mardi 10 mars 2015

LE HOBBIT: LA BATAILLE DES 5 ARMEES (The Hobbit: The Battle of the Five Armies)

                                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site lestoilesheroiques.fr

de Peter Jackson. 2014. U.S.A. 2h24. Avec Martin Freeman, Ian Holm, Ian McKellen, Benedict Cumberbatch, Richard Armitage, ken Stott, Graham McTavish.

Sortie salles France: 10 Décembre 2014. U.S: 17 Décembre 2014

FILMOGRAPHIE: Sir Peter Robert Jackson est un réalisateur, producteur et scénarise néo-zélandais, né le 31 Octobre 1961 à Pukerua Bay, North Island (Nouvelle-Zélande).
1987: Bad Taste. 1989: Les Feebles. 1992: Braindead. 1994: Créatures Célestes. 1995: Forgotten Silver. 1996: Fantômes contre fantômes. 2001: Le Seigneur des Anneaux. 2002: Les Deux Tours. 2003: Le Retour du Roi. 2005: King-Kong. 2009: Lovely Bones. 2012: Le Hobbit: un voyage inattendu. 2013: Le Hobbit: la Désolation de Smaug. 2014: Le Hobbit: Histoire d'un aller et retour.


Dernier chapitre de la trilogie du Hobbit, La Bataille des 5 armées renoue avec l'esprit belliqueux des Deux Tours préalablement illustré dans l'autre saga de la Communauté de l'Anneau. Puisque, en l'occurrence, la compagnie des nains, des elfes, des humains, des Wrags et des Orques vont devoir s'opposer pour la propriété de la montagne sacrée. Inévitablement, cet opus s'avère l'épisode le plus adulte dans le compromis des enjeux stratégiques, à savoir privilégier l'accord de paix ou de la guerre du point de vue moral de Bilbon Sacquet et des nains sur la corde raide. Après que les nains eurent malencontreusement déchaîné la colère du dragon Smaug sur le hameau de Lac-ville, le prisonnier Bard réussit à s'échapper de sa geôle pour s'efforcer de le combattre parmi le soutien de son fils. Alors que l'annonce de la victoire est rapidement répandue chez les survivants, ces derniers glorifiant Bard au statut de héros, Thorin ordonne à son équipe des nains de retrouver le fameux Arkenston occulté sous les décombres du trésor. Littéralement aveuglé par sa cupidité et le sacre du throne, Thorin va déclencher un conflit d'une ampleur insoupçonnée: l'offensive des 5 armées ! Mais afin d'apaiser les tensions et trouver une issue pacifiste, Bilbon Sacquet finit par proposer une transaction avec l'appui de Bard, car ayant réussi à s'emparer du fameux Arkenston que Thorin convoite ardemment.


Epique et grandiose, La Bataille des 5 armées continue de déployer sa maestria technique parmi le talent perfectionniste de Peter Jackson. Les séquences de batailles homériques s'avérant aussi fluides et redoutablement inventives dans leur sens chorégraphique que vertigineuses dans l'ampleur imposée aux milliers de figurants. Renouvelant avec habileté moult confrontations belliqueuses entre batailles rangées et monstres gargantuesques, les altercations de masse qui s'ensuivent finissent également par se confiner vers des confrontations individuelles entre héros stoïques et orques sanguinaires. A cet égard, la Bataille des 5 armées fait preuve d'une intensité dramatique dans le châtiment invoqué à certaines victimes, particulièrement celles abusant de bravoure pour tenir lieu du sens de l'héroïsme et du sacrifice. Brassant les thème de la dignité et de la loyauté (la fonction médiatrice de Bilbon), de la rédemption (la soudaine prise de conscience de Thorin !), de l'amour et de la perte de l'être aimé (la situation précaire de l'elfe Tauriel et sa remise en cause des sentiments), Peter Jackson privilégie la caractérisation humaine de ces héros redresseurs de torts impliqués dans une lutte pour la justice et le pouvoir. Les forces du Bien et du Mal se déchaînant avec fureur et passion afin d'asseoir leur réputation sur l'autel de la montagne sacrée.  


Ultra spectaculaire dans ses affrontements de masse et la scénographie aérienne de décors dantesques, mais aussi poignant dans sa dernière partie tragique, La Bataille des 5 armées clôt le chapitre du Hobbit avec humilité de la raison, force des sentiments, sens du devoir et de l'honneur. Si une fois encore, il n'atteint pas l'acuité épique de la trilogie de l'anneau, ses réflexions sur l'influence du pouvoir et la préservation de l'écologie ne manquent pas d'intensité autour de l'implication des rivalités humaines et belliqueuses. Une excellente conclusion conçue dans la générosité du spectacle (à l'instar de son prologue flamboyant !) parmi l'autorité intègre d'un auteur féru d'égard pour Tolkien
Bruno Matéï

lundi 9 mars 2015

La Femme-Reptile / The Reptile

                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site wrongsideoftheart.com

de John Gilling. 1966. Angleterre. 1h31. Avec Noel Willman, Jacqueline Pearce, Ray Barrett, Jennifer Daniel, Marne Maitland, Michael Ripper.

Sortie salles France: 2 Août 1967

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: John Gilling est un réalisateur et scénariste anglais, né le 29 Mai 2012 à Londres, décédé le 22 Novembre 1984 à Madrid (Espagne). 1957: Pilotes de haut-vol. 1958: Signes particuliers: néant. 1959: L'Impasse aux Violences. 1961: Les Pirates de la Nuit. 1962: L'Attaque de San Cristobal. 1966: L'Invasion des Morts-Vivants. 1966: La Femme Reptile. 1967: Dans les Griffes de la Momie. 1975: La Cruz del diablo.


Seconde et avant-dernière incursion de John Gilling chez la Hammer Films, la Femme-Reptile adopte une facture quelque peu orientale autour de l'apparition singulière d'un monstre reptilien victime d'une malédiction. 

Le PitchA la suite de la mort de son frère, Harry Spalding et son épouse décident de s'installer dans sa demeure au sein du village de Cornwall. Autour d'eux, d'étranges incidents meurtriers vont les contraindre à faire équipe avec un aubergiste afin d'enquêter sur les activités obscures d'un médecin et de son entourage familial. 

A partir d'un concept original, et pour redorer un sang neuf aux monstres classiques dérivés de la  Universal, le réalisateur fait preuve d'une belle maîtrise dans l'art de nous conter une histoire d'épouvante jamais poussive, de par son suspense latent savamment entretenu et l'intensité des situations horrifiques qui y émanent. 


Ce qui importe surtout avec la Femme Reptile est de se laisser entraîner dans le cheminement studieux d'un couple et d'un tenancier, témoins malgré eux de disparitions aussi soudaines que mystérieuses mais déterminés à aller jusqu'au bout de leur enquête. Outre le caractère envoûtant de sa scénographie gothique ou de sa campagne nocturne éclairée d'une photo sépia, le film réussit à distiller une atmosphère diaphane au sein de la demeure d'un théologiste originaire d'un secret. Accompagné de sa fille anxieuse, ce paternel austère et castrateur s'avère le pivot dramatique de l'intrigue car ne cessant de nous interroger sur sa potentielle culpabilité ou complicité. A l'instar de son domestique ombrageux faisant preuve d'une certaine autorité sur lui avec une dérision sarcastique. On est d'ailleurs frappé par le charisme glaçant de ces personnages offrant un pied de nez à la bonhomie attachante du couple et de l'aubergiste, communément prémunis par l'héroïsme de dernier ressort. En ce qui concerne les apparitions du monstre, si aujourd'hui l'aspect cheap du maquillage peut (peut-être) prêter à sourire, il n'en demeure pas moins crédible dans sa manière viscérale de provoquer l'effroi face à ces morsures redoutablement mortelles. Des séquences étonnamment impressionnantes qui sont parvenues à me procurer de cinglants frissons notamment de par les effets de surprise savamment procurés. En prime, John Gilling sait utiliser avec dextérité l'effet de suggestion lors de ces rares apparitions afin de mieux cultiver l'angoisse du suspense quand à ses prochaines altercations ! Sur ce point, les séquences chocs s'avèrent aussi redoutablement efficaces à travers leur réalisme incisif et pour l'intensité de l'agonie lorsque les victimes tuméfiés succombent à l'asphyxie. 


Envoûtant et captivant, notamment par son aura de fascination prégnante, la Femme-Reptile privilégie la progression du suspense en utilisant les ressorts dramatiques d'une famille désunie par une conspiration orientale. Epaulé d'un récit remarquablement structuré et du charisme inflexible des comédiens absolument irréprochables, John Gilling exploite un nouvel archétype du monstre humain avec brio indiscutable. Un énième chef-d'oeuvre de la Hammer Films gardant intact son pouvoir d'étrangeté et de séduction. 

Bruno 
06.04.24. 4èx. Vo

vendredi 6 mars 2015

ROAD TO PALOMA

                                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

de Jason Momoa. 2014. U.S.A. 1h31. Avec Jason Momoa, Sarah Shahi, Lisa Bonet, Michael Raymond-James, Wes Studi, Jill Wagner, Timothy V. Murphy, Chris Browning.

Sortie salles U.S: 11 Juillet 2014

FILMOGRAPHIE: Jason Momoa est un acteur et réalisateur américain, né le 1er Août 1979 à Honolulu (Hawaii).
2014: Road to Paloma


Révélé par la série Game of Thrones, l'acteur Jason Momoa s'autorise aujourd'hui de passer derrière la caméra avec Road to Paloma. Un road movie contemplatif illustrant la virée à moto d'un Amérindien après que ce dernier eut vengé la mort de sa mère en assassinant son meurtrier. Recherché par un agent du FBI, Robert Wolf parcourt les contrées de l'ouest américain afin de regagner un lac pour y déposer les cendres de la défunte. Spoiler ! Sur son chemin, il va se lier d'amitié avec un jeune marginal sans le sou, aborder une romance avec une indienne, secourir une femme sauvagement agressée et s'inviter en dernier ressort chez sa soeur pour tenir lieu d'un au revoir, ou d'un adieu... Fin du Spoil.


Pour une première réalisation à faible budget, Jason Momoa privilégie le drame intimiste sur fond de road movie existentiel, l'intrigue relatant les pérégrinations d'un justicier en évasion profondément meurtri depuis le viol de sa mère, faute de crime impuni. Hymne à la liberté et à la beauté de la nature, qu'elle soit esthétiquement sauvage ou épanouie, Jason Momoa voue une sensibilité pour le lyrisme crépusculaire au travers de séquences intimistes en apesanteur où l'émotion vient gentiment nous aborder. La pudeur et la tendresse qui en découlent provoquant chez nous une implication empathique chez la condition mélancolique du protagoniste que Jason Momoa endosse avec virilité et noblesse. Bien que la réalisation ne s'avère pas des plus maîtrisée et que le jeu des acteurs pèche par moments par manque d'aplomb, on peut compter sur l'intégrité de l'auteur à mettre en relief le parcours existentiel d'un Amérindien profondément blessé par les partialités d'une Amérique fourbe n'ayant que peu de déférence auprès de sa communauté. Si le scénario ne réserve guère de surprise quand à l'issue fatale du dénouement et ne fait que souligner le périple indécis du meurtrier en perdition, la beauté formelle d'une nature spirituelle, les touches poétiques fondées sur les notions d'amour et d'amitié, et la revendication d'une justice individuelle, nous touchent par la sincérité du propos.


Avec une volonté d'immerger le spectateur dans une odyssée routière émaillée de lyrisme et de poésie éthérée, Jason Momoa compte sur le témoignage humble de la communauté indienne pour nous laisser dériver vers un no man's land aussi poignant que désenchanté. Un essai prometteur donc, par son charme requis et ses bonnes intentions si on accepte la lenteur de l'intrigue au profit d'une ambiance naturaliste souvent lancinante.

Dédicace à Isabelle Rocton.
Bruno Matéï

jeudi 5 mars 2015

DANSE MACABRE (Danza macabra)

                Photo empruntée sur Google, appartenant au site onashoestringbudgetwithnoshoes.blogspot.com

de Antonio Margheriti et Sergio Corbucci. 1964. Italie. 1h30. Avec Barbara Steele, Georges Rivière, Margarete Robsahm, Henry Kruger, Montgomery Glenn, Sylvia Sorrent.

Sortie salles France: 14 Avril 1965. U.S: 29 Juillet 1964.

FILMOGRAPHIE: Antonio Margheriti (Anthony M. Dawson) est un réalisateur italien, né le 19 septembre 1930 à Rome, décédé le 4 Novembre 2002 à Monterosi.
1960: Le Vainqueur de l'espace. 1962: Les Derniers jours d'un empire. 1963: La Vierge de Nuremberg. 1964: La Sorcière Sanglante. 1964: Les Géants de Rome. 1964: Danse Macabre. 1968: Avec Django, la mort est là. 1970: Et le vent apporta le Violence. 1971: Les Fantômes de Hurlevent. 1973: Les Diablesses. 1974: La brute, le colt et le karaté. 1975: La Chevauchée terrible. 1976: l'Ombre d'un tueur. 1979: l'Invasion des Piranhas. 1980: Pulsions Cannibales. 1980: Héros d'Apocalypse. 1982: Les Aventuriers du Cobra d'Or. 1983: Yor, le chasseur du futur. 1985: L'Enfer en 4è vitesse.


Un an après la Vierge de NurembergAntonio Margheriti se réapproprie de l'épouvante gothique avec Danse Macabre, considérée à juste titre comme sa pièce maîtresse. Cette fois-ci, et à l'instar de son homologue, La Sorcière Sanglante sorti la même année, il requiert l'emploi du noir et blanc pour transcender son conte macabre. Une histoire d'amour impossible (ou presque !) entre un noble cartésien et une revenante d'outre-tombe. A la suite d'un pari avec le propriétaire d'un château, un journaliste doit passer une nuit entière dans sa demeure parmi la potentielle présence de fantômes. A partir de cette trame linéaire digne d'une série Z, Antonio Margheriti exploite son potentiel anxiogène parmi l'originalité d'un script combinant les thématiques de la hantise et du vampirisme. Envoûtant et fascinant par son atmosphère éthérée d'un manoir régi par des amants diaboliques et pendant laquelle un journaliste est venu observer leur potentielle résurrection, Danse Macabre s'applique à nous convaincre de l'intrusion du surnaturel parmi son témoignage en prise avec d'étranges hallucinations. 


Au sein de ce décor gothique poussiéreux, unique refuge des morts, deux univers parallèles coexistent lorsque le visiteur se porte témoin impuissant de la présence des fantômes venus lui remémorer leur passé meurtrier. Incapables d'assumer leur fardeau criminel (ils se sont entretuer pour la rancune d'une adultère) et avides d'amour et de source de vie, il se refusent à emprunter le seuil de l'au-delà mais réussissent à subsister en se nourrissant du sang des vivants. Pour cela, ils n'ont qu'à patienter l'arrivée du nouvel hôte venu s'introduire dans leur propriété le temps d'une nuit en guise de challenge. Abordant les tabous de l'infidélité conjugale et du saphisme en cette époque puritaine, Danse Macabre cultive un certain goût pour l'audace, notamment lors de ses instants de poésie morbide sans doute influencé par Le Masque du Démon de Mario Bava. Je songe particulièrement à la séquence de la crypte auquel un cadavre émacié se met à respirer lentement du fond de son cercueil. Outre l'inquiétude feutrée s'exaltant des parois du manoir, Danse Macabre transfigure la thématique universelle de l'amour passionnel en la présence iconique de Barbara Steele. Cette dernière endossant avec son traditionnel magnétisme sensuel la femme de tous les désirs que notre journaliste s'alloue inévitablement de courtiser. Par le biais de ce couple en quête d'étreinte éternelle, le film fait preuve d'un romantisme éperdu dans leur condition maudite et leur soutien mutuel à se prémunir de la mort. C'est d'ailleurs par l'amour qu'Elisabeth se sent en vie avant de se contenter du sang des vivants. 


Le château des amants maudits
Fascinant et envoûtant dans le parcours chaotique d'un athée gagné par une paranoïa progressive car témoin malgré lui de l'existence après la mort, Danse Macabre encense le poème macabre, ou l'art de narrer la romance improbable entre deux amants divisés par leur condition existentielle. Celle des inconséquences de la vie et de la mort. 

Bruno Matéï
3èx

mercredi 4 mars 2015

THE VOICES. Prix du Public, Prix du Jury, Gerardmer 2015.

                                                                             Photo empruntée sur Google, appartenant au site comingsoon.net

de Marjane Satrapi. 2014. U.S.A./Allemagne. 1h47. Avec Ryan Reynolds, Gemma Arterton, Anna Kendrick, Jacki Weaver, Ella Smith, Paul Chahidi, Stanley Townsend.

Sortie salles France: 11 Mars 2015. U.S: 6 Février 2015

Récompenses: Prix du Nouveau Genre, l'Etrange Festival, 2014
Prix du Public, l'Etrange Festival, 2014
Prix du Public, Gerardmer 2015
Prix du Jury, Gérardmer 2015

FILMOGRAPHIE: Marjane Satrapi est une réalisatrice française d'origine iranienne et auteur de bande dessinée, née le 22 Novembre 1969 à Rasht, Iran.
2007: Persepolis. 2011: Poulet aux prunes. 2013: La Bande des Jotas. 2014: The Voices.


"Le fait d'être seul dans ce monde est à la source de toutes nos souffrances"

Révélée par Persepolis, la réalisatrice franco-iranienne Marjane Satrapi avait ensuite déçue une partie du public avec ses deux métrages suivants, Poulet aux Prunes et La Bande des Jotas. Aujourd'hui revigorée car terriblement inspirée pour illustrer le cas pathologique d'un serial-killer communiquant avec ses animaux familiers, The Voices fait office d'ovni au vitriol dans son alliage de comédie romantique (photo acidulée à l'appui !) et d'horreur malsaine (gore graphique inscrit parfois dans la crudité à l'instar du 1er meurtre). Récompensé à l'Etrange Festival et à Gérardmer, ce métrage esthétiquement stylisé n'a pas volé ses prix tant il redouble d'originalité et d'insolence à illustrer le profil désaxé d'un individu réduit à la solitude depuis son enfance galvaudée (quelques flash-back viendront d'ailleurs nous éclairer sur son passé de maltraitance et son obédience à passer à l'acte irréparable).


Dans un désir de provoquer le spectateur et d'y corrompre nos habitudes par le principe ludique de la comédie, Marjane Satrapi exploite ici d'autant mieux l'horreur glauque et la poésie macabre chez l'introspection d'un maniaque infantile, Jerry Hickfang, refusant d'assumer sa stature psychotique. Sa perte de contact avec la réalité l'incitant par son isolement à communiquer avec son chat et son chien, successivement les acteurs de sa conscience segmentée entre le Bien (le chien) et le Mal (le chat). Jerry ne cessant de remettre en question sa dualité perpétuelle de pouvoir refréner le mal afin de promouvoir le bien. Rehaussé de l'interprétation de Ryan Reynolds, l'acteur porte le film sur ses frêles épaules dans sa dimension humaniste de victime férue d'amour impossible et de rédemption, car littéralement torturé par ses voix contradictoires de la raison et de la démence. Observant sa quotidienneté intimiste parmi ses animaux familiers au sein de son foyer, le film ne cesse de jongler avec les genres contradictoires pour mieux distiller le malaise d'un climat étouffant auquel l'effluve des cadavres putréfiés commence sérieusement à s'y exalter. Jalonné de situations gentiment sardoniques afin de mettre en exergue le caractère pathétique de sa condition psychosée, à l'instar des conversations qu'il s'imagine avec les têtes de ses victimes, le film oscille entre les sentiments de tendresse et d'angoisse pour sa stature inconsciente de criminel malgré lui, et cela en dépit de la parole rassurante de son chien et du soutien de sa thérapeute. Avec son allure de charmant garçon timoré aussi fragile qu'hostile, l'empathie qu'on lui accorde continue de provoquer chez nous un malaise tangible souvent intense lorsque l'on redoute sa prochaine exaction à commettre l'irréparable.


Comédie horrifique littéralement étranglée par le caractère glauque d'une ambiance déjantée volontairement ubuesque, The Voices occasionne la gêne morale dans cette douce descente aux enfers vers la psychose. Il en émane un ovni atypique brillamment inventif et techniquement travaillé, dont la prestance poignante de Ryan Reynolds provoque autant l'amertume que l'agrément dans sa facture schizophrène. Incessamment dérangeant, difficile de sortir indemne d'une farce aussi épouvantablement corrosive ! 

Bruno Matéï

mardi 3 mars 2015

La Vierge de Nuremberg / La vergine di Norimberga

                                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site avoir-alire.com

de Antonio Margheriti. 1963. Italie. 1h27. Avec Rossana Podestà, Georges Rivière, Christopher Lee, Jim Dolen, Lucile Saint-Simon.

Sortie salles France: 3 Février 1965

FILMOGRAPHIE: Antonio Margheriti (Anthony M. Dawson) est un réalisateur italien, né le 19 septembre 1930 à Rome, décédé le 4 Novembre 2002 à Monterosi. 1960: Le Vainqueur de l'espace. 1962: Les Derniers jours d'un empire. 1963: La Vierge de Nuremberg. 1964: La Sorcière Sanglante. 1964: Les Géants de Rome. 1964: Danse Macabre. 1968: Avec Django, la mort est là. 1970: Et le vent apporta le Violence. 1971: Les Fantômes de Hurlevent. 1973: Les Diablesses. 1974: La brute, le colt et le karaté. 1975: La Chevauchée terrible. 1976: l'Ombre d'un tueur. 1979: l'Invasion des Piranhas. 1980: Pulsions Cannibales. 1980: Héros d'Apocalypse. 1982: Les Aventuriers du Cobra d'Or. 1983: Yor, le chasseur du futur. 1985: L'Enfer en 4è vitesse.


Considéré comme l'un des fleurons de l'horreur transalpine au sein de la carrière inégale de Margheriti, La Vierge de Nuremberg emprunte le cinéma gothique parmi l'originalité d'un script débridé.  Chaudement photographié à travers sa lumière sépia transfigurant l'architecture gothique d'un manoir jalonné de pièces secrètes, chambre de tortures et galeries souterraines, La Vierge de Nuremberg épouse l'esthétisme pictural avant de nous embarquer dans une intrigue machiavélique au suspense charpenté. Le pitchA la suite d'un cauchemar, Mary se réveille pour entendre des cris en interne du château auquel elle vient d'emménager avec son époux. Ces supplices l'entraînent finalement vers la salle des tortures. Attirée par l'instrument de la Vierge de Nuremberg, elle décide d'ouvrir le sarcophage orné de pointes pour découvrir le corps sans vie d'une jeune femme énuclée. Après avoir perdu connaissance, elle se réveille dans sa chambre parmi le témoignage de son mari. Il lui explique alors qu'elle sort d'un mauvais cauchemar. Mais l'attitude interlope d'une des gouvernantes et du valet finissent par la convaincre que cette nuit de cauchemar n'était point le fruit de son imagination. Baignant dans le climat envoûtant d'un manoir vétuste hanté des exactions moyenâgeuses d'un ancêtre sadique, La Vierge de Nuremberg cultive un goût pour le macabre et le malsain parmi l'originalité d'un script usant de faux suspects et estocades meurtrières pour mieux laisser planer l'ambiguïté. 


Dominé par la présence charnelle de Rossana Podestà, le cheminement narratif est entièrement alloué à l'instinct investigateur de son personnage sévèrement malmené par l'entourage familial. Une épouse démunie déambulant seule dans les salles du château entre appréhension et fascination puisque témoin malgré elle du potentiel coupable après avoir subi les visions morbides de cadavres mutilés. A ce titre, on peut mettre en exergue le caractère atroce de la torture du rat lorsqu'une femme est retrouvée la tête encagée avec le rongeur venu lui dévorer la bouche ! Une séquence viscérale assez intense et audacieuse,  toujours aussi impressionnante aujourd'hui, notamment pour l'effet de répulsion causé en caméra subjective et usant (même si discrètement) de gore graphique. Outre la flamboyance gothique de ses décors raffinés, de l'interprétation aérienne de Rossana Podesta et des seconds-rôles taillés à la serpe (Christopher Lee et Anny Delli Uberti mènent diaboliquement la danse !), La Vierge de Nuremberg sait entretenir un suspense affûté lorsque notre héroïne tente avec prudence d'ôter la soutane de l'inquisiteur. Jouant avec l'icône du spectre maudit revenu d'entre les morts pour s'y venger, Antonio Margheriti dépoussière l'épouvante séculaire par le biais d'une intrigue délirante faisant intervenir Spoil ! l'horreur du nazisme et ses expérience médicales officieuses. Le dénouement haletant s'avérant d'ailleurs assez glauque et poignant lorsque le passé traumatique du meurtrier nous est détaillé parmi l'implication d'une vendetta, et ce avant de nous révéler l'apparence sentencieuse de son visage meurtri Fin du Spoiler


Irrésistiblement envoûtant auprès de son ambiance insolite aussi macabre que malsaine et cultivant l'art d'y conter une intrigue à suspense plutôt fétide, La Vierge de Nuremberg créé la surprise d'une horreur hybride Spoil ! en affiliant les horreurs chirurgicales du Nazisme fin du Spoil avec l'intégrisme médiéval. Chef-d'oeuvre gothique iconoclaste au demeurant comme seuls les italiens ont le secret ! 

*Bruno
28.12.22. 4èx

lundi 2 mars 2015

LA PARTY

                                                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site galleryhip.com

de Blake Edwards. 1968. U.S.A. 1h39. Avec Peter Sellers, Claudine Longet, J. Edwards McKinley, Marge Champion, Sharron Kimberly, Denny Miller.

Sortie salles France: 13 Août 1969

FILMOGRAPHIE: Blake Edwards est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur américain, né le 26 Juillet 1922 à Tulsa (Oklahoma), décédé le 15 Décembre 2010 à Santa Monica (Californie).
1955: Bring your smile along. 1956: Rira bien. 1957: L'Extravagant Mr Cory. 1958: Le Démon de Midi. 1958: Vacances à Paris. 1959: Opération jupons. 1960: Une seconde jeunesse. 1961: Diamants sur canapé. 1962: Allô, brigade spéciale. 1962: Le Jour du vin et des roses. 1963: La Panthère Rose. 1964: Quand l'inspecteur s'emmêle. 1965: La Grande course autour du monde. 1966: Qu'as-tu fait à la guerre, papa ? 1967: Peter Gunn, détective spéciale. 1968: La Party. 1970: Darling Lili. 1971: Deux Hommes dans l'Ouest. 1972: Opération Clandestine. 1973: Top Secret. 1975: Le Retour de la Panthère Rose. 1976: Quand la panthère rose s'emmêle. 1978: La Malédiction de la Panthère rose. 1979: Elle. 1981: S.O.B. 1982: Victor, Victoria. 1982: A la recherche de la Panthère Rose. 1983: L'Hériter de la Panthère rose. 1984: L'homme à femmes. 1984: Micki et Maude. 1986: Un sacré bordel. 1986: That's Life. 1987: Boires et Déboires. 1988: Meurtre à Hollywood. 1988: L'Amour est une grande aventure. 1991: Dans la Peau d'une blonde. 1993: Le Fils de la Panthère rose.


Grand classique de la comédie américaine, La Party réunit à nouveau le tandem payant de la Panthère Rose, Black Edwards/Peter Sellers, pour un délire impayable digne des facéties de Chaplin et Laurel et Hardy. Le moteur des séquences comiques fonctionnant également sur la pantomime du personnage principal sujet à moult incidents mineurs mais qui vont rapidement en enchaîner d'autres dans un concours de circonstances désastreuses. La gestuelle et la physionomie décontractée de Peter Sellers déclenchant le rire nerveux dans sa nature inconsciente de gaffeur intarissable.



Incidemment invité lors d'une réception mondaine chez un riche producteur de cinéma, un acteur indien va accumuler des bévues toujours plus catastrophistes et entraîner avec lui les invités dans une hystérie collective ! Immense éclat de rire confiné autour d'une luxueuse villa, Black Edwards utilise l'unité de lieu avec inventivité, le décor amovible servant également de pivot électronique pour déclencher des situations catastrophiques aussi débridées qu'inopinées. Si la présence irrésistible de Peter Sellers doit beaucoup à l'énergie comique de sa discrétion fantasque, certains seconds-rôles (deux des majordomes opérant le service aux invités vont finir par s'affronter parce que l'un d'eux est atteint d'ébriété !) insufflent autant le rire incontrôlée dans leur conflit d'autorité. Par le biais de cette soirée mondaine de prime abord pacifique, Black Edwards se permet un joli pied de nez au snobisme d'Hollywood avec cet indien perturbateur venu désinhiber la vanité des invités. Ce qui culmine d'ailleurs à un final apocalyptique lorsque la réception dévergondée tourne à l'hystérie infantile lors d'un gigantesque bain de mousse causé par le nettoyage d'un bébé pachyderme ! Mais bien avant ce délire orgasmique où toutes les bévues sont déployées avec une frénésie communicative, Peter Sellers aura accompli le tour de force comique de nous amuser dans ses vicissitudes malchanceuses et avant de nous attendrir parmi la chaude complicité d'une comédienne en herbe.


Désopilant et pittoresque dans sa succession de gags jamais à court d'idées saugrenues, La Party n'oublie pas non plus de nous émouvoir par l'entremise d'une tendre romance où la candeur des sentiments effleure la féerie. Transcendé par le tempérament flegmatique du clown Peter Sellers, cette comédie cartoonesque distille un charme, une bonne humeur et une vigueur toujours aussi rafraîchissantes.   

Bruno Matéï
2èx

jeudi 26 février 2015

Le Voyeur / Peeping Tom

                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site discreetcharmsandobscureobjects.blogspot.co

de Michael Powell. 1960. Angleterre. 1h41. Avec Karlheinz Böhm, Anna Massey, Maxine Audley, Moira Shearer, Esmond Knight, Michael Goodliffe, Jack Watson.

Sortie salles France: 21 Septembre 1960. Angleterre: 7 Avril 1960

FILMOGRAPHIE: Michael Powell est un réalisateur britannique, né le 30 septembre 1905 à Bekesbourne, décédé le 19 Février 1990 à Avening, Gloucestershire. 1937: A l'angle du monde. 1939: L'Espion noir. 1939: Le Lion a des ailes. 1940: Le Voleur de Bagdad. 1940: Espionne à bord. 1941: 49è parallèle. 1942: Un de nos avions n'est pas rentré. 1943: The Volunteer. 1943: Colonel Blimp. 1944: A Canterbury Tale. 1945: Je sais où je vais. 1946: Une Question de vie ou de mort. 1947: Le Narcisse Noir. 1948: Les Chaussons Rouges. 1948: The Small Back Room. 1950: La Renarde. 1950: The Elusive Pimpernel. 1951: Les Contes d'Hoffman. 1955: Oh! Rosalinda ! 1956: La Bataille du Rio de la Plata. 1956: Intelligence Service. 1959: Lune de Miel. 1960: Le Voyeur. 1961: The Queen's Guards. 1964: Le Château de Barbe-Bleue. 1966: They're a Weird Mob. 1969: Age of Consent.


"Selon l'analyse psychanalytique de Laura Mulvey, il existe deux sources principales de plaisir visuel au cinéma : la scopophilie et le narcissisme."

Traitant du thème de la scopophilie (ou scoptophilie), c'est à dire la pulsion sexuelle, le plaisir de regarder l'autre comme objet de plaisir qu'il soumet à son regard contrôlant, Le Voyeur relate la dérive obsessionnelle d'un serial-killer d'un genre particulier. Un cinéaste obsédé à l'idée de filmer l'agonie des femmes dans sa plus horrifiante expression. Car par le biais d'un procédé technique astucieux dont je me tairai de vous révéler, Mark Lewis tue ses victimes à l'aide de sa caméra meurtrière. Si bien que traumatisé dès son enfance par un paternel étudiant ses réactions de peur et de voyeurisme sexuel par l'entremise d'une caméra, Mark désire transcender ces travaux pour façonner un documentaire encore plus édifiant ! Supprimer la vie d'autrui et continuer d'inscrire sur pellicule l'expression de terreur la plus significative au moment suprême de la mort !


« La photo, c'est la chasse. C'est l'instinct de chasse sans l'envie de tuer. C'est la chasse des anges… On traque, on vise, on tire et clac ! Au lieu d'un mort, on fait un éternel. »

Discrédité par les critiques lors de sa sortie en raison de son climat malsain, ses traits d'humour noir et de son sujet déviant impopulaire auprès du public préférant se ruer sur le cas schizophrène de Norman Bates dans Psychose, Le Voyeur pratique la mise en abyme lorsqu'il dépeint l'improbable portrait d'un cinéaste (et photographe de charme à ses heures perdues !) prisonnier de ses obsessions morbides. Sans jamais céder à une quelconque outrance, Michael Powell compte sur le climat malsain d'un environnement cinégénique et sur l'interprétation magnétique de Karlheinz Böhm pour nous entraîner dans un voyage au bout de la peur du point de vue du 7è art. Notamment en nous interpellant sur notre curiosité masochiste face à l'image interdite mais aussi sur nos pulsions sexuelles tributaires de notre instinct voyeuriste. Le pouvoir de l'écran étant également mis en cause lorsque la victime ne peut s'empêcher d'observer la toile pour découvrir avec stupeur l'obscénité d'un snuf-movie ! Pis encore, par le biais de la mort en direct, Michael Powell révèle l'effet hypnotique de l'angoisse, cette terreur viscérale de succomber au trépas par le procédé d'un reflet de miroir ! Quoi de plus horrifiant que de contempler sa propre agonie ! Redoutablement pervers et troublant, le Voyeur traite également du fétichisme lorsque le tueur est incapable de se séparer de sa caméra car n'ayant comme seule attache sa passion artistique avec la volonté de surpasser l'illusion de la fiction. La quête du réalisme le plus intense, sa fascination pour la mort ("si la mort a un visage, elles l'ont toutes vues" exprimera-t'il à sa dernière victime !) le mèneront à une descente aux enfers irréversible où l'expiation sera son seul salut.


L'expression morbide au cinéma. 
Malsain et dérangeant mais redoutablement fascinant et inquiétant de par ses réflexions audacieuses sur la scoptophilie et notre rapport pervers face à l'image tapageuse, Le Voyeur redouble d'originalité pour inscrire sur pellicule le portrait d'une victime ébranlée par ses bas-instincts tout en suggérant la légende urbaine (?) du snuff-movie. Un chef-d'oeuvre iconoclaste redoutablement lucide car traduisant par les névroses du tueur notre propre image voyeuriste !

Bruno 
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mardi 24 février 2015

ANGEL

                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site discreetcharmsandobscureobjects.blogspot.co

de Robert Vincent O'Neill. 1984. U.S.A. 1h34. Avec Donna Wilkes, Cliff Gorman, Susan Tyrrell, Dick Shawnn Rory Calhoun.

FILMOGRAPHIE: Robert Vincent O'Neill est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur américain. 1969: Like mother like daughter. 1970: The Psycho Lover. 1970: Blood Mania. 1973: Wonder Women. 1976: Paco. 1984: Angel. 1985: Angel 2 (The Avenging angel).


Gros succès à sa sortie, tant en salles US que chez nous sous support VHS, Angel surfe sur l'exploitation des Vigilante Movies en vogue au début des eighties. Par le profil ombrageux du tueur et son ambiance nocturne d'une jungle urbaine hantée de détraqués et excentriques en tous genres, cette série B peut évoquer l'excellent Vice Squad de Sherman ou encore le non moins épatant New-York, 2 heures du matin de Ferrara. D'ailleurs, le film eut une telle renommée auprès du public que deux autres volets ont été mis en chantier en 85 et en 88. Ce dernier opus étant réalisé par Tom De Simone, un spécialiste du WIP à qui l'on doit Les Anges du Mal 2, Quartiers de Femmes, Chained ou encore Hell Night dans un domaine autrement horrifique. Le pitch se résume à la descente aux enfers d'une jeune collégienne, Angel, 16 ans, contrainte de se prostituer la nuit faute de démission parentale. En prime, un dangereux psychopathe commence à sévir dans le boulevard de Los-Angeles auquel elle pratique ses activités puisque l'une de ses amies est retrouvée sauvagement assassinée. Alors que la police enquête afin de le démasquer, le lieutenant Andrews s'intéresse d'un peu plus près aux activités illégales d'Angel logeant à l'enseigne d'un immeuble miteux et fréquentant des laissés pour compte.


B movie entièrement bâti sur le concept ludique d'un thriller horrifique mené tambour battant (poursuites et fusillades sanglantes à l'appui !), Angel réussit à susciter l'enthousiasme, notamment grâce à son habile dosage de cocasserie, de tendresse et de dramaturgie. Le récit assez efficace ne cessant de télescoper comportements loufoques de marginaux épris d'amitié pour Angel, tendresse poignante impartie à sa solitude existentielle, compassion d'un flic indulgent, et déambulation nocturne du serial-killer aux pulsions meurtrières erratiques. Si le film fait preuve d'un charme envoûtant dans sa photogénie insécurisante d'un Los Angeles illuminé de néons flashy, il doit également beaucoup de son attrait à la présence extravagante des seconds-rôles (un travelo gaillard, un retraité camouflé en Buffalo Bill, une garçonne braillarde), quand bien même Angel mène la danse avec fragilité et un sang froid toujours plus inflexible. Donna Wilkes se prêtant à merveille dans la peau d'une midinette à couettes bientôt submergée par sa rancoeur expéditive. A ce stade, il faut la voir manier de ses petites mains du gros flingue et courser sur un boulevard bondé de citadins un serial-killer déguisé en hindouiste pour mieux duper la police. Sur ce dernier point, et dans un jeu entièrement mutique, John Diehl compte sur la neutralité de son regard diaphane pour nous retransmettre l'expression dérangée d'un état d'âme sexuellement refoulé.


Thriller horrifique décomplexé par ses moult circonstances pittoresques, sa violence parfois cartoonesque (le carnage dans le commissariat, la poursuite urbaine au final homérique !) et ces instants de tendresse pour la caractérisation démunie d'une prostituée au grand coeur, Angel remplit aisément son contrat de produit d'exploitation dans une facture bisseuse irrésistiblement attractive. A l'instar de son score aux percussions stridentes et des trognes de secondes zone se prêtant au jeu avec une bonhomie communicative. Pour parachever, on ne manquera pas non plus de se réjouir de la stature pugnace d'une Bronson en jupe courte et de l'esthétisme rutilant d'un Los-Angeles noctambule livré aux meurtres et au racolage. 
A découvrir d'urgence pour tous les amoureux de Vigilante Movies, en attendant (avec une certaine crainte) les opus 2 et 3 !

Toute mon affection à CONTREBANDE VHS
Bruno Matéï

lundi 23 février 2015

FOXCATCHER. Prix de la Mise en scène, Cannes 2014.

                                                                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

de Bennett Mille. 2014. U.S.A. 2h15. Channing Tatum, Mark Ruffalo, Steve Carell, Sienna Miller, Anthony Michael Hall, Guy Boyd, Vanessa Redgrave.

Sortie salles France: 21 Janvier 2015. U.S: 14 Novembre 2014

FILMOGRAPHIE: Bennett Mille est un réalisateur américain, né le 30 Décembre 1966.
2005: Truman Capote. 2011: Le Stratège. 2014: Foxcatcher.


Tiré d'une histoire vraie relatant le destin peu commun de deux champions de luttes, deux frères au caractère bien distinct mais à l'esprit sportif incorrigible, Foxcatcher aborde les thématiques de la jalousie, de la rancune, de l'échec personnel et du complexe d'infériorité autour des profils introvertis d'un milliardaire et d'un jeune lutteur en soif de reconnaissance. A la suite du compromis du richissime John du Pont, le jeune lutteur Mark Schultz reçoit l'opportunité de résider dans sa luxueuse demeure afin de pouvoir s'entraîner pour concourir aux jeux olympiques de Seoul de 1988. Si de prime abord, leur relation amicale est au beau fixe, l'attitude capricieuse de John du Pont, son penchant pour la cocaïne et son complexe d'autorité finissent par nuire à l'équilibre sportif de Mark Schultz. En prime, depuis l'arrivée du frère aîné de ce dernier, mentor de lutte affirmé, la relation houleuse du trio va adopter une tournure autrement plus complexe dans leurs rapports de force. 


Film dramatique d'une intensité poignante pour le portrait imparti à trois individus unifiés par la passion mais au style de vie contradictoire, Foxcatcher transfigure leur psychologie torturée parmi la sobriété de comédiens époustouflants de charisme renfrogné. Steve Carrel, méconnaissable, endossant dans une stature aussi rigide qu'impassible l'ambivalence d'un milliardaire rongé par la frustration. Celui de n'avoir jamais pu s'imposer aux yeux des autres comme un mentor reconnu et d'avoir été discrédité par une mère intolérante de sa passion sportive ! Secondé par Channing Tatum, l'acteur lui prête la vedette avec la modestie d'un caractère introverti. Un jeune lutteur aussi fragile que susceptible mais délibérément épris de gagne malgré l'humiliation d'un milliardaire faussement paternel. Enfin, Mark Ruffalo emprunte la carrure virile d'un père de famille aimant et celui d'un coach expérimenté toujours plus soucieux à veiller sur l'équilibre de son cadet en crise identitaire. Devant la caméra virtuose de Bennett Mille, ce trio maudit se dispute le pouvoir avec l'émotion de la réserve, faute de se plier à l'orgueil d'un rupin versatile et avant que les éclairs de violence ne prennent le pas sur la révolte.


Drame humain régit autour de l'échec personnel et de la solitude, réflexion sur l'affirmation de soi et le poids de la jalousie, Foxcatcher aborde ici le problème de la reconnaissance parmi la maîtrise d'une mise en scène épurée et le numéro de comédiens criants d'humanisme contrarié ! Une oeuvre subtile dans sa manière d'ausculter les fêlures intrinsèques de nos témoins, une confrontation d'autant plus intense et douloureuse que la tournure de son final dramatique s'affranchie de manière aussi soudaine qu'inopinée ! Du grand cinéma, humble et remarquablement conté. 

Remerciement à Pascal Frezzato.
Bruno Matéï

RécompensesFestival de Cannes 2014 : Prix de la mise en scène pour Bennett Miller
Festival du film de Hollywood 2014 : Hollywood Ensemble Cast Award
American Film Institute Awards 2014 : top 10 des meilleurs films de l'année
Gotham Awards 2014 : Special Jury Award pour Steve Carell, Mark Ruffalo et Channing Tatum
Film Independent's Spirit Awards 2015 : Special Distinction Award pour Bennett Miller
National Society of Film Critics Awards 2015 : meilleur acteur dans un second rôle pour Mark Ruffalo (2e place)

    vendredi 20 février 2015

    The Town that dreaded Sundown

                                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site traileraddict.com

    d'Alfonso Gomez-Rejon. 2014. U.S.A. 1h26. Avec Addison Timlin, Gary Cole, Edward Herrmann, Veronia Cartwright, Ed Lauter, Gracie Whitton, Joshua Leonard.

    Sortie salles U.S: 16 Octobre 2014

    FILMOGRAPHIE: Alfonso Gomez-Rejon est un réalisateur et producteur américain, né à Laredo, Texas.
    2014: The Town that dreaded sundown. 2015: Me and earl and the Dying Girl.


    Séquelle d'un slasher de 1976 inspiré de fait réels (d'autres évoqueront l'enseigne du Remake !), The Town that dreaded sundown relate les nouvelle exactions d'un copycat surnommé "le Fantôme" après que la population de l'Arkansas eut été témoin d'une vague de crimes inexpliqués 65 ans au préalable. Alors que son petit ami vient de se faire assassiner sous ses yeux à proximité d'un bois, Jami réussit in extremis à échapper à son tortionnaire. Avec l'aide de la police et d'un acolyte, elle décide de mener sa propre enquête qui l'orientera vers les origines du Fantôme. Dans la mouvance des slashers de commande, The Town that dreaded sundown tire assez bien son épingle du jeu grâce à l'efficacité d'une réalisation épurée et la flamboyance d'une photo à tomber à la renverse. C'est bien là les qualités premières que l'on peut lui prôner tant le film regorge de trouvailles visuelles dans ses cadrages tarabiscotés quand bien même le cinéaste nous façonne des séquences surréalistes souvent imprégnées d'onirisme crépusculaire (la poursuite nocturne dans les champs culminant avec l'apparition sardonique d'un épouvantail sous un clair de lune, l'agression dans la décharge ou celle en externe de l'hôtel !). 


    Si le scénario sans surprise se contente de structurer une investigation de longue haleine régentée par l'héroïne, l'énigme centrée sur l'ambiguïté d'une filiation s'avère assez convaincante même si son final à rebondissement pèche un peu par outrance quant à l'identification du tueur (on peut aussi l'accepter comme un clin d'oeil amusé aux slashers des années 80 !). Pratiquant également la mise en abîme afin de rendre hommage à son modèle, on sent que Alfonso Gomez-Rejon est motivé à respecter la première mouture de 76 lorsque le film est par exemple diffusé à plusieurs reprises dans un drive-in ou dans l'intimité d'un foyer, et lorsque Jami et son compagnon partent à la rencontre du fils du cinéaste où affiches et goodies sont éparpillés sur les murs. Le fantôme du film de Charles B. Pierce semble alors déteindre sur la pellicule d'Alfonso Gomez-Rejon ! Outre la dextérité d'un montage nerveux et d'un esthétisme stylisé littéralement prégnant, l'impact sanglant des meurtres réguliers se pare d'une brutalité taillée dans le réalisme, voire notamment d'une originalité pour l'audace de certaines mises à mort. Enfin, l'héroïne juvénile endossée par Addison Timlin élude intelligemment la caricature de la potiche décervelée dans sa fonction de victime traquée puis d'investigatrice, ou dans son héroïsme de dernier ressort, à l'instar du prologue meurtrier hétérodoxe et d'une poursuite finale assez homérique ! 


