mardi 10 août 2021

La Créature du Cimetière

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

"Graveyard Shift" de Ralph S. Singleton. 1990. U.S.A. 1h26. Avec David Andrews, Kelly Wolf, Stephen Macht, Andrew Divoff, Vic Polizos, Brad Dourif. 

Sortie salles France: 19 Juin 1991. U.S: 26 Octobre 1990

FILMOGRAPHIE: Ralph S. Singleton et un réalisateur et producteur américain né le 22 Mars 1940 dans le Massachusetts, USA. 1990: La créature du cimetière. 1985-1986 Cagney et Lacey (TV Series) (2 episodes) - The Marathon (1986) - Organized Crime (1985).


"Conspué à l'époque, faute de sa mention bankable : "d'après Stephen King", ce sympathique divertissement mineur est sauvé par son ambiance méphitique ainsi que l'apparence repoussante du monstre organique."
Tiré d'une nouvelle de Stephen King, la Créature du Cimetière fut conspué par la critique et le public dès sa sortie, et ce en dépit de sa sélection au Festival d'Avoriaz (bien qu'il repartit bredouille). Probablement à cause de la réputation notoire de l'écrivain hyper doué à créer des histoires singulières au sein d'un contexte contemporain, la Créature du Cimetière se solda inévitablement par un échec. Car il faut bien avouer que l'intrigue linéaire ne nous invoque aucune surprise au fil d'un cheminement prévisible que l'on connait par coeur. Quand bien même les protagonistes au QI de moineau se brocardent à n'en plus finir dans leur inlassable traque contre un rat mutant, histoire d'égayer l'aventure dénuée de rebondissements (si ce n'est le revirement criminel du contremaître aussi sournois que sarcastique à se débarrasser de son entourage). Or, la Créature du Cimetière possède néanmoins deux qualités factuelles ! La première émanant de son climat glauque perméable que le réalisateur ne cesse de mettre en exergue durant toute l'intrigue à l'aide d'une photo sépia se prêtant harmonieusement à l'ambiance délétère de l'usine de textile. Un décorum séculaire insalubre soigneusement exploité sous toutes les coutures, tant au rez-de-chaussée que dans l'immense sous-sol, repère domestique de la créature avec ces charniers de cranes et de squelettes humains s'amoncelant en mont. 


Quant au second point qualitatif, la créature confectionnée à l'artisanale parvient à créer son effet de fascination morbide ! Notamment grâce à l'habileté du réalisateur filmant au compte goutte les diverses parties de son anatomie afin de renforcer le mystère de son indicible morphologie. Un corps polymorphe que l'on peine d'identifier mais qui parvient véritablement à susciter un dégoût organique à l'aide d'un climat rubigineux aux relents fétides. Ainsi, en jouant sur l'attente des apparitions du monstre, le réalisateur instaure un menu suspense avant les diverses effets de surprise du monstre toujours mieux dévoilé au gré de péripéties plus musclées. On peut également dénoter en restant sur la même ligne de conduite malsaine quelques effets chocs gorasses assez répulsifs lorsque les victimes y font les frais de la créature gloutonne de taille disproportionnée. Des membres arrachés ou broyés que le cinéaste prend plaisir à filmer avec une certaine efficacité formelle. Pour autant, ne comptez pas sur lui pour nous dévoiler les origines de son rat mutant confiné à proximité d'un cimetière, tant et si bien que l'action de l'intrigue ne tourne qu'autour des affrontements, physiques et psychologiques, entre ouvriers et leur contremaître à tenter de se débarrasser quotidiennement des rats qui envahissent l'usine. 


B movie du Samedi soir indiscutablement mineur car étique, maladroit, bâclé et constamment superficiel, la Créature du Cimetière demeure malgré tout un sympathique film d'ambiance en compagnie d'attachants protagonistes jouant les décervelés avec un charisme bisseux (même le héros naïf parvient à injecter une expression amiteuse en redresseur de tort malgré lui). Si bien qu'à la revoyure, et avec le recul, cette commande horrifique imprime aujourd'hui un certain charme vintage à travers son étonnante facture malsaine d'y vanter les exactions du rat pestilentiel "d'origine inconnue" ! (calembour évidemment délibéré, réservé à la génération 80 ! ^^).  

*Eric Binford
3èx

lundi 9 août 2021

La Nuée. Prix de la critique, Prix du Public, Gérardmer 2021.

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Just Philippot. 2020. France. 1h42. Avec Suliane Brahim, Sofian Khammes, Marie Narbonne, Raphael Romand, Victor Bonnel, Vincent Deniard, Christian Bouillett

Sortie salles France: 16 Juin 2021

FILMOGRAPHIEJust Philippot est un réalisateur français né le 18 Février 1982. 2020: La Nuée. 

Une fois n'est pas coutume, un film Fantastique noble, adulte, intelligent, dépouillé, sincère, sans fioriture, ne court surement pas les rues en ces temps de remakes / reboot tentant de rameuter le jeune public sevré aux produits mainstream parmi lesquels Anabelle, La Nonne, La Malédiction de la dame Blanche et j'en passe. Si bien que pour une première réalisation, Just Philippot rend ses lettres de noblesse au Fantastique éthéré que l'on croirait extirpé des années 80, notamment auprès de sa faculté à rendre fascinant un contexte horrifique des plus dérangeants. C'est dire si La Nuée joue dans la cour (indépendante) des grands à imposer un récit irrationnel constamment inquiétant en privilégiant la psychologie tourmentée des protagonistes en proie à une menace écolo meurtrière. Ces derniers, une mère et ses 2 ados, tentant de survivre dans leur ferme en élevant des sauterelles de bien étrange manière. Mais chut, n'en dévoilons pas plus, disons que La Nuée prend tout son temps à planter son univers rural et ses personnages familiaux tentant de se reconstruire à la suite de la mort du paternel. Just Philippot nous radiographiant au compte goutte la déliquescence véreuse d'une agricultrice sujette à la précarité mais délibérée à retrousser ses manches pour rentabiliser dans l'élevage de sauterelles. 

Ainsi, à travers l'unité familiale de ses protagonistes aussi vrais que dépouillés, Just Philippot les dirigent admirablement pour se familiariser auprès d'eux avec une empathie prédominante. Sa progression dramatique parfaitement planifiée nous réservant des situations frissonnantes dénuées de concession à travers la menace de ces sauterelles filmées en gros plan et sous toutes les coutures. Qui plus est épaulé d'une bande-son dissonante auprès de la vibration de leurs mouvements lorsqu'ils sont confinés dans les serres, leur posture erratique nous provoque une appréhension malaisante. Car aussi improbable soit son pitch singulier, La Nuée instaure un pouvoir de fascination de par sa véracité à nous faire croire à l'incongru sous l'impulsion de ses personnages se démenant avec force et fragilité contre l'incompréhension. Le réalisateur ayant recruté des comédiens méconnus au physique ordinaire en leur dictant des répliques naturelles réfractaires à l'élocution théâtrale (rare pour ne pas le souligner). Notamment auprès des deux ados incroyablement justes dans leur spontanéité à chérir leur mère, telle une copine, ou au contraire à s'en méfier au fil d'une dérive morale davantage opaque. Just Philippot retardant au maximum les effets chocs en privilégiant leur dimension humaine démunie, une cellule familiale au bord du marasme lorsque la mère ne parvient plus vraiment à distinguer le bien du mal par peur du chômage.  

