vendredi 20 février 2015

The Town that dreaded Sundown

                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site traileraddict.com

d'Alfonso Gomez-Rejon. 2014. U.S.A. 1h26. Avec Addison Timlin, Gary Cole, Edward Herrmann, Veronia Cartwright, Ed Lauter, Gracie Whitton, Joshua Leonard.

Sortie salles U.S: 16 Octobre 2014

FILMOGRAPHIE: Alfonso Gomez-Rejon est un réalisateur et producteur américain, né à Laredo, Texas. 2014: The Town that dreaded sundown. 2015: Me and earl and the Dying Girl.


"Le spectre du cinéma : The Town That Dreaded Sundown"
 
Séquelle, remake ou plutôt mise en abyme d’un excellent psycho-killer de 1976 inspiré de faits réels, The Town That Dreaded Sundown relate les nouvelles exactions d’un copycat surnommé "le Fantôme", alors que la population de l’Arkansas reste hantée par une vague de crimes inexpliqués survenus soixante-cinq ans plus tôt. Après l’assassinat brutal de son petit ami, Jami échappe de justesse à son tortionnaire. Aidée de la police et d’un allié inattendu, elle décide de mener sa propre enquête, la conduisant jusqu’aux origines du mal.

Inscrit dans la mouvance des psycho-killers de commande, le film tire pourtant honorablement son épingle du jeu grâce à une réalisation stylisée à couper le souffle – on croirait du Bava contemporain – sublimée par sa photo flamboyante et inventive. On pourrait intituler l'écrin "le Fantôme sous la lune de sang". C’est sans doute sa plus grande force : un foisonnement de trouvailles visuelles, de cadrages tarabiscotés et obliques, et cette faculté du cinéaste à façonner des séquences surréalistes, imprégnées d’un onirisme crépusculaire. La poursuite nocturne dans les champs sous la lune, l’agression dans la décharge ou celle en extérieur d’hôtel restent gravées comme des visions hallucinées, poétiques.

Le scénario, s’il se contente d’une trame d’investigation rythmée par deux meurtres incisifs, convainc par l’ambiguïté de sa filiation, cet héritage durable que souhaite imprimer le mal, alors que son twist final aussi surprenant que ludique est un clin d’œil assumé aux thrillers des années 80 et 90. En pratiquant la mise en abyme, Alfonso Gomez-Rejon rend donc un hommage lucide et habité au film original : projections dans un drive-in, visionnages domestiques, visite du fils du cinéaste entouré d’affiches et de souvenirs. Le fantôme de Charles B. Pierce hante littéralement la pellicule, interrogeant notre fascination pour ces tueurs mythifiés par le cinéma, icônes morbides d’une société réfugiée dans le déni pour donner sens à sa propre peur, à sa hantise traumatique.

Le montage, d’une dextérité sidérante, épouse des mouvements de caméra amples et de longs travellings circulaires à n'en plus finir. L’impact des meurtres, brutal sans sombrer dans la surenchère, frappe par l’audace visuelle d'une sauvagerie tranchée.

D'une beauté brune plutôt naturelle, l'actrice Addison Timlin incarne une héroïne singulière : anti-potiche lucide, survivante en devenir, figure de résilience. Sa douceur brune, son flegme rassurant contrastent avec la violence du monde qui l’entoure. Elle traverse le récit comme une chrysalide, fragile puis affirmée, jusqu’à incarner la liberté conquise au cœur du cauchemar qui semble subsister dans l'ombre d'une ruelle.


Troublant et envoûtant, à la fois réaliste et spectral, The Town That Dreaded Sundown magnétise par son climat d’horreur élégante, sa photographie fulgurante et son onirisme macabre. Son fantôme masqué, charismatique et impitoyable, sa bande-son obsédante et son atmosphère mélancolique le hissent bien au-dessus des produits standardisés, vite vus, vite oubliés.

Étrange et regrettable qu’un tel film n’ait jamais reçu la reconnaissance qu’il mérite. 

— le cinéphile du cœur noir
Ven 24.10.25. Vostf

Remerciements à Cid Orlandou, Isabelle Rocton et Otto Rivers


1 commentaire: