme esseulé définitivement rompu avec la société qui aura préféré sauvegarder l'avenir potentiel d'un enfant vagabond plutôt qu'émanciper sa rédemption individualiste.
Une oeuvre insoumise humble, profondément modeste et prude dans son talent à authentifier les sentiments sans effet de style, qu'il sera difficile d'oublier sitôt la projection clos.

A Guillaume...

DEDICACE à SELENA qui porte Guillaume au plus profond de son coeur.

19.10.10