vendredi 29 juin 2012

STAND BY ME

                                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site cineclap.free.fr

de Rob Reiner. 1986. U.S.A. 1h29. Avec Wil Wheaton, River Phoenix, Corey Feldman, Jerry O'Connell, Gary Riley, Kiefer Sutherland, Casey Siemaszko, Bradley Gregg, Jason Olivier, Marshall Bell.

Sortie salles France: 25 Février 1987. U.S: 8 Août 1986

FILMOGRAPHIE: Rob Reiner est un acteur, producteur, scénariste et réalisateur américain, né le 6 Mars 1947 dans le Bronx de New-York. 1984: Spinal Tap. 1985: Garçon chic pour nana choc. 1986: Stand By Me. 1987: Princess Bride. 1989: Quand Harry rencontre Sally. 1990: Misery. 1992: Des Hommes d'honneur. 1994: L'Irrésistible North. 1995: Le Président et Miss Wade. 1996: Les Fantômes du passé. 1999: Une Vie à Deux. 2003: Alex et Emma. 2005: La Rumeur Court. 2007: Sans plus attendre. 2010: Flipped.


Réalisateur éclectique, Rob Reiner s'inspire en 1986 d'une nouvelle de Stephen King (Le Corps parue à travers Différentes Saisons) pour entreprendre avec Stand By Me un hommage élégiaque à l'enfance dans toute sa candeur et vulnérabilité. Eté 1959, Oregon. Une bande de quatre amis inséparables décide de partir deux jours en randonnée forestière pour tenter de retrouver le corps d'un adolescent récemment disparu. Cette découverte macabre changera à jamais leur destin et leur manière d'appréhender le monde.


De manière sous-jacente, la mort plane sur les frêles épaules de nos héros en culotte courte durant leur cheminement initiatique acheminé vers une trouvaille morbide. Avec simplicité, humour et beaucoup de tendresse, Rob Reiner apporte un soin humaniste à caractériser nos quatre adolescents débordant de vigueur à travers leur tempérament débrouillard, mais aussi de malaise existentiel et de rancoeur, faute d'une démission parentale. Tant auprès de Gordie Lachance, rejeton dénigré par ses parents depuis la mort accidentelle de son frère aîné, de Chris Chambers, gamin révolté issu d'une famille à la réputation galvaudée et malencontreusement accusé de vol auprès d'un particulier perfide, ou encore de Teddy Duchamp, casse-cou irascible et provocateur, violenté par son paternel, ancien vétéran du débarquement de Normandie. Seul, Vern Tessio, gamin bedonnant plutôt maladroit et trouillard semble hérité d'une filiation placide. Ainsi, à travers leur escapade bucolique jalonnée de péripéties impromptues (telle cette déconvenue avec une bande de délinquants majeurs, ou leur course effrénée sur un pont ferroviaire afin d'éviter de plein fouet un train lancé à vive allure !), nous suivons leurs vicissitudes insouciantes, entre blagues de potache, conflits caractériels et prise de conscience existentielle. Rob Reiner s'attachant surtout à accorder un peu plus d'empathie et d'intérêt envers les personnages fragilisés de Gordie et Chris. Les enfants malchanceux les plus discrédités de leurs parents, et donc les mieux aptes à comprendre l'apprentissage de la maturité de par leur libre arbitre. Par conséquent, durant leur périple, notre duo n'aura de cesse de s'échanger des confidences intimistes pour se réconforter d'une absence affective, cette solitude écrasante mise en cause par la désunion de la cellule familiale.


Entre deux crises de fous-rire, prises de becs, peur panique du bruit dans la nuit et discorde avec des rouleurs de mécaniques, nos quatre baroudeurs vont côtoyer pour la première fois le vrai visage informe de la mort. Il en ressortira de cette excursion peu commune une expérience mystique auprès de la cruauté de l'existence si bien que cette bonhomie de l'enfance s'avère éphémère pour laisser place à la maturité de l'expérience. A travers le monologue nostalgique d'un narrateur aujourd'hui épanoui d'une aubaine conjugale et d'une réussite professionnelle, la destinée de Gordie Lachance en sort grandie et victorieuse. Alors que certains de ces meilleurs camarades n'auront eu cette faveur idéaliste de par leur parcours antinomique. Ainsi, de cette réminiscence infantile y résulte une émotion bouleversée de ce que les aléas de la vie peuvent réserver à chacun d'entre nous. Que le hasard n'est point une coïncidence et que le destin peut parfois malencontreusement vilipender l'un d'entre nous. Mais que la fraternité et l'amour restent des valeurs sûres pour pouvoir profiter du temps présent, surtout lors d'une époque charnière de l'insouciance où les prises de risques peuvent nous être inconsidérées.


Au coeur de l'amitié
Poésie lyrique à l'épanouissement de la jeunesse, hymne à l'amitié dans toute sa candeur, Stand by me est une déclaration d'amour à la magie de l'enfance mais aussi une prévoyance à l'ascension de la puberté. L'incroyable bonhomie naturelle de nos quatre adolescents et sa tendresse émanant de chaque tempérament nous menant finalement vers une élégie déchirante. Rob Reiner nous transcendant avec lyrisme une réminiscence infantile alliée au mérite de l'amitié et à cette fuite irrémédiable du temps présent.

A River Phoenix et Pascal, mon frère de coeur...
29.06.12. 4èx
Bruno Matéï

jeudi 28 juin 2012

VIERGES POUR LE BOURREAU (Il boia scarlatto)



                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site fastmovieblog.blogpost.com


de Massimo Pupillo. 1965. Italie/U.S.A. 1h23. Avec Mickey Hargitay, Walter Brandi, Moa Tahi, Alfredo Rizzo, Rita Klein, Femi Benussi, Luisa Baratto, Gino Turini, Ralph Zucker, Barbara Nelli, Albert Gordon.

FILMOGRAPHIE: Massimo Pupillo est un réalisateur, scénariste et producteur italien, né le 7 Janvier 1929 à San Severo.
1961: Teddy, l'orsacchiotto vagabondo (doc). 1965: 5 Tombes pour un médium (le cimetière des morts-vivants). 1965: Vierges pour le bourreau. 1965: La Vendetta di Lady Morgan. 1968: Django le taciturne. 1970: Giovane Italia, Giovane Europa - Marternick (télé-film). 1970: L'Amore, questo Sconosciuto. 1980: Sajana, l'audace impresa


Un bourreau azimuté reprend du service pour embrigader une équipe de comédiens dans son château et leur perpétrer d'horribles tortures inquisitrices.


