mardi 20 mai 2014

Link. Prix Spécial du Jury, Avoriaz 86.

                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site backtothemovieposters.blogspot.com

de Richard Franlin. 1986. Angleterre. 1h46 (2h05 version longue). Avec Elisabeth Shue, Terence Stamp, Kevin Lloyd, Steven Garnett, David O'Hara, Joe Belcher.

Sortie salles France: 5 Mars 1986

FILMOGRAPHIE: Richard Franklin est réalisateur et producteur australien, né le 15 Juillet 1948 à Melbourne (Australie), décédé le 11 Juillet 2007. 1972: Belinda. 1973: Loveland. 1975: The True Story of Eskimi Nell. 1976: Fantasm. 1978: Patrick. 1981: Déviation Mortelle. 1983: Psychose 2. 1984: Cloak and dagger. 1986: Link. 1991: FX 2, effets très spéciaux. 1994: Un Agent très spécial (télé-film). 1995: Hotel Sorrento. 1996: Brillliant Lies. 1997: One way Ticket (Télé-film). 1999: Le monde perdu de Sir Arthur Conan Doyle: la découverte (télé-film). 2003: Visitors.


Hit vidéo des années 80 déjà réputé par son Prix Spécial du Jury à Avoriaz, Link emprunte la thématique du singe tueur sous le moule de la série B. A juste titre, car ce slasher simiesque rondement mené ne démérite pas de par son originalité et l'efficacité d'une mise en scène aussi nerveuse qu'inventive. Le pitch: Une étudiante en zoologie est engagée comme stagiaire au sein de la villa du professeur Phillip. A l'arrivée, elle fait la connaissance de deux chimpanzés et de l'orang-outang, Link, faisant office de majordome. Après avoir passé une première journée houleuse parmi l'autorité acariâtre de son propriétaire, Jane Chase se retrouve isolée dans sa demeure en son absence inexpliquée. Toujours plus inquiète, elle finit par se rendre à l'évidence qu'un incident a intenté à la vie du professeur et doit se confronter à l'hostilité toujours plus insolente de Link. Divertissement intelligent dénonçant l'exploitation de l'homme sur le primate à des fins scientifiques (ce dernier pourra-il un jour transcender l'intelligence de l'homme ?), Link renouvelle les codes du slasher et du survival avec une vitalité inspirée. De par la vigueur d'une réalisation virtuose multipliant travellings aériens et exploitant à merveille les recoins du huis-clos, par la construction d'une dramaturgie toujours plus oppressante et par l'interprétation spontanée de la débutante Elisabeth Shue épaulé d'un orang-outang aussi ambigu qu'inquiétant.


Par conséquent, la grande réussite de ce jeu du chat et de la souris intenté entre une jeune fille et un singe émane inévitablement du jeu étonnamment crédible de ce dernier. Link, orang-outang en pleine ascension de maturité, décidant de se rebeller et de se venger de l'autorité de son maître après avoir décelé qu'il était voué au sacrifice. Mais la manière subtile dont Richard Franklin inculque le jeu de la comédie auprès de l'animal s'avère véritablement troublante si bien que ce dernier véhicule une présence particulièrement ombrageuse auprès de son regard sournois et de son comportement autonome livré à la provocation (il est accoutré d'un costard et fume le cigare afin de mieux dévoiler sa suprématie !). Retranchée dans la grande propriété, Jane Chase devra donc user de stratagème et de persévérance afin de se défendre contre son autorité meurtrière. L'intrigue habilement structurée distillant de prime abord un climat d'inquiétude lattent lorsque l'héroïne doit démystifier l'absence prolongée du professeur et assurer le maintien de l'ordre parmi l'insolence des trois primates. Mais c'est après avoir compris le caractère frondeur et nuisible de Link qu'un jeu perfide de domination s'installera entre les deux adversaires, quand bien même quelques invités surprises feront les frais de leur soudaine intrusion. L'action s'avérant ensuite toujours plus effrénée, criminelle et intense du fait de l'agressivité toujours plus véloce de l'animal envers l'étranger (avec une course poursuite anthologique entre Link et le duo de survivants !).


Conçu sur le caractère palpitant du survival multipliant sans répit péripéties et chausse-trappes après nous avoir habilement caractérisé la relation des personnages scientifiques, Link adopte la franchise du divertissement avec efficacité, originalité et intelligence. Son caractère irrésistiblement ludique étant notamment scandé du score de Jerry Goldmisth privilégiant les accents fantaisistes afin d'ironiser sur la prédominance du tueur simiesque. Avec une ultime image en suspens en guise d'épilogue sardonique.

RécompensePrix Spécial du Jury, Avoriaz 1986

*Eric Binford
27.01.22. 5èx. Version Longue, vostfr



lundi 19 mai 2014

Le Dernier Testament / Testament

   Photo empruntée sur Google, appartenant au site t411.me

de Lynne Littman. 1983. U.S.A. 1h28. Avec Jane Alexander, William Devane, Rossie Harris, Roxana Zal, Lukas Haas, Philip Anglim, Lilia Skala.

Sortie salles France: 13 Juin 1984. U.S: Novembre 1983

FILMOGRAPHIE: Lynne Littman est une réalisatrice, scénariste et productrice, née le 26 Juin 1941 à New-York, USA. 1973: In the Matter of kenneth. 1980: Once a Daughter. 1983: Le Dernier Testament. 1999: Freak City (télé-film). 1999: Having our say: the delanys sister's 100 years (télé-film).


Sorti la même année que Le Jour d'Après de manière autrement confidentielle, Le dernier Testament prend le contre-pied du trauma post-apo de Nicholas Meyer pour décrire les effets collatéraux d'une bombe nucléaire sur la population civile. Si bien qu'ici, point de catastrophe spectaculaire et de visions morbides de victimes décharnées sous les effets radioactifs, Lynne Littman optant la sobriété afin de mettre en exergue la fragilité humaine de sa tragédie. Ainsi, dans une petite banlieue de San Francisco, les habitants sont soudainement avertis d'un message télévisuel leur indiquant que des engins nucléaires viennent d'exploser sur leur territoire. Une mère de famille, dont l'époux vient de s'absenter, tente de préserver ses enfants quand bien même le nombre de victimes commence à progresser. Inédit en Dvd (tout du moins à ce jour du 01.06.23), Le Dernier Testament est une modeste production aussi méconnue que l'identité de sa réalisatrice mais qui s'avère pourtant digne d'intérêt de par sa puissance dramatique littéralement intolérable. Car en privilégiant à tous prix la force de suggestion au mépris de l'esbroufe,  Lynne Littman dénonce les effets dévastateurs de la bombe nucléaire avec une pudeur émotive forçant le respect. 


Si bien qu'ici point de pathos pour nous bouleverser d'une situation aussi catastrophiste (bien que cette bourgade de San Francisco n'eut jamais été directement touchée par une explosion !) mais une retenue à imposer un sentiment de désespoir inscrit dans la constance, la décence, lé résilience au sein de l'unité familiale. Par conséquent, ce qui intéresse surtout l'auteur, c'est le cheminement courageux d'une mère de famille pour préserver la vie de ses trois enfants avec son refus de s'y morfondre lorsque ses proches sont voués à l'inévitable. De par son destin galvaudé, la réalisatrice brosse un superbe portrait maternel où accablement et lutte pour l'espoir ne cessent de s'entrechoquer à l'aide d'une dimension humaine davantage difficilement supportable. Car rendue garante depuis l'absence professionnelle de son mari, Carol tente de relever tous les défis moraux pour survivre après les effets secondaires de la radiation. Ainsi, en jouant la carte de l'intimisme la plus prude et laconique, Lynne Littman nous fait pénétrer dans la loyauté de cette famille parmi la responsabilité infantile car y accordant une belle place pour leur solidarité de dernier ressort. Qui plus est, ce qu'il y a d'inévitablement bouleversant, implacable, puis déchirant à travers ce chemin de croix tragique, c'est d'observer en toute impuissance le calvaire psychologique d'une mère toujours plus accablée par la mort de ses progénitures. Et de compter sur le souvenir, la foi (après l'avoir dénigré), la filiation, le soutien, et surtout la rigueur mentale afin d'y tolérer coûte que coûte cet inépuisable fardeau en dépit de l'idée défaitiste de tentative de suicide.


