mardi 27 décembre 2016

Lemora / Lemora: a child's tale of supernatural

                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site gremlinshavepictures.blogspot.com

"Lemora: a child's tale of supernatural" de Richard Blackburn. 1973. U.S.A. 1h25. Avec Lesley Gilb, Cheryl Smith, William Whitton, Steve Johnson, Hy Pyke, Maxine Ballantyne, Parker West, Richard Blackburn.

Sortie US: Mai 1975

FILMOGRAPHIE: Richard Blackburn est scénariste, acteur et réalisateur américain
1973: Lemora. 1987: Histoires de l'autre monde (série TV - 1 épisode). 


En majorité peu connue des cinéphiles hormis sa discrète exploitation Vhs à l'orée des années 80 sous l'étendard Scherzo (merci Christophe Gans), Lemora est l'unique oeuvre de Richard Blackburn, scénariste entre autre de Eating Raoul. Sombré dans l'oubli et inédit en salles en France, ce conte horrifique nous entraîne par la main dans la psyché tourmenté de la candide Lila. A la manière d'un rêve abscons, le spectateur est emporté, comme notre héroïne, au sein d'un carnaval ubuesque parmi la fréquentation de monstres, sorcière et vampires. A titre anecdotique, le rôle du révérend est incarné par le réalisateur lui-même. Le pitchDans les années 30, un gangster supprime son épouse et son amant dans leur chambre d'hôtel. Sur la route du retour, l'homme s'égare sur une route sans fin. Lila, sa fille, reçoit une lettre de la part de Lemora lui sollicitant de venir la rejoindre afin de retrouver son père mourant. Elle part à la rencontre de cette étrange inconnue et se retrouve embarquée dans un monde onirico-cauchemardesque. Métaphore sur la crise identitaire d'une adolescente vertueuse depuis son enseignement catholique, Lemora est un conte irrationnel d'un baroque stylisé (photo flamboyante à l'appui). Fascinée et dérangée par l'accueil maternel de Lemora parfois accompagnée d'enfants orphelins, Lila n'aura de cesse de la fréquenter avec une confiance davantage dubitative depuis son attitude obséquieuse, quand bien même, à proximité du bois, des créatures mi-monstres, mi-humaines tentent d'entrer dans le cocon familial pour l'assassiner.


Perturbée par la corruption criminelle de son père et en perte de repères au sein d'un univers nonsensique, Lila s'imagine donc ce refuge insolent peuplé de monstres gouailleurs et de vampires insidieux. Analogie de ses démons internes si bien que durant son errance psychologique elle s'initie à la perversité masculine et féminine à travers leur sexualité équivoque. C'est notamment une manière irrationnelle d'extérioriser ses doutes et ses craintes de se confronter à la réalité de la mort (Lemora, contrairement immortelle l'incitant à la vie éternelle) puis celle de devenir futur objet de désir sexuel. Si Lemora constitue une expérience à la fois irrésistiblement envoûtante et charnelle, il le doit à son atmosphère crépusculaire à la lisière du conte de fée (l'arsenal de vampires, hommes-loups, sorcière, ogre des bois, climat nocturne fantasmagorique, échos animaliers dans la nature champêtre) et de l'horreur gothique (les magnifiques chambres domestiques de la bâtisse héritées d'une épouvante archaïque). Qui plus est, sa distribution méconnue au charisme magnétique nous laisse pantois de fascination face à ces visages étrangement pénétrants. Troublante Lemora de par son jeu de regard aussi pâle et sévère qu'étrangement placide, Lesley Gilb crève l'écran si bien que nous ne sommes pas prêts d'oublier sa silhouette ténébreuse, nouvelle icone d'une vampirella à la fois secrète et bourrue. Attachante, chétive, innocente et doucement fascinée par cette théâtralisation morbide, Cheryl Smith parvient à nous immerger dans ses angoisses pubères avec un sobre naturel. 

                                          

Lila et le miroir des ombres
Oeuvre atypique indéchiffrable, récit initiatique et métaphysique, allégorie sur la perte de l'innocence et la dualité du Bien et du Mal, Lemora s'édifie en rêve irrationnel à l'aide d'une fulgurance visuelle prégnante. En effet, rarement au cinéma le sentiment d'évasion et d'abandon (à l'instar des sublimes Let's Scare Jessica to death et de Valérie au pays des merveilles) n'aura été aussi perçu aussi sensoriel dans l'esprit du spectateur embarqué dans un conte à l'aura macabre perméable. Il y émane une perle rare, une expérience parfois dérangeante et abstraite, un Alice au vitriol étrangement vénéneux de par son pouvoir de séduction feutrée. Et c'est donc aussi culte (au sens éthymologique) qu'incontournable.

*Bruno
21.11.22
27.12.16
08.12.11



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire