jeudi 4 septembre 2014

SURVIVANCE (Just Before Dawn). Grand Prix du film d'angoisse au Rex de Paris.

                                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site identi.li

de Jeff Lieberman. 1981. U.S.A. 1h37. Avec Gregg Henry, Deborah Benson, George Kennedy, Chris Lemmon, Jamie Rose, Ralph Seymour, Katie Powell, John Hunsaker.

RécompensesGrand Prix du film d'Angoisse au Festival du Rex à Paris, en 1981.
Prix d'interprétation Féminine pour Deborah Benson.

FILMOGRAPHIEJeff Lieberman est un réalisateur et scénariste américain né en 1947 à Brooklyn, New-York. 1972: The Ringer. 1976: Le Rayon Bleu, La Nuit des Vers Géants. 1980: Dr Franken (TV). 1981:Survivance. 1988: Meurtres en VHS. 1994: But... Seriously (TV). 1995: Sonny Liston: The Mystérious Lie and Death of a Champion (TV).2004: Au Service de Satan.

                                    

Un parangon du survival horrifique d'une surprenante dramaturgie affligée.
Honnête artisan franc-tireur, Jeff Lieberman séduit les amateurs d'horreur en 1976 en réalisant simultanément deux séries B débridées plutôt bien troussées, La Nuit des Vers Géants et Le Rayon Bleu. Mais en 1981, il revigore le survival forestier avec Survivance, récompensé à juste titre du Grand Prix du film d'Angoisse et du Prix d'interprétation féminine pour Deborah Benson au festival du Rex à Paris. Rien que son générique d'ouverture, résolument crépusculaire, envoûte les sens du spectateur sous l'impulsion d'une partition ombrageuse terriblement évocatrice. Cinq amis partent en week-end pratiquer du camping sauvage dans une forêt reculée alors qu'un meurtre vient d'être commis à proximité d'une église désaffectée. Un témoin de la scène les averti qu'un démon accoutré d'une machette rode aux alentours. Croyant avoir affaire à un ivrogne demeuré, le groupe poursuit sa route s'enfonçant dans la contrée montagneuse.

                                 

Dans la mouvance de Délivrance et de Vendredi 13Survivance est une autre référence d'efficacité horrifique (Tarantino le qualifie d'ailleurs de culte !), de par la fascination qu'insuffle son ambiance anxiogène diffuse. Ainsi, dans un premier temps, le spectateur est happé par son prologue meurtrier lorsque deux comparses éméchés vont être confrontés à une situation fortuite. Confinés dans une église désaffectée, l'un d'eux croit entrevoir du plafond ébréché la silhouette d'un étrange individu. Surpris par cette présence plutôt hostile, le témoin s'empresse de sortir de l'oratoire pour tenter de le démasquer, quand bien même son compagnon resté en interne finira assassiné à coup de machette entre les jambes ! Cette séquence brutale s'avère d'autant plutôt crue dans la manière viscérale dont Lieberman filme la mise à mort et la stupeur de la victime moribonde au gré d'un habile montage préconisant habilement le hors-champ. Et Dieu sait si la séquence extrême fait froid dans le dos par le biais du plan serré !  Fatalement, l'intrigue se focalise ensuite sur la randonnée pédestre des 5 vacanciers partis camper au fin fond de la forêt. Outre l'interprétation convaincante des protagonistes juvéniles, les évènements qui leur seront imposés s'avèrent d'autant moins convenus dans leur posture perplexe, entre sentiments d'interrogation et d'appréhension. En prime, la partition funéraire concoctée par Brad Fiedel  (sifflement entêtant à l'appui faisant écho dans la nuit !) exacerbe à merveille son climat d'insécurité au sein d'un décor forestier truffé de charisme. Car si on élude la photogénie cauchemardesque de l'inégalable Délivrance, rarement un environnement naturel n'aura paru aussi ensorcelant au sein de sa végétation délétère comme habitée par une entité maudite !

                               

Autour du cheminement funèbre des protagonistes, Jeff Lieberman façonne donc une tension oppressante avant l'agression de meurtres rigoureusement cruels (Spoiler ! l'homme à bout de souffle dévalant du pont à cordes, le couple polisson soudainement pris à parti avec le tueur dans la nécropole Fin du Spoiler). Chaque situation hostile étant savamment orchestrée d'éléments latents de suspense et d'angoisse plutôt que l'attrait ostentatoire d'effets gores spectaculaires. Et pour parachever dans l'effet de surprise sardonique, un rebondissement impondérable ébranlera également nos survivants et les inciter à redoubler de vigilance face à la fatalité du trépas ! Ce qui nous converge au point d'orgue radical, concocté autour d'une traque nocturne qu'un couple en légitime défense tentera de braver. D'ailleurs, en célébrant la cause féminine, on peut saluer la prestance stoïque de Deborah Benson (ovationnée de son prix d'interprétation au Rex !) d'une sobriété assez inédite pour le genre car à contre-emploi de la potiche écervelée ! Hormis ses sentiments de peur et d'intuition formidablement perceptibles, cette héroïne burnée diffuse au fil de son initiation de survie un instinct primal afin de pouvoir rivaliser avec l'animosité du tueur. En second plan, les amateurs pourront reconnaître le jeune acteur  Gregg Henry (rendu célèbre par la série TV les Héritiers ou encore par le suspense Hitchcockien,  Body Double). Sa prestance avenante en serait presque aussi convaincante si sa partenaire virile ne lui déroba la vedette. Spoiler !!! Enfin, le portrait de famille octroyé à nos tueurs azimutés rappelle indubitablement les rednecks rétrogrades de La Colline a des YeuxDélivrance ou encore Massacre à la Tronçonneuse, notamment à travers leur morphologie mongolienne  disproportionnée.  Fin du Spoiler.

                                    

Quelques décennies plus tard et une flopée d'épigones imberbes (Détour Mortel et consorts),  Survivance  préserve son acuité anxiogène grâce en priorité à la photogénie d'une ambiance forestière incroyablement prégnante (rôle à part entière !). La qualité inhabituelle de son casting juvénile, son score funèbre incroyablement magnétique et les séquences brutales qui empiètent l'intrigue générant une angoisse diffuse plutôt que la facilité du gore outre mesure. Et pour une fois qu'une héroïne pugnace vole la vedette à tout son entourage, rare pour ne pas la mettre en valeur ! De loin, le meilleur film de Jeff Lieberman, en tous cas le plus atmosphérique, blafard et fascinant. Et puis le combat final singulier car achevé à main nue reste dans toutes les mémoires ! Une séquence dégénérée à la fois couillue, désespérée et terriblement intense ! 

Note: A sa sortie dans certaines salles (notamment celle dont j'ai pu assister au cinéma Cantin de Lens), le film était interdit au moins de 13 ans, alors qu'en vidéo il fut proscrit aux moins de 18 ans tel qu'il était initialement prévu ! En prime, la version éditée sous le label Hollywood Vidéo est également trompeuse dans le sens où elle n'était pas rigoureusement intégrale !

Dédicace à Guillaume Matthieu.
16.08.11. 6
Bruno Matéï.


L'avis de Mathias Chaput:

Il existe des films qui bonifient le genre auquel ils s’apparentent par leur force, leur charisme et l’aura qu’il dégage irrémédiablement, on peut dire aisément que « Survivance » se range dans cette catégorie, en liaison avec le slasher, mais en y imputant une telle vision immersive, une telle grâce et un tel talent dans l’insolite que le spectateur s’imprègne instantanément dans le métrage et ce, dès les premières secondes…

Tout est configuré pour exercer une fascination, en partie due à la beauté des paysages et à la sensation d’étouffement lors des séquences nocturnes, le sentiment de « piège » irradie aussi bien les protagonistes du film que le spectateur, pris en tenailles dans un long cauchemar stressant et délicieux en même temps…

L’aspect de géméléité consanguine rajoute un degré dans l’horreur et amplifie le malaise provoqué, exactement comme dans des films comme « La colline a des yeux », « Tourist trap » ou plus récemment « Wolf creek », les références sont nombreuses mais « Survivance » se démarque en sortant du lot pour imposer sa patte, son style savoureux inhérent aux chefs d’œuvre du survival américain, sa filiation directe est bel et bien le « Délivrance » de John Boorman

La neutralité des personnages principaux fait que l’on n’a pas envie de les voir se faire zigouiller, à contrario de la saga des « Vendredi13 » avec ses jeunes débiles et peu attrayants, ici on suit le déroulement de l’histoire sans parti pris grâce à une mise en scène intelligente de la part de Lieberman, qui évite les raccourcis et la facilité, souvent employée dans les slashers de cette époque…

Son film se rapproche plus de films comme « Unhinged » ou même de « Psychose » que des succédanés horrifiques qui florissaient à la pelle dans le cinéma américain des eighties, plombés par la vénalité et la réalisation faite à la va-vite…

Non seulement « Survivance » est une grande réussite mais, outre le fait de passer un bon moment, il arrive à revigorer le genre du slasher en étant INSOLITE, c’est exactement le terme qui m’est venu à l’esprit lorsque j’ai achevé le visionnage…

Sous couvert d’un style, « Survivance » le réinvente totalement, effaçant les codes pour les récréer lui-même, sans besoin de quiconque…

Imparable et ayant bâti le renouveau d’un cinéma balbutiant et victime d’embolies stylistiques dès sa naissance, « Survivance » est un film qu’il faut voir impérativement, tout vient de ce film magistral qui redonna ses lettres de noblesse au slasher…

Note : 10/10

mardi 2 septembre 2014

SALVADOR


                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site web-libre.org

d'Oliver Stone. 1986. U.S.A. 2h01. Avec James Woods, James Belushi, John Savage, Elpedia Carrillo, Cindy Gibb.

Sortie salles France: 21 Mai 1986 U.S: 23 Avril 1986

FILMOGRAPHIE: Oliver Stone (William Oliver Stone) est un réalisateur, scénariste et producteur américain né le 15 septembre 1946 à New-York.
1974: La Reine du Mal, 1981: La Main du Cauchemar, 1986: Salvador, Platoon, 1987: Wall Street, 1988: Talk Radio, 1989: Né un 4 Juillet, 1991: Les Doors, 1991: JFK, 1993: Entre ciel et Terre, 1994: Tueurs Nés, 1995: Nixon, 1997: U-turn, 1999: l'Enfer du Dimanche, 2003: Comandante (Doc), 2003: Persona non grata, 2004: Looking for Fidel (télé-film), 2004: Alexandre, 2006: World Trade Center, 2008: W.: l'Impossible Président, 2009: Soul of the Border, 2010: Wall Street: l'argent ne dort jamais. 2014: Savage.

                               

5 ans après la Main du Cauchemar, Oliver Stone change de registre pour porter à l'écran Salvador, un 3è long-métrage faisant office de fresque documentée car évoquant la situation chaotique d'une guerre civile au début des années 80. Alors que les américains tentent d'apaiser le conflit entre les guerilleros et la dictature militaire, le journaliste Richard Boyle décide de se rendre au Salvador pour y relancer sa carrière en photographiant les massacres de la population.


Film coup de poing d'un réalisme rigoureux, notamment tous les affrontements belliqueux filmés en interne de la caméra portée, Salvador retransmet avec une rare intensité une situation de crise dans les bas-fonds de l'Amérique centrale. En s'inspirant de la vie du véritable reporter Richard Boyle, le film se porte également en témoignage pour décrire la profession à risque du journalisme lorsque ce dernier est prêt à s'infiltrer au sein des combats pour rapporter le cliché le plus incisif. A travers l'ambition lucrative de Richard Boyle, un alcoolo fauché bonimenteur mais loquace et plein d'audaces, c'est son évolution humaniste qui nous ait dépeint lorsqu'il observe avec impuissance les exactions barbares pratiquées sur les femmes et les enfants, sans compter viols et crimes perpétrés sur des témoins étrangers. Outre l'illustration crue de cette guerre aussi injuste que barbare, c'est également une romance poignante qu'Oliver Stone retransmet avec l'empathie de notre reporter épris d'amour pour une jeune salvadorienne. Son intégrité à vouloir la protéger l'amènera finalement à tenter de l'expatrier aux Etats-Unis en encourant des risques inconsidérés. Avec une efficacité imparable dans la conduite du récit et les rebondissements dramatiques qui interfèrent (notamment l'assassinat terroriste de l'archevêque Oscar Romero), Oliver Stone entremêle récit d'aventures, romance et drame politique en dénonçant le rôle insidieux du gouvernement américain et celui de la CIA pour sa participation criminelle avec les militaires. Si Salvador s'avère toujours aussi passionnant, révoltant et bouleversant, il le doit notamment à l'interprétation furibonde de James Woods. Habité par la fougue de dénoncer les horreurs d'une guerre ignorée des médias, l'acteur exprime une frénésie viscérale dans son comportement suicidaire eu égard de sa condition déchue de reporter.


Parfois éprouvant dans son imagerie sordide de charnier et victimes sacrifiées, Salvador invoque l'aspect reportage d'une guerre civile opiniâtre parmi l'héroïsme suicidaire de reporters en mal de notoriété. D'une grande intensité dramatique, ce réquisitoire engendre également la désillusion d'une romance impossible auquel James Woods apporte tout son talent avec une spontanéïté bouleversante.

Bruno Matéï


lundi 1 septembre 2014

Les Ruines (The Ruins).

                                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site firstshowing.net

de Carter Smith. 2008. Allemagne/Australie/U.S.A. 1h33 (version intégrale inédite en France). Avec
Jonathan Tucker, Jena Malone, Shawn Ashmore, Laura Ramsey, Joe Anderson.

Sortie salles France: 11 Juin 2008. U.S: 4 Avril 2008

FILMOGRAPHIE: Carter Smith est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 6 Septembre 1971. 2008: Les Ruines. 2014: Jamie Marks is dead.


Premier long-métrage de Carter Smith, Les Ruines reprend le concept du survival en milieu hostile lorsqu'une poignée de jeunes touristes ont décidé de rejoindre le frère d'un de leurs amis parti en archéologie sur un temple Maya. Modeste série B édifiée autour d'un huis-clos singulier, Les Ruines exploite bien son décor restreint d'une pyramide lorsque des vacanciers s'y sont réfugiés après avoir été placé en quarantaine par la population locale. Car craignant une contamination irréversible, des villageois indiens les auront forcé à s'exiler jusqu'au sommet de la pyramide. La raison de cet embrigadement forcé provient de la végétation qui harponne tout le temple, une plante carnivore capable de s'infiltrer sous la peau des victimes afin de les contraindre à se mutiler. Entièrement alloué à l'enjeu de survie, les Ruines réussit habilement à provoquer inquiétude et effroi autour de protagonistes sévèrement molestés par une menace particulièrement insidieuse. A l'instar du son que la végétation réussit à imiter pour mieux les tromper et les vouer à l'échec ! Sous un climat solaire irrespirable, le film insuffle un sentiment de claustration palpable autour de la détresse de ces victimes confrontées à une épreuve de force toujours plus ardue. 


De par les divers incidents qu'ils vont devoir produire par inadvertance (la descente du puits pour récupérer un portable leur portera de lourds préjudices !) et par la dangerosité de cette végétation particulièrement finaude lorsqu'elle s'accapare de leur corps. Totalement livrés à l'abandon, épuisés et assoiffés mais solidaires entre eux, ils vont devoir user de bravoure et constance pour éviter le pire, c'est à dire la mutilation corporelle en désespoir de cause. Ainsi, en jouant sur le caractère révulsif des situations horrifiques, Carter Smith redouble d'efficacité à élaborer des séquences d'anthologies éprouvantes de par l'ultra réalisme du gore acéré. Tant auprès de l'idée improbable de charcuter les jambes d'un estropié à l'aide d'un simple couteau ou d'entailler diverses plaies d'une camarade pour y extraire les brindilles rampantes ! Jusqu'au-boutiste, le cinéaste n'y va donc pas avec le dos de la cuillère pour répugner le spectateur à renfort d'une horreur viscérale franchement éprouvante mais dépendante au déroulement du récit. Un réalisme d'autant plus exacerbé par la dimension humaine des personnages toujours plus brimés par l'hostilité végétale au point de se réserver en dernier ressort l'affliction du suicide !


Réalisé en toute modestie et incarné par des acteurs en herbe dont on éprouve une réelle empathie, Les Ruines puise sa force émotionnelle dans l'impact horrifique de ces scènes gores, dans la menace originale d'une végétation aride et la radicalité d'un contexte de survie poussé au paroxysme de la folie. Pour les fans purs et durs, il s'agit d'une perle d'efficacité régie sous un soleil écrasant dont certaines images viscérales restent gravées bien au-delà de la projection ! L'une des meilleures séries B des années 2000 d'un vérisme horrifique implacable. 

Bruno 
2èx

vendredi 29 août 2014

La Mariée Sanglante / La Novia Ensangrentada

                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site Ecranlarge.com

de Vicente Aranda. 1972. Espagne. 1h42 (version intégrale). Avec Simon Andreu, Maribel Martin, Alexandra Bastedo, Dean Selmier, Angel Lombarte.

