mardi 13 mai 2014

La Reine Margot. Prix du Jury à Cannes, 1994

    (Crédit photo : image trouvée via Google, provenant du site IMDb. Utilisée ici à des fins non commerciales et illustratives).

de Patrice Chéreau. 1993. France/Allemagne/Italie. 2h38 (version intégrale). Avec Isabelle Adjani, Vincent Perez, Jean Hugues Anglade, Daniel Auteuil, Virna Lisi, Dominique Blanc, Pascal Gregory, Claudio Amendola, Miguel Bosé, Asia Argento, Julien Rassam, Jean-Claude Brialy, Jean-Philippe Ecoffey, Thomas Kretschmann, Bruno Todeschini, Emmanuel Salinger.

Sortie salles France: 11 Mai 1994

FILMOGRAPHIE: Patrice Chéreau est un réalisateur, scénariste, acteur, metteur en scène d'opéra et de théâtre français, né le 2 Novelmbre 1944 à Lézigné (Maine-et-Loire), décédé le 7 Octobre 2013 à Clichy (Hauts-de-Seine). 1974: La Chair de l'orchidée. 1978: Judith Therpauve. 1983: L'Homme Blessé. 1987: Hôtel de France. 1991: Contre l'oubli. 1994: La Reine Margot. 1998: Ceux qui m'aiment prendront le train. 2000: Intimité. 2003: Son Frère. 2005: Gabrielle. 2009: Persécution.


Un conte noir de chair et de cendre. 
Deux millions de spectateurs en salles ! En redécouvrant le film, on se demande comment une œuvre historique aussi mortuaire a pu fédérer autant de monde. La Reine Margot fait figure de pavé dans la mare de notre paysage audiovisuel (oui, c’est bien un opéra historico-horrifique aux relents latins !), ce qui explique sans doute les critiques mitigées de l’époque — et ce, malgré son Prix du Jury à Cannes. Il faut l’admettre, et prévenir les âmes non préparées : La Reine Margot convoque le vertige, le malaise, le sous-cutané ; l’œuvre tout entière transpire le sang et les larmes dans un conflit religieux inlassable — et tristement actuel. Autour de cette reine volage, adulée des hommes, la mort règne parmi les complots, les trahisons, les compromis, jusqu’au cœur même de sa propre famille.

Rappel des faits : 1572. La guerre de religion entre catholiques et protestants fait rage. Pour apaiser la France, Catherine de Médicis marie sa fille, Marguerite de Valois — la "reine Margot", catholique — au protestant Henri de Navarre, futur Henri IV. Mais durant la nuit de la Saint-Barthélemy, tandis que le sang ruisselle dans les rues de Paris, Margot sauve in extremis le seigneur de la Môle. De cette union forcée naît une passion interdite, et leurs destins chavirent.


Cette débauche sanglante, à laquelle Margot assiste impuissante, devient peu à peu l’éveil d’un autre regard : celui de la tolérance, de la compassion. Elle, qui n’avait foi qu’en sa beauté et son pouvoir de séduction, traverse soudain un monde barbare, saturé de bruit, de fureur et de fange. La passion qu’elle vit avec La Môle — ce protestant sauvé — se heurte aux mensonges et aux trahisons d’un clan prêt à tuer pour conserver la couronne. C’est aussi le portrait d’une famille rongée par l’hypocrisie et la soif de pouvoir que filme passionnément Patrice Chéreau, n’épargnant rien — pas même les penchants incestueux entre Margot et ses trois frères. Au cœur de ces manigances et de cette raison d’État orchestrées par la redoutable Catherine, Charles IX paiera le prix fort : un empoisonnement à l’arsenic gravé dans toutes les mémoires. Le réalisateur, d’un réalisme cru, filme la déchéance physique — ce corps qui suinte, suppure, se brise, cherchant dans les bras de sa sœur un ultime apaisement. Si Chéreau avait déjà saisi la folie baroque du massacre de la Saint-Barthélemy (soutenu par des chœurs religieux lancinants), la lente agonie de Charles IX impose un malaise d’une intensité quasi cosmique. Et le final, lui aussi, enfonce le clou de cette poésie morbide, de cette malédiction familiale poisseuse : un adieu funeste, dépressif, inoubliable.


La mariée sanglante.
Baroque et exubérant (à l’image du jeu erratique de Jean-Hugues Anglade), macabre et fétide, La Reine Margot fascine autant qu’il répugne par son atmosphère suffocante, plombée par le sang, et l’aura d’une Adjani spectrale. Sa distribution prestigieuse, ses figurants en habits dominicains, ses décors flamboyants et sa mise en scène ample accouchent d’une œuvre malade, gangrenée par la dégénérescence d’un drame familial. On lui pardonne volontiers ses quelques longueurs (du moins dans la version de 2h38), tant demeure en mémoire le portrait d’une mariée sanglante, figée dans la prudence, l’amertume et la solitude.
On peut donc, sans rougir, parler de monument baroque du film d’époque enfiévré. 


*Bruno
07.05.25. 3èx

Récompenses: Prix du Jury, Cannes 1994
Prix d'Interprétation féminine: Virna Lisi.
César de la Meilleure Actrice: Isabelle Adjani.
César du Meilleur Second Rôle Masculin: Jean-Hugues Anglade
César du Meilleur Second Rôle Féminin: Virna Lisi
César de la Meilleure Photographie: Philippe Rousselot
César des Meilleurs Costumes: Moidele Bickel

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