A la fois Bouleversant, déchirant et traumatisant par sa dureté rubigineuse, son refus de concession et sa cruauté irréversible; éprouvant par son climat (subtilement) moribond sous l'impulsion d'un acting remarquable de dignité (Jane Alexander force l'admiration à travers son épreuve de force interminable au point de nous arracher les larmes de délivrance); Le Dernier Testament est un douloureux réquisitoire contre l'holocauste nucléaire inscrit dans une pudeur humaine à fleur de peau. Une oeuvre foncièrement sensible et fragile dédiée au sens de la famille à redécouvrir fissa afin de témoigner de son exceptionnelle rigueur émotionnelle au gré d'une narration programmée (sciemment prévisible) allant droit à l'essentiel. Si bien que son pouvoir dramatique en crescendo demeure aujourd'hui rigoureusement intact.

*Bruno
4èx vostf

jeudi 15 mai 2014

PONTYPOOL

                                                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

de Brice McDonald. 2008. Canada. 1h35. Avec Stephen McHattie, Lisa Houle, Georgina Reilly, Harant Alianak, Rick Roberts, Daniel Fathers.

Sortie salles France (l'Etrange Festival): 5 Septembre 2010. Canada: 6 Septembre 2008 (Festival de Toronto).

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Bruce McDonald est un réalisateur, producteur, acteur, scénariste et monteur canadien né le 28 Mai 1959 à Kingston, dans l'Ontario, Canada.
1989: Roadkill. 1996: Hard Core Logo. 1997: Platinum (télé-film). 2007: The Tracey Fragments. 2008: Pontypool. 2010: Ma Babysitter est un vampire.


Inédit en salles, en dehors de sa sélection dans certains festivals, Pontypool est donc passé discrètement par la case Dtv parmi l'entremise d'un bouche à oreille plutôt élogieux ! A partir du concept en vogue du film d'Infectés (et/ou de Zombies, on ne sait plus trop ce qu'il en est !), cette série B de facture visuelle très "Carpenter" (format scope, unité de lieu et de temps, comédiens hyper photogéniques) est un ovni d'une audace inouïe dans sa manière d'aborder le thème éculé. Au sein d'une station de radio, l'animateur Grant Mazzie et ses deux standardistes diffusent leur programme traditionnel quand l'un de leur collaborateur parti en reportage décrit par téléphone un évènement des plus improbables ! Une horde de patients ont encerclé le cabinet de leur médecin et se comportent comme des déments atteints de cannibalisme ! C'est le début d'une nuit de cauchemar que nos animateurs vont de tenter de déjouer à l'aide de leur propre dialecte ! Amateurs de bizarreries saugrenues imprégnées d'ironie, préparez vous à suivre une expérience hors du commun dans ce huis-clos anxiogène où la menace externe s'avère aussi singulière qu'incompréhensible. Du moins, c'est ce que laisse penser la première partie du film, non exempt de bavardages un peu rébarbatifs afin de distiller une ambiance d'inquiétude latente.


Imaginez le contexte aussi grotesque qu'invraisemblable ! Un nouveau virus d'origine inconnue s'empare de l'esprit des citadins par l'entremise du dialecte oral ! Je m'explique : dès que vous prononcez certains mots spécifiques durant vos conversations (prioritairement les plus affectueux), une menace invisible s'infiltre en vous pour prendre possession de votre cerveau et vous plonger dans une folie meurtrière incontrôlée ! Subitement atteint de démence, et répétant incessamment le mot contaminé, vous devenez une sorte de zombie gesticulant à répétition nombre de divagations, et vous vous empressez d'écouter les paroles de vos voisins afin de vous transmettre le germe ! Réfugiés dans une station de radio, nos trois héros vont donc tenter de se prémunir contre cette menace en évitant de bavasser entre eux, quand bien même, dehors, une foule de quidams enragés commencent à encercler leur station ! Face à cette situation cauchemardesque et apocalyptique (dehors, les incidents en masse se multiplient !), ils vont peu à peu se laisser gagner par la paranoïa et s'efforcer de se réfugier dans le mutisme ! Alors que l'une des standardistes était préalablement infectée, ils vont également s'employer à déchiffrer un remède pour s'y protéger et par la même occasion désinfecter la population ! Réussir à retranscrire une situation improbable dans le domaine du crédible, c'est ce qu'à réussi à entreprendre son réalisateur avec l'alibi de la satire et de la complicité de solides comédiens. Avec l'efficacité du pouvoir de suggestion, Bruce McDonald réussit notamment à distiller une ambiance d'étrangeté toujours plus insaisissable et un climat d'angoisse subtilement diffus afin de faire plonger le spectateur dans l'aberration ! La poésie, l'oxymore et le sens des mots, leur incohérence et effet de contradiction nous plongeant toujours plus dans une situation de psychose !