Tourné la même année que le charmant classique Cimetière des Morts-vivants (avec Barbara Steele !), Vierges pour le Bourreau est une peloche du samedi soir aussi ludique qu'hilarante dans son délire festif décrété par un bourreau écarlate en survêtement rouge ! Le scénario tiré par les cheveux est déjà un mets de choix dans son inspiration héritée du Masque du Démon ou plutôt des fameux pulps pour adultes imprimés sur papier décrépi par souci d'économie. D'ailleurs, les amateurs penseront sans doute au célèbre roman photo, Satanik, publié la même année au pays transalpin, qui narrait les méfaits d'un mystérieux criminel vêtu d'une combinaison de squelette, torturant sans modération de charmantes donzelles dévêtues. Après son prélude influencé par le chef-d'oeuvre de Bava auquel un bourreau délétère condamné à mort promet de revenir se venger quelques siècles plus tard, un photographe et sa troupe de comédiens investissent un château réputé abandonné afin de réaliser une séance photos pour la publication d'un roman d'horreur. Mais la demeure est néanmoins déjà résidée par un étrange propriétaire renfrogné, épaulé de ces géôliers tout aussi acariâtres. Il reconnait in extremis parmi les invités une de ces anciennes idylles ! Dès lors, le majordome préalablement réticent à accueillir ses nouveaux hôtes se rétracte pour finalement accorder sa grâce. Bien entendu, c'est dans ce manoir même que notre bourreau sanguinaire fut jadis condamné au supplice de la Vierge de Nuremberg, et des morts mystérieuses ne vont pas tarder à se manifester ! Notre fantomas en pijama rouge semble donc revenir de l'au-dela pour accomplir ses nouvelles exactions à l'aide d'instruments de torture moyenâgeux !
.

Hormis une première partie frivole et aseptisée, la suite est heureusement rattrapée par un délire excentrique digne d'un carnaval déluré ! Le bourreau masqué façon "Zorro" (qui n'est autre que le propriétaire du château, sévèrement fêlé de la casquette !) accomplit ses tortures avec une hargne insolente et une fougue inébranlable ! Certaines de ces épreuves mises en scène avec une diabolique inventivité sont si incongrues qu'elles n'ont rien à envier aux agissements du Dr Phibes ou Jigsaw, illustres tortionnaires concurrentiels des décennies à venir. A ce titre, la séquence où l'une de nos protagonistes est emprisonnée par des cordelettes constituant une gigantesque toile d'araignée est un moment jouissif délicieusement extravagant. Surtout sachant que si l'une des cordes contractées venait à rompre, une flèche s'élancerait violemment en direction de la victime pour venir la transpercer ! A partir du moment où le bourreau sanguinaire dévoile son véritable visage et décide d'entamer sans vergogne ses crimes sadiques, le film prend une tournure pittoresque irrésistible. D'autant plus que notre antagoniste déficient s'en donne à coeur joie à exprimer avec fierté son exaltation pour accomplir ses odieux supplices. Les potiches dévêtues et embrigadées crient leur agonie, les hommes pugnaces tentent tant bien que mal de se démêler de leur filet et le bourreau extraverti jubile à outrance devant tant de fertile festivité !


Hormis un début paresseux sans éclat, Vierges pour le Bourreau se révèle à mi-parcours un savoureux nanar où les péripéties s'enchaînent sans répit avec le dynamisme d'une mise en scène assidue. Les combats de catch et les mises à morts pernicieuses sont illustrés avec ferveur dans des décors gothiques aux teintes colorées ! En prime, la cocasserie des dialogues exprimés par des trognes de seconde zone, son scénario farfelu et son ambiance rétro ne pourront que réjouir l'amateur puriste de bisserie saugrenue !

Dédicace à Artus Films
28.06.12. 2èx
Bruno Matéï

                                    

mercredi 27 juin 2012

Rusty James / Rumble Fish

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site fr.pinterest.com

de Francis Ford Coppola. 1983. U.S.A. 1h34. Avec Matt Dillon, Mickey Rourke, Diane Lane, Dennis Hopper, Diana Scarwid, Vincent Spano, Nicolas Cage, Chris Penn, Laurence Fishburne, William Smith.

Sortie salles France: 15 Février 1984. U.S: 21 Octobre 1983

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Francis Ford Coppola est un réalisateur, producteur et scénariste américain né le 7 Avril 1939. 1963: Dementia 13. 1966: Big Boy. 1968: La Vallée du Bonheur. 1969: Les Gens de la pluie. 1972: Le Parrain. 1974: Conversation Secrète. Le parrain 2. 1979: Apocalypse Now. 1982: Coup de coeur. 1983: Outsiders. Rusty James. 1984: Cotton Club. 1986: Peggy Sue s'est mariée. 1987: Jardins de Pierre. 1988: Tucker. 1989: New-York Stories. 1990: Le Parrain 3. 1992: Dracula. 1996: Jack. 1997: l'Idéaliste. 2007: l'Homme sans âge. 2009: Tetro. 2011: Twixt.


"Sublimement insolite et envoûtant à travers son onirisme existentiel que cette balade désenchantée avec l'ennui, voyage au bout de la nuit d'une quête identitaire."
Entrepris la même année que Outsiders et de nouveau adapté d'un roman de Susan Eloise Hinton, Francis Ford Coppola se révèle beaucoup plus ambitieux avec Rusty James, véritable expérience 
cinégénique imprimée de la personnalité (ici baroque) du cinéaste. Fable sur la lassitude, la fuite du temps et l'aliénation existentielle, cette errance fantasmatique de deux frères entravés nous envoûte les sens de par sa mise en scène expérimentale impartie à l'esthétisme expressionniste. Ainsi, à travers ce tableau dérisoire d'une jeunesse désoeuvrée laminée par l'ennui, le chômage et la démission parentale, Rusty James souhaite devenir le leader des gangs de rues, comme le fut préalablement son frère aîné, Motorcycle, véritable légende urbaine. S'il demeure vaillant et pugnace, Rusty James ne possède pas l'adresse ni l'intelligence de son aîné pour devenir un nouveau chef de bande réputé. Ses infidélités avec sa petite amie, l'absence d'un père alcoolique et la disparition inexpliquée de sa mère l'influencent à se focaliser sur la réputation notoire de son frère, et par la même occasion d'y trouver un sens à sa terne existence. Le hic, c'est que l'ancienne légende des bandes organisées s'est rétractée à renouer avec une vie marginale jalonnée de rixes héroïques. Penseur mutique emprisonné dans ses songes les plus autonomes, Motorcyle semble n'avoir d'autre but que de errer dans la petite contrée d'Oklahoma en murmurant à l'oreille de Rusty que les bagarres de rue finiront par le mener au bout d'une impasse.

                                        

Avec sa bande son musicale à la fois idoine et décalée, ses bruitages industriels récurrents et sa photo monocorde d'une splendeur hypnotique, Francis Ford Coppola nous façonne une "fureur de vivre" en mode "élégie existentielle". Sa distribution est d'autant mieux privilégiée du jeu spontané de Matt Dillon épaulé de son frangin taciturne en la présence du fantôme Mickey Rourke, mais aussi d'une pléiade de seconds rôles aussi marquants (Dennis Hooper en paternel alcoolique déchu, Chris Penn et Nicolas Cage en rebelles vaniteux, ou encore la suave Diane Lane en dulcinée trahie). Rusty James demeure donc une oeuvre atypique où l'atmosphère irréelle nous insuffle un sentiment d'escapade à travers le profil galvaudé de deux frères esseulés car destitués de leur propre identité. Ce besoin de fuite en avant vers l'immensité d'un océan azur, cette soif de liberté latente exprimée de façon succinct par un Motorcycle méditatif nous suscitant un poème désenchanté sur la fuite (furtive) du temps et l'échec personnel. Cette temporalité récursive rappelant à nos protagonistes que le passage à l'âge adulte est un cap franchissable si leur nouvelle vocation était de se rabattre à un avenir sociable. Spoil ! En l'occurrence, le parcours à venir de Rusty James pourrait donc peut-être renouer avec l'aspiration sociale après avoir médité sur la disparition de l'être cher parti trop tôt de manière fulgurante... Fin du Spoil.


Chef-d'oeuvre contemplatif beaucoup plus substantiel et abstrait que son cadet Outsiders auquel le temps ne semble avoir aucune prise sur son aura de fascination irrépressible, Rusty James est un moment de cinéma précieux à travers ses émotions troubles que 2 frères nous partagent dans leur humanisme à la fois torturé et romanesque. Tout simplement sublime et d'une sidérante modernité dans son format rétro de rendre hommage aux films de bandes des années 50.

*Bruno

La chronique d'Outsiders: http://brunomatei.blogspot.fr/2011/11/outsiders-outsiders.html

26.10.22. 4èx. Vost
27.06.12.

                                     

mardi 26 juin 2012

THE CROSSING GUARD

Photo empruntée sur Google, appartenant au site fan-de-cinema.com   
de Sean Penn. 1995. U.S.A. 1h51. Avec Jack Nicholson, David Morse, Anjelica Huston, Robin Wright, Piper Laurie, Richard Bradford, Priscilla Barnes, David Baerwald, Robbie Robertson, John Savage.

Sortie salles France: 15 Novembre 1995. U.S: 16 Novembre 1995

FILMOGRAPHIE: Sean Penn est un réalisateur, acteur, scénariste, producteur américain, né le 17 Août à 1960 à Santa Monica, en Californie.
1991: The Indian Runner
1995: The Crossing Guard
2001: The Pledge
2007: Into The Wild
Prochainement: The Comedian


Un père de famille décide de se faire justice lui même après avoir appris la libération du chauffard, responsable de la mort accidentelle de sa fillette de 7 ans.


Après son premier coup de maître, Indian Runner, qui illustrait la quête existentielle d'un belligérant du Vietnam de retour dans son pays, Sean Penn revient quatre ans plus tard pour nous évoquer avec The Crossing Guard le deuil insurmontable d'un père de famille rongé par la haine et la vengeance.
Avec en tête d'affiche le monstre sacré Jack Nicholson, épaulé du non moins brillant David Morse, mais aussi de seconds rôles féminins peu communs (Angelica Huston et Robin Wright, divines de candeur fluette !), ce drame psychologique s'exacerbe un peu plus au fil d'un cheminement tortueux et indécis. En réalisateur empli d'humanisme, Sean Penn transforme une simple histoire de vengeance en poème opaque auquel les thèmes de la culpabilité, la rancoeur, le pardon et la vengeance sont transcendés par une mise en scène auteurisante réfutant les traditionnelles conventions. Ce face à face poignant entre un père de famille désabusé et un ancien chauffard ivre, responsable de la mort accidentelle de sa petite fille, se déroule de façon inopinée pour mettre en valeur leurs états-d'âme galvaudée. Sa densité narrative est de mettre en exergue le profil torturé de ces deux hommes psychologiquement anéantis par le deuil d'une innocence infantile. Le défunt paternel, habité par la rancune et la haine, se morfond lamentablement dans l'alcool et accumule les conquêtes d'un soir dans un night club de streap-tease avant de daigner commettre l'irréparable ! Alors que le coupable, dégagé de l'équité d'avoir purgé une peine de cinq ans de réclusion, prolonge sa condamnation dans les tourments de la culpabilité et du remord.


Avec l'entremise d'épisodes souvent impondérables, parfois teintées d'ironisme (la cliente hautaine de la bijouterie, la 1ère altercation entre les deux hommes dans la caravane) ou de plages de poésie prude (l'intrusion de Freddy dans la chambre de la fillette asiatique et l'épilogue crépusculaire confiné à un recueillement funéraire !), The Crossing Guard surprend par son iconoclasme et son empathie dépouillée. Comment surmonter son deuil d'avoir perdu sa chair de sang vertueuse et comment trouver la quiétude après sa soudaine disparition inéquitable ? Ce sentiment d'injustice et ce désir de justice expéditive est décuplé par un père de famille chétif, incapable de pouvoir réfréner ses pulsions malsaines liées au trépas punitif.
Si le coupable tente d'entamer de façon aléatoire une liaison amoureuse avec une jeune femme inapte à supporter son poids de culpabilité, sa peur et ses doutes de devoir trépasser sous les balles d'un justicier opiniâtre le contraint malgré tout à se défendre en désespoir de cause.
Sean Penn démontre ici que la victime et le coupable sont étroitement liés dans leurs névroses intrinsèques où culpabilité pour l'un et rancoeur pour l'autre vont les contraindre à s'affronter dans une démarche suicidaire afin de mettre un terme à leur affliction commune.