Sortie salles : 12 Février 1975

FILMOGRAPHIE: Vicente Aranda est un réalisateur et scénariste espagnol, né le 9 Novembre 1926 à Barcelone. 1969: Les Cruelles. 1972: La Mariée Sanglante. 1984: A coups de crosse. 1986: Tiemp de silencio. 1987: El Lute, marche ou crève. 1991: Amants. 1993: Intruso. 1994: La Passion turca. 1995: Lumière et Compagnie. 1996: Libertarias. 1998: La mirada del otro. 1999: Celos. 2001: Juana la Loca. 2003: Carmen. 2006: Tirant le Blanc. 2007: Lolita's Club.


Trésor ibérique exhumé de l'oubli par l'éditeur Artus Films, La Mariée Sanglante s'inspire d'un roman de Cheridan Le Fanu pour traiter du vampirisme, entre singularité et audace. On est d'abord frappé par la beauté de ces images oniriques sublimant une nature paisible et les monuments de pierre, quand bien même l'apparence soyeuse des héroïnes se charge d'une aura érotico-sensuelle. Les couleurs du mauve, du vert et du blanc se complétant à merveille pour styliser leur présence quasi surnaturelle. En parallèle, et avec défiance pour l'époque, le cinéaste saupoudre par intermittence des moments horrifiques parfois très sanglants (le rituel d'un arrachage de coeur durant un songe de Susan) dont la poésie morbide nous rappelle les excès esthétiques d'Argento à son apogée. Ainsi, en abordant les thèmes du sadomasochisme, de la phallocratie, du saphisme et du féminisme, Vicente Aranda construit un récit de prime abord abscons et tortueux pour mieux nous égarer face aux persécutions qu'une jeune mariée témoigne durant ses nuits de cauchemar. Car à peine emménagée dans le manoir de son époux, châtelain plus âgé qu'elle n'hésitant pas à lui infliger des jeux sexuels particulièrement cruels, Susan est hantée par l'emprise d'une mystérieuse Carmilla ! Régulièrement, durant ses sommeils, elle se voit contrainte d'assassiner son époux à l'aide d'un poignard affûté. Un peu plus tard, elle apprendra d'ailleurs qu'une ancêtre de son mari avait sauvagement tué son conjoint dans la même tradition. 


Quelques jours plus tard, aux abords d'une plage, le mari de Susan fait la rencontre d'une étrange inconnue ensevelie sous le sable. Souffrante d'amnésie, il décide de l'accueillir chez elle afin de lui prêter main forte. Rapidement, une étrange relation d'affection et de cohésion naît entre les deux femmes, quand bien même Susan est de plus en plus persuadée qu'il s'agit bien de la Carmilla de ses rêves ! Ce bref résumé jouant incessamment avec les notions de rêve et de réalité témoigne d'un intense pouvoir de fascination chez le spectateur embarqué Spoilerdans une liaison vampirique où deux lesbiennes vont s'unir amoureusement pour extérioriser leur haine auprès des hommes. Fin du Spoiler. En particulier ceux témoignant d'un goût masochiste pour la cruauté perverse que le mari de Susan et sa descendance ont acquis dans la tradition. Si la première moitié du récit nous laisse dans la confusion à savoir si Susan souffre véritablement d'hallucinations, Spoiler ! la seconde partie lève le voile sur l'identité de Carmilla et ses motivations avec l'entremise de sa nouvelle proie asservie par une morsure de vampire Fin du SpoilerOr, la manière originale dont Vicent Aranda structure son intrigue est d'autant plus déconcertante qu'il distille un climat d'étrangeté ensorcelant parmi l'érotisme candide de ces deux misandres. Quand au final en demi-teinte déployant une violence sanglante radicale, il laisse place à un rebondissement cynique quand à découvrir qui emportera la victoire entre les deux sexes.


Cauchemar éveillé faisant office de romance macabre parmi la beauté épurée de ses actrices, la Mariée Sanglante sous-tend une plaidoirie pour l'émancipation féminine lorsque le machisme primaire de l'homme laisse transparaître un goût douteux pour la violence perverse. Erotique et sensuel, trouble et vertigineux, baroque et parfois ultra sanglant (avec en sus une séquence anthologique toujours aussi bluffante), il empreinte le mythe du vampire avec autant d'esthétisme pictural que d'originalité scabreuse. L'une des pièces fondatrices du cinéma fantastique espagnol en somme.

Bruno 
23.04.23. 3èx

jeudi 28 août 2014

THE ROVER

                                                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

de David Michôd. 2014. Australie. 1h42. Avec Guy Pearce, Robert Pattinson, Scoot McNairy, Susan Prior, Anthony Hayes, David Field, Jamie Fallon.

Sortie salles France: 4 Juin 2014. U.S: 20 Juin 2014

FILMOGRAPHIE: David Michôd est un réalisateur australien.
2010: Animal Kingdom. 2014: The Rover.


Après s'être fait révélé par Animal Kingdom, un premier film déjà bien maîtrisé, le cinéaste australien David Michôd nous revient 4 ans plus tard avec un western post-apo sortant des sentiers battus. The Rover s'improvisant en odyssée funèbre que deux anti-héros vont parcourir à travers les étendues désertiques de l'Australie. Alors qu'il vient de se faire dérober sa voiture par un trio de malfrats, Eric n'a comme unique ambition de récupérer son bien, quand bien même au fil de son périple il rencontre l'un des frères du gang, Reynolds, grièvement blessé. Senti trahi, ce dernier décide de faire équipe avec l'inconnu pour l'aider à récupérer son véhicule et mettre la main sur son frangin. Oeuvre atypique baignant dans un climat de désolation cafardeux, The Rover nous plonge au sein d'un univers dystopique 10 ans après l'écroulement de l'Australie. C'est ce que nous annonce le générique d'ouverture sans savoir précisément ce qui a pu engendrer une situation économique aussi déplorable. Car dans cette contrée solaire en décrépitude, une poignée de survivants tentent encore de s'y faire une place quand bien même l'armée perpétue quelques missions afin de dénicher les malfrats les plus dangereux.


Outre son climat morose particulièrement palpable et la dissonance de sa partition inquiétante, The Rover frappe d'emblée par l'attitude ambiguë des protagonistes. Le cinéaste nous caractérisant des marginaux le plus souvent sans vergogne car livrés à leur indépendance et déshumanisés de leur existence miséreuse où l'engrenage de la violence leur portera de lourdes conséquences. A l'instar de notre anti-héros principal décrit comme un solitaire inflexible à l'agressivité incontrôlée car sévèrement marqué par un passé tragique. Son seul point d'attache, sa voiture qu'un trio a malencontreusement volé après l'embardée de leur camion. On est d'autant plus interloqué par l'immoralité d'Eric à assassiner froidement certains innocents pour la quête dérisoire d'un véhicule à essence. Spoiler !!! Néanmoins, son bien matériel nous révélera au final un secret d'ordre affectif qu'il s'était résigné à récupérer afin de respecter une tâche. Fin du SpoilerAvec l'intervention de Reynolds, un jeune adulte influent quelque peu déficient, Eric va réapprendre à le considérer, à lui trouver un regain d'empathie au fil de leurs confidences et de leur relation compromises par les ripostes ennemies. Contraints de s'entraider au sein de ce no man's land primitif, Eric improvise la figure paternelle pour soutenir la fragilité de Reynolds mais se dirigent d'un pas hésitant vers une destinée tragique par leur raisonnement vindicatif. Avec son scénario déroutant multipliant les situations impromptues d'altercations sanglantes envers rivaux sans vocation, The Rover sème la paranoïa et la désillusion jusqu'à l'apogée d'une confrontation dérisoire Spoiler !!! (la culpabilité d'Eric laissant transparaître en désespoir de cause une larme de remord !) Fin du Spoiler.


A History of Violence
Avec la prestance intense d'un duo d'acteurs burinés (en démarche de fantôme errant, Guy Pearce hypnotise l'écran d'un regard frigide, quand bien même Robert Pattinson, quasi méconnaissable, époustouffle dans sa fragilité de gamin désorienté), The Rover inflige la sinistrose d'une dystopie avec une dimension atmosphérique prégnante. Par le biais d'un schéma narratif complètement aléatoire, il ne cesse de dérouter et de surprendre pour mettre en exergue la responsabilité de la violence engendrant un règlement de compte irascible où l'innocence paiera une fois de plus le lourd tribut.    

Bruno Matéï

    mercredi 27 août 2014

    LES VAMPIRES DU DR DRACULA (La marca del Hombre-lobo)

                                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site wrongsideoftheart.com

    de Enrique Lopez Eguiluz. 1968. Espagne. 1h34. Avec Paul Naschy, Manuel Manzaneque, Dyanik Zurakowska, Aurora de Alba, Julian Ugarte, José Nieto.

    Sortie salles Espagne: 29 Juillet 1968

    FILMOGRAPHIE: Enrique Lopez Eguiluz est un réalisateur espagnol, né en 1930 à Madrid, décédé le 9 Mai 1997.
    1965: Pascualin. 1965: La Pandilla. 1966: En Andalucía nació el amor. 1966: Chantaje a un asesino.
    1968: Agonizando en el crimen. 1968: Les Vampires du Dr Dracula. 1970: El Santo contre les tueurs de la Mafia.


