Photo empruntée sur Google, appartenant au site comingsoon.net
de Marjane Satrapi. 2014. U.S.A./Allemagne. 1h47. Avec Ryan Reynolds, Gemma Arterton, Anna Kendrick, Jacki Weaver, Ella Smith, Paul Chahidi, Stanley Townsend.
Sortie salles France: 11 Mars 2015. U.S: 6 Février 2015
Récompenses: Prix du Nouveau Genre, l'Etrange Festival, 2014
Prix du Public, l'Etrange Festival, 2014
Prix du Public, Gerardmer 2015
Prix du Jury, Gérardmer 2015
FILMOGRAPHIE: Marjane Satrapi est une réalisatrice française d'origine iranienne et auteur de bande dessinée, née le 22 Novembre 1969 à Rasht, Iran.
2007: Persepolis. 2011: Poulet aux prunes. 2013: La Bande des Jotas. 2014: The Voices.
"Le fait d'être seul dans ce monde est à la source de toutes nos souffrances"
Révélée par Persepolis, la réalisatrice franco-iranienne Marjane Satrapi avait ensuite déçue une partie du public avec ses deux métrages suivants, Poulet aux Prunes et La Bande des Jotas. Aujourd'hui revigorée car terriblement inspirée pour illustrer le cas pathologique d'un serial-killer communiquant avec ses animaux familiers, The Voices fait office d'ovni au vitriol dans son alliage de comédie romantique (photo acidulée à l'appui !) et d'horreur malsaine (gore graphique inscrit parfois dans la crudité à l'instar du 1er meurtre). Récompensé à l'Etrange Festival et à Gérardmer, ce métrage esthétiquement stylisé n'a pas volé ses prix tant il redouble d'originalité et d'insolence à illustrer le profil désaxé d'un individu réduit à la solitude depuis son enfance galvaudée (quelques flash-back viendront d'ailleurs nous éclairer sur son passé de maltraitance et son obédience à passer à l'acte irréparable).
Dans un désir de provoquer le spectateur et d'y corrompre nos habitudes par le principe ludique de la comédie, Marjane Satrapi exploite ici d'autant mieux l'horreur glauque et la poésie macabre chez l'introspection d'un maniaque infantile, Jerry Hickfang, refusant d'assumer sa stature psychotique. Sa perte de contact avec la réalité l'incitant par son isolement à communiquer avec son chat et son chien, successivement les acteurs de sa conscience segmentée entre le Bien (le chien) et le Mal (le chat). Jerry ne cessant de remettre en question sa dualité perpétuelle de pouvoir refréner le mal afin de promouvoir le bien. Rehaussé de l'interprétation de Ryan Reynolds, l'acteur porte le film sur ses frêles épaules dans sa dimension humaniste de victime férue d'amour impossible et de rédemption, car littéralement torturé par ses voix contradictoires de la raison et de la démence. Observant sa quotidienneté intimiste parmi ses animaux familiers au sein de son foyer, le film ne cesse de jongler avec les genres contradictoires pour mieux distiller le malaise d'un climat étouffant auquel l'effluve des cadavres putréfiés commence sérieusement à s'y exalter. Jalonné de situations gentiment sardoniques afin de mettre en exergue le caractère pathétique de sa condition psychosée, à l'instar des conversations qu'il s'imagine avec les têtes de ses victimes, le film oscille entre les sentiments de tendresse et d'angoisse pour sa stature inconsciente de criminel malgré lui, et cela en dépit de la parole rassurante de son chien et du soutien de sa thérapeute. Avec son allure de charmant garçon timoré aussi fragile qu'hostile, l'empathie qu'on lui accorde continue de provoquer chez nous un malaise tangible souvent intense lorsque l'on redoute sa prochaine exaction à commettre l'irréparable.
Comédie horrifique littéralement étranglée par le caractère glauque d'une ambiance déjantée volontairement ubuesque, The Voices occasionne la gêne morale dans cette douce descente aux enfers vers la psychose. Il en émane un ovni atypique brillamment inventif et techniquement travaillé, dont la prestance poignante de Ryan Reynolds provoque autant l'amertume que l'agrément dans sa facture schizophrène. Incessamment dérangeant, difficile de sortir indemne d'une farce aussi épouvantablement corrosive !
Bruno Matéï
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