de Francis Ford Coppola. 1992. U.S.A. 2h08. Avec Gary Oldman, Winona Ryder, Anthony Hopkins, Keanu Reeves, Richard E. Grant, Cary Elwes, Bill Campbell, Sadie Frost, Tom Waits, Monica Bellucci, Michaela Bercu.
Sortie en salles en France le 13 Janvier 1993. U.S: 13 Novembre 1992.
FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Francis Ford Coppola est un réalisateur, producteur et scénariste américain né le 7 Avril 1939. 1963: Dementia 13. 1966: Big Boy. 1968: La Vallée du Bonheur. 1969: Les Gens de la pluie. 1972: Le Parrain. 1974: Conversation Secrète. Le parrain 2. 1979: Apocalypse Now. 1982: Coup de coeur. 1983: Outsiders. Rusty James. 1984: Cotton Club. 1986: Peggy Sue s'est mariée. 1987: Jardins de Pierre. 1988: Tucker. 1989: New-York Stories. 1990: Le Parrain 3. 1992: Dracula. 1996: Jack. 1997: L'Idéaliste. 2007: l'Homme sans âge. 2009: Tetro. 2011: Twixt.
Enorme succès à sa sortie en salles puisqu'il engrangea au total 215 862 692 dollars à travers le monde, Dracula fut en 1992 un évènement cinématographique quand on sait que derrière cet ambitieux projet Francis Ford Coppola s'est porté garant à échafauder sa propre version du mythe. Réunissant des têtes d'affiche de prestige et des moyens importants pour remanier la destinée immortelle du plus célèbre des vampires, cette version inscrite dans un classicisme flamboyant se pare d'un romantisme désenchanté. Le Pitch: En 1462, en Transylvanie, le comte Vlad Dracul s'engage dans une offensive contre les Turcs alors que sa femme Elizabeta l'attend impatiemment dans son château. Après l'achèvement d'une cruelle bataille sanglante, son épouse reçoit une lettre lui indiquant que son amant est mort au champ d'honneur. Désespérée et anéantie par le chagrin, elle décide de se suicider en se jetant du haut d'un fleuve. Ayant survécu à la guerre, le comte revient dans sa demeure pour apprendre la terrible nouvelle. Fou de haine et de douleur, il décide de renier Dieu et ses sbires pour s'adonner vers les forces occultes et réclamer ainsi vengeance pour la mort inéquitable de son idylle. Quatre siècles plus tard, Jonathan Harker, clerc de notaire est invité à quitter Londres pour se rendre en Transylvanie dans la demeure de Dracula. En effet, le comte est intéressé à racheter l'abbaye de Carfax. Au moment de leur rencontre, le maître des ténèbres entrevoit le portrait de la fiancée de Jonathan, Mina. Frappé de stupeur par sa beauté lascive, il reconnait en elle le parfait sosie de son ancienne épouse. Il décide de partir à Londres pour la retrouver après avoir tendu un traquenard à Jonathan Harker en invoquant ses princesses de la nuit avides de sang frais.
Enième version d'un des archétypes les plus inaltérables du cinéma d'épouvante, Dracula s'alloue d'un éclat nouveau sous la caméra virtuose de Francis Ford Coppola. Cinéaste notoire accumulant les réussites les plus novatrices de ces dernières décennies, cette réactualisation du fameux vampire des Carpathes apporte son originalité et alimente un nouvel intérêt dans un romantisme éperdu baigné de flamboyance gothique. Un parti-pris formel privilégié par des décors somptueux ainsi qu'une photo saturée de pourpre et carmin. La musique orchestrale composée par Wojciech Kilar s'accordant par des violons sombres et raffinés, les costumes baroques resplendissant par leur aspect élitiste (surtout pour les personnages ténébreux) et les effets-spéciaux artisanaux étant confectionnés avec rigueur (exit donc la modernité des effets numériques que Coppola avait réfuté avant l'entreprise du tournage !). La mise en scène inventive du réalisateur multiplie les angles de vue alambiqués, les cadrages affinant l'étendue des vastes paysages gothiques ainsi qu'une poésie florissante émanant d'une imagerie fantasmagorique. Au passage, un bel hommage est rendu au cinématographe en pleine ascension victorienne alors qu'au même moment sortait le roman de Bram Stoker. Les comédiens sont plutôt adroitement sélectionnés pour nous enivrer dans une aventure horrifique émaillée de péripéties homériques mais surtout de romance aigre caractérisée par le couple Dracula / Mina. Nos amants maudits sont remarquablement endossés par l'excellent Gary Oldman en noble vampire lamenté d'un amour éperdu, et la radieuse Winona Ryder, réincarnation de sa maîtresse immolée, destinée à sauver une âme maléfique autrefois vouée à Dieu. A eux deux, ils forment un duo ensorcelant dans leur relation fébrile au souffle romanesque charnel. A négliger par contre dans le rôle secondaire de l'amant berné, Keanu Reeves, semblant ici bien transparent et peu à l'aise pour exacerber son amour et son empathie envers sa compagne tributaire du prince des ténèbres.
Une touche d'érotisme est également soulignée durant le cheminement narratif comme ce livre pornographique que Mina feuillette timidement avec une curiosité fascinée, alors que sa comparse Lucie est plutôt dévergondée à suggérer les positions sexuelles les plus débridées. Enfin, le charme ardent émanant des maîtresses de la nuit dévêtues dans un lit de soie, enlaçant à eux trois de manière torride un Jonathan Harker transi d'excitation, fait sans doute partis des moments les plus vénéneux du film. Parfois, certaines séquences horrifiques surprennent par leur tonalité cruelle comme ce bébé en pleurs offert en sacrifice pour les trois princesses des ténèbres. Il y a aussi cette splendide séquence où nos héros attendent patiemment l'arrivée de Lucie dans la chapelle, alors que la morte devenue vampirisée porte en ses bras un enfant pour s'apprêter à le dévorer avant de s'engouffrer dans son caveau familial. Le final haletant s'octroie d'un caractère épique pour parachever une tragédie de désespoir et de romance. La force psychologique du récit est d'avoir osé dénaturer le personnage maléfique de Dracula dans sa triste destinée d'un amour meurtri. Alors que sa nouvelle compagne réincarnée en la personne de Mina était donc vouée à lui rendre la mise pour l'extraire du monde des ténèbres afin de le repentir à Dieu.
Liens d'amour et de sang
Spectacle grandiose déployant un florilège de séquences aussi flamboyantes, épurées que dantesques et échevelées, Dracula de Coppola tire son impact émotionnel et son originalité par son récit romanesque d'une beauté funèbre pleine de lyrisme. Le charme lascif de Mina, enlacée dans les bras d'un comte mélancolique rongé de remord, nous entraînant dans un somptueux ballet onirique où l'amour cathartique reste plus fort que tout.
Dédicace à Isabelle Rocton
Récompenses: Oscar du Meilleur Montage sonore, des Meilleures Costumes et du Meilleur Maquillage en 1992.
Saturn Awards du Meilleur film d'Horreur, du Meilleur Acteur pour Gary Oldman, du Meilleur Réalisateur, du Meilleur Scénario et des Meilleurs Costumes en 1993.