de Just Philippot. 2020. France. 1h42. Avec Suliane Brahim, Sofian Khammes, Marie Narbonne, Raphael Romand, Victor Bonnel, Vincent Deniard, Christian Bouillett
Sortie salles France: 16 Juin 2021
FILMOGRAPHIE: Just Philippot est un réalisateur français né le 18 Février 1982. 2020: La Nuée.
Une fois n'est pas coutume, un film Fantastique noble, adulte, intelligent, dépouillé, sincère, sans fioriture, ne court surement pas les rues en ces temps de remakes / reboot tentant de rameuter le jeune public sevré aux produits mainstream parmi lesquels Anabelle, La Nonne, La Malédiction de la dame Blanche et j'en passe. Si bien que pour une première réalisation, Just Philippot rend ses lettres de noblesse au Fantastique éthéré que l'on croirait extirpé des années 80, notamment auprès de sa faculté à rendre fascinant un contexte horrifique des plus dérangeants. C'est dire si La Nuée joue dans la cour (indépendante) des grands à imposer un récit irrationnel constamment inquiétant en privilégiant la psychologie tourmentée des protagonistes en proie à une menace écolo meurtrière. Ces derniers, une mère et ses 2 ados, tentant de survivre dans leur ferme en élevant des sauterelles de bien étrange manière. Mais chut, n'en dévoilons pas plus, disons que La Nuée prend tout son temps à planter son univers rural et ses personnages familiaux tentant de se reconstruire à la suite de la mort du paternel. Just Philippot nous radiographiant au compte goutte la déliquescence véreuse d'une agricultrice sujette à la précarité mais délibérée à retrousser ses manches pour rentabiliser dans l'élevage de sauterelles.
Ainsi, à travers l'unité familiale de ses protagonistes aussi vrais que dépouillés, Just Philippot les dirigent admirablement pour se familiariser auprès d'eux avec une empathie prédominante. Sa progression dramatique parfaitement planifiée nous réservant des situations frissonnantes dénuées de concession à travers la menace de ces sauterelles filmées en gros plan et sous toutes les coutures. Qui plus est épaulé d'une bande-son dissonante auprès de la vibration de leurs mouvements lorsqu'ils sont confinés dans les serres, leur posture erratique nous provoque une appréhension malaisante. Car aussi improbable soit son pitch singulier, La Nuée instaure un pouvoir de fascination de par sa véracité à nous faire croire à l'incongru sous l'impulsion de ses personnages se démenant avec force et fragilité contre l'incompréhension. Le réalisateur ayant recruté des comédiens méconnus au physique ordinaire en leur dictant des répliques naturelles réfractaires à l'élocution théâtrale (rare pour ne pas le souligner). Notamment auprès des deux ados incroyablement justes dans leur spontanéité à chérir leur mère, telle une copine, ou au contraire à s'en méfier au fil d'une dérive morale davantage opaque. Just Philippot retardant au maximum les effets chocs en privilégiant leur dimension humaine démunie, une cellule familiale au bord du marasme lorsque la mère ne parvient plus vraiment à distinguer le bien du mal par peur du chômage.
Grâce à sa qualité d'écriture narrative, à son élégante facture formelle et à ses personnages bien dessinés, La Nuée élève le genre Fantastique à son statut le plus intègre en suscitant lestement l'appréhension au gré d'une intensité dramatique toujours plus éprouvante. Le profil équivoque imparti à cette agricultrice maternelle nous réservant un dérangeant portrait de femme en perte de repères moraux faute de sa crainte de l'échec. Gérardmer ne s'y sera pas trompé, leurs Prix de la Critique et du Public ne sont point usurpés alors qu'il s'agit d'une production 100% française ! Comme quoi nous sommes parfois capable du meilleur avec de petites oeuvres indépendantes pour qui le genre est un sacerdoce.
*Eric Binford
Récompenses
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