Photo empruntée sur Google, appartenant au site discreetcharmsandobscureobjects.blogspot.co
de Michael Powell. 1960. Angleterre. 1h41. Avec Karlheinz Böhm, Anna Massey, Maxine Audley, Moira Shearer, Esmond Knight, Michael Goodliffe, Jack Watson.
Sortie salles France: 21 Septembre 1960. Angleterre: 7 Avril 1960
FILMOGRAPHIE: Michael Powell est un réalisateur britannique, né le 30 septembre 1905 à Bekesbourne, décédé le 19 Février 1990 à Avening, Gloucestershire. 1937: A l'angle du monde. 1939: L'Espion noir. 1939: Le Lion a des ailes. 1940: Le Voleur de Bagdad. 1940: Espionne à bord. 1941: 49è parallèle. 1942: Un de nos avions n'est pas rentré. 1943: The Volunteer. 1943: Colonel Blimp. 1944: A Canterbury Tale. 1945: Je sais où je vais. 1946: Une Question de vie ou de mort. 1947: Le Narcisse Noir. 1948: Les Chaussons Rouges. 1948: The Small Back Room. 1950: La Renarde. 1950: The Elusive Pimpernel. 1951: Les Contes d'Hoffman. 1955: Oh! Rosalinda ! 1956: La Bataille du Rio de la Plata. 1956: Intelligence Service. 1959: Lune de Miel. 1960: Le Voyeur. 1961: The Queen's Guards. 1964: Le Château de Barbe-Bleue. 1966: They're a Weird Mob. 1969: Age of Consent.
"Selon l'analyse psychanalytique de Laura Mulvey, il existe deux sources principales de plaisir visuel au cinéma : la scopophilie et le narcissisme."
Traitant du thème de la scopophilie (ou scoptophilie), c'est à dire la pulsion sexuelle, le plaisir de regarder l'autre comme objet de plaisir qu'il soumet à son regard contrôlant, Le Voyeur relate la dérive obsessionnelle d'un serial-killer d'un genre particulier. Un cinéaste obsédé à l'idée de filmer l'agonie des femmes dans sa plus horrifiante expression. Car par le biais d'un procédé technique astucieux dont je me tairai de vous révéler, Mark Lewis tue ses victimes à l'aide de sa caméra meurtrière. Si bien que traumatisé dès son enfance par un paternel étudiant ses réactions de peur et de voyeurisme sexuel par l'entremise d'une caméra, Mark désire transcender ces travaux pour façonner un documentaire encore plus édifiant ! Supprimer la vie d'autrui et continuer d'inscrire sur pellicule l'expression de terreur la plus significative au moment suprême de la mort !
« La photo, c'est la chasse. C'est l'instinct de chasse sans l'envie de tuer. C'est la chasse des anges… On traque, on vise, on tire et clac ! Au lieu d'un mort, on fait un éternel. »
Discrédité par les critiques lors de sa sortie en raison de son climat malsain, ses traits d'humour noir et de son sujet déviant impopulaire auprès du public préférant se ruer sur le cas schizophrène de Norman Bates dans Psychose, Le Voyeur pratique la mise en abyme lorsqu'il dépeint l'improbable portrait d'un cinéaste (et photographe de charme à ses heures perdues !) prisonnier de ses obsessions morbides. Sans jamais céder à une quelconque outrance, Michael Powell compte sur le climat malsain d'un environnement cinégénique et sur l'interprétation magnétique de Karlheinz Böhm pour nous entraîner dans un voyage au bout de la peur du point de vue du 7è art. Notamment en nous interpellant sur notre curiosité masochiste face à l'image interdite mais aussi sur nos pulsions sexuelles tributaires de notre instinct voyeuriste. Le pouvoir de l'écran étant également mis en cause lorsque la victime ne peut s'empêcher d'observer la toile pour découvrir avec stupeur l'obscénité d'un snuf-movie ! Pis encore, par le biais de la mort en direct, Michael Powell révèle l'effet hypnotique de l'angoisse, cette terreur viscérale de succomber au trépas par le procédé d'un reflet de miroir ! Quoi de plus horrifiant que de contempler sa propre agonie ! Redoutablement pervers et troublant, le Voyeur traite également du fétichisme lorsque le tueur est incapable de se séparer de sa caméra car n'ayant comme seule attache sa passion artistique avec la volonté de surpasser l'illusion de la fiction. La quête du réalisme le plus intense, sa fascination pour la mort ("si la mort a un visage, elles l'ont toutes vues" exprimera-t'il à sa dernière victime !) le mèneront à une descente aux enfers irréversible où l'expiation sera son seul salut.
L'expression morbide au cinéma.
Malsain et dérangeant mais redoutablement fascinant et inquiétant de par ses réflexions audacieuses sur la scoptophilie et notre rapport pervers face à l'image tapageuse, Le Voyeur redouble d'originalité pour inscrire sur pellicule le portrait d'une victime ébranlée par ses bas-instincts tout en suggérant la légende urbaine (?) du snuff-movie. Un chef-d'oeuvre iconoclaste redoutablement lucide car traduisant par les névroses du tueur notre propre image voyeuriste !
Bruno
27.03.24. 4èx. vostfr 4K
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