Grâce à sa qualité d'écriture narrative, à son élégante facture formelle et à ses personnages bien dessinés, La Nuée élève le genre Fantastique à son statut le plus intègre en suscitant lestement l'appréhension au gré d'une intensité dramatique toujours plus éprouvante. Le profil équivoque imparti à cette agricultrice maternelle nous réservant un dérangeant portrait de femme en perte de repères moraux faute de sa crainte de l'échec. Gérardmer ne s'y sera pas trompé, leurs Prix de la Critique et du Public ne sont point usurpés alors qu'il s'agit d'une production 100% française ! Comme quoi nous sommes parfois capable du meilleur avec de petites oeuvres indépendantes pour qui le genre est un sacerdoce. 

*Eric Binford

Récompenses

Festival international du film de Catalogne 2020 (Sitges):
Prix spécial du jury
Meilleure actrice pour Suliane Brahim

Festival international du film fantastique de Gérardmer 2021:
Prix de la critique
Prix du public

vendredi 6 août 2021

Tremblement de Terre

                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"Earthquake" de Mark Robson. 1974. U.S.A. 2h02. Avec Charlton Heston, Ava Gardner, George Kennedy, Lorne Greene, Geneviève Bujold, Richard Roundtree, Marjoe Gortner, Victoria Principal,  Walter Matthau.

Sortie salles France: 12 Février 1975. U.S: 15 Novembre 1974

FILMOGRAPHIEMark Robson est un réalisateur et monteur canadien qui fit carrière aux États-Unis, né à Montréal (Canada) le 4 décembre 1913, mort à Londres (Angleterre), le 20 juin 1978. 1943 : La Septième Victime. 1943 : Le Vaisseau fantôme. 1944 : Youth Runs Wild. 1945 : L'Île des morts. 1946 : Bedlam. 1949 : Le Champion. 1949 : Roughshod. 1949 : La Demeure des braves. 1949 : Tête folle. 1950 : La Marche à l'enfer. 1951 : La Nouvelle Aurore. 1951 : Face à l'orage. 1953 : Retour au Paradis. 1954 : Les Ponts du Toko-Ri. 1954 : L'Enfer au-dessous de zéro. 1954 : Phffft! 1955 : Le Procès. 1955 : Hold-up en plein ciel. 1956 : Plus dure sera la chute. 1957 : Les Plaisirs de l'enfer. 1957 : La Petite hutte. 1958 : L'Auberge du sixième bonheur. 1960 : Du haut de la terrasse. 1963 : Pas de lauriers pour les tueurs. 1963 : À neuf heures de Rama. 1965 : L'Express du colonel Von Ryan. 1966 : Les Centurions. 1967 : La Vallée des poupées. 1969 : La Boîte à chat. 1971 : Happy Birthday, Wanda June. 1972 : Limbo. 1974 : Tremblement de terre. 1978 : Avalanche Express. 

Premier film catastrophe à utiliser le procédé Sensurround (effets de vibration que les spectateurs ressentaient sur leur siège au moment des secousses sismiques), Tremblement de Terre fut un gros succès international grâce à ces effets-spéciaux particulièrement réalistes, même encore aujourd'hui. Car si on peut relever sur certains plans quelques maquettes ici et là (autrement plus convaincantes qu'un Kaijū), les nombreuses séquences de destruction massive demeurent toujours impressionnantes par leur réalisme cauchemardesque. Pour autant, Tremblement de Terre ne demeure pas du niveau qualitatif de ses homologues (imputrescibles) La Tour Infernale et l'Aventure du Poséidon, aussi charismatique soit-il. La faute incombant à une absence flagrante de suspense lors des séquences de sauvetage, bien que sa dernière demi-heure rehausse le niveau lorsque Charlton Heston tente de sauver ses 2 maîtresses conjugales dans le sous-sol d'un immeuble peu à peu envahi d'eau. Tant et si bien que l'on s'étonne également de sa conclusion dramatique imposée par Heston himself afin sans doute de rehausser l'aspect tragique de la catastrophe implantée en plein coeur de Los Angeles. Ainsi, Tremblement de Terre pâtit de plusieurs séquences de sauvetage impressionnantes ou haletantes mais dénuées d'intensité affolante (même si certains moments de survie précaire y font leur petit effet d'appréhension). A l'instar de cette situation héroïque un peu trop rapidement expédiée lorsque le Sgt. Lew Slade (excellement endossé par George Kennedy de par sa force tranquille et de sureté) porte secours à une jeune femme à la suite d'une tentative de viol commise par un militaire rendu psychotique depuis le contexte cataclysmique. 

Fort heureusement, Tremblement de Terre possède néanmoins une patine symptomatique des Seventies, dans la mesure où le film s'avère solidement réalisé et interprété (sacrées gueules charismatiques de la grande époque !) en prime d'être formellement fascinant (Oscar des Effets Visuels à l'époque). Mark Robson parvenant à diriger ses acteurs avec savoir-faire, notamment auprès d'un habile montage scrupuleusement établi en fonction des réactions censées de chaque personnage, jusqu'aux figurants  d'arrière plan. Charlton Heston monopolisant évidemment l'écran en héros volontaire s'évertuant à sauver le plus de personnes possible en compagnie du sergent Lew Slade avec qui il réserve une franche complémentarité solidaire. On peut également louer le jeu parfaitement convaincant de Victoria Principal (Dallas) dans un rôle secondaire de plantureuse jeune femme s'attirant les avances d'un militaire pathologiquement monomane si j'ose dire (Marjoe Gortner demeurant habité par son personnage de tortionnaire criminel faute de son homosexualité refoulée). Quant à la star Ava Gardner jouant l'épouse trompée avec un tempérament borderline (sa fausse tentative de suicide), elle nous provoque une attention soutenue lors de ses moult tentatives à reconquérir son compagnon épris de la jeune Denise Marshall que Geneviève Bujold incarne avec un naturel quelque peu décomplexée lorsqu'elle s'adresse sereinement à lui pour le courtiser. On peut enfin relever à travers ce spectacle grandiose de surprenante pointes d'humour pour le genre catastrophe en la présence de Walter Matthau en ivrogne invétéré incapable de se soucier de son prochain et encore moins de sa personne lors de l'évènement sismique ou lors d'une bagarre de billard. Le type accoudé au bar poursuivant sa compétition éthylique comme si de rien n'était alors que le chaos s'acharne peu à peu autour de lui.