    Fer de lance de l'âge d'or du fantastique ibérique, Les Vampires du Dr Dracula inaugure notamment la première apparition du personnage de Waldemar Daninski endossé par Paul Naschy. Ancien catcheur et culturiste, cet acteur en pleine ascension se fera une spécialité à réinterpréter à l'écran son monstre favori, le loup-garou, durant une série de 12 films ! Inédit en salles en France mais aujourd'hui exhumé de l'oubli par l'éditeur Artus Films, Les Vampires du Dr Dracula est une aberration de tous les instants. Rien que le scénario improbable est à lui seul une plaisanterie au confins de la parodie. Frappé par la malédiction d'une morsure de loup-garou, le comte Waldemar Daninski sème la mort autour de lui mais se résigne à ne plus commettre d'exactions dès qu'il retrouve son apparence humaine. Pour cela, il fait appel à un ami et sa fiancée afin de le forcer à l'embrigader au fond d'une crypte. En dernier ressort, ils font tout de même appel à un illustre docteur et sa compagne pour tenter de le guérir de sa lycanthropie. Mais rien ne se déroulera comme prévu !


    Egalement attaché au poste de scénariste, Paul Naschy s'est sans doute inspiré d'un de ses films cultes de la Universal des années 30, j'ai nommé Frankenstein rencontre le loup-garou. Car à partir d'un pitch aussi rocambolesque que grotesque, il fait ici intervenir deux icônes de l'épouvante vintage, le loup-garou et le vampire, pour les voir finalement s'affronter lors d'un mémorable baroud d'honneur. Si dans la première partie, Waldemar Daninski joue le rôle d'un monstre assoiffé de sang et de violence, une pirouette scénaristique va l'amener à reconsidérer sa condition erratique de lycanthrope pour s'opposer à un ennemi particulièrement mesquin, un vampire hautain résigné à lui soutirer sa fiancée ! Bourré d'incohérences dans la réaction des personnages auquel les comédiens en font des tonnes pour provoquer émoi et élans de bravoure, Les Vampires du Dr Dracula entremêle des sous-intrigues saugrenues pour voir s'affronter à l'écran non pas un, mais deux loups-garous, quand bien même un couple de vampires y est invité pour semer leur contamination auprès des proches de Waldemar ! Ridicule et hilarant, à l'instar des dialogues ineptes que nos comédiens récitent avec le plus grand sérieux, le film réussit toutefois à nous apprivoiser par sa sincérité à nous offrir un spectacle aussi ludique que flamboyant ! Sur ce point, les Vampires du Dr Dracula s'avère une indéniable réussite esthétique n'ayant rien à envier aux travaux baroques de Mario Bava dans ces éclairages polychromes de toute beauté. Que ce soit l'architecture de l'intérieur du château, sa crypte poussiéreuse parfois chargée de néons rouges ou l'illustration nocturne d'une forêt azur, son gothisme raffiné et la rutilance de sa photographie engendrent souvent un onirisme éclatant !


    Une aberration filmique faisant office de miracle !
    Imbécile en diable et proprement aberrant dans son scénario fourre-tout, Les Vampires du Dr Dracula pallie ses nombreuses failles par une sincérité évidente, un amour immodéré à tailler un récit d'épouvante où se bousculent les monstres de notre enfance. La naïveté des comédiens gesticulant à tout va des comportements outrés et surtout l'onirisme insolite qui se détache de certaines séquences (la danse du vampire en amont d'une passerelle brumeuse pour attiser sa compagne) renforcent l'euphorie que nous procure généreusement ce nanar festif ! 

    Remerciement à Artus Films.
    Bruno Matéï

    mardi 26 août 2014

    Simetierre / Pet Sematary. Prix du Public, Avoriaz 1990.

                                                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site team-hush.org

    de Mary Lambert. 1989. U.S.A. 1h43. Avec Dale Midkiff, Denise Crosby, Fred Gwynne, Miko Hughes, Brad Greenquist, Blaze Berdahl.

    Sortie salles France: 17 Janvier 1990. U.S: 21 Avril 1989

    FILMOGRAPHIE: Mary Lambert est une réalisatrice américaine, née le 13 Octobre 1951 à Helena, Arkansas (Etats-Unis). 1977: Rapid Eye Movements. 1987: Siesta. 1989: Bobby Brown his Prerogative (dtv). 1989: Simetierre. 1991: Grand Isle. 1992: Simetiere 2. 1994: Dragstrip Girl (télé-film). 1996: Le Visage du Mal (télé-film). 1997: Le Prix du Désir (télé-film). 1999: Clubland. 2000: In Between. 2000: Cercle Fermé. 2001: Strange Frequency (télé-film). 2001: Les Sorcières de Halloween 2 (télé-film). 2005: Urban Legend 3: Bloody Mary. 2008: The Attic. 2011: Mega Python vs. Gatoroid.


    Poème mortifère sur l'injustice et la peur de la mort, Simetierre aborde le genre horrifique avec une intelligence rare afin de décrire la descente aux enfers d'une famille incapable d'accepter l'idée de trépasser. D'après un célèbre roman de Stephen King, Simetierre tire parti d'une idée fort originale pour renouveler le mythe du zombie et engendrer une réflexion sur la souffrance aussi physique que morale. Louis Creed, Rachel et leurs deux enfants emménagent dans leur nouvelle demeure bucolique située à proximité d'une route dangereuse, des camions circulant à grande vitesse. Chaudement accueilli par leur voisin de pallier, ce dernier propose rapidement au père de famille de lui faire visiter un cimetière pour animaux, quand bien même à quelques mètres de là une autre nécropole d'origine indienne possède la faculté de ressusciter les morts ! Il aura fallu qu'un évènement tragique intente à la vie du chat de la famille Creed pour que Louis se laisse tenter par l'expérience de  la résurrection !  Baignant dans un climat funèbre perpétuellement palpable, glacial et lancinant,  Simetierre aborde le sujet de la mort sans inhibition, à l'instar de la cruelle malédiction qui s'abattra sur la famille Creed. Confrontés à une succession de deuils improvisés, ceux-ci sont caractérisés comme des citoyens égoïstes, apeurés et capricieux lorsque le fardeau de la mort les mesurent à leur douleur intrinsèque.


    C'est d'abord leur fille possessive Ellie qui voue une obsession morbide pour la survie de son chat, terrifiée à l'idée qu'un jour il puisse lui être soutiré par la faucheuse. Pendant ce temps, Louis, éminent médecin, est déjà fragilisé par la mort d'un de ses patients, quand bien même ce dernier lui revient sous l'apparence d'un zombie pour l'avertir de ne pas franchir la zone du cimetière indien. Quand à sa femme Rachel, elle reste perturbée par un épisode de son enfance lorsqu'elle devait surveiller l'état dégénératif de sa soeur souffrante du cancer. Hantée par son apparence émaciée et sa lente agonie, elle espérait finalement qu'elle meurt dans les plus brefs délais afin d'apaiser sa souffrance d'assister à son épouvantable déchéance physique. Spoiler !!! Après la mort inopinée de leur chat, il aura fallu que le fils cadet des Creed meurt accidentellement, écrasé sous les roues d'un camion, pour que le paternel se résigne à braver la loi du repos éternel, et donc de le ressusciter ! Fin du Spoiler. Le problème est que lorsque le défunt revient à la vie, c'est pour importuner les vivants de sa triste condition d'estropié hanté par l'imprécation. A travers cet argument fantastique particulièrement fascinant car posant notamment la question spirituelle de l'existence de la vie au-delà de la mort, Simetierre met à l'épreuve le courage d'une famille accablée par le deuil mais ayant la possibilité d'en violer le fondement afin pactiser avec le surnaturel !


    Vivre pour mourir
    Regorgeant de séquences impressionnantes d'une rude intensité émotionnelle (la dégénérescence corporelle de Zelda, la tragédie accidentelle du petit Gage et ses houleuses funérailles, sa vengeance implacable auprès de sa propre famille), Simetierre transplante le drame psychologique dans le cadre d'une horreur éprouvante jamais racoleuse. Il y émane une descente aux enfers implacable de par sa cruauté requise et son ironie macabre, notamment auprès de la mort insupportable d'un bambin, de sa nouvelle condition de victime récalcitrante et de l'exutoire du sacrifice qui s'ensuit ! La mort, omniprésente, n'étant à la fois qu'un rappel spirituel, une fatalité, une catharsis afin d'abréger à jamais les souffrances du défunt. 

    * Bruno
    4èx

    Récompense: Prix du Public au Festival d'Avoriaz, 1990