mercredi 30 avril 2014

Predator

                                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site futurefantastique.com

de John McTiernan. 1987. U.S.A. 1h47. Avec Arnold Schwarzenegger, Carl Weathers, Elpidia Carrillo, Bill Duke, Jesse Ventura, Sonny Landham, Richard Chaves.

Sortie salles France: 19 Août 1987. U.S: 12 Juin 1987

FILMOGRAPHIE: John McTiernan est un réalisateur et producteur américain, né le 8 janvier 1951 à Albany à New-York. 1986: Nomads. 1987: Predator. 1988: Piège de Cristal. 1990: A la Poursuite d'Octobre Rouge. 1992: Medicine Man. 1993: Last Action Hero. 1995: Une Journée en Enfer. 1999: Le 13è Guerrier. 1999: Thomas Crown. 2002: Rollerball. 2003: Basic.


Remember, 1987, date à marquer d'une pierre blanche. John McTiernan accomplissant avec Predator un véritable coup de maître pour son second long reconnu depuis comme un classique incontesté. Sans doute inspiré par Terreur Extra-terrestre de Greydon Clark, série B culte au pitch similaire avec le même acteur du rôle-titre), mais aussi de Wolfen de Michael Wadleigh (pour la vision thermique de la créature), John Mc Tiernan opte pour le divertissement à grand spectacle en y combinant film de guerre en vogue (Rambo, Commando, Portés Disparus) et science-fiction rubigineuse (les référentiels Alien et sa suite, X Tro). Démarrant sur les chapeaux de roue avec la mission périlleuse d'un commando parti récupérer un éminent otage en pleine cambrousse, Predator frappe d'emblée par l'ampleur de sa mise en scène dont l'impact des scènes homériques nous laisse déjà le souffle coupé ! Cette petite mise en bouche déjà jouissive n'est rien comparée aux prochaines motivations prédatrices d'un extra-terrestre férue de trophées humains ! C'est donc ici une chasse à l'homme singulière que nous relate le réalisateur par l'intermédiaire d'un rapace redoutablement pernicieux car roi du camouflage et du plaisir de la traque !


Sur le papier, si le scénario peut s'avérer de prime abord risible et aurait sans doute sombré dans la gaudriole Z auprès d'un aimable tâcheron, John Mc Tiernan en extrait un opéra d'action et de violence au souffle primitif ! (voir l'incroyable point d'orgue au cours duquel s'affrontent sauvagement Dutch et le prédateur !). Porté sur les épaules de la montagne de muscles des années 80, Arnold Schwarzenegger  en impose d'ailleurs autant de sa posture saillante pour faire face à la stoïcité de son adversaire. Conçu par Stan Winston, le monstre au look rasta pourvu de gadgets meurtriers s'avère si impressionnant qu'il est depuis entré dans la légende du bestiaire fantastique afin d'égaler le xénomorphe Alien ! Mais avant ce duel homérique resté dans les annales par son ampleur formelle et sa férocité explosive, John Mc Tiernan nous aura peaufiné un redoutable survival lorsqu'une équipe d'élite se retrouve piégée par une présence hostile en interne d'une jungle. Incroyablement photogénique, ce milieu forestier semble véritablement se partager la vedette avec l'ennemi invisible tant le cinéaste exploite à merveille sa végétation très dense où la paranoïa de l'homme est notamment réduite à l'état de soumission. Ce sentiment d'insécurité permanent régi au coeur de la flore demeure d'autant plus palpable par l'anxiété des protagonistes en perdition, sachant que le prédateur se fond facilement à travers la végétation à l'aide d'une combinaison électronique pour mieux les alpaguer.


Véritable leçon de mise en scène exploitant à merveille l'immensité du décor naturel et la convoitise d'une créature protéiforme infiniment ensorcelante et démoniale, Predator marque également de son empreinte un duel au sommet géré entre le survivant et l'étranger, communément épris de rage de vaincre afin d'y asseoir leur suprématie. Chef-d'oeuvre formel baignant dans une dimension mythologique quand bien même la vigueur des combats et de la musique épique redoublent de fulgurance émotionnelle, Predator est probablement l'un des plus grands films d'action génialement combiné à une science-fiction horrifique en vogue qu'Alien(s) imprima de son empreinte liminaire. 

La Chronique de Predator 2: http://brunomatei.blogspot.fr/2016/08/predator-2.html

*Bruno
4èx


                                                 

    mardi 29 avril 2014

    Wolf Creek 2

                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site kinostar.com

    de Greg McLean. 2013. Australie. 1h46. Avec John Jarratt, Ryan Corr, Shannon Ashlyn, Philippe Klaus, Gerard Kennedy, Annie Byron.

