de Dario Argento. 1977. Italie. 1h39. Avec Jessica Harper, Stefania Casini, Flavio Bucci, Miguel Bosé, Barbara Magnolfi, Susanna Javicoli, Eva Axen, Rudolf Schundler, Udo Kier, Alida Valli, Joan Bennett.
Sortie en salles en France le 18 Mai 1977. U.S: 12 Aout 1977.
FILMOGRAPHIE: Dario Argento est un réalisateur et scénariste italien né le 7 septembre 1940, à Rome (Italie). 1969: l'Oiseau au plumage de Cristal, 1971: Le Chat à 9 queues, Quatre mouches de velours gris, 1973: 5 Jours à Milan, 1975, Les Frissons de l'Angoisse, 1977: Suspiria, 1980: Inferno, 1982: Ténèbres, 1985: Phenomena, 1987: Opera, 1990: 2 yeux Maléfiques, 1993: Trauma, 1996: Le Syndrome de Stendhal, 1998: Le Fantome de l'Opéra, 2001: Le Sang des Innocents,2004: Card Player, 2005: Aimez vous Hitchcock ?, 2005: Jennifer (épis Masters of Horror, sais 1), 2006: J'aurai leur peau (épis Masters of Horror, sais 2), 2006: Mother of Tears, 2009: Giallo, 2011: Dracula 3D.

« La magie est une chose à laquelle on croit, où et quand que ce soit, et qui que l’on soit. »
Deux ans après son chef-d’œuvre giallesque Les Frissons de l’Angoisse, Dario Argento fait coup double avec Suspiria, clef de voûte du fantastique moderne, exploitant l’univers de la sorcellerie comme nul autre cinéaste avant lui. Spectacle halluciné de sons et de lumières, cet opéra de mort nous emporte dans un maelström d’émotions, à la merci d’un auteur transi de créativité — un génie illuminé, transcendé par l’alchimie d’une caméra expérimentale. Ou comment réinventer l’effroi à travers l’existence des sorcières, personnifiées par la mère des soupirs : Helena Markos.
Synopsis : Susie Benner, jeune ballerine américaine, débarque à Fribourg par une nuit pluvieuse. Après un trajet en taxi, elle se heurte à l’entrée close de son académie de danse. Une jeune fille effarée fuit les lieux. Bientôt, celle-ci sera sauvagement assassinée. Peu à peu, Susie comprend que l’école dissimule d’inquiétants secrets — alors que d’autres meurtres glaçants s’y succèdent.
Suspiria débute par un prologue suffocant. Sous une pluie diluvienne, Susie appelle un taxi. À bord, conduite par un chauffeur étrange, son trajet nocturne baigne dans une aura anxiogène : ses yeux troublés semblent happés par l’opacité agressive de la pluie battante. L’angoisse monte, jusqu’à la vision irréelle d’une silhouette féminine fuyant à travers les bois. C’est une apprentie, récemment renvoyée de l’école. Quelques instants auparavant, Susie avait tenté de comprendre ses paroles paniquées à l’interphone. Dario Argento, maître de ses ambitions formelles, installe déjà une atmosphère envoûtante, fascinante, magnétique. La partition entêtante des Goblin — comptine morbide aux chœurs hurlants — accompagne un florilège d’images fantasmagoriques, jusqu’à l’apothéose du double homicide. Cruauté hallucinée, pluie de coups de couteau, et ce gros plan incongru d’un cœur battant transpercé par une lame… Ces vingt premières minutes sont une épreuve sensorielle sans équivalent : une transe horrifique d’une virtuosité absolue. La caméra, véloce et sagace, multiplie les angles improbables, orchestrant un concerto funèbre où les hurlements s’accordent à la frénésie d’un conte de fée désaxé.

