mardi 17 juillet 2012

Let's scare Jessica to Death / The Secret Beneath The Lake

                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site fuckyeahmovieposters.tumblr.com

de John D. Hancock. 1971. U.S.A. 1h29. Avec Zohra Lampert, Barton Heyman, Kevin O'Connor, Gretchen Corbett, Alan Manson, Mariclare Costello.

Sortie salles U.S.A: 7 Août 1971

FILMOGRAPHIE: John D. Hancock est un réalisateur, scénariste et producteur américain , né le 12 Février 1939 au Kansas City, Missouri. 1970: Sticky My Fingers... Fleet my feet. 1971: Let's Scare Jessica to Death. 1973: Le Dernier Match. 1976: Baby Blue Marine. 1979: California Dreaming. 1987: Weeds. 1988: Steal the Sky (télé-film). 2000: A Piece of Eden. 2001: Mayhem.

 
Sorti en VHS outre-Atlantique à l’orée des années 80 mais honteusement inédit chez nous, Let's Scare Jessica to Death demeure un ovni maudit, miné par sa faible réputation : celle d’une expérience aliénante, dépourvue d’effets de manche. Car, à l’instar du tout aussi étrange Carnival of Souls, cette œuvre unique, bien ancrée dans l’authenticité du cinéma des seventies, nous est façonnée par un auteur novateur — spécialiste entre autres de téléfilms et séries TV — littéralement inspiré par son parti-pris alchimique. Il s’agit donc d’une œuvre funeste, à la fois expérimentale, dépressive et sensorielle, portée par une bande sonore assidue et la prestance diaphane de l’étonnante Zohra Lampert (La Fièvre dans le sang, Alphabet City, L’Exorciste 2...).
 
Le pitch : après six mois d’internement psychiatrique, Jessica s’installe dans une bourgade bucolique du Connecticut, accompagnée de son mari et d’un ami. Dans leur nouvelle demeure, ils tombent sur une jeune femme énigmatique : Emilie. Ensemble, ils visitent le village voisin, où les habitants leur rapportent une légende : celle du fantôme d’une dame blanche, noyée dans le lac avant ses noces. Bientôt, Jessica, errant près des eaux, se sent de nouveau contrariée par des phénomènes inexpliqués, tandis que des voix lancinantes envahissent sa psyché tourmentée.


Climat intimiste sous le soleil étrange d’une contrée champêtre, Let's Scare Jessica to Death se vit comme une expédition latente dans l’esprit d’une femme aussi démunie que désorientée face à sa fragilité névrosée. Avec une pudeur sensible et une angoisse de plus en plus ombrageuse, John D. Hancock y dessine le portrait scrupuleux de Jessica, cherchant à retrouver un semblant d’équilibre auprès de son compagnon tout en se fascinant pour les sculptures de pierres tombales. Mais harcelée par une présence peut-être diabolique, assaillie de chuchotements insistants, elle replonge dans un vortex d’angoisses dépressives. Et tandis que son état moral tangue vers une bipolarité diffuse, le récit bascule dans un cauchemar éveillé, où l’on ignore si ses tourments proviennent des agissements d’un spectre railleur ou des résurgences destructrices de sa démence — nourrie de doute, d’incertitude, de peur, et de la crainte lancinante de perdre son amant au profit d’une marginale énigmatique.


D’apparence placide et docile, mais intérieurement broyée par des visions et des voix éthérées, Jessica s’abîme dans une terreur sournoise. Paysans balafrés, inconnue aguicheuse, noyée vengeresse : autant de figures troublantes qui l’assaillent de plus en plus intensément. Grâce à l’utilisation magistrale de décors naturels étrangement envoûtants (euphémisme !) et une ambiance anxiogène tapie sous la surface, amplifiée par une bande-son ciselée — bruits d’insectes, souffles du vent, cris d’animaux —, Let's Scare Jessica to Death nous immerge dans un cauchemar indicible d’une cruauté sourde. Si ce film indépendant se révèle aussi sensoriel qu’hermétique, il le doit en grande partie à la présence équivoque de Zohra Lampert, transie d’émoi, vibrant d’une sensibilité contenue. Actrice méconnue, elle insuffle à Jessica une force d’expression ténue, bouleversante. Son visage hagard s’illumine ou s’affole au gré de visions morbides, comme traversé de pulsions contraires. Soutenu par une partition funèbre, parfois mélancolique au clavecin, le périple disloqué de Jessica nous happe, nous engage émotionnellement dans ses hantises — jusqu’à soupçonner une assaillante vampirique au rôle bicéphale.
 
Cette ambiguïté insoluble, cette étrangeté permanente, provoque en nous une empathie inexorable pour sa précarité mentale en perdition.
 

Hantise ablutophobe
Quintessence du fantastique éthéré, Let's Scare Jessica to Death mérite sa place parmi les plus grandes réussites du genre "intimiste". Avec son final délétère en apothéose — comptez trente minutes de cauchemar cérébral —, le spectateur émerge difficilement de l’introspection d’une victime dépressive, broyée par le fardeau nébuleux d’une injustice intangible. Cette empathie naît aussi de l’aura sensitive du climat feutré, de cette lenteur fascinante qui sublime l’errance existentielle de Jessica, enfermée dans un spleen d’un silence accablant.

Chef-d’œuvre, incontestablement. Une des œuvres atmosphériques les plus ensorcelantes du fantastique. Si bien que Jessica reste ancrée en nous. À jamais.

*Bruno
17.11.24. Vostfr
08.01.20. 
17.02.12. 512 v

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