Parlez vous français ?
Avec pas mal d'ironie et nombre d'idées aussi retorses que débridées, Pontypool ressemble à s'y méprendre à un épisode long format de la 4è dimension. Indubitablement, il ne plaira pas à tous, l'action et le gore s'avérant quasiment absents et son rythme plutôt languissant. Mais la manière atypique dont le cinéaste aborde son sujet, l'effet de surprise inopiné qui en découle et surtout sa crédibilité qu'il réussit finalement à cristalliser redorent la symbolique du film culte ! Une expérience hors-norme faisant office de farce sarcastique et qui ne peut laisser indifférent quelque soit l'opinion encourue ! 

Bruno Matéï
2èx

mercredi 14 mai 2014

THE LOST

                                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site nerdalors.fr

de Chris Sivertson. 2005. U.S.A. 1h59. Avec Marc Senter, Shay Astar, Alex Frost, Megan Henning, Ed Lauter, Robin Sydney, Michael Bowen, Dee Wallace-Stone.

Sortie salles U.S: 18 Mars 2008. Sortie Dvd France: 4 Mars 2009

FILMOGRAPHIE: Chris Sivertson est un réalisateur, scénariste et producteur américain.
2001: All Cheerleaders Die (co-réalisateur). 2006: The Lost. 2006: The Best of Robbers. 2007: I know who killed me. 2011: Brawler. 2013: All Cheerleaders Die.


Premier long, premier coup de maître par l'auteur du méjugé I Know who killed me ! (les Razzie Awards s'en souviennent encore !). Inédit en salles chez nous, The Lost est le genre de péloche sortie de nulle part (bien que tirée d'un roman de Jack Ketchum et produit par Lucky McKee !), vous laissant en état de collapse sitôt le générique écoulé ! Un concentré de violence et d'adrénaline que Chris Sivertson maîtrise avec dynamisme dans sa mise en scène expérimentale exploitant notamment l'architecture d'appartements au design moderne (teintes rouges criardes et noir profond contrastent avec le psyché névrosé du tueur). Autant dire que le réal est plutôt inspiré à fignoler une bande d'ultra-violence méchamment sardonique dans son concept jusqu'au-boutiste à dépeindre le comportement d'un marginal sans vergogne. Il faut dire que ce portrait sulfureux est largement privilégié par la présence magnétique de Marc Senter. Affublé de vêtements ténébreux et maquillé de noir sous les yeux, l'acteur impose une présence new-wave exubérante et véhicule une palette d'émotions contradictoires face à la gente féminine, car alternant accalmies de tendresse et accès de démence ! Le soir d'un feu de camp, Ray Pye et un couple d'amis (des ados paumés trop influençables !) abordent près d'un étang deux jeunes inconnues. Il décide de s'en débarrasser en les assassinant d'un coup de fusil. Quatre ans plus tard, Ray et ses complices restent en liberté car n'ayant pas été incriminés, mais un inspecteur sur le qui-vive commence à suspecter le comportement effronté du jeune leader.  


C'est une descente aux enfers que nous convie Chris Sivertson à travers le portrait d'un sociopathe rongé d'égotisme et de jalousie obsessionnelle envers les femmes. Phallocrate indécrottable, junkie à la petite semaine, ses seules occupations tournent autour du sexe, de la drogue et de l'alcool. Outre sa flânerie quotidienne, sa convoitise principale est d'asservir les minettes insouciantes en accumulant les conquêtes jusqu'au jour où l'une d'elles décide de lui tenir tête afin de se rebeller ! La peinture réaliste que le réalisateur projette à travers une paisible banlieue ricaine est notamment hétérodoxe car elle dévoile une population politiquement incorrecte (à l'instar de la relation non assumée qu'un sexagénaire entretient avec une fille de 18 ans !) où la jeunesse inculte, en quête de coqueluche, est livrée à l'abandon. Dans l'art de conter son récit et une montée progressive de la tension, Chris Sivertson distille une ambiance malsaine d'autant plus vénéneuse du fait du comportement pervers de Ray Pye. Ses jeux de drague improvisés avec des potiches écervelés et surtout sa nouvelle aventure entamée avec une compagne versatile nous place dans une situation inconfortable, sachant que cette dernière voue une fascination morbide pour ce bad boy burné ! Et il aura fallu une contre-attaque féminine pour que ce dernier pète un plomb et se transforme en ange de la mort afin d'accomplir son dernier baroud d'honneur !


Orange Mécanique
Transgressif, malsain et hystérique, The Lost provoque remous et effroi face à l'autorité erratique d'un faux rebelle en pleine crise rancunière. La manière caustique dont Chris Sivertson brode son portrait est notamment privilégié par la vigueur d'un montage redoutablement percutant et l'interprétation hallucinée de Marc Senter (son personnage symbolise une bombe à retardement !). L'explosion de violence finale qui émane de la frustration du tueur risque sévèrement de vous ébranler la rétine car elle déploie la férocité gratuite d'un tempérament capricieux gagné par l'omnipotence. Une satire au vitriol en somme d'un rejeton criminel de nos sociétés modernes, traversée d'une BO rock endiablée !

Pour public averti !

Bruno Matéï
2èx

Le point de vue de Mathias Chaput:
Alors que l’on commençait à assister à une popperisation scénaristique de la part des métrages sortis outre Atlantique, « The Lost » arrive à point nommé et tombe à pic pour redorer le blason des productions « Mi underground – mi entertainment grand public ».
Ce qui frappera d’abord le spectateur, c’est la qualité de la mise en scène !
Des trouvailles incroyables tout le long du film, des comédiens impliqués comme rarement dans leurs rôles, une puissance émotionnelle et un jeu émotif décuplés de manière glaçante, on sent bien que rien n’a été laissé au hasard…
Le personnage principal de Ray surdimensionne l’aspect de dangerosité du psychopathe qu’il incarne, et le réalisateur dresse un portrait sans compromis ni fioritures d’une certaine Amérique, un peu à la manière de Wes Craven dans « The last house on the left » sorti trois décades auparavant, mais en beaucoup mieux et plus pervers !
Ici toutes les conventions et les codes précédemment instaurés volent complètement en éclat !
Un flic presque pédophile d’une soixantaine d’années qui couche avec une lycéenne à peine majeure, des jeunes désoeuvrés et totalement hors parcours, l’alcool, la cocaïne et la dépravation sont légions et ce, en permanence !
Des plans-séquences incroyables de maitrise technique, des travellings graciles et un déroulement scénaristique crescendo confèrent sans nul doute à faire se différencier « The Lost » des autres œuvres…
Il ne s’apparente à aucune autre mais se vit comme une expérience, non sans un certain malaise, certes, mais au final sans grandiloquence ni complaisance, et après tout ? N’est ce pas cela que l’on attend d’un film de ce genre ?
Quant aux vingt dernières minutes, je vous préviens tout de suite, ça déménage !
Pas un temps mort, pas une once de pitié, mais plutôt une approche de la psychopathie et de la pathologie d’un serial killer, magnifiée par des coups d’éclats abrupts dans un déchainement d’ultra violence !
LE film dont les Etats Unis avaient besoin pour « déflétrir » un style qui devenait exsangue et famélique…
Une petite bombe à visionner impérativement pour tout fan aguerri en la matière !
10/10
Dédicace à Pierre et Bruno

mardi 13 mai 2014

LA REINE MARGOT. Prix du Jury à Cannes, 1994

                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

de Patrice Chéreau. 1993. France/Allemagne/Italie. 2h38 (version intégrale). Avec Isabelle Adjani, Vincent Perez, Jean Hugues Anglade, Daniel Auteuil, Virna Lisi, Dominique Blanc, Pascal Gregory, Claudio Amendola, Miguel Bosé, Asia Argento, Julien Rassam, Jean-Claude Brialy, Jean-Philippe Ecoffey, Thomas Kretschmann, Bruno Todeschini, Emmanuel Salinger.

