jeudi 4 septembre 2014

Survivance / Just Before Dawn. Grand Prix du film d'angoisse au Rex de Paris.

                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site identi.li

de Jeff Lieberman. 1981. U.S.A. 1h37. Avec Gregg Henry, Deborah Benson, George Kennedy, Chris Lemmon, Jamie Rose, Ralph Seymour, Katie Powell, John Hunsaker.

Sortie salles France: 25 Novembre 1981. U.S: 27 Novembre 1981

FILMOGRAPHIEJeff Lieberman est un réalisateur et scénariste américain né en 1947 à Brooklyn, New-York. 1972: The Ringer. 1976: Le Rayon Bleu, La Nuit des Vers Géants. 1980: Dr Franken (TV). 1981:Survivance. 1988: Meurtres en VHS. 1994: But... Seriously (TV). 1995: Sonny Liston: The Mystérious Lie and Death of a Champion (TV).2004: Au Service de Satan.

                                    

Honnête artisan franc-tireur, Jeff Lieberman conquiert les amateurs d’horreur en 1976 en livrant coup sur coup deux séries B débridées, aussi originales que bien troussées : La Nuit des Vers Géants et Le Rayon Bleu. Mais en 1981, il revigore le survival forestier avec Survivance, récompensé à juste titre du Grand Prix du film d’Angoisse, et du Prix d’interprétation féminine pour Deborah Benson, au festival du Rex à Paris. Rien que son générique liminaire, résolument crépusculaire, envoûte déjà nos sens, porté par une partition ombrageuse terriblement évocatrice.

Synopsis :
Cinq amis partent camper dans une forêt reculée, alors qu’un meurtre vient d’être commis à proximité d’une église désaffectée. Un témoin de la scène les avertit : un démon armé d’une machette rôde dans les parages. Mais croyant avoir affaire à un ivrogne demeuré, le groupe poursuit sa route, s’enfonçant dans la contrée montagneuse.

                                 

Dans la mouvance de Délivrance et Vendredi 13, Survivance s’impose comme une référence d’efficacité horrifique (Tarantino la qualifie d’ailleurs de film culte), fascinante par l’ambiance anxiogène diffuse qu’elle distille et le cheminement ombrageux emprunté par ses protagonistes au cœur d’une végétation sépulcrale. Dès l’ouverture, le spectateur est happé par un prologue meurtrier : deux comparses éméchés se retrouvent confinés dans une église en ruine. L’un croit apercevoir, depuis le plafond fissuré, la silhouette d’un être étrange. Saisi par la présence, il s’élance hors de l’oratoire pour tenter de le démasquer. Mais chut… n’en disons pas plus. Cette séquence, brutale et crue, glace le sang par la manière viscérale dont Lieberman filme la mise à mort : la stupeur du mourant est accentuée par un montage habile, préférant le hors-champ aux facilités gore. Filmée en plan serré, cette scène organique noue d’emblée la gorge.

L’intrigue se recentre ensuite sur la randonnée des cinq vacanciers, partis camper dans un isolement absolu. Au-delà de l’interprétation convaincante de ce casting juvénile, les événements prennent une tournure singulière, portés par une tension faite de perplexité et d’appréhension. En prime, la partition funèbre signée Brad Fiedel (et son sifflement entêtant résonnant dans la nuit) exacerbe le climat insécure d’un décor forestier à la fois charismatique et menaçant. Car si l’on met à part la photogénie cauchemardesque de Délivrance ou du Projet Blair Witch, rarement nature n’aura semblé aussi ensorcelée, comme habitée d’une entité maudite.

                               

Dans cette errance funèbre, les protagonistes, de plus en plus désorientés, plongent dans une spirale d’angoisse. Lieberman y façonne une tension lente, étouffante, avant que ne s’abattent des meurtres rigoureusement cruels. Chaque séquence hostile est orchestrée dans une logique de latence : le suspense prime sur les effets spectaculaires, préférant la menace insidieuse à l’éclat gore. Et pour parachever le tout, un rebondissement sardonique vient ébranler les survivants, les poussant à une vigilance désespérée face à l’inéluctabilité de la mort. Le point d’orgue : une traque nocturne, où un couple, en état de légitime défense, tente de repousser l’horreur.

En cela, Survivance célèbre aussi la cause féminine. Deborah Benson, saluée pour sa prestation au Rex, impose une prestance stoïque, d’une sobriété inédite dans ce genre souvent misogyne. Loin des potiches écervelées, elle incarne une héroïne aux intuitions tranchantes, qui, au fil de son initiation, développe un instinct primal, forcené, apte à rivaliser avec la violence du tueur.

