jeudi 3 mars 2011

La Chasse Sanglante / Open Season / Los Cazadores

                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

de Peter Collinson. 1974. 1h45. Etats-Unis / Suisse / Espagne / Angleterre / Argentine. Avec Peter Fonda, Richard Lynch, John Phillip Law, Alberto de Mendoza, Cornelia Sharpe, William Holden, Simon Andreu.

Sortie salles France: 18 Août 1982

BIO Peter Collinson (01.04.36 / 16.12.80) est un réalisateur anglais responsable de 17 longs-métrages mis en scène entre 1967 et 1980 (l'or se barre, la nuit des alligators, 10 petits nègres).

 
"Au bout du fusil, la bête humaine".
Dans la lignée de Délivrance, de La Chasse du comte Zaroff, des Chiens de paille ou de Week-end sauvage, La Chasse sanglante s’inscrit dans ce réalisme cru, viscéral et poisseux typique des Seventies - atmosphère granuleuse, sordide, moite. Sa grande force réside dans une efficacité narrative à la tension rampante, jusqu’à basculer dans un inattendu rape and revenge.

Le pitch : réunis le temps d’un week-end, trois amis de longue date kidnappent un jeune couple pour une distraction bien particulière : la chasse au gibier humain.

La première partie s’étire comme un jeu de brimades : des agresseurs goguenards, des victimes réduites à la soumission, puis une beuverie de trop qui déborde en dérive meurtrière. La perversité sourd sous chaque ricanement, chaque œil trouble, chaque geste trivial. L’angoisse grimpe sur les visages livides, jusqu’à ce que Nancy comprenne l’horrible dessein : cette séquestration n’est qu’un prélude, un caprice sauvage pour s’adonner, en bonne et due forme, à la chasse à l’homme dans une forêt livide.

La seconde partie, autrement suffocante et cruelle, se mue en survival abrupt, d’une violence physique et surtout morale à la limite du soutenable. Nancy, proie hagarde, suppliant de vivre, abandonnée à la terreur nue - image glaçante d’un réalisme moite, sans aucun racolage graphique, qui lacère bien après le générique. Pas étonnant que le film ait été classé X outre-Atlantique et interdit aux moins de 18 ans chez nous.

Le dernier acte, d’un cynisme sec, boucle la boucle du prologue, relançant une seconde chasse - bestiale, vengeresse - où l’auto-justice expéditive se fait catharsis et condamnation.


Côté casting, Peter Fonda, tranquille et venimeux, brille en prédateur sans scrupules, laissant planer une fausse tendresse pour Nancy, maîtresse de Martin. Richard Lynch, au regard de fauve, et John Phillip Law, bonhomme rassurant, forment un duo délicieusement pervers. Mais c’est Alberto De Mendoza qui touche le plus : mari infidèle, spectateur impuissant, broyé entre les humiliations de ses tortionnaires et l’égarement éthylique de sa femme. Cornelia Sharpe, radieuse et pourtant brisée, irradie une vulnérabilité si nue qu’elle dérange, éveille une pitié douloureuse, presque insupportable. Quant à William Holden, son apparition inattendue injecte une dernière gorgée de subversion : justicier froid, impassible, autoritaire, père vengeur.
 

"Une chasse crue pour un film oublié".
Tendu, fangeux, brutal jusqu’à l’inconfort moral, La Chasse sanglante reste un classique du survival horrifique, sans racolage mais regorgeant de sévices et d’humiliations en roue libre. Carré, sec, porté par un casting gouailleur, le film condamne une fois de plus l’instinct de prédation tapie sous le vernis civilisé. Dommage que cette perle, jadis murmurée comme le film qu’on ne verrait jamais à la télévision (remember René Chateau), ait sombré dans l’oubli le plus éhonté. Car La Chasse sanglante n’a rien perdu de sa morsure dramatique, ni de sa sauvagerie si emblématique d’une époque charnière où tout, déjà, vacillait.

*Bruno
Dédicace à Mathias Chaput

04.10.10


2 commentaires:

  1. Très bon commentaire, ce film s'inscrit parmi les raretés, du cinéma, ambiance poisseuse et tendue, sur une époque tragique,celle du vietnam et des droits civiques aux states, a voir, un contexte qui peut nous rappeler la société d'aujourd'hui, crise monétaire, guerre du golfe et d'afghanistan, lybie, Grece etc, la culture,la contestation, l'esprit d'engagement et le cinéma en moins.

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  2. Oui, une bonne critique Bruno. A noter que le bouquin dont le film est tiré, est encore plus barbare, dérangeant, effrayant.

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