Emprunt de lyrisme et débordant d'humanisme rédempteur, The Crossing Guard interpelle dans son discours pacificateur imparti au pardon, à contrario de la rancoeur vindicative. Ce drame intense et bouleversant doit également son impact émotionnel grâce à l'interprétation d'illustres comédiens (l'immense Nicholson déambule à la manière d'un fantôme discrédité), sa structure narrative anticonformiste, sa mise en scène gracile et enfin son tube nonchalant, I miss you, interprété par la voix singulière de Bruce Springsteen.

26.06.12. 2èx
Bruno Matéï

lundi 25 juin 2012

Le Monstre est vivant. Prix Spécial du Jury à Avoriaz 1975

                                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinechange.com

"It's Alive" de Larry Cohen. 1974. U.S.A. 1h31. Avec John P. Ryan, Sharon Farrell, James Dixon, William Wellman Jr, Shamus Locke, Andrew Duggan, Guy Stockwell, Daniel Holzman, Michael Ansara, Robert Emhardt.

Récompense: Prix Spécial du Jury à Avoriaz, 1975

FILMOGRAPHIE: Larry Cohen est un réalisateur, producteur et scénariste américain né le 15 Juillet 1941. Il est le créateur de la célèbre série TV, Les Envahisseurs. 1972: Bone, 1973: Black Caesar, Hell Up in Harlem, 1974: Le Monstre est vivant, 1976: Meurtres sous contrôle, 1979: Les Monstres sont toujours vivants, 1982: Epouvante sur New-York, 1985: The Stuff, 1987: La Vengeance des Monstres, Les Enfants de Salem, 1990: l'Ambulance. - Comme Producteur: Maniac Cop 1/2/3. - Comme Scénariste: Cellular, Phone Game, 3 épisodes de Columbo.


Un puissant plaidoyer pour l'amour parental.
Le pitch: Une femme accouche d'un bébé monstrueux dans un hôpital. Libéré dans la nature et confiné dans les égouts, le bambin perpétue une vague de crimes. La police locale entame une traque impitoyable alors que les parents essaient de déchiffrer leur éventuelle responsabilité. 
Gros succès international malgré son échec dès sa 1ère sortie U.S (il ressortira 3 ans et demi plus tard pour enfin rencontrer la notoriété), le Monstre est Vivant doit beaucoup de son impact émotionnel grâce au thème délicat de l'enfance galvaudée. Car à partir d'une idée incongrue à la limite du grotesque (un bébé monstre commet une série de meurtre dans une paisible bourgade ! Qui l'eut cru ?),  Larry Cohen  en extrait un film d'horreur intelligent de par son traitement social éludé de surenchère. Alors qu'auprès d'un concept aussi délirant, d'autres cinéastes peu scrupuleux ou cupides auraient fait chavirer le projet dans la gaudriole grand-guignol (suffit d'ailleurs de jeter un tout petit oeil sur l'horripilant remake DTV entrepris par Josef Rusnak !).


Par conséquent, Larry Cohen prend son sujet à coeur afin de consolider un drame humain à la fois  poignant (le cruel épilogue d'une acuité dramatique provoque chez le public une empathie insoupçonnée auprès du nourrisson terrorisé), rigoureux et inquiétant (la culpabilité des parents déconcertés et les exactions du bébé renforçant l'opacité d'une ambiance feutrée). Le prologue anthologique, un accouchement virant à l'horreur pure, constitue un exemple pertinent dans la manière dont le réalisateur s'y emploie pour nous ébranler de par l'effet de suggestion du montage agressif. Un médecin ensanglanté sort de la salle d'opération en trébuchant sur le sol ! Il n'en faut pas plus à Cohen d'y véhiculer un climat anxiogène abrupt lorsque le père de famille, alarmé par cet incident fortuit, se dirige vers la salle en accourant pour constater l'horrible carnage avec effroi ! A l'exception de la mère en état de marasme, tous les membres hospitaliers ont été sauvagement mutilés par le bébé difforme et carnassier ! Échappé de l'hôpital, il sème la terreur dans la ville et semble daigner trouver refuge vers son cocon parental.


Ainsi, avec beaucoup de sobriété et en évitant le plus possible de dévoiler l'apparence du monstre par le biais de plans laconiques, Le Monstre est vivant vire à l'inlassable traque des forces de police pour tenter de le juguler. Quand bien même les parents, dépités et désoeuvrés, se morfondent dans la culpabilité si bien que Larry Cohen y apporte beaucoup d'humanisme auprès de leurs états d'âme rongés par la honte, la stupeur et l'incompréhension. Leur aigreur dépressive émanant des agissements d'une société à la fois drastique et immorale (notamment auprès de l'opportunisme des médias en quête de sensations et d'une police expéditive) incapable d'accorder un traitement de faveur à un monstre infantile destitué du lien familial. Les thèmes du droit à la différence est donc mis au pilori pour mettre en exergue l'idéologie sournoise du corps policier souhaitant étouffer ce fait divers particulièrement dérangeant. Mais l'intrigue fragile nappé d'une atmosphère ombrageuse adopte une tournure dramatique édifiante lorsque le père, consterné d'empathie et de pitié (quel puissance d'expression affligée de la part de l'acteur John P. Ryan magnétisant l'écran tout le long du récit !), observe attentivement le désarroi du rejeton apeuré pour le prendre sous son aile et tenter de le rassurer en désespoir de cause. Ainsi, pour élucider la pathologie anormale de cette victime estropiée, le réalisateur semble remettre en cause la dérive inquiétante de produits médicamenteux instaurés sur le marché. En l'occurrence, la pilule contraceptive (n'étant plus un sujet tabou dans les années 70) que la mère ingéra huit mois avant son accouchement. (De là à suggérer que Cohen soit contre l'avortement...)


Les enfants sont-ils des monstres ou les monstres sont-ils des enfants ?
Métaphore sur l'innocence véreuse auprès de certains sujets erratiques, Le Monstre est Vivant est une oeuvre culte sacrément couillue d'avoir su aborder aussi intelligemment son thème  incongru. De par le brio du cinéaste apte à façonner les scénarios les plus improbables, Le Monstre est Vivant échappe honorablement à la routine zédifiante avec une puissante dramatique souvent dérangeante. Adoptant le sobre parti-pris de cultiver un rythme volontairement lattant pour autant captivant, cette oeuvre forte et bouleversante nous interpelle sur les choix moraux d'une famille démunie compromise entre l'acceptation et la démission vis à vis du sort de leur progéniture. Et ce sous couvert de questionnement du droit à la différence et de la polémique de l'avortement, notamment auprès de la dangerosité de certains produits pharmaceutiques circulant en vente libre.

* Bruno
Dédicace à Isabelle Rocton
18.09.20. 5èx
25.06.12.

vendredi 22 juin 2012

Duel. Grand Prix, Avoriaz 1973

                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site ivid.it

de Steven Spielberg. 1971. U.S.A. 1h32. Avec Dennis Weaver, Jacqueline Scott, Eddie Firestone, Lou Frizzell, Gene Dynarski, Lucille Benson, Tim Herbert, Charles Seel, Shirley O'Hara, Alexander Lockwood.

Sortie salles France: 21 Mars 1973. U.S: 13 Novembre 1971

FILMOGRAPHIE: Steven Allan Spielberg, Chevalier de l'Ordre national de la Légion d'honneur est un réalisateur, producteur, scénariste, producteur exécutif, producteur délégué et créateur américain, né le 18 décembre 1946 à Cincinnati (Ohio, États-Unis). 1971: Duel , 1972: La Chose (télé-film). 1974: Sugarland Express, 1975: Les Dents de la mer, 1977: Rencontres du troisième type, 1979: 1941, 1981: les Aventuriers de l'Arche Perdue, 1982: E.T. l'extra-terrestre , 1983: La Quatrième Dimension (2è épisode), 1984: Indiana Jones et le Temple maudit, 1985: La Couleur pourpre, 1987: Empire du soleil, 1989: Indiana Jones et la Dernière Croisade, Always, 1991: Hook, 1993: Jurassic Park, La Liste de Schindler, 1997: Le Monde Perdu, Amistad, 1998: Il faut sauver le soldat Ryan Saving Private Ryan, 2001: A.I., 2002: Minority Report, Arrête-moi si tu peux, 2004: Le Terminal , 2005: La Guerre des Mondes, 2006: Munich, 2008: Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal. 2011 : Cheval de guerre. 2012 : Lincoln. 2015 : Le Pont des Espions. 2016 : Le Bon Gros Géant. 2017 : Pentagon Papers. 2018 : Ready Player One. 2021 : West Side Story. 2022 : The Fabelmans. 


A l'origine, Duel est un télé-film réalisé par un jeune novice inconnu, Steven Spielberg, d'après une nouvelle de Richard Matheson. Fort de son succès d'audience à la télévision américaine, le réalisateur décide de rallonger son film de 16 minutes pour pouvoir le diffuser en salles. Le public et la critique sont conquis ! Ce film à petit budget tourné en 12 jours remporte un succès d'estime à travers le monde et se voit même gratifié 2 ans après sa sortie du prestigieux Grand Prix du Festival d'Avoriaz. Avec un pitch d'une désarmante simplicité (une course effrénée entre deux véhicules routiers à travers les routes de Californie, jusqu'à ce que l'un d'entre eux en perde le contrôle), le débutant Steven Spielberg concrétise un modèle de mise en scène et d'efficacité poussée à son paroxysme. Toute l'habileté de cette situation saugrenue digne d'un épisode de la 4è dimension est impartie à la dimension psychologique de son personnage principal, un employé de commerce en crise conjugale. Durant son périple bucolique à travers les routes clairsemées de la Californie, David Mann (campé par un Dennis Weaver hanté par l'appréhension !) va se retrouver confronté à une terrible épreuve de survie dans sa banalité quotidienne. Sous un soleil écrasant, un mystérieux routier dont on ne verra jamais le visage décide de poursuivre inlassablement cet automobiliste, alors que son unique vocation semble être un duel machiste jusqu'à ce que mort s'ensuive.


Mené de main de maître par un Steven Spielberg déjà surdoué pour élaborer des séquences virtuoses de courses-poursuites d'une rare intensité, Duel est un suspense délétère d'autant plus interlope que nous ne connaîtrons jamais l'identité du routier erratique. Une manière sournoise pour le réalisateur d'entretenir le mystère et ainsi exacerber une situation de crise anxiogène auprès de la victime dépourvue d'assistance. Avec son poids-lourd à combustible rubigineux, véritable monstre d'acier au faciès rugissant, ce conducteur n'aura de cesse de harceler cet employé de commerce déjà contrarié par un conflit familial. Père de famille pudique et inhibé, David va devoir user de bravoure et vaillance pour se dépêtrer d'un duel infernal entrepris avec cet antagoniste toujours plus intraitable. Pour accentuer la dimension humaine de la victime réprimandée, Spielberg établit notamment une introspection sur ses pensées intimes gagnées par la paranoïa. De façon intermittente, un monologue va nous rappeler que notre automobiliste désorienté est intrinsèquement épris d'une terreur incontrôlée par l'influence d'un psychopathe indéfectible. Emaillé de péripéties impromptues parfois spectaculaires (l'offensive du poids-lourd chez la propriétaire de reptiles ou l'altercation devant la voie ferrée), Duel nous transcende la plus aberrante course-poursuite automobile jamais conçue au cinéma !


A la limite du fantastique irrationnel, Duel est un chef-d'oeuvre immuable d'une puissance narrative et émotionnelle atypique ! Jouant avec les nerfs du spectateur autant que la victime prise à partie, Steven Spielberg aménage avec des moyens minimalistes un sommet de suspense Hitchcockien d'une efficacité extravagante ! Mis en scène avec précision, ce premier coup de maître d'un authentique magicien du 7 art symbolise notamment non sans originalité une allégorie sur la montée de la violence routière.

*Bruno
22.06.12. 4èx

Récompenses: Grand Prix à Avoriaz, 1973
Emmy Awards du Meilleur Montage sonore en 1972

jeudi 21 juin 2012

C'ETAIT DEMAIN (Time after Time). Grand Prix à Avoriaz 1980

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site every70smovie.blogspot.com

de Nicholas Meyer. 1979. U.S.A. 1h55. Avec Malcolm Mc Dowell, David Warner, Mary Steenburgen, Charles Cioffi, Kent Williams, Andonia Katsaros, Patti d'Arbanville, James Garrett, Leo Lewis.

Sortie salles France: 23 Janvier 1980. U.S: 31 Août 1979

Récompenses: Grand Prix et Antenne d'Or à Avoriaz, 1980.

FILMOGRAPHIE: Nicholas Meyer est un réalisateur, scénariste, acteur et producteur américain, né  le 24 Décembre 1945 à New-York.
1979: C'était demain. 1982: Star Trek 2. 1983: Le Jour d'Après. 1985: Volunteers. 1988: Les Imposteurs. 1991: Company Business. Star Trek 6. 1999: Vendetta


Londres, 1893. Le célèbre écrivain HG Wells vient de mettre au point une machine à voyager dans le temps. Mais le tueur Jack l'Eventreur réussit à dérober son invention pour se projeter dans un futur beaucoup plus familier pour ses exactions meurtrières. HG Wells décide de le rejoindre afin de tenter de l'appréhender.


Couronné du Grand Prix et de l'Antenne d'Or à Avoriaz, C'était Demain doit sa renommée grâce à un scénario ciselé, des personnages finement dessinés et un concept délirant absolument stimulant. Imaginez H.G Wells, illustre romancier de science-fiction, expliquant à ces amis qu'il est le concepteur d'une machine à explorer le temps. Seulement voilà, parmi l'assemblée, John Stevenson, alias Jack l'éventreur, fait parti des invités et décide de dérober l'engin révolutionnaire pour fuir la police de Scotland Yard. Et HG Wells de s'empresser de le rejoindre dans le monde moderne du vingtième siècle à San Francisco ! Commence alors le début d'une palpitante chasse à l'homme me direz vous ! Oui et non, car de prime abord le réalisateur Nicholas Meyer souhaite privilégier la dimension psychologique de ces protagonistes réfugiés dans notre monde contemporain avili par la banalité d'une violence criminelle. Et notamment de mettre en exergue le comportement matérialiste de l'espèce humaine tributaire des nouvelles technologies du monde moderne. Alors que Jack l'Eventreur s'épanouit pleinement à perpétrer ses crimes dans cette nouvelle époque dissolue, H.G Wells établit la rencontre d'une ravissante banquière pour entamer une relation édénique. Si le réalisateur s'attarde avant tout à nous décrire une romance vertueuse entre les deux amants, c'est aussi pour nous familiariser à leurs rapports communs et confectionner un suspense grandissant quant à la sauvegarde de la dulcinée de Wells, prochaine cible de l'éventreur.


Avec sobriété et refus de surenchère, C'était Demain cultive son intérêt par une structure narrative charpentée mais aussi et surtout par la spontanéité fougueuse des personnages. En romancier avisé revenu de l'époque victorienne, Malcolm McDowell livre une interprétation timorée toute en pudeur. Sa posture de détective circonspect affublé d'un look rétro façon Sherlock Holmes, son intégrité et sa passion amoureuse de s'éprendre d'une femme avenante imposent un profil docile pour contraster avec la folie ambiante d'un nouveau siècle régi par l'incivisme. Secondé par la charmante Mary Steenburgen, l'actrice endosse une romantique anachronique éperdument vouée à rencontrer le prince charmant. Sa présence suave, sa voix lascive et son caractère altruiste insufflant un irrésistible pouvoir de séduction dont H.G Wells et le spectateur sont naturellement contraints d'y céder. Enfin, Jack l'éventreur est incarné par le génial David Warner, absolument magnétique dans son flegme odieusement délétère. Son hypocrisie arrogante et sa déraison meurtrière caractérisant avec rigueur un tueur impassible, presque mutique lors de ses exactions crapuleuses.


Mené de main de maître par un réalisateur inspiré et pourvu d'une grande intelligence dans sa structure narrative découlant d'une allégorie sur l'infection du Mal, C'était Demain n'a rien perdu de son attrait. La densité de son suspense progressif, son humour perspicace et surtout la dimension prude accordée à la tendre romance configurent une réussite de la science-fiction moderne !

21.06.12. 4èx
Bruno Matéï

mercredi 20 juin 2012

CREEPSHOW

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site webringjustice.wordpress.com

de Georges A. Romero. 1982. U.S.A. 1h59. Avec Hal Holbrook, Adrienne Barbeau, Fritz Weaver, Leslie Nielsen, Carrie Nye, E.G. Marshall, Viveca Lindfors, Ed Harris, Ted Danson, Stephen King, Warner Shook.

Sortie salles France: 22 Juin 1983. U.S: 12 Novembre 1982
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FILMOGRAPHIEGeorges Andrew Romero est un réalisateur, scénariste, acteur, auteur américain, né le 4 Février 1940 à New-York. 1968: La Nuit des Morts-vivants. 1971: There's Always Vanilla. 1972: Season of the Witch. 1973: The Crazies. 1977: Martin. 1978: Zombie. 1981: Knightriders. 1982: Creepshow. 1985: Le Jour des Morts-vivants. 1988: Incidents de parcours. 1990: Deux Yeux Maléfiques. 1992: La Part des Ténèbres. 2000: Bruiser. 2005: Land of the Dead. 2008: Diary of the Dead. 2009: Survival of the Dead. 2011: Deep Red.

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Georges Romero à la réalisation, Stephen King au poste de scénariste et Tom Savini pour les effets-spéciaux ! Trois légendes de l'horreur se sont réunies pour rendre hommage à leur comic books de jeunesse, les EC.Comics. Ces fameuses bandes dessinées pour adultes garnies d'ironie macabre firent leur apparition dans les années 50. Chaque magazine y regroupait quatre histoires d'horreur pour mettre en vedette monstres, morts-vivants, insectes mutants, cannibales, plantes carnivores, vampires assoiffés de sang, etc... Le prologue acerbe lors d'une discorde familiale (un gamin est sévèrement réprimandé par son père d'avoir osé lire une BD d'épouvante) démontre bien l'intransigeance des parents à vitupérer leur bambin féru d'horreur. Une séquence iconique dont bon nombre de teenagers s'y sont sans doute reconnus (moi compris !) mais que Georges Romero va quand même nous venger pour le sort réservé au paternel lors d'un épilogue diablement caustique.


Un vieillard revient d'entre les morts pour réclamer son gâteau d'anniversaire. Un fermier déficient se transforme en plante verte après avoir touché une météorite. Un mari trompé, passionné de vidéo, décide de se venger de sa femme et de son amant en filmant leur propre agonie. Une caisse verrouillée datant de 1834 renferme un monstre glouton dévoreur de chair humaine. Enfin, un PDG vaniteux se retrouve embrigadé sur son lieu de travail parmi la prolifération de cafards !

                                     

Sorti en 1982, Creepshow remporta un beau succès à travers le monde et il faut remonter à 1972 pour renouer avec autant de réussite auprès du génial Histoires d'outre-tombe de Freddie Francis. En conjuguant l'horreur grand-guignolesque désamorcée d'humour noir décomplexé, nos trois maîtres de l'épouvante ont conçu un formidable hommage à ces récits d'horreur des années 50, préalablement dessinés par des artistes prodiges. La galerie de personnages mesquins, sournois ou délétères s'avère un atout jouissif dans leurs exactions meurtrières perpétrées sans vergogne. Et à ce degré de perversité, Hal Holbrook et Adrienne Barbeau forment un tandem masochiste de premier choix dans un des sketchs les plus notoires, La Caisse ! Le soin des maquillages et FX artisanaux conçus par Tom Savini et les scénarios machiavéliques, ironiquement grotesques ou plaisantins inspirés de Stephen King, nous entraînent dans une sarabande cartoonesque diablement réjouissante. La mise en scène assidue de Georges Romero multipliant les teintes colorées d'une photo parfois saturée de rouge flashy, et les cadrages alambiqués ou obliques étant également mis en valeur afin de renouer avec l'esprit EC. Comics dérivé de l'anime.


Quelque peu inégal eu égard des deux premiers sketchs assez prévisibles mais néanmoins bougrement attachants et pittoresques, Creepshow transcende ensuite son potentiel cartoonesque avec trois autres récits beaucoup plus féroces. Son alliage d'humour sardonique et d'horreur festive, sa mélodie rétro interprétée au clavier, sa galerie de trognes peu recommandables, ses monstres charismatiques et sa perversité tranchante s'acheminant au chef-d'oeuvre. Aujourd'hui encore, il reste inégalé et continue de fasciner les amateurs de farce macabre érigée sur le principe d'un grand-guignol omnibus.

* Bruno
20.06.12. 5èx

 

mardi 19 juin 2012

LOS ANGELES 2013

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Sortie salles France: 13 Novembre 1996. U.S: 9 Août 1996

de John Carpenter. 1996. U.S.A. 1h41. Avec Kurt Russel, A.J Langer, Steve Buscemi, Georges Corraface, Stacy Keach, Michelle Forbes, Pam Grier, Jeff Imada, Cliff Robertson, Valeria Golino, Peter Fonda.

FILMOGRAPHIEJohn Howard Carpenter est un réalisateur, acteur, scénariste, monteur, compositeur et producteur de film américain né le 16 janvier 1948 à Carthage (État de New York, États-Unis). 1974 : Dark Star 1976 : Assaut 1978 : Halloween, la nuit des masques 1980 : Fog 1981 : New York 1997 1982 : The Thing 1983 : Christine 1984 : Starman 1986 : Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin 1987 : Prince des ténèbres 1988 : Invasion Los Angeles 1992 : Les Aventures d'un homme invisible 1995 : L'Antre de la folie 1995 : Le Village des damnés 1996 : Los Angeles 2013 1998 : Vampires. 2001 : Ghosts of Mars 2010 : The Ward
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Le pitch: Snake Plissken est une nouvelle fois contraint de servir son pays dans une cité anarchique de Los-Angeles afin de retrouver une mallette ayant pour objet d'enrayer la planète.  
Nouvel échec commercial et critique pour Big John, Los Angeles 2013 est la suite (remake ?) tant fantasmée par les millions de fans du notoire New-York 1997Bande dessinée échevelée par son action épique, ces personnages hauts en couleur et ces décors décharnés mis en exergue sous un climat crépusculaire, notre anti-héros renoue aujourd'hui avec une mission suicide toujours aussi palpitante. Ces nouvelles vicissitudes remplies de dérision s'avérant un plaisir de cinéma comme on en voit trop peu dans le domaine du divertissement adulte. Et même si les FX de synthèse grossiers et désuets font preuve d'une maladresse évidente (faute d'une société en débâcle lors de la post-production), l'univers polychrome dépeint par Carpenter s'y prête plutôt bien pour grossir l'ambiance délurée d'une cité effrontée.
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Le pitch reprend à peu près la même ossature narrative que son prédécesseur, sans doute afin de mieux souligner l'itinéraire routinier d'un baroudeur fatigué de servir un état despotique régi par un président fasciste. On sent que cette fois-ci, John Carpenter a souhaité privilégier l'action homérique très influencée par l'univers de la BD et du cartoon Bis plutôt que de mettre en valeur une atmosphère opaque en décrépitude. Pour autant, son climat nocturne reste toujours bel et bien présent mais l'angoisse ombrageuse ressentie durant le premier volet est éludée au profit d'un univers bariolé et d'un humour railleur. Et à ce niveau, Carpenter s'en donne à coeur joie pour brimer Snake Plissken assujetti à prendre les risques les plus saugrenus. Car ici notre borgne frondeur risque sa vie après avoir été séquestré par un chirurgien vitriolé adepte de la greffe esthétique, joué une partie de basket-ball pour relayer le jeu de cirque romain, pratiqué le surf (avec l'aide du vétéran soixante-huitard Peter Fonda !) pour rattraper un bad guy arrogant, circulé en moto pour courser ses rivaux lors d'une chevauchée futuriste, ou encore s'envolé en delta plane (sous l'influence de la reine noire Pam Grier !) afin de dérober une mallette et sauver sa peau.
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Avec l'appui de comparses tous plus sournois et mesquins les uns des autres (Steve Buscemi, génial d'hypocrisie en guide badin ou encore la fille anarchiste du président en potiche versatile), la mission périlleuse de Snake constitue une déroute pour la sauvegarde d'une Amérique libre. Que ce soit sur l'île de Los Angeles, lieu de déportation des marginaux tributaires d'un leader extrémiste ou dans l'autre camp régi par un président mandaté à vie, l'émancipation n'a plus aucun mérite si bien que la violence, l'intolérance et la criminalité se sont emparées de nos mentalités. La corruption s'est donc infiltrée à travers nos doctrines et le monde court davantage à sa perte par l'entremise de Snake Plissken ! Car aujourd'hui, notre cow-boy revanchard, plus que jamais désillusionné d'être le bouc émissaire d'un état prédestiné à la prohibition, décide d'éteindre la lumière afin d'annihiler l'humanité toute entière ! No futur !


Plus les choses changent et plus elles restent les mêmes
Pamphlet contre nos sociétés totalitaires, Los Angeles 2013 est un pied de nez aux stratégies politiques véreuses dénuées de toute morale. Jouissif, délirant et inventif en diable de par ses péripéties fertiles, et baignant dans un univers d'apocalypse aussi crépusculaire que bigarrée, les nouvelles mésaventures de Snake constitue un (généreux) divertissement décomplexé où le cynisme social finit par cultiver le chaos. L'audace ironique de son célèbre épilogue dévoilant notamment derrière son message nihiliste l'amertume d'un cinéaste au bord du gouffre car désabusé de sa propre condition existentielle. A réhabiliter d'urgence !

19.06.12. 3èx
Bruno Matéï


lundi 18 juin 2012

Obsession

                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site moviescreenshots.blogspot.com

de Brian De Palma. 1976. U.S.A. 1h38. Avec Cliff Robertson, Geneviève Bujold, John Lithgow, Sylvia Kuumba Williams, Wanda Blackman, J. Patrick McNamara, Stanley J. Reyes, Nick Kreiger.

Sortie salles en France: 18 Janvier 1977. U.S: 1er Août 1976

FILMOGRAPHIEBrian De Palma, de son vrai nom Brian Russel DePalma, est un cinéaste américain d'origine italienne, né le 11 septembre 1940 à Newark, New-Jersey, Etats-Unis. 1968: Murder à la mod. Greetings. The Wedding Party. 1970: Dionysus in'69. Hi, Mom ! 1972: Attention au lapin. 1973: Soeurs de sang. 1974: Phantom of the paradise. 1976: Obsession. Carrie. 1978: Furie. 1980: Home Movies. Pulsions. 1981: Blow Out. 1983: Scarface. 1984: Body Double. 1986: Mafia Salad. 1987: Les Incorruptibles. 1989: Outrages. 1990: Le Bûcher des vanités. 1992: l'Esprit de Cain. 1993: l'Impasse. 1996: Mission Impossible. 1998: Snake Eyes. 2000: Mission to Mars. 2002: Femme Fatale. 2006: Le Dahlia Noir. 2007: Redacted.


Hommage à Sueurs Froides d'Alfred Hitchcock, Obsession est une errance romantique avec la mort. A travers l'argument d'un banal kidnapping ayant mal tourné, Brian De Palma nous transcende une incroyable machination doublé de romance particulièrement élégiaque. Le pitchaprès la disparition de sa femme et de sa fille, rongé par le remord et la culpabilité de n'avoir pu les sauver lors d'un kidnapping, un riche  entrepreneur séjourne 16 ans en Italie pour se remémorer leur première rencontre édénique. C'est dans la bâtisse d'une église qu'il fait connaissance de Sandra Portinari, le parfait sosie de son ancienne défunte ! Obsédé par la trouble beauté de la jeune femme, Michael Courtland la courtise et réussit par l'inviter à déjeuner. Au fil de leurs rendez-vous, une liaison amoureuse se lie entre eux. Mais Sandra semble elle aussi peu à peu éprise de fascination pour la disparition d'Elizabeth Courtland. Thriller vertigineux si fragile de par son ambiance romantique ensorcelante et sa montée en puissance du suspense au fil d'un cheminement davantage ombrageux, Obsession insuffle une irrésistible ambiance ésotérique. Poème mélancolique sur l'amour galvaudé et la perte de l'être aimé, cette oeuvre infiniment prude nous dépeint de prime abord l'impossible deuil d'un veuf taciturne incapable de se pardonner un choix tranché au point d'enchaîner comme conséquence la mort soudaine de sa famille.


Quant à la seconde partie, beaucoup plus inquiétante et fébrile auprès des tourments amoureux des amants, elle nous transfigure un implacable suspense Hitchcockien dont l'issue culmine vers une bouleversante alliance rédemptrice. Scandé de la puissante mélodie orchestrale de Bernard Herrman, aussi suave que suspicieuse,  Obsession nous entraîne dans la contrée touristique de Florence en compagnie de deux amants avides de retrouver un amour éperdu. Mis en scène de manière épurée et baignant dans un lyrisme diaphane parmi ses couleurs sépia voluptueuses, le suspense audacieux savamment instillé est en outre habité par l'interprétation des amants d'infortune. Dans celui du promoteur cossu, Cliff Robertson livre une interprétation poignante de par sa présence placide, taiseuse, réservée, timorée, d'autant plus noyé de chagrin et de culpabilité d'avoir ôté la vie de son épouse. Dans un double rôle équivoque, Geneviève Bujold transmet avec clémence et charme docile le personnage en demi-teinte d'une femme tourmentée d'un passé traumatique. Enfin, l'excellent John Lithgow se joue un malin plaisir à se fondre dans le corps d'un homme d'affaire perfide uniquement appâté par le gain. Sa gouaille orgueilleuse et ses ambitions cupides émanant d'un opportunisme couard à daigner déprécier sa victime. En somme le parfait salopard. 


Liens d'amour et de mort 
D'un romantisme lyrique absolu à travers une mélancolie pudibonde, Obsession se décline en voyage envoûtant où les songes du passé remontent à la surface afin de divulguer un secret éhonté. Car à travers l'improbable destinée de cet amant assujetti à sa passion amoureuse, Brian De Palma nous façonne finalement un magnifique profil d'amour paternel après nous avoir cruellement piégé au sein d'une conspiration sournoise. Illuminé de la chorale entêtante de Bernard Herrmann et transi d'émoi passionnel auprès du couple Robertson / Bujold, l'obscure obsession confine à la mélopée éperdue. Un chef-d'oeuvre de hantise mortifère imprégnée de romantisme obsédant. Et puis quelle mise en scène circonspecte ! 

Bruno
13.01.23. 5èx
19.06.12.