En second plan, les amateurs reconnaîtront un jeune Gregg Henry (futur visage des Héritiers ou du Body Double de De Palma). S’il impose une présence avenante, il se voit malgré lui éclipsé par sa partenaire, qui lui vole la vedette.
Quant aux antagonistes, leur portrait de famille rappelle immanquablement les rednecks dégénérés de La Colline a des Yeux, Délivrance ou Massacre à la Tronçonneuse — avec, ici aussi, une morphologie mongoloïde dérangeante, presque archaïque.

                                    

Des décennies et une flopée d’épigones (souvent sans âme) plus tard, Survivance conserve son pouvoir anxiogène. Grâce d’abord à l’empreinte de son décor forestier, véritable personnage du film. Grâce aussi à la qualité rare de son casting, à sa bande-son magnétique, et à ses séquences de violence sèche, brutale mais jamais gratuite. Et surtout, grâce à cette héroïne pugnace, qui pulvérise les clichés. Sans détour, Jeff Lieberman signe là son œuvre la plus marquante : malsaine, blafarde, atmosphérique, fascinante. Et ce combat primal, à mains nues, reste un sommet d’intensité dégénérée dans toutes les mémoires.

Note : À sa sortie dans certaines salles (notamment celle où j’ai eu le privilège de le découvrir, au cinéma Cantin de Lens), le film était interdit aux moins de 13 ans. 
Or, lors de sa sortie en vidéo, il fut brusquement proscrit aux moins de 18 ans.
À cela s’ajoute une autre déconvenue : la version éditée sous le label Hollywood Vidéo s’avère trompeuse, puisqu’elle ne propose pas le montage intégral du film.

*Bruno
Dédicace à Guillaume Matthieu.
16.08.11. 6

Récompenses: Grand Prix du film d'Angoisse au Festival du Rex à Paris, en 1981.
Prix d'interprétation Féminine pour Deborah Benson.


L'avis de Mathias Chaput:

Il existe des films qui bonifient le genre auquel ils s’apparentent par leur force, leur charisme et l’aura qu’il dégage irrémédiablement, on peut dire aisément que « Survivance » se range dans cette catégorie, en liaison avec le slasher, mais en y imputant une telle vision immersive, une telle grâce et un tel talent dans l’insolite que le spectateur s’imprègne instantanément dans le métrage et ce, dès les premières secondes…

Tout est configuré pour exercer une fascination, en partie due à la beauté des paysages et à la sensation d’étouffement lors des séquences nocturnes, le sentiment de « piège » irradie aussi bien les protagonistes du film que le spectateur, pris en tenailles dans un long cauchemar stressant et délicieux en même temps…

L’aspect de géméléité consanguine rajoute un degré dans l’horreur et amplifie le malaise provoqué, exactement comme dans des films comme « La colline a des yeux », « Tourist trap » ou plus récemment « Wolf creek », les références sont nombreuses mais « Survivance » se démarque en sortant du lot pour imposer sa patte, son style savoureux inhérent aux chefs d’œuvre du survival américain, sa filiation directe est bel et bien le « Délivrance » de John Boorman

La neutralité des personnages principaux fait que l’on n’a pas envie de les voir se faire zigouiller, à contrario de la saga des « Vendredi13 » avec ses jeunes débiles et peu attrayants, ici on suit le déroulement de l’histoire sans parti pris grâce à une mise en scène intelligente de la part de Lieberman, qui évite les raccourcis et la facilité, souvent employée dans les slashers de cette époque…

Son film se rapproche plus de films comme « Unhinged » ou même de « Psychose » que des succédanés horrifiques qui florissaient à la pelle dans le cinéma américain des eighties, plombés par la vénalité et la réalisation faite à la va-vite…

Non seulement « Survivance » est une grande réussite mais, outre le fait de passer un bon moment, il arrive à revigorer le genre du slasher en étant INSOLITE, c’est exactement le terme qui m’est venu à l’esprit lorsque j’ai achevé le visionnage…

Sous couvert d’un style, « Survivance » le réinvente totalement, effaçant les codes pour les récréer lui-même, sans besoin de quiconque…

Imparable et ayant bâti le renouveau d’un cinéma balbutiant et victime d’embolies stylistiques dès sa naissance, « Survivance » est un film qu’il faut voir impérativement, tout vient de ce film magistral qui redonna ses lettres de noblesse au slasher…

Note : 10/10

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