Le récit suit alors Susie, guidée à travers l’antre d’un mystère latent, au cœur d’une académie de danse. Établissement d’une beauté baroque irréelle, où chaque recoin se pare de décors picturaux flamboyants, saturés de teintes criardes. La caméra transcende le moindre détail, érige chaque plan en fresque désincarnée. Entre les loges des danseuses et les pièces secrètes environnantes, s’étend un labyrinthe ésotérique dominé par une force occulte. La hiérarchie, régie par des femmes d’autorité, semble complice de secrets impies. La perte de repères s’intensifie à mesure que la mort frappe : un aveugle dévoré par son chien dans un palais désert, une ballerine curieuse prise au piège dans des filets métalliques. Argento, alchimiste cruel, nous hypnotise la vue et l’ouïe. L’horreur surgit sans prévenir, sublimée par des zooms intrusifs venant ausculter la chair entaillée. Cette alliance de gore outrancier et de grâce visuelle, filmée avec une sensibilité presque tactile, nous fascine avec une angoisse indicible.

Quand le nom d’Helena Markos résonne enfin, évoqué par un psychiatre érudit, plus aucun doute ne subsiste : le monde des sorcières existe. Et Argento, loin de se contenter d’effrayer, cherche à rationaliser l’absurde, à inscrire le surnaturel dans un dessein tyrannique : faire souffrir pour mieux dominer. Les sorcières ne peuvent atteindre la divinité qu’en infligeant la douleur, la maladie, la mort. Leur doctrine impie conduit à l’enfer, par la magie et la souffrance. Le secret que Susie finit par percer devient une épreuve initiatique. Sa quête de vérité, nourrie de courage, la propulse dans les ténèbres — jusqu’à l’apothéose, entre feu, hurlements et révélation.
"La Danse des Sorcières".
Conte de fées pour adultes où Blanche-Neige se serait égarée au Pays des Merveilles, Suspiria est une expérience ultime : celle de la peur de l’inconnu sublimée par la beauté d’une horreur érotique. Argento, hanté par ses obsessions occultes, compose ici l’opéra anxiogène le plus étincelant : fusion d’élégance éthérée et de terreur viscérale. Illuminé par la douceur spectrale de Jessica Harper — aussi engourdie par cet univers onirique qu’assommée par le concerto infernal des Goblin —, Suspiria s’érige en ballet cabalistique. La danse de sorcières la plus envoûtante de l’histoire du cinéma.
Rien que ça.
*Bruno
Dédicace à Jessica Harper et Bruno Matéï (qui ne s'en est jamais remis)
19.08.11. 6
Excellent la dédicace!!!
RépondreSupprimerFABULEUSE CRITIQUE,film qui transcende le genre,qui est une hallucination jouissive et sensorielle,une expérience au delà du rêve et du cauchemar...un chef d'œuvre absolu,total,immense, et nous simple cinéphile ne sommes pas digne de voir un tel métrage (mais on ne se généra pas pour le voir 46588468 de fois!)
ta critique est la meilleure et la plus complète que j'ai lue sur ce film, tout y est ! tu arrives à capter l'essence et le message du film de manière ultra pertinente, je te dis "bravo !" Mathias aka Killjoy aka Horror Detox
RépondreSupprimerEt ben ! Ou dois-je planquer ma tête !
RépondreSupprimerUn grand merci Luke et Mathias, ça me touche au plus haut point, sachant que c'est LE film de ma vie (avec La Solitude...).
Suis vraiment comblé avec vos impressions.
Excellente critique, une photo superbe pour un film haut en couleur.
RépondreSupprimerLes placements de caméra comme je les aiment .
un remake (sacrilège) est en pré-production, le nom de David Gordon Green est avancé.
merci Lirandel
RépondreSupprimerBon je prends le risque de me faire taper lol... mais ce n'est pas mon Argento préféré. Par contre 20/20 pour le travail des couleurs !
RépondreSupprimerlol Céline, et tu as le droit ! ^^
RépondreSupprimerUn repack 1080p chez l'ami Humungus! Spéciale dédicace ;-)
RépondreSupprimerOui j'ai vu ça ! L'image est hallucinante et enterre les doigts dans le nez l'édition BR éditée par Wild Side
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