Sortie salles France: 11 Mai 1994

FILMOGRAPHIE: Patrice Chéreau est un réalisateur, scénariste, acteur, metteur en scène d'opéra et de théâtre français, né le 2 Novelmbre 1944 à Lézigné (Maine-et-Loire), décédé le 7 Octobre 2013 à Clichy (Hauts-de-Seine).
1974: La Chair de l'orchidée. 1978: Judith Therpauve. 1983: L'Homme Blessé. 1987: Hôtel de France. 1991: Contre l'oubli. 1994: La Reine Margot. 1998: Ceux qui m'aiment prendront le train. 2000: Intimité. 2003: Son Frère. 2005: Gabrielle. 2009: Persécution.


Deux millions de spectateurs en salles ! En redécouvrant le film, c'est à se demander comment une oeuvre historique aussi mortuaire ait pu rassembler autant de monde ? Car La Reine Margot fait office de pavé dans la mare dans notre paysage audiovisuel (il s'agit bien d'une oeuvre historico-horrifique !), d'où les critiques mitigées de l'époque, et en dépit de son Prix du Jury décerné à Cannes. Car il faut bien l'avouer, et avertir notamment un public non averti, La Reine Margot incombe au vertige, au malaise viscéral et sous-jacent, car l'oeuvre toute entière transpire le sang et les larmes dans un conflit de religions. Autour de cette reine volage adulée par les hommes, la mort règne par des complots politiques et trahisons compromis au sein même de sa famille.
1572. La guerre de religions entre catholiques et protestants fait rage. Afin de réconcilier les Français, Catherine de Médicis décide de marier sa fille, la catholique Marguerite de Valois, la "reine Margot", avec le protestant Henri de Navarre, le futur roi Henri IV. Au cours de la nuit de la Saint-Barthélemy, alors que le sang coule à flot dans les rues de Paris, la "reine Margot" sauve du massacre le seigneur de la Môle. Entre Margot la catholique et le protestant la Môle naît une passion qui fera basculer leurs destins.


Toute cette débauche sanglante au cours duquel Margot témoigne en impuissante lui permet de s'initier lentement à la tolérance et la compassion, elle qui n'accordait au préalable qu'intérêts pour sa personne et sa beauté. A travers ses conflits religieux incessants et sa passion amoureuse avec le protestant la Môle, Marguerite de France évolue brusquement dans un univers barbare plein de bruit et de fureur où mensonges et trahisons n'auront de cesse de lui nuire afin de provoquer la mort auprès des siens. C'est aussi le portrait d'une famille inscrite dans l'hypocrisie pour la soif de pouvoir que nous relate passionnément Patrice Chéreau, quand bien même les trois frères de Margot sont épris d'un amour incestueux. D'ailleurs, au sein de ces jeux de manigance et de raison d'état menés par sa propre mère, Charles IX en subira malencontreusement les frais lors d'un empoisonnement à l'arsenic restée dans toutes les mémoires. Avec réalisme, le réalisateur insiste sur la déchéance physique de la victime, l'homme suintant de sang car condamné à une lente agonie, et se résignant en dernier ressort à trouver réconfort dans les bras de sa soeur. Si Patrice Chéreau nous avait déjà préalablement impressionné lors du massacre de la Saint-Barthélémy en sublimant un climat de folie particulièrement baroque (choeurs religieux à l'appui !), l'empoisonnement de Charles IX nous impose un malaise aussi viscéral que vertigineux. Et d'enfoncer le clou de la poésie morbide et de la poisse familiale lors d'un final dépressif SPOILER !!! où Marguerite de Valois repartira esseulée en compagnie d'un macabre souvenir ! fin SPOILER


La mariée sanglante
Baroque et exubérant (à l'instar du jeu erratique de Jean-Hugues Anglade !), macabre et fétide, La Reine Margot fascine et répulse à la fois par son atmosphère funèbre prédominante et la présence iconique d'une Adjani entachée de sang. Sa distribution prestigieuse (dont moult figurants en costume dominicain), ses décors d'architecture flamboyante et sa mise en scène ambitieuse configurent un film malade inscrit dans la dégénérescence d'une affaire familiale. On pardonne donc facilement ses quelques longueurs et bavardages redondants (du moins dans la version de 2h38 !) et on préserve en mémoire le portrait sinistré d'une mariée sanglante repentie dans la prudence et la solitude. 

Récompenses: Prix du Jury, Cannes 1994
Prix d'Interprétation féminine: Virna Lisi.
César de la Meilleure Actrice: Isabelle Adjani.
César du Meilleur Second Rôle Masculin: Jean-Hugues Anglade
César du Meilleur Second Rôle Féminin: Virna Lisi
César de la Meilleure Photographie: Philippe Rousselot
César des Meilleurs Costumes: Moidele Bickel

Bruno Matéï
2èx



    vendredi 9 mai 2014

    LES SORCIERES DE ZUGARRAMURDI (Las brujas de Zugarramurdi)

                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

    de Alex De La Iglesia. 2013. Espagne. 1h52. Avec Javier Botet, Mario Casas, Carmen Maura, Hugo Silva, Carolina Bang, Macarena Gomez.

    Sortie salles France: 8 Janvier 2014. Espagne: 27 Septembre 2013

    FILMOGRAPHIE: Álex de la Iglesia, de son vrai nom Alejandro de la Iglesia Mendoza, est un réalisateur, scénariste et producteur de film espagnol né le 4 Décembre 1965 à Bilbao (Espagne).
    1992: Action mutante, 1996: Le Jour de la bête, 1997: Perdita Durango, 1999: Mort de rire, 2000: Mes Chers Voisins, 2002: 800 Balles, 2004: Le Crime Farpait, 2006: La Chambre du Fils (segment), 2008: Crimes à Oxford, 2010: Balada Triste. 2013: Les Sorcières de Zugarramurdi.


    Trois ans après son chef-d'oeuvre Balada Triste, Alex de la Iglesia se permet de souffler un peu avec Les Sorcières de Zugarramurdi en nous proposant aujourd'hui une récréation conçue sur la fantaisie et la gestuelle des protagonistes avant de peaufiner un scénario des plus modestes. Comédie fantastique menée à 100 à l'heure par des comédiens en émoi et au charisme cartoonesque, ces sorcières venues d'Ibérie relance la tradition du rituel avec exubérance et idéologie féministe. Avant d'atteindre la frontière française, trois braqueurs et le fils de l'un d'eux sont kidnappés par un trio de sorcières au sein de leur demeure. Au même moment, deux policiers et l'ex femme d'un braqueur essaient de retrouver leur trace. Avant l'arrivée des invités pour la grande cérémonie, nos otages vont tenter de s'y échapper avant de périr sur le bûcher.  


    Un pitch des plus simplistes pour un fil narratif sans véritable surprise qu'Alex De La Iglesia outrepasse avec sa traditionnelle insolence dans son lot de quiproquos et situations délirantes. Jouant beaucoup sur l'extravagance des personnages (notamment deux apparitions surprises aussi décharnées que gargantuesques !) et le look criard des sorcières (elles crèvent littéralement l'écran dans leur physionomie ensorceleuse et on peut mentionner la posture ultra sexy de la jeune Carolina Bang !), le réalisateur élabore un carnaval frénétique où les décors gothiques (la demeure des sorcières) ou caverneux (le repère de la grotte) en imposent autant dans leur esthétisme flamboyant ! Conçu comme une véritable guerre des sexes où tout le monde en prend pour son grade (principalement les hommes !) et se rejette la faute sans pouvoir déclarer forfait, Les Sorcières de Zugarramurdi nous propose un spectacle épique quand les forces du Mal se déchaînent contre la cause masculine. Démarrant sur les chapeaux de roue avec un braquage parodique des plus effrénés (véritable moment d'anthologie !), le film va quasiment adopter cette ligne de conduite décomplexée quand nos protagonistes vont user de bravoure et d'audaces afin de s'épargner les châtiments des sorcières, et avant que l'une d'elles ne succombe brusquement au coup de foudre ! Parfois empreint de lyrisme (la sublime messe musicale de la confrérie !), Alex De La Iglesia fignole avec souci du détail un univers aussi féticheur qu'onirique culminant avec l'apparition dantesque d'une divinité matriarche.


    Femmes au bord de la crise de nerf !
    Si l'intrigue aurait gagné à être mieux charpentée et que sa frénésie déployée ne s'avère pas aussi probante que dans ses oeuvres les plus notoires, Alex De La Igesia est suffisamment insolent, imaginatif et provocateur pour remédier ses lacunes et mettre en exergue une fantaisie endiablée inscrite dans l'inégalité des sexes. Un conflit de pouvoir où misandres et phallocrates se disputent la victoire dans la rancune et l'esprit de sédition. Une manière sarcastique pour Iglesia de se railler des rapports masochistes du couple quand l'amour est partagé entre désir de soumission / domination. Que la fête commence !

    Bruno Matéï 

    jeudi 8 mai 2014

    SILENT RUNNING

                                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

    de Douglas Trumbull. 1972. U.S.A. 1h29. Avec Bruce Dern, Cliff Potts, Ron Rifkin, Jesse Vint, Steve Brown.

    FILMOGRAPHIE: Douglas Trumbull est un réalisateur, producteur et scénariste américain, né le 8 Avril 1942 à Los Angeles.
    1972: Silent Running. 1978: Night of Dreams. 1983: Brainstorm. 1983: Big Ball. 1983: New Magic. 1985: Let's go. 1985: Tour of the Universe. 1989: Leornardo's Dream. 1990: To Dream of Roses. 1993: In Search of the Obelisk. 1996: Luxor Live. 1996: Theater of Time.


    Echec public lors de sa sortie mais largement plaidé par la critique, Silent Running est la première réalisation de Douglas Trumbull, également responsable des effets visuels de 2001, Rencontres du 3è Type, Star Trek, Blade Runner et récemment The Tree of Life de Malick. Bien avant l'excellent Brainstorm, le cinéaste avait déjà tâté de la science-fiction pour dépeindre une diatribe envers la préservation de notre écologie terrestre. En 2001, le monde a réussi à déjouer le chômage en détruisant une grosse partie de la faune et de la flore. A l'aide d'une bombe nucléaire, l'état américain décide finalement de se débarrasser des dernières ressources végétatives. Dans l'espace, un vaisseau spatial reste l'unique refuge d'une forêt artificielle que le botaniste Freeman Lowell tente de préserver amoureusement sous des dômes. Contraint de les détruire par ordre de ses supérieurs, il décide d'enfreindre la loi mais doit d'abord se débarrasser de ses trois coéquipiers. Avec l'aide de ses androïdes ménagers, il tente de refonder un semblant de vie sous son île et en dépit d'une profonde solitude.


    Anticipation pessimiste fustigeant le comportement inconscient de nos civilisations modernes, Silent Running est un cri d'alarme envers la protection de la nature. A travers la passion d'un botaniste replié sur lui même car incapable de pouvoir compter sur l'entraide de ses compères, Freeman Lowell ira jusqu'à commettre l'irréparable afin de préserver son jardin naturel et la faune qui y coexistent. Ce passage à l'acte criminel qu'il ne pourra jamais se pardonner est avant tout le cri de désespoir d'un homme réduit à la solitude car incapable de réveiller les consciences pour la préservation de la biosphère qu'un créateur nous aura confié. Avec une grande simplicité et beaucoup de poésie (toutes les séquences intimistes impliquant Freeman et les deux robots, notamment dans sa fonction d'éducateur), Douglas Trumbull nous relate le bouleversant témoignage d'un homme reclus au fond de l'espace et ayant comme seules compagnies trois minis androïdes doués de sensibilité. Ce sentiment d'isolement, ce climat mélancolique qui imprègnent tout le récit se répercutent avec une force imparable sur notre conscience, en espérant ne jamais témoigner d'un futur aussi déshumanisé ! Les morceaux musicaux chantonnés par Joan Baez et surtout l'interprétation poignante de Bruce Dern exacerbent cette notion tragique où l'issue d'espoir s'avère des plus restreintes. L'acteur exprimant avec beaucoup d'humanisme une amertume profonde quant à l'insanité d'une société préconisant indifférence d'autrui, profit économique et irrespect de l'environnement.


    D'une émotion fragile, à l'image de notre héros condamné à l'errance, à la contrition et au sacrifice, Silent Running constitue un poème d'amour fou envers la préservation écologique, tout en mettant en garde les dangers du progrès technologique. Il en émane un moment de cinéma épuré à la mélancolie bouleversante, à l'instar de sa dernière image gravée dans les mémoires Spoiler ! (la solitude du robot attelé à entretenir un dernier bout de forêt véhicule un onirisme fragile !). Fin du Spoiler

    BM
    2èx