    Loin de révolutionner le genre, The Town that dreaded sundown compte sur la forme pour impressionner (et séduire !) le spectateur dans le cadre d'un psycho-killer efficacement géré malgré sa défaillance narrative. Mais le charisme inquiétant du fantôme masqué, la fulgurance de sa photo stylisée, l'onirisme macabre qui émane de certaines séquences horrifiques et sa bande-son incisive le configurent au dessus de la moyenne du genre. 

    Remerciements à Cid Orlandou, Isabelle Rocton et Otto Rivers
    Bruno Matéï

    jeudi 19 février 2015

    AMERICAN SNIPER

                                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site indiatoday.intoday.in

    de Clint Eastwood. 2014. U.S.A. 2h12. Avec Bradley Cooper, Sienna Miller, Jake McDorman, Luke Grimes, Kyle Gallner, Keir O'Donnell, Eric Close.

    Sortie salles France: 18 Février 2015. U.S: 16 Janvier 2015

    FILMOGRAPHIE: Clint Eastwood est un acteur, réalisateur, compositeur et producteur américain, né le 31 Mai 1930 à San Francisco, dans l'Etat de Californie.
    1971: Un Frisson dans la Nuit. 1973: L'Homme des Hautes Plaines. 1973: Breezy. 1975: La Sanction. 1976: Josey Wales, Hors la Loi. 1977: L'Epreuve de Force. 1980: Bronco Billy. 1982: Firefox, l'arme absolue. 1982: Honkytonk Man. 1983: Sudden Impact. 1985: Pale Rider. 1986: Le Maître de Guerre. 1988: Bird. 1990: Chasseur Blanc, Coeur Noir. 1990: Le Relève. 1992: Impitoyable. 1993: Un Monde Parfait. 1995: Sur la route de Madison. 1997: Les Pleins Pouvoirs. 1997: Minuit dans le jardin du bien et du mal. 1999: Jugé Coupable. 2000: Space Cowboys. 2002: Créance de sang. 2003: Mystic River. 2004: Million Dollar Baby. 2006: Mémoires de nos pères. 2006: Lettres d'Iwo Jima. 2008: L'Echange. 2008: Gran Torino. 2009: Invictus. 2010: Au-delà. 2011: J. Edgar. 2014: Jersey Boys. 2015: American Sniper.


    Pris dans la tourmente d'une guerre irakienne impitoyable et chargé de relever plusieurs missions afin d'annihiler un dangereux terroriste, Chris Kyle finit par accéder à une réputation légendaire, à point tel que le camp ennemi s'est juré de mettre sa tête à prix. Outre le fait pour les Navy de mettre hors d'état de nuire un franc-tireur d'Al-Qaïda, l'absurdité des conflits est notamment compromise par la rivalité d'un redoutable sniper irakien aussi méticuleux dans son sens acéré de l'assassinat. Impression trouble et persistante d'avoir vécu quelque chose d'ambigu à la sortie de la projo du nouvel EastwoodAmerican Sniper distillant une aura de souffre pour l'empathie ambivalente allouée au héros américain. Un soldat destitué de son identité depuis la fin de ses missions car hanté par sa morale et brimé par l'insatisfaction de la victoire. Cet endoctrinement de la violence et de la perversion, comme celui d'hésiter à assassiner un enfant martyr, est établi du point de vue d'un tireur d'élite contraint d'éradiquer homme, femme ou bambin s'ils représentaient une menace létale pour les Navy Seals. Dans sa position de sniper à l'affût du moindre danger, Chris Kyle va au fil des mois essuyer honneur et bravoures tout en se portant témoin des horreurs de la guerre et comptabiliser les victimes des ses confrères sacrifiés au champ d'honneur.


    La manière subtile dont Eastwood aborde aujourd'hui le trauma de la guerre préconise le non-dit lorsqu'il s'agit d'ausculter le comportement névrosé du tueur d'élite prenant goût à la violence pour une cause d'assistance envers les démunis (une doctrine inculquée dès son plus jeune âge par son père !) et de patriotisme (aimer et servir la dignité de son pays). Observant le visage impassible de Bradley Cooper ciblant sa nouvelle proie avec une précision chirurgicale, juste avant d'exercer la détente, l'acteur réussit à imposer un jeu viscéral bâti sur le self-control mais aussi la prise de conscience redoutée de sacrifier l'innocence. Son parcours immoral, sa descente insinueuse aux enfers sont notamment désamorcées par la fatalité d'une ironie acerbe, celle d'un revirement aussi paradoxal qu'inopiné. Outre la virtuosité de sa mise en scène épurée ne sombrant jamais dans la complaisance de l'actionner bourrin, Clint Eastwood filme cette sale guerre avec la grande efficacité d'un montage rigoureux alternant guérillas cinglantes, accalmies de repos et intimité des rapports de couple. Sur ce dernier point, l'incertitude est aussi à l'appel lorsque le cinéaste s'attarde sur le retour au bercail de Chris littéralement hanté par ses démons et son accoutumance à l'exécution sommaire, quand bien même sa femme observe ses névroses avec une inquiétude prémonitoire. Ses épisodes intimistes inscrits dans l'aigreur, l'anxiété mais aussi le réconfort convergent à une conclusion lourde de sens dans sa réflexion admise sur la notion d'héroïsme ainsi que la répercussion de nos actions. 


    Baignant dans une atmosphère malsaine redoutablement insidieuse, on quitte American Sniper avec le poids de l'amertume d'avoir suivi le trajet introspectif d'un héros américain hanté par le regret de ses actes barbares et avant de succomber dans une destinée aussi absurde que sa posture glorifiante d'icone américain. Réfutant la carte de l'outrance dans sa représentation animale de la guerre, le dernier Eastwood risque de faire grincer certaines dents mais il s'agit à mon sens d'un réquisitoire, d'un grand film noble sur la défaite de la guerre et le sens moral de nos principes héroïques. 

    Ci-dessous, la critique de mon ami Gilles Rolland:
    http://www.onrembobine.fr/critiques/critique-american-sniper

    Bruno Matéï

    RécompensesAmerican Film Institute Awards 2014 : top 10 des meilleurs films de l'année
    Boston Society of Film Critics Awards 2014 :
    Meilleur réalisateur pour Clint Eastwood
    Meilleur montage pour Joel Cox et Gary Roach
    National Board of Review Awards 2014 :
    Top 2014 des meilleurs films
    Meilleur réalisateur pour Clint Eastwood
    Critics' Choice Movie Awards 2015 : meilleur acteur dans un film d'action pour Bradley Cooper