Sans toutefois nous passionner pour nous immerger de plein fouet auprès du désarroi des survivants; Tremblement de Terre reste néanmoins un bon film catastrophe sauvé par ses nombreux effets spéciaux souvent convaincants, sa réalisation appliquée épaulée de moyens considérables et son cast 3 étoiles  irréprochable que les fans des années 70 auront bougrement plaisir à retrouver. 

*Eric Binford

Anecdotes (info Wikipedia): Trois autres films : La Bataille de Midway (1976), Le Toboggan de la mort (1977) et Galactica (1978), utilisèrent également l'effet "Sensurround" ; mais les nuisances sonores qu'il provoquait dans les salles et immeubles voisins n'encouragèrent pas la poursuite de l'exploitation du système qui était en outre facturé très cher aux exploitants.

Récompenses:
Oscar du meilleur son : Ronald Pierce, Melvin Meldalfe Sr.
Oscar des meilleurs effets visuels : Frank Brendel, Glen Robinson, Albert Whitlock.

jeudi 5 août 2021

Limbo

Photo empruntée sur Facebook 

de Soi Cheang. 2021. Hong-Kong. 1h57. Avec Gordon Lam, Mason Lee, Yase Liu, Hiroyuki Ikeuchi, Fish Liew. 

Sortie salles France: ?

FILMOGRAPHIESoi Cheang Pou-soi (chinois simplifié : 鄭保瑞 ; pinyin : Cheang Pou-soi), né le 11 juillet 1972 à Macao, est un réalisateur hongkongais. 2000 : Diamond Hill. 2001 : Horror Hotline... Big Head Monster. 2002 : New Blood. 2003 : The Death Curse. 2004 : Love Battlefield. 2004 : Hidden Heroes. 2005 : Home Sweet Home. 2006 : Dog Bite Dog. 2007 : Coq de combat. 2009 : Accident. 2012 : Motorway. 2014 : The Monkey King. 2015 : SPL 2 : A Time for Consequences. 2016 : The Monkey King. 2018 : The Monkey King 3. 2021 : Limbo. 

Coup de poing dans l'estomac issu de Hong-Kong, Limbo est la nouvelle référence du film de serial-killer afin de ne pas tourner autour du pot. Entièrement tourné dans un noir et blanc glacé, Limbo est tout d'abord une pure merveille formelle pour qui raffole des ambiances glauques et macabres au confins de l'apocalypse. C'est simple, et selon mon jugement de valeur, je n'avais pas contemplé une oeuvre aussi génialement décorée depuis le mastodonte Blade Runner de Ridley Scott auquel on peut peut-être y porter certaines allusions à travers quelques vues d'ensemble (fantasmagoriques) surplombant l'immensité d'immeubles high-tech à la luminosité nocturne. Le réalisateur se chargeant de transfigurer son cadre urbain de tous les dangers à l'aide d'une armada de détails morbides et insalubres quant aux détritus, sacs d'ordures et déchets hétéroclites qui inondent les ruelles malfamées. Par conséquent, au sein de ce no man's land ravagé de précarité, 2 flics, l'un expéditif, l'autre réfléchi, vont unir leur force pour mettre un terme au dangereux serial-killer adepte des mains tranchées. Et parmi ce triangle maudit, une junky paumée fraîchement sortie de taule aura fort affaire avec ces derniers à travers une traque infernale, témoin et indic malgré elle de règlements de compte en tous genres qu'elle subira telle une enfant martyr. Ultra violent, poisseux et escarpé de par sa manière tranchée d'y molester la junky sans modération (tant auprès des flics déboussolés, des dealers rancuniers que du serial-killer méthodique),  Limbo est une épreuve de force que le spectateur subit de plein fouet à travers son impuissance de ne porter secours au divers protagonistes. Quand bien même Soi Cheang ne cède jamais à la complaisance pour nous heurter ou renchérir dans l'horreur des situations malaisantes parfois à la limite du supportable. 

A l'instar de son final de fou furieux (même si outré dans les confrontations barbares à répétition) d'une intensité exponentielle à bout de souffle que le spectateur endure avec une appréhension suffocante. C'est dire si le vérisme de sa mise en scène (oh combien) stylisée et le jeu rigide des acteurs nous fascine à travers une scénographie anxiogène que l'on croirait extirpée d'un enfer futuriste. Le réalisateur prenant notamment soin d'y filmer, en mode tarabiscotée, des panoramas urbains aussi dantesques que vertigineux. Ainsi donc, cette plongée en enfer davantage humectée demeure une course contre la montre afin de retrouver le fameux responsable des meurtres en série que les protagonistes combattent avec autant de crainte que de résignation. Quand bien même la junky sur le fil du rasoir affrontera au même instant un parcours du combattant, entre résilience et vaillance à perdre haleine, quitte à y perdre la raison face au déchaînement de violence (anthologique !) qui s'ensuit sans vergogne. Et si l'intrigue demeure simpliste, voire sans surprise, tout ce que le réalisateur parvient à bâtir autour de ses personnages relève de l'exploit, d'une sorte d'expérience sensorielle en concertation avec le macabre. Ce qui relève du jamais vu dans un thriller à suspense qui plus est entièrement monochrome afin de renforcer son sentiment d'insécurité éminemment crépusculaire. Si bien qu'un sentiment d'ivresse tacite nous accompagne en route à travers cette fulgurance visuelle bien à part, pour ne pas dire inusitée lorsque l'on est sensible au climat horrifique en acuité émotionnelle éprouvante. A l'instar de la condition torturée de l'héroïne infréquentable absolument poignante puis bouleversante dans sa capacité à endurer les coups en dépit de sa fragilité physique et de sa névralgie morale. Quant au tueur en série, sournois et laconique, là aussi le réalisateur parvient à crédibiliser son profil et ses terrifiants méfaits à travers les thèmes de la religion et de la famille en connivence avec les meurtres dépeints. Un assassin impitoyable pour autant aimant (et donc humaniste !) à quelques occasions intimes avec sa victime fétiche. Mais psychologiquement terrifiant lorsqu'il se décide de passer à l'acte de la déraison criminelle avec une force physique outre-mesure. Alors que son physique quelque peu ordinaire nous trouble la vue par le biais d'un regard à la fois neutre et docile. 

La Petite fille au bout du Chemin.
Perle noire du thriller poisseux à trôner auprès des plus belles réussites du genre (l'Etrangleur de Boston, Seven, Le Silence des Agneaux, l'Etrangleur de Rillington Place, Prisoners, The Chaser, Que dios nos perdone, Le Voyeur, le 6è Sens et quelques autres), Limbo est le genre d'épreuve morale, émotionnelle et sensorielle ne ressemblant à nul autre métrage. Il demeure donc incontournable à travers sa faculté innée de nous immerger dans un enfer urbain désenchanté où l'apocalypse ne demande qu'à y émerger !

Merci à George Abitbol pour la découverte

*Eric Binford

La Nonne et les 7 pécheresses

                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Ernst Ritter von Theumer (Richard Jackson). 1972. Italie/Allemagne de l'Ouest. 1h11 / 1h32. Avec Monica teuber, Vonetta McGee, Mara Krup (pour une poignée de dollars), Ivana Novak, Tony Kendall, William Berger et Gordon Mitchell.

Sortie salles Italie; 25 Mai 1972

FILMOGRAPHIE: Ernst Ritter von Theumer est un réalisateur, scénariste et  producteur autrichien né le 5 Septembre 1926 à Vienne. 1987: Hell Hunters.  1985 Chaleur rouge (uncredited).  1984 Les guerriers de la jungle. 1979 Die Totenschmecker. 1972 La nonne et les sept pécheresses (as Richard Jackson). 1967 Le baron vampire. 1965: 001 destination Jamaïque. 1962 Les hyènes chassent la nuit. 1961 In der Hölle ist noch Platz.

Pur produit d'exploitation 100% Grindhouse, La Nonne et les 7 pécheresses se décline en spectacle du samedi soir que l'on fréquentait dans les cinémas de quartier. Réalisé par l'autrichien Ernst Ritter von Theumer (le Baron Vampire), l'intrigue, littéralement improbable, suit la fuite désordonnée de taulardes dans les contrées africaines parmi la faible autorité d'une nonne tentant maladroitement de les remettre sur le droit chemin. Ainsi, durant leur traque chaotique semé de kidnappings et de cadavres, elles n'auront de cesse d'être pourchassées par des trafiquants de traite des blanches et des arabes, violeurs misogynes (dont un nabot sadique adepte du fouet !). Complètement foutraque, faute d'un montage bordélique que Roger Corman supervisa pour son exploitation Outre-Atlantique en le raccourcissant de 20 minutes, La Nonne et les 7 pécheresses n'est qu'un généreux prétexte pour satisfaire les bas instincts du spectateur embarqué dans une improbable traque entre prisonnières frondeuses et phallocrates dans le désert de l'Afrique du Nord. Truffé d'actions, de tortures (en mode flagellations), de vulgarité, de dialogues primaires, de gueules puantes, de seins nus et de fesses à l'air, cette série B étonnamment ludique ne nous ennuie guère à travers son rythme trépidant d'une action à la fois haletante et sanglante que le réalisateur exploite jusqu'à redondance. 

Et ce sans jamais y éprouver une quelconque lassitude, notamment lorsque celui-ci exploite efficacement ses splendides décors naturels que l'on croirait issus d'une grosse production ricaine. Sans compter que les comédiens à la trogne parfois familière se prêtent au jeu de l'aventure et au goût du risque avec une fougue assez communicative de par leur charisme franchement bisseux (mâchoire serrée, mitraillette à la main !). Outre la gratuité métronome de ses provocations SM et érotomanes amorcés par des mâles en rut, on se distrait autant de ses situations capillotractées lorsque certains antagonistes (ou héroïnes) adoptent un revirement nonsensique dans leur posture schizo. Quand bien même son final calqué sur le jeu de massacre de La horde Sauvage adopte une inopinée tournure dramatique sans que le spectateur y éprouve de l'effarement faute de son absence de réalisme (on est clairement dans une sorte de western cartoonesque pour adultes) et de sa moisson de rebondissements dénués de crédibilité. Pour l'autant, l'action permanente, la bonhomie des donzelles farouches jouant les guerrières suicidaires et l'insolence des phallocrates sans vergogne parviennent à y instaurer un charmant climat de délire décomplexé propre aux bisseries des seventies.

Evidemment mineur, elliptique (pour le montage d'1h11 dont la violence et la nudité restent toutefois intégrales) et savoureusement maladroit, La Nonne et les 7 pecheresses ne démérite nullement à nous imposer un divertissement trivial pétri de générosité et de sincérité de la part d'un auteur en roue libre s'amusant comme un gosse avec ses joujous belliqueux. A découvrir. 

Remerciement à Warning Zone pour sa splendide version 1080P

*Eric Binford

mercredi 4 août 2021

Blood Red Sky

                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Peter Thorwarth. 2021. U.S.A/Allemagne. 2h05. Avec Peri Baumeister, Carl Anton Koch, Alexander Scheer, Kais Setti, Gordon Brown, Dominic Purcell. 

Diffusé sur Netflix le 23 Juillet 2021

FILMOGRAPHIEPeter Thorwarth est un acteur, réalisateur et scénariste allemand, né le 3 Juin 1971 à Dortmund. 2021: Blood Red Sky.  2019 Der letzte Bulle. 2014 Nicht mein Tag. 2006 Goldene Zeiten.  2002 Was nicht passt, wird passend gemacht. 1999: Bang Boom Bang - Ein todsicheres Ding. 1998: Die zwei beiden vom Fach (TV Movie). 


Chronique express

A peine influencé par l'intro du splendide L'Avion de l'Apocalypse, en remplaçant les zombies (infectés) par des vampires, Blood Red Sky étale ce concept transalpin sur 2h05 avec pas mal d'efficacité quant à la première heure quinze fertile en suspense, rebondissements et tension constamment soutenus. On apprécie également la judicieuse idée d'une vampire, victime malgré elle, contrainte de se substituer en héroïne de dernier ressort pour venir à bout de la prise d'otages à bord de l'avion. Le réalisateur relaçant constamment l'action des enjeux humains à l'aide d'idées et de péripéties retorses, tout en exploitant de fond en comble les décors  restreints de l'avion. Là où ça se gâte découle des 40 dernières minutes cédant trop facilement aux conventions de la surenchère si bien que l'on finit par décrocher par son outrance racoleuse en dépit d'un final au suspense à nouveau haletant quant aux sorts indécis de la mère vampire (Peri Baumeister très convaincante à travers ses expressions humaines haletantes) et de son bambin (moins motivé que celle-ci cela dit) toujours en proie à une course contre la survie. 
Dispensable donc bien que sa 1ère partie ne manque pas de charme, de vigueur, de violence hardgore (un peu trop complaisante parfois auprès des exactions du terroriste psychotique s'en prenant aux otages avec barbarie) et de nervosité fructueuse.

*Eric Binford

mardi 3 août 2021

L'Affrontement

                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site buddy-movierepack.blogspot.com

"Harry & Son" de Paul Newman. 1984. U.S.A. Avec Paul Newman, Robby Benson, Ellen Barkin, Wilford Brimley, Judith Ivey, Ossie Davis, Morgan Freeman, Joanne Woodward. 

Sortie salles France: 4 Avril 1984

FILMOGRAPHIEPaul Newman, né le 26 janvier 1925 à Shaker Heights (Ohio) et mort le 26 septembre 2008 à Westport (Connecticut), est un acteur, réalisateur, producteur, scénariste, philanthrope, pilote automobile et américain. 1968 : Rachel, Rachel. 1971 : Le Clan des irréductibles. 1972 : De l'influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites. 1980 : The Shadow Box (TV). 1984 : L'Affrontement. 1987 : La Ménagerie de verre. 


"J'aurai tant aimé défendre cette oeuvre intime méconnue car l'Affrontement accouche d'une souris."
Il y a des films que l'on fantasme depuis leur sortie, faute de n'avoir eu la chance de les découvrir pour des raisons diverses et variées. L'Affrontement est de ceux là lorsque je découvris une critique dans le magazine TV, Télé-Poche si je ne m'abuse (à moins que ce soit Télé Star). Alors que j'apprends aujourd'hui que les critiques et le public lui firent (à priori) grise mine, force est de constater que je comprends amplement pourquoi l'Affrontement sombra dans l'oubli dès sa conception. Réalisé et interprété par Paul Newman que je vénère comme un monstre sacré; L'affrontement est un ratage à tous les niveaux. Et bien que j'ai beaucoup de peine à oser l'avouer, ce drame psycho (mâtiné de mélo lors des ultimes minutes dont on éprouve une once de compassion, un comble !) demeure maladroitement réalisé par un Paul Newman du tout inspiré parce qu'il nous narre et nous filme. L'intrigue s'efforçant à souligner les confrontations tendues entre un père bourru et son jeune fils après le licenciement du paternel suite à un problème de vue (il est ouvrier de chantier). 


Celui-ci, humilié par son âge sclérosé, reportant sa colère et sa rancoeur sur les frêles épaules de son fils cumulant les petits jobs entre deux batifolages. L'affrontement dépeignant en parallèle les rapports amoureux du fils et de son ancienne compagne en instance de réconciliation. Or, tous ces personnages mal dessinés demeurent si caricaturaux et mal dirigés que l'on éprouve ni empathie ni sympathie auprès de leurs conflits familiaux en demi-teinte. Quand bien même le fils, plus lucide et optimiste, vole la vedette au père acariâtre davantage outré et ridicule à fustiger sa famille (notamment sa fille et son beau-fils assureur) par égoïsme, orgueil et malveillance (parfois revancharde). Bref, tout cela demeure à la fois poussif, tantôt hors sujet et dégingandé à conjuguer drame social, romance et comédie sur fond de conflit familial décérébré (Paul Newman demeurent à côté de la plaque en paternel en berne incapable de faire preuve de discernement et surtout de relativisme dans sa condition licenciée du 3è âge). Qui plus est, l'acteur bellâtre Robby Benson aux yeux bleus "perçants" accuse un jeu cabotin trop docile et vertueux pour nous convaincre de ses expressions naturelles. Il fut d'ailleurs nominé aux Razzie Awards 1 an plus tard.


Pour tous les fans de Paul Newman
, l'Affrontement est à découvrir comme une curiosité au risque de vous décevoir par tant de couacs, fantaisie sirupeuse et maladresse. Car plus l'intrigue évolue, plus les personnages en roue libre semblent converger dans des directions hasardeuses, faute d'un récit mal écrit qu'aucun ne parvient à maîtriser. Et ce jusqu'à cette conclusion incongrue conçue pour faire pleurer dans les chaumières avec une complaisance infertile. 

Remerciement à buddy-movierepack

*Eric Binford

lundi 2 août 2021

Aventure du Poséidon (l')

                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Ronald Neame. 1972. U.S.A. 1h57. Avec Gene Hackman, Ernest Borgnine, Red Buttons, Carol Lynley, Roddy McDowall, Stella Stevens, Shelley Winters, Jack Albertson, Pamela Sue Martin, Arthur O'Connell, Eric Shea, Leslie Nielsen. 

Sortie salles France: 29 Mars 1973. U.S: 15 Décembre 1972

FILMOGRAPHIERonald Neame est un réalisateur, producteur et scénariste britannique, né le 23 avril 1911 à Londres (Angleterre) et mort le 16 juin 20101 à Los Angeles (Californie). 1947 : Je cherche le criminel. 1950 : La Salamandre d'or. 1952 : Trois dames et un as. 1954 : L'Homme au million. 1956 : L'Homme qui n'a jamais existé. 1956 : De la bouche du cheval. 1957 : Alerte en Extrême-Orient. 1957 : La Passe dangereuse. 1960 : Les Fanfares de la gloire.1962 : Les Fuyards du Zahrain. 1963 : L'Ombre du passé. 1963 : Mystère sur la falaise. 1965 : Mister Moses. 1966 : Un hold-up extraordinaire. 1966 : D pour danger. 1968 : Prudence et La Pilule. 1969 : Les Belles Années de miss Brodie. 1970 : Scrooge. 1972 : L'Aventure du Poséidon. 1974 : Le Dossier ODESSA. 1979 : Meteor. 1980 : Jeux d'espions. 1981 : First Monday in October. 1986 : Le Sorcier de ces dames. 1990 : The Magic Balloon. 


Chef-d'oeuvre du film catastrophe à trôner à proximité de La Tour Infernale, l'Aventure du Poséidon n'a rien perdu de sa puissance à la fois dramatique et épique au gré du parcours du combattant d'une poignée de survivants à trouver une issue de secours pour s'extirper de leur geôle d'acier. En l'occurrence, un paquebot de croisière que le réalisateur exploite sous toutes les coutures à travers ses nombreux décors délabrés, que ce soit à l'air libre, sous les gaz d'échappement ou sous l'eau. Inspiré d'une histoire vraie issue de la seconde guerre mondiale (un navire dû affronter une énorme vague au moment d'avoir risqué de chavirer), l'Aventure du Poséidon est un modèle d'efficacité auprès de son lot de péripéties et rebondissements dramatiques que Ronald Neame transcende avec souci du détail technique. Dans la mesure où nous restons plaqués au siège à observer les espoirs désespérés de cette poignée de survivants comptant sur l'héroïsme impérieux d'un révérend jamais avare d'idées et d'énergie pour déjouer la faucheuse. Si bien qu'à travers ce rôle étonnamment vaillant adepte des nobles valeurs chrétiennes, Gene Hackman excelle à imposer son autorité drastique en dépit de son outrecuidance que nombre de passagers (en complexe d'infériorité) réfuteront pour lui contredire ses stratégies de survie. 


Ernest Borgnine
lui disputant admirablement la vedette en policier à la fois renfrogné et obtus tentant de s'opposer à ses propositions pour lui soumettre son refus d'obtempérer. D'ailleurs, à travers ces protagonistes attachants généralement stéréotypés auprès du genre catastrophe, on s'étonne de leur accorder autant d'empathie parfois poignante (pour ne pas dire bouleversante) si bien que Ronald Neame sait les diriger intelligemment en les profilisant avant tout comme des êtres humains fragiles, apeurés et terrifiés mais rapidement nantis d'un esprit solidaire fructueux au fil de leur escapade de dernier ressort. Spectaculaire en diable sans jamais verser dans la surenchère ou la gratuité, les incessantes bravoures de l'Aventure du Poséidon font preuve d'un suspense infaillible pour rendre compte du sort précaires des personnages grâce au vérisme de la réalisation au plus près de ses derniers, démunis, et aux trucages artisanaux absolument bluffants de réalisme. Tant et si bien que cette oeuvre matricielle, symptomatique des Seventies, demeure une expérience émotionnelle, voir même quelque peu sensorielle (surtout auprès des claustrophobes et ablutophobes) tant le spectateur s'immerge naturellement dans ce huis-clos maritime avec une tension anxiogène littéralement fascinante eu égard de sa vigueur visuelle cauchemardesque. 


De par son intensité dramatique parfois éprouvante car sans concession (impossible d'anticiper les futures victimes à trépasser) découlant d'une réalisation consciencieuse attachant autant d'importance à la caractérisation de ses personnages qu'à l'exploration de ses décors communément délétères qu'ils arpentent tels des enfants apeurés, l'Aventure du Poséidon préserve intact son pouvoir de fascination quelques décennies après sa conception. Il est donc à revoir d'urgence si vous souhaitez (à nouveau) participer à une expérience de survie "humaniste" comme si vous y étiez à l'aide d'un sens du sacrifice faisant office de sacerdoce. Du grand cinéma révolu donc, modèle de film catastrophe (alors en début d'émergence !) à la lisière de la perfection. 

*Eric Binford
3èx

Récompenses: Oscar du cinéma 1973 : Oscar de la meilleure chanson originale ; nominations dans les catégories meilleur second rôle féminin, meilleur son, meilleure musique.
BAFTA 1973 : Meilleur acteur (Gene Hackman)
Golden Globe 1973 : Meilleure second rôle féminin (Shelley Winters)

vendredi 30 juillet 2021

J.F partagerait appartement

                                            
                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site grainandnoise.wordpress.com

"Single White Female" de Barbet Schroder. 1992. U.S.A. 1h48. Avec Bridget Fonda, Jennifer Jason Leigh, Steven Weber, Peter Friedman, Stephen Tobolowsky, Frances Bay

Sortie salles France: 16 Septembre 1992. U.S: 14 Août 1992

FILMOGRAPHIEBarbet Schroeder est un réalisateur et producteur, de nationalité française d'origine suisse, né le 26 Août 1941 à Téhéran (Iran). 1969: More. 1972: La Vallée. 1976: Maîtresse. 1984: Tricheurs. 1987: Barfly. 1990: Le Mystère Von Bulow. 1992: J.F partagerait appartement. 1995: Kiss of Death. 1996: Before and after. 1998: l'Enjeu. 2000: La Vierge des Tueurs. 2002: Calculs Meurtriers. 2007: l'Avocat de la terreur (Documentaire). 2008: Inju, la Bête dans l'ombre. 2009: Mad Men (série TV). 2015: Amnesia.


"Les années 90 et leur thriller domestique resté dans les mémoires." 
Surfant sur la vague du thriller érotique initié par Liaison Fatale puis Basic Instinct, JF partagerait appartement adopte le principe du psycho-killer hollywoodien avec efficacité et savoir-faire. Le pitchA la suite d'une annonce, Hedy se présente à l'appartement d'Allie pour s'y partager une collocation. Rapidement, les deux locataires parviennent à entamer une relation amicale en dépit de la nouvelle intrusion de l'ancien amant d'Allie. Mais peu à peu, Hedy éprouve des signes de jalousie envers leur réconciliation. Un pitch simpliste et prévisible que l'artisan Barbet Schroder parvient à imprimer sur pellicule au gré d'un percutant suspense toujours soutenu, et ce avant de se laisser chavirer vers les conventions lors d'un final sanglant pour autant intense, haletant et assez convaincant. Pour ce faire, il compte avant tout sur le jeu mesuré de son duo féminin pleinement convaincant à travers leur affrontement psychologique de longue haleine où l'une ne cesse de s'interroger sur l'ambiguïté morale de l'autre constamment fureteuse et envieuse. Hedy (Jennifer Jason Leigh) demeurant une fille solitaire profondément perturbée (pour ne pas dire traumatisée) depuis la mort accidentelle (?) de sa soeur jumelle. Ainsi, incapable de se pardonner sa culpabilité, Hedy, en mal d'affection et de rédemption, tente de renouer une amitié (amoureuse) indéfectible auprès de sa co-locataire Allison Jones. 


Trouble, malaisante, saisissante, voire parfois même épeurante, Jennifer Jason Leigh porte l'intrigue sur ses frêles épaules avec une force d'expression lestement dérangée. La jeune actrice insufflant un jeu taciturne et insidieux davantage malsain au fil d'un climat vénéneux agrémenté de morts quelque peu horrifiques. Barbet Schroder exploitant d'autant mieux les pièces de l'immeuble académique (façon Rosemary's Baby) auquel finira par s'y jouer une partie de cache-cache pour la survie entre victime et bourreau. Un ascenseur, une chambre ou un salon se déclinant en huis-clos étouffant lorsque les victimes se retrouvent prises au piège en tentant désespérément d'y invoquer de l'aide par l'entremise d'un téléviseur, d'internet ou d'un téléphone. Quant à Bridget Fonda, petite bout de femme gironde ultra sexy, celle-ci n'a rien à envier à sa rivale en proie autrement influençable un brin naïve à pardonner un trop facilement l'adultère de son amant et la folie meurtrière de sa rivale résolument amoureuse d'elle. De par sa personnalité assez sensible, son indulgence humaine et sa lucidité d'y cerner peu à peu la personnalité torturée de sa comparse, Bridget Fonda nous provoque une empathie méritoire, notamment auprès de son initiation héroïque à se mesurer à Hedy avec une détermination assez véloce, voire également retorse (son opposition dans l'ascenseur, sa planque dans un conduit). 


Psycho-killer grand public jouant habilement avec les nerfs du spectateur (tout du moins 1h30 durant avant la facilité des confrontations explicites pour autant percutantes), J.F Partagerait appartement  repose beaucoup sur les talents indiscutables de son duo féminin en y cultivant à terme une fascinante réflexion sur la dichotomie de la culpabilité et du pardon du point de vue d'une gémellité avilie par la jalousie, la rancoeur et la manipulation. Bon suspense psycho donc toujours aussi diaphane, inquiétant et captivant en dépit de scories téléphonées (bien qu'on a largement vu pire ailleurs avec beaucoup moins d'efficacité et de plausibilité).  

*Eric Binford
30.07.21. 4èx
27.10.16. 

jeudi 29 juillet 2021

Milla. Coup de coeur du Jury au Festival de Valenciennes.

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Shannon Murphy. 2019. Australie. 1h58. Avec Eliza Scanlen, Essie Davis, Ben Mendelsohn, Toby Wallace, Andrea Demetriades, Emily Barclay.

Sortie salles France: 28 Juillet 2021. Australie: 23 Juillet 2020

FILMOGRAPHIE: Shannon Murphy est une réalisatrice, scénariste et productrice australienne. 2019: Milla.


"Un crève-coeur capiteux; condensé d'humour, d'onirisme, de fraîcheur et de violence amoureuse, sans jamais se morfondre dans la sinistrose. Eprouvant mais rédempteur."
Romcom mâtinée de mélo à la sauce australienne sous couvert d'un pitch éculé faisant craindre le produit sirupeux à faire pleurer dans les chaumières, Milla en est le contre-exemple impératif dans sa capacité à élever les genres à un état de grâce insoupçonné. C'est dire si la néophyte (c'est sa 1ère réalisation) s'y entend pour nous amener à la suivre sur les pentes d'une tragédie humaine écorchée vive (le final déchirant vous martyrisera la mémoire ad vitam aeternam) détournant les clichés avec une dextérité forçant le respect. Tant et si bien qu'à travers la maladie mortelle de Milla, jeune ado en mal d'amour mais férue de joie de vivre au grand dam de sa condamnation, c'est le portrait d'une famille dysfonctionnelle que l'on nous dépeint parmi l'intrusion précipitée d'un délinquant impertinent tombant peu à peu amoureux de celle qu'il venait de secourir (incidemment ?) lors d'une tentative de suicide ferroviaire. Mais pour quelles mobiles Milla s'avère aussi puissamment vertigineux, lumineux, universel sans jamais s'en rendre compte ? (les séquences se succèdent au rythme d'évènements aléatoires en se laissant bercer par la confusion des sentiments des personnages désorientés). Pour une raison d'authenticité documentée à travers l'expression sidérante des acteurs, juvéniles ou adultes, s'échangeant la réplique auprès de leurs homologues avec une intensité humaine plus vraie que nature. Parce que Shannon Murphy s'alloue aussi d'un pilier inébranlable pour s'extraire du pathos bon marché à travers un humour ravageur quasi permanent quant aux portraits fragilisées des parents substitués en junkies pour y pallier leur douleur morale difficilement gérable. 


Ce qui donne lieu à des moments bipolaires rafraichissants tout en saisissant le sens de leurs comportement troublé face à l'injustice du cancer que leur fille supporte tel un fardeau sans jamais se plaindre, ouvertement parlant (en dépit du final rédempteur où l'on se confond vers une autre dimension émotionnelle). Et ce au point qu'on en omet la maladie de l'héroïne tant son climat de tendresse réconfortant, orageux, cocasse, badin nous est scandé dans un déluge d'images exaltantes, positives, vitales, sémillantes, gracieuses, naturelles tout simplement, de par la personnalité épurée de son auteur au plus près des sentiments humains qu'elle se refuse à caricaturer sans soupçon de voyeurisme. Quand bien même le jeune charismatique  Toby Wallace se dégage du stéréotype délinquant avec une force de caractère anti manichéenne en paumé sur la corde raide récupéré par un soupçon de sentiments pour cette étrangère qu'il apprend à côtoyer. Eliza Scanlen endossant sa petite amie avec une douceur d'âme et de personnalité responsable en malade incurable dévorant l'instant présent avec une joie de vivre ancrée dans la pudeur. Tous ces personnages déambulant autour de Milla avec une sincérité humaine jamais outrée dans leur désir d'y susciter le goût de vivre, l'appât de la joie quotidien jusqu'à la fatalité. Le tout irrigué d'un onirisme tantôt lunaire (la séquence singulière de la boite de nuit puis celle au sein d'un bar avec ses mouvements sensuels des corps déhanchés), tantôt naturaliste (la plage, le crépuscule à l'écoute des oiseaux) afin d'élever le film vers des horizons gratifiantes en dépit de la violence toujours plus affirmée des sentiments que les personnages expriment (mais aussi combattent) avec une personnalité autoritaire pleine de dignité, d'humilité, de modestie. 


"La mort commence lorsque vous cessez d'être un enfant".
Bijou d'humour et de gravité sous l'impulsion d'une poignée de personnages extrêmement familiers, Milla est un miracle d'émotions capiteuses jamais programmées. Un hymne à la tolérance et à la vie établit du point de vue de l'atavisme de la mort, cette injustice morbide que la réalisatrice traite sans ambages, avec autant de tact et de suggestion que de brutalité escarpée (on a parfois réellement l'impression de se retrouver face à la mort à travers les yeux de saphir de Milla). 

*Eric Binford

Récompenses: Mostra de Venise 2019 : Prix Marcello-Mastroianni du meilleur espoir pour Toby Wallace
Festival international du film de Transylvanie 2020 : Trophée Transilvania du meilleur film et prix du public. 
Coup de coeur du Jury au 18è Festival de Valenciennes. 

mercredi 28 juillet 2021

Voyage au bout de l'horreur

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

"The Nest" de Terence H. Winkless. 1987. U.S.A. 1h29. Avec  Robert Lansing, Lisa Langlois, Franc Luz, Terri Treas, Stephen Davies. 

Sortie salles France: ?. U.S: 13 Mai 1988

FILMOGRAPHIE: Terence H. Winkless est un réalisateur, acteur et scénariste américain. 1988: Voyage au bout de l'horreur. 1992 Rage and Honor. 1992. The Berlin Conspiracy. 1990 Private Offerings. 1990 Corporate Affairs. 1989 Bloodfist. 1996: Les aventuriers de la rivière sauvage. 1996: Ladykille. 1995. Mighty Morphin Power Rangers: Ninja Quest (Video).  1995 Not of This Earth. 1997: The Westing Game (TV Movie). 2013: Heart of Dance. 2009Twice as Dead. 2007 Nightmare City 2035.  2003 Fire Over Afghanistan. 


Formidable B movie horrifique inédit en salles chez nous (si je ne m'abuse), Voyage au bout de l'horreur fit les beaux jours des vidéophiles lors de son exploitation en Vhs à l'issue des années 80. Et bien qu'aujourd'hui il demeure hélas à la fois oublié et méconnu, ce divertissement sans prétention dégage un charme encore plus probant aujourd'hui faute de son époque révolue à l'ère du tout numérique qui ne nous fait que rarement tripper ou rêvasser. C'est dire si Terence H. Winkless s'y entend pour nous divertir avec une générosité et une sincérité transpirants à chaque coin de l'écran. Et ce 1h29 durant car Voyage au bout de l'horreur se permet en outre d'y cultiver un rythme vif pour ne pas ennuyer le spectateur embarqué dans une énième invasion de cafards mutants (ils sont quasi omniprésents à l'écran afin de nous fasciner avec appréhension viscérale) qu'une poignée d'entomologistes, de bénévoles et un shérif tentent de juguler avec un courage en herbe. Or, ce qui rend si ludique et bonnard le spectacle du samedi soir émane autant du charisme ingénu des comédiens de seconde zone se prêtant à l'aventure avec une bonhomie inébranlable. 


On reconnaîtra d'ailleurs à travers cet attachant cast la jeune actrice Lisa Langlois révélée dans le cintré Class 84, incarnant ici la fille d'un savant s'efforçant d'épauler ce dernier à la suite des conséquences dramatiques de ses expériences génétiques. Une prestance amiteuse convaincante donc puisque l'on craint pour sa survie lors de ses stratégies de dernier ressort culminant au final explosif confiné dans une grotte. Ponctué d'humour noir entre deux séquences comiques (dont un clin d'oeil à Ré-animator avec ce chat mutant erratique coursant ses victimes tous azimuts dans une cave, ou encore cette tenancière d'un snack affrontant les cafards avec ses ustensiles de cuisine !), Voyage au bout de l'horreur est généreux en scènes gorasses du plus bel effet répulsif. Et si certains trucages ont beau accuser une facture inévitablement cheap, le spectateur immergé dans l'action croit dur comme fer à ce qu'il voit, à l'instar d'un bambin guilleret contemplant son jouet qu'on vient de lui offrir dans son paquet cadeau artisanal. Non, franchement, les situations horrifiques les plus sanglantes demeurent jouissives par leur attrait plaisamment provocateur, voir également par leur aspect débridé. Quand bien même on se fascine avec recul pour la posture malsaine d'une des protagonistes féminines jouant les médecins scientifiques avec un sado-masochisme déviant pour son amour lubrique des cafards hybrides ! 


Beaucoup plus stimulant et divertissant qu'à son époque alors qu'il s'agit d'un 1er essai, Voyage au bout de l'Horreur s'avère l'archétype du B movie horrifique du samedi soir pour son amour immodéré aux insectes mutants ici pleinement convaincants quant au parti-pris du réal à recruter de véritables blattes à l'écran (hélas parfois sacrifiés pour un mobile de réalisme morbide). A redécouvrir sans hésiter chez tous les puristes nostalgiques des années 80 ! 

Eric Binford
2èx

mardi 27 juillet 2021

Pig

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site Imdb.com

de Michael Sarnoski. 2021. U.S.A. 1h32. Avec Nicolas Cage, Alex Wolff, Adam Arkin, October Moore, Dalene Young, Gretchen Corbett.

Sortie salles U.S: 16 Juillet 2021

FILMOGRAPHIEMichael Sarnoski est un réalisateur, scénariste et producteur américain. 2021: Pig. 


Difficile de se faire une opinion objective à la sortie de la projo si bien que Pig déconcerte, désarçonne autant qu'il séduit selon notre immersion émotionnelle, notre humeur du jour et notre degré de sensibilité. Tant auprès de la cause animale, subsidiaire au récit, que de la déchéance humaine d'un solitaire déchu de son passé véreux. Le kidnapping de son cochon n'étant qu'un prétexte pour y tenter de profiliser ce veuf meurtri replié sur lui même au point de vivre en autarcie en pleine nature. Difficile d'accès et dénué de violence, en dépit du 1er quart d'heure concis et d'une bastonnade officieuse (sorte de Fight Club à l'envers !), Pig insuffle un rythme très lent au fil de la requête de Robin Feld déterminé à retrouver son cochon truffier par simple amour pour l'animal comme il l'avoue à son jeune complice (et non comme outil de travail rentable pour y renifler les truffes). L'intrigue prenant son temps à étudier les personnalités de 3 protagonistes du point de vue contestataire de Rob en désarroi affectif. Son climat langoureux baignant dans une aigre mélancolie face à un type désoeuvré noyé de pessimisme, de chagrin et de remord à la suite de son passé torturé. Par conséquent, par le truchement moral de celui-ci, spécialiste culinaire entre autre, et de ces confrères peu recommandables, Pig dresse un tableau plutôt pessimiste sur la nature humaine.


Son orgueil, sa mégalomanie et son égoïsme pour tenter de survivre, de se faire une place dans un monde déloyal toujours plus intolérant envers son prochain. C'est ce qui fait la force ou la puissance dramatique de Pig, errance existentielle d'un proscrit contraint de s'extirper de son terrier pour tenter de retrouver sa seule compagnie amiteuse dans sa morne condition de déréliction. Presque méconnaissable auprès d'un regard martyrisé par le désastre, on n'avait pas observé un Nicolas Cage aussi strié dans sa carapace de clodo à la fois flegme et taciturne plombé du deuil, de la vie impossible en société tout en se remémorant son passé probablement meurtrier. Contemplatif, dépressif et plein de pudeur (notamment auprès de la fragilité fortuite des seconds-rôles), Pig tente donc de nous dévoiler au compte goutte de maigres indices sur le passé de Robin au gré d'un climat de désillusion dénué de fioriture. Tant et si bien que sa conclusion, bouleversante mais résolument sobre, risquera sans doute de déplaire à une frange de spectateurs, surtout ceux militant pour la cause animale (rester dans l'interrogation demeure ici assez frustrant). Le réalisateur s'efforçant d'authentifier sa tragédie humaine sans optimisme du happy-end. Et ce parmi cette volonté assumée d'y parfaire la gravité de son récit dans une intimité humaine ne comptant que sur les traces du passé pour se remémorer un bonheur conjugal aujourd'hui éteint. 


En tout état de cause, pour qui sait apprécier les vraies propositions d'un cinéma personnel réfractaire aux codes, à la conformité et aux effets de manche, Pig ne peut laisser indifférent. Que l'on adhère ou que l'on rejette cette ambulation humaine que Nicolas Cage immortalise de sa (douce) présence en berne. 

*Eric Binford