    Sortie salles France: Prochainement...

    FILMOGRAPHIE: Greg McLean est un réalisateur, scénariste et producteur australien.
    2005: Wolf Creek. 2007: Solitaire. 2014: Wolf Creek 2.

    Neuf ans séparent Wolf Creek de cette séquelle, et le moins qu'on puisse dire, c’est que l’attente en valait la chandelle. Non pas que je trépignais d’espérer une suite à ce panthéon de l’horreur qui se suffisait à lui-même, mais ma curiosité a fini par l’emporter : Greg McLean allait-il relever le défi sans céder aux sirènes du produit standardisé ?

    Ça débute fort, avec une séquence d'ouverture qui donne d’emblée le ton crapuleux : un duo de flics zélés s’en prend à notre tueur australien lors d’un contrôle de routine. Évidemment, les rapports de force s’aiguisent à coups de réparties venimeuses, jusqu’à vriller en vendetta criminelle et inverser les rôles de domination. Ce prologue percutant, sans répit ni échappatoire pour les victimes, rappelle la patte tranchante du réalisateur : des mises à mort d’un réalisme cru, presque insupportable, ici spectaculaires.

    Alors qu’on craint de revoir un couple de touristes allemands sombrer dans le même piège, McLean dévie la trajectoire : il introduit un nouveau pèlerin solitaire, témoin malgré lui. Dès lors, à partir d’un canevas habilement construit - oscillant entre action nerveuse (un accrochage sur bitume rappelant Duel), retournements inopinés et apparitions éphémères de personnages secondaires -, le cinéaste reformule le survival du point de vue d’un seul et unique survivant.

    Avec une intensité croissante et un sens aigu du suspense éprouvant, Wolf Creek 2 renoue avec l’horreur hardcore d’un réel trop proche, quand un serial killer plus vrai que nature impose sa loi. Et c’est avec un humour noir profondément dérangeant que McLean relance la tension : son tueur sadique propose à sa victime un défi. Une sorte de Questions pour un champion sous acide - parodie sardonique, gravée dans les annales. Les confrontations psychologiques entre les deux antagonistes font grimper la tension, jusqu’à cet instant absurde où le survivant, à bout de nerfs, tente désespérément d’empoigner un marteau... 

    À travers les recoins suintants de la tanière de l’ogre, véritable charnier aux corps moribonds, McLean continue de jouer avec nos nerfs. Son sens brut de la terreur et son art du crescendo font de Wolf Creek 2 une épreuve sensorielle - tendue, extrême, malsaine - aussi puissante, convaincante que son modèle. Il le doit à la maîtrise de sa mise en scène plus prononcée, à la photogénie hallucinée du désert australien (magnifiquement baigné d’horizons crépusculaires), et à l’interprétation désormais iconique de John Jarratt : visage goguenard, domination suintante, sadisme érigé en rituel. Il crève l'écran jusqu'au trauma. 


    Peut-être encore plus terrifiant, terriblement éprouvant, Wolf Creek 2 secoue sans anesthésie. Il évite l’écueil de la redite grâce à un scénario espiègle, aiguisé, sardonique, qui pousse sa victime à l’extrême bord de l’humanité. Une suite qui fait largement honneur à son modèle, toujours aussi oppressive, sans échappatoire, cependant plus décomplexée dans sa dérision carnassière. On est d'ailleurs même en droit de la préférer. 

    — le cinéphile du cœur noir 🖤

    27.07.25. 2èx. Vost

    lundi 28 avril 2014

    Les Tueurs de l'Eclipse / Bloody Birthday

                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site avoir-alire.com

    de Ed Hunt. 1981. U.S.A. 1h24. Avec Susan Strasberg, José Ferrer, Lori Lethin, Melinda Cordell, Julie Brown, K.C. Martel, Elisabeth Hoy, Billy Jakoby

    Sortie salles France: 26 Mai 1982

    FILMOGRAPHIE: Ed Hunt est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né à Los Angeles.
    1973: Pleasure Palace, 1974: Diary of a Sinner, 1976: Point of no return. 1977: L'Invasion des Soucoupes Volantes. 1979: Plague. 1981: Les Tueurs de l'Eclipse. 1986: Alien Warrior. 1988: The Brain.

    Hit vidéo des années 80 paru sous la bannière d’Hollywood Video, Les Tueurs de l’Éclipse est une savoureuse bande d’exploitation fauchée, auréolée d’un capital sympathie indéniable grâce à la succession d’exactions meurtrières perpétrées par de simples bambins.

    Le pitch : trois enfants, sans lien de sang, naissent le même jour, lors d’une éclipse. À l’aube de leurs 10 ans, sans explication rationnelle, ils déclenchent une série d’incidents mortels dans leur petite bourgade. En reprenant le thème de l’enfant tueur, Ed Hunt ne s’encombre ni de psychologie ni de cohérence, préférant illustrer frontalement les méfaits de ses chères têtes blondes. Le scénario enchaîne sans répit les stratégies criminelles qu’ils mettent en œuvre pour se débarrasser de leur entourage.

    Avec sa réalisation classique, ses comédiens avenants – parfois cabotins, parfois apathiques (mention spéciale à Lori Lethin, dont le visage si timoré semble incapable de trancher entre la joie et la détresse lors des scènes dramatiques !) – et ses dialogues élémentaires, Les Tueurs de l’Éclipse aurait pu sombrer dans le nanar. Mais il est sauvé in extremis par le charisme diabolique de ses trois marmots, étonnamment convaincants.

    Avec leurs bouilles faussement innocentes et leurs regards viciés, le trio fascine lorsqu’il s’adonne aux actes les plus crapuleux. Jouant sur l’efficacité de leurs exactions et le raffinement de leurs subterfuges (comme lors de la party d’anniversaire), le film insuffle un dynamisme réjouissant, et s’autorise même une violence frontale : coup de pelle, batte de baseball, balle dans la tête, flèche dans l’œil. D’autant plus percutante qu’elle est le fait d’enfants à peine âgés de 10 ans, rivalisant d’inventivité sadique pour piéger leurs proies – skateboard piégé sur une rampe d’escalier, fléchette jaillissant d’un placard, arme factice remplacée par une vraie dans la ceinture d’un flic, frigo mortel dans une casse automobile...

    Entre deux exterminations, ils s’offrent aussi quelques parties de voyeurisme, comme ce regard glissé dans un trou de placard lors du strip-tease d’une potiche. Quant au final haletant, Hunt fait monter la tension lors de la séquestration d’une baby-sitter et de son petit frère, tous deux contraints de se rebeller contre cette autorité criminelle hors de contrôle.

      
    "La farce rouge des écoliers".
    Bis dans l’âme, à savourer à chaque révision, Les Tueurs de l’Éclipse est une farce macabre transcendée par son irrésistible charme bonnard. Grâce au charisme sardonique du trio infernal, à la vigueur de son rythme fertile en séquences-chocs, ce plaisir coupable et innocent divertit avec générosité, porté par l’attachante maladresse d’un Ed Hunt manifestement animé d’une sincère motivation. Un petit classique qui n’a rien perdu de son efficacité, et qui mérite haut la main sa place auprès des meilleurs films d’enfants meurtriers des glorieuses eighties. Sans prétention aucune.

    * Bruno
    5èx

    jeudi 24 avril 2014

    UN TUEUR DANS LA FOULE (Two Minute Warning)

                                                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

    de Larry Peerce. 1976. U.S.A. 1h55. Avec Charlton Heston, John Cassavetes, Martin Balsam, Beau Bridges, Marilyn Hassett, David Janssen, Jack Klugman.

    Sortie salles France: 12 Novembre 1976

    FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Larry Peerce est un réalisateur américain, né le 19 Avril 1930 dans le Bronw, New-York.
    1973: Les Noces de cendre. 1976: Un tueur dans la foule. 1987: Queenie (télé-film). 1989: Wired. 1995: Mensonges et trahison (télé-film). 1999: Abus de confiance.


    En pleine expansion du genre catastrophe, le réalisateur méconnu Larry Peerce exploite le filon pour mettre en scène Un Tueur dans la foule. Le pitch s'avère toujours aussi limpide. Un tueur embusqué sur le toit d'un stade se prépare à commettre un carnage durant la retransmission d'un match de football. Déniché par la police, le capitaine Peter Holly tente de l'appréhender parmi l'ingérence d'une brigade spéciale. Avec sa réunion de stars notoires (Charlton Heston, Gena Rowlands, John Cassavetes, Martin BalsamBeau Bridges), Un Tueur dans la Foule n'échappe pas aux traditionnels clichés pour nous décrire les liaisons houleuses de couples amoureux. Le problème, c'est qu'une fois de plus, ces seconds rôles de faire-valoir s'avèrent dénués d'intérêt pour leur accorder une quelconque empathie face à leur souci d'argent ou d'infidélité. C'est donc du côté des rôles principaux, en particulier celui du capitaine Holly, incarné avec virilité par Charlton Heston, et celui du chef de la brigade spéciale, endossé avec pragmatisme par John Cassavetes, qu'Un Tueur dans la foule réussit à gagner notre enthousiasme. A eux deux, ils forment un tandem plutôt solide pour nous convaincre de leurs stratagèmes à tenter d'alpaguer le tueur.


    Si le début du film démarre en trombe avec l'acte crapuleux d'un homicide, le tueur exterminant lâchement au hasard d'une route un cycliste lambda, la suite peine quelque peu à insuffler de l'attention pour la représentation des seconds-rôles que j'ai précédemment reproché. Qui plus est, dès que le réalisateur pénètre sa caméra en interne du stade pour s'attarder sur le jeu des footballeurs et sur l'étude sportive des commentateurs, l'ennui se fait un peu pesant en attendant les prochains méfaits du tueur. C'est avec l'arrivée musclée de la brigade spéciale qu'Un Tueur dans la Foule peut enfin démarrer et y insuffler une certaine dose de suspense dans la manière dont elle va pouvoir l'appréhender. Le plus important n'est donc pas de savoir quand le tueur va pouvoir frapper et quels innocents seront ciblés, mais plutôt de comprendre de quelle manière la brigade va bien pouvoir accéder au toit du stade afin de le déjouer. Car positionné sur un abri bétonné, en amont de l'affiche des résultats, le meurtrier a trouvé la planque idéale afin de se prémunir des balles et tirer facilement sur ses proies. Une tension sous-jacente nous est donc retransmise avec l'attitude assidue des services de police à daigner grimper sur le toit, quand bien même un spectateur de la foule va lui aussi apercevoir sa fameuse planque à l'aide de ses jumelles ! Bien évidemment, la dernière partie du film, beaucoup plus intense et surtout spectaculaire, emprunte la voie de la catastrophe pour illustrer les exactions du criminel tirant au hasard de la foule ! Outre la violence cinglante assénée sur les innocents, les mouvements de foule en panique s'avèrent aussi impressionnants que réalistes par l'effectif de figurants déployés et leur désespoir d'échapper aux balles ! Quand aux motivations réelles de l'individu en question, le réalisateur préfère les occulter pour laisser sous entendre la folie d'un sociopathe !


    Hormis ses longueurs, ses situations rebattues et sa réalisation routinière, Un Tueur dans la Foule est suffisamment haletant et violemment spectaculaire pour se laisser gagner par son caractère diablement ludique. La présence solide des vétérans Charlton Heston et John Cassavetes ajoutent au charme vintage que le genre catastrophe marque de son empreinte en cette époque florissante des années 70.  

    Bruno Matéï
    3èx

    mercredi 23 avril 2014

    Soldat Bleu / Soldier Blue

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

    de Ralph Nelson. 1970. U.S.A. 1h55. Avec Candice Bergen, Peter Strauss, Donald Pleasance, John Anderson, Jorge Rivero, Dana Elcar.

    Sortie salles: 23 Avril 1971

    FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Ralph Nelson est un réalisateur américain, né le 12 Août 1916 à New-York, décédé le 21 Décembre 1987 à Santa Monica. 1962: Requiem for a Heavyweight. 1965: Les Tueurs de San Francisco. 1966: La Bataille de la Vallée du Diable. 1968: Charly. 1970: Soldat Bleu. 1972: La Colère de Dieu. 1975: Le Vent de la Violence. 1976: Embryo. 1979: Christmas Lilies of the Field (télé-film).


    "Depuis l'aube de l'humanité, l'homme a écrit son histoire dans le sang. Mais il a aussi prouvé que l'étincelle divine existe en lui. Il y a dans l'âme humaine une part d'ombre qui date du jour ou Caïn a tué son frère. La fin du film montre, sans la moindre hypocrisie, les horreurs d'un combat où la folie sanguinaire triomphe de la raison. Les atrocités ne sont pas commises seulement contre l'ennemi, mais aussi contre des innocents, des femmes et des enfants. Horreur suprême: tout cela a bel et bien eu lieu".  
     
    "Sous l’uniforme, la honte".
    Western mythique, réputé pour sa subversion d’une violence insoutenable, Soldat Bleu ébranla une génération de cinéphiles à l’orée des années 70. Si, un an auparavant, Sam Peckinpah avait déjà offert un coup de fouet au genre par le truchement d’une ultra-violence chorégraphiée, Ralph Nelson pousse le curseur plus loin pour dénoncer l’horreur brute d’un massacre historique : celui des Cheyennes, survenu le 29 novembre 1864.

    Ce jour-là, une unité de cavalerie américaine — plus de 700 hommes — attaque un paisible village cheyenne à Sand Creek, dans le Colorado. Les Indiens déploient le drapeau américain et un drapeau blanc de reddition. Malgré cela, la charge est lancée, implacable. 500 morts, dont la moitié sont des femmes et des enfants. Scalps arrachés, corps démembrés, viols en série. Le général Nelson A. Miles, chef d’état-major de l’armée, déclarera que ce massacre fut "peut-être le crime le plus ignoble et le plus injuste de l’histoire des États-Unis".

    Ce bref monologue final, récit brut dicté à la toute fin du film, vient sceller le réel, confirmer l’authenticité du génocide indien orchestré par l’impérialisme ricain. 

    Segmenté en deux mouvements bien distincts, le film s’attache d’abord à explorer la relation houleuse d’un duo d’amants en discorde. Après une embuscade sanglante provoquée par les Indiens — coûtant la vie à 21 soldats — Honus Gent, soldat bleu, timoré et candide, croise le chemin de Cresta Lee, une Américaine jadis capturée par un chef indien et restée deux ans parmi les siens. Livrés à eux-mêmes, ils vont devoir survivre dans un désert hostile et rejoindre coûte que coûte le fort voisin.

    Incarnés par Peter Strauss et Candice Bergen, leur complicité à l’écran doit beaucoup au contraste savoureux de leurs esprits : lui discipliné, elle rebelle. Le cliché de la blonde potiche est ici inversé au profit d’une femme impudente, déterminée à faire entendre à la jeune recrue que son armée est coupable de crimes barbares, d’intolérance, de racisme. On est donc loin des poncifs du western lyrique cher à John Ford, avec ses gentils soldats défendant la civilisation contre les "sauvages" destructeurs de scalps.

    Qui plus est, l’usage d’une partition classique aux accents triomphants nous laisse ici un goût amer, dissonant, face au réalisme frontal des affrontements. À travers des ressorts de comédie et de romance, Ralph Nelson parvient à nous attacher à ces personnages, à suivre leur évolution humaine, cette lente domestication de l’autre par la survie partagée.

    Mais avec l’arrivée de la cavalerie, le ton bascule. Le vernis tombe. Et Soldat Bleu se fait tranchant, brutal, implacable. En un souffle, l’aventure tourne au cauchemar. Ce contraste saisissant imprimé sur les vingt-cinq dernières minutes agit comme un électrochoc. Le film nous colle au mur, dans une intensité dramatique où colère, dégoût, tristesse et malaise s’entrelacent jusqu’à l’écoeurement.

    Dans une violence crue, sans fard, Ralph Nelson filme l’horreur : décapitations, scalps, démembrements, viols, infanticides… Le spectateur endure cette fureur bestiale, impuissant, témoin d’une humanité absorbée par sa propre folie sadique. Ces séquences, innommables et inoubliables, hantent l’esprit longtemps après le générique. Elles marquent au fer rouge.  

     
    "Le sang des blés bleus".
    Soldat Bleu, c’est une réflexion sur la cruauté de la vengeance, une métaphore de la guerre du Vietnam, un réquisitoire contre la haine et la barbarie. L’un des westerns les plus crus, les plus intègres, que le cinéma ait osé perpétrer.

    Et si, de prime abord, la romance pittoresque nous avait tant réconfortés, l’horreur gratuite qui en brise la quiétude ne nous épargnera aucun repli.
    Inoubliable. Éprouvant. Avec le cœur meurtri.

    Public averti.

    * Bruno
    3èx


    mardi 22 avril 2014

    Cujo. Prix du Public, Fantasporto, 1987

                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site Devildead.com

    de Lewis Teague. 1983. U.S.A. 1h31. Avec Dee Wallace Stone, Danny Pintauro, Daniel Hugh Kelly, Christopher Stone, Ed Lauter, Kaiulani Lee.

    Sortie salles France: 10 Août 1983. U.S: 12 Août 1983

    FILMOGRAPHIE: Lewis Teague (né le 8 mars 1938 à Brooklyn, New-York, Etats-Unis) est un réalisateur, monteur, acteur et directeur de la photographie américain.
    1974: Dirty O'Neil. 1979: The Lady in red. 1980: L'Incroyable Alligator. 1982: Fighting Back. 1983: Cujo. 1985: Cat's Eye. 1985: Le Diamant du Nil. 1989: Collision Course. 1990: Navy Seals: les meilleurs. 1991: Wedlock.

     
    "Quand le monstre du placard bave au carreau".
    D'après le célèbre roman de Stephen King, Cujo est porté à l’écran en 1983 par l’habile faiseur de série B Lewis Teague. Succès commercial en salles et en vidéo, ce classique de tension horrifique reste d’une fulgurance intacte, quarante-deux ans après sa sortie.

    Pour rappel : à la suite d’une panne d’essence, une mère et son jeune fils se retrouvent piégés dans leur voiture, à la merci d’un Saint-Bernard rendu fou.
    De cette intrigue aussi simple qu’inattendue, Lewis Teague tire un modèle d’efficacité, jalonné de séquences d’agressions d’une maestria inouïe, devenues anthologies de terreur pure. En resserrant peu à peu l’étau autour d’une ferme isolée, puis de l’habitacle surchauffé d’un véhicule immobilisé en plein soleil, le réalisateur orchestre un huis clos suffocant : dehors, le monstre à quatre pattes rôde, prêt à bondir et déchiqueter tout espoir de fuite.
    Chaque assaut, chaque tentative du chien pour forcer l’habitacle, nous percute par son réalisme cru ; à l’intérieur, mère et enfant improvisent une défense dérisoire, tremblante, déroutée.

    Pour corser encore le cauchemar, le bambin suffoque, ses crises d’asthme épousant la fièvre de la fournaise. Lewis Teague joue nos nerfs jusqu’à la corde, dilate l’attente, libère la fureur en fulgurances de chair et de crocs. On reste interdit devant la performance du Saint-Bernard : masse baveuse, œil torve, fureur contagieuse, déclenchée au moindre son strident — comme ce téléphone dont la sonnerie prolongée déchire le silence pour mieux convoquer la bête. On se demande encore comment les dresseurs ont mis en scène ces pugilats bestiaux d’un réalisme si écorché.

    Dominé par la présence magnétique de Dee Wallace Stone — effondrée, épuisée, mais inébranlable — Cujo offre à son héroïne une terreur de tous les instants, qu’elle incarne avec une conviction presque douloureuse. Danny Pintauro, gamin terrifié jusqu’au sanglot, captive et émeut tant son effroi semble jaillir du ventre. Sa vulnérabilité achève de transmuter ce Saint-Bernard en croquemitaine, en ogre vorace, en monstre du placard incarné. 

    Satire amère sur la cellule conjugale fissurée (adultère, maltraitance, abus flottent dans l’air de la première partie), parabole sardonique sur l’enfance et ses peurs enfouies, Cujo explose littéralement dans ses quarante dernières minutes, suite ininterrompue de morsures et de hurlements à fleur de portière. Soutenu par une partition tantôt oppressante, tantôt furieusement tonitruante, par un jeu d’acteurs qui vit sa peur jusqu’au spasme, et par une mise en scène redoutable de tension, Cujo reste un cauchemar implacable : le plus grand film d’agression canine jamais tourné, encore inégalé à ce jour (avec, à ses côtés, le bouleversant Dressé pour tuer).
    Un monstre ? Non. Une bête foudroyée par le destin — et nous avec.

    *Bruno
    28.04.25. 5èx. VOST. 1h34.

    Récompense: Prix du Public au Festival du film Fantastique de Fantasporto, en 1987.

    Le DVD de Cujo sorti chez nous car édité par Mad Movies n'était pas le montage intégral (1h25, et donc 1h29 en 1080p).
    En revanche le Blu-ray sorti chez nous chez Carlotta l'est (1h35).
    La morsure de Cujo par la chauve souris est plus longue et détaillée. Dans le dvd Mad, la morsure est coupée plus tôt, on voit moins le sang qui coule sur le museau. Dans le blu-ray on insiste plus sur la dégradation physique de Cujo . La 1ère attaque de Cujo avec l'acolyte du garagiste est plus sale et prolongée (beaucoup plus d'éclaboussures de sang). La mort du garagiste est plus gore (morsure au cou en gros plan). La séquence dans la voiture est plus longue et intense (cujo tape plus sur les vitres, transpiration prolongée des protagonistes). Quand Donna sort de la voiture, les morsures sont plus graphiques. Quand Donna poignarde Cujo, c'est plus sanglant (il saigne plus abondamment). Et enfin pour l'épilogue, Donna serre Tad contre elle de manière plus longue pour renforcer l'émotion qui se dégage et le côté tranquille (avant l'estocade).


    lundi 21 avril 2014

    La Mort au Large / L'Ultimo Squala

                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site ayay.co.uk

    de Enzo G. Castellari. 1981. Italie. 1h28. Avec James Franciscus, Vic Morrow, Joshua Sinclair, Giancarlo Prete, Micaela Pignatelli.

    FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Enzo G. Castellari est un réalisateur, scénariste, acteur, monteur et producteur italien, né le 29 Juillet 1938 à Rome (Italie).
    1967: Je vais, je tire et je reviens. 1968: Django porte sa croix. 1968: 7 Winchester pour un massacre. 1968: Tuez les tous... et revenez seul ! 1973: Le Témoin à abattre. 1976: Keoma. 1977: Une Poignée de salopards. 1977: Action Immédiate. 1979: La Diablesse. 1979: Les Chasseurs de Monstres. 1981: La Mort au Large. 1982: Les Nouveaux Barbares. 1982: Les Guerriers du Bronx. 1983: Les Guerriers du Bronx 2. 1987: Striker. 1987: Hammerhead. 1997: Le Désert de Feu.


    Profitant du filon commercial des 2 premiers opus des Dents de la mer, Enzo G. Castellari nous rend ici sa copie Z dans la pure tradition du Bis transalpin. Car reprenant le même schéma narratif que ces modèles, La Mort au Large illustre à nouveau les vicissitudes de touristes d'une station balnéaire pris à parti avec un dangereux requin ! Et pas des moindres puisqu'aux dires du chasseur Ron Hamer, il s'agirait du plus gros poisson jamais aperçu durant toute sa carrière. Lui et l'écrivain Peter Brenton décident donc d'entreprendre une traque en mer afin d'éradiquer l'animal, et ce depuis que le maire eut refusé l'annulation des festivités d'un concours de voiliers.


    Avec ses personnages ultra caricaturaux blablatant leurs répliques impayables dans une posture contractée, ses situations rebattues et son budget dérisoire, la Mort au large ne peut compter que sur l'efficacité du montage et de l'action récurrente pour stimuler le divertissement. Afin d'alpaguer le requin, c'est donc sur les stratégies de quelques protagonistes que le réalisateur compte focaliser son intrigue en l'émaillant de morts spectaculaires. De manière autonome, ils vont donc parcourir la mer à bord de leur bateau, quand bien même le maire de la ville décidera de le traquer en hélicoptère ! Ce qui nous vaut un bel effet gore assez spectaculaire et plutôt efficace dans son effet minimaliste (suspendu dans le vide car agrippé au patin de l'hélicoptère, l'homme se fera arracher les jambes par la mâchoire du squale !). Du côté des médias, un journaliste véreux au plus près de l'affaire profite également de l'évènement pour s'attirer la notoriété et en soudoyant un chasseur de requin un peu trop zélé (là encore, l'agression du requin laisse en exergue une mort grand-guignolesque du plus bel effet). Afin d'y pallier ses moyens dérisoires, Enzo G. Castellari utilise notamment le stock-shot traditionnel pour substituer les rares apparitions du faux requin, mais aussi la maquette pour certaines séquences aquatiques (comme celle du crash de l'hélicoptère ou lors du final explosif).


    Avec l'attachante bonhomie de comédiens de seconde zone au charisme viril (James Franciscus / Vic Morrow) et la fantaisie involontaire de situations de panique, La Mort au Large joue la carte de l'exploitation sous un format modeste de série B. A l'instar du savoir-faire rudimentaire de son auteur mais tout à fait appliqué à rendre une copie Z des plus divertissantes. Ajouter à cela un score entêtant suscitant la menace et vous obtenez la déclinaison la plus ludique de Jaws. Un divertissement aujourd'hui notoire qui fit d'ailleurs de l'ombre au futur projet des Dents de la mer 3 puisque ayant dépassé ses recettes commerciales en terme d'entrées ! 

    *Bruno
    4èx


    vendredi 18 avril 2014

    BRAINDEAD (Dead Alive). Grand Prix à Avoriaz, 1993.

                                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site kraders.wordpress.com

    de Peter Jackson. 1992. 1h44. Nouvelle Zélande. Avec Timothy Balme, Diana Penalver, Elizabeth Moody, Ian Watkin, Brenda Kendall.

    Sortie salles France: 27 Avril 1993

    FILMOGRAPHIE: Sir Peter Robert Jackson est un réalisateur, producteur et scénarise néo-zélandais, né le 31 Octobre 1961 à Pukerua Bay, North Island (Nouvelle-Zélande).
    1987: Bad Taste. 1989: Les Feebles. 1992: Braindead. 1994: Créatures Célestes. 1995: Forgotten Silver. 1996: Fantômes contre fantômes. 2001: Le Seigneur des Anneaux. 2002: Les Deux Tours. 2003: Le Retour du Roi. 2005: King-Kong. 2009: Lovely Bones. 2012: Le Hobbit: un voyage inattendu. 2013: Le Hobbit: la Désolation de Smaug. 2014: Le Hobbit: Histoire d'un aller et retour.


    Réputé comme le film le plus gore de tous les temps, Braindead se complaît toujours plus dans l'absurdité avec une fougue et un sens de l'invention débridés ! Après avoir été contaminée par un singe mutant ramené d'Indonésie, la mère de Lionel se transforme peu à peu en zombie et finit par transmettre son virus à d'autres habitants de la région. Souhaitant préserver sa vie, Lionel la planque à l'intérieur de sa cave parmi trois autres macchabées. Mais l'arrivée désinvolte de son oncle et d'une ribambelle d'invités vont semer la zizanie dans la maison quand ils vont tenter de se défendre contre ces zombies dopés aux stimulants ! Puisant son inspiration dans les comédies burlesques du temps du muet (celles de Buster KeatonLaurel et Hardy ou encore Charlie Chaplin pour la romance impartie au couple de héros) et des bobines trash déjantées des eighties (Evil-dead, Ré-animator, Street Trash, Frères de Sang, etc), Peter Jackson nous concocte un film hardgore nonsensique et semble avoir été dopé aux amphétamines pour nous avoir conçu autant de situations incongrues (le repas du pudding entre invités chez la mère de Lionel, le couple de zombies en coït procréant un mort-né vivant, la balade en poussette de ce dernier dans le parc familier, le pasteur expert en karaté pour démembrer les zombies du cimetière !). 


    Récompensé du dernier Grand Prix à Avoriaz en 1993, Braindead peut se targuer d'être le mastodonte du gore décomplexé où rire et action se disputent sans relâche. L'incroyable énergie qui se dégage de la mise en scène de Jackson (abus de cadrages obliques et de zooms grossiers afin d'accentuer son caractère grand-guignolesque !), l'extravagance des personnages erratiques et l'horreur déployée à grands renforts d'hectolitres de sang nous plongent dans un carnaval horrifique toujours plus frénétique. A l'instar de ces 35 dernières minutes, anthologie du carnage vomitif contrebalancé par une dérision aussi morbide que pittoresque. Sur ce point, comment oublier le massacre commis à la tondeuse à gazon que Lionel exécute avec une démesure infernale ! Et si aujourd'hui Braindead n'a rien perdu de sa vitalité dans son pouvoir récréatif, c'est notamment grâce à l'habileté d'effets-spéciaux artisanaux bluffants de réalisme ! Certaines séquences compilées en temps réel s'avèrent d'ailleurs si impressionnantes qu'on se demande comment les techniciens ont pu réussir à entreprendre de tels prodiges dans leur souci du détail gore !


    Le chant du cygne du gore à l'ancienne
    Jouissivement gore et délirant par son esprit cartoonesque, Braindead est le grand huit d'une horreur ricanante culminant son apogée dans une dernière orgie apocalyptique ! Le redécouvrir 20 ans après sa sortie prouve à quel point la mise en scène virtuose de l'insatiable Jackson était en avance sur son temps et que l'ère du numérique n'a pas encore surpassé cette bacchanale de tous les excès ! 

    Bruno Matéï
    3èx

    RécompensesGrand prix, Prix des Effets Spéciaux, Prix de la Critique au Festival du film fantastique d'Avoriaz 1993 
    Meilleurs effets spéciaux au Festival international du film de Catalogne en 1992.
    Silver Scream Award au Festival du film fantastique d'Amsterdam 1993.
    Meilleur film et meilleurs effets spéciaux à Fantasporto, 1993.
    Meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur acteur (Timothy Balme) et meilleur scénario aux New Zealand Film and TV Awards en 1993.


    jeudi 17 avril 2014

    Le Silence des Agneaux / The Silence of the Lambs. Oscar du Meilleur Film, 1992

                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site sites.psu.edu

    de Jonathan Demme. 1991. U.S.A. 1h58. Avec Jodie Foster, Anthony Hopkins, Scott Glenn, Ted Levine, Anthony Heald, Diane Baker, Kasi Lemmons, Brooke Smith.

    Sortie salles France: 10 Avril 1991. U.S: 30 Janvier 1991

    FILMOGRAPHIE: Jonathan Demme est un réalisateur, producteur et scénariste américain, né le 22 Février 1944 à Long Island. 1974: 5 Femmes à abattre. 1975: Crazy Mama. 1976: Fighting Mad. 1977: Handle with Care. 1979: Meurtres en cascade. 1980: Melvin and Howard. 1984: Swing Shift. 1984: Stop Making Sense. 1986: Dangereuse sous tous rapports. 1987: Swimming to Cambodia. 1988: Famous all over Town. 1988: Veuve mais pas trop. 1991: Le Silence des Agneaux. 1992: Cousin Bobby. 1993: Philadelphia. 1995: Murder Incorporated. 1998: Beloved. 2002: La Vérité sur Charlie. 2004: Un Crime dans la Tête. 2008: Rachel se marie.


    Grand classique du thriller moderne au même titre que son homologue Seven, Le Silence des Agneaux remporta tous les suffrages auprès de la critique et du public grâce en priorité à la rigueur d'un scénario charpenté et à une confrontation psychologique en acmé. Couronné de 5 oscars dont celui du meilleur film, Le Silence des Agneaux doit autant sa renommée grâce au duo improbable formé par Jodie Foster et Anthony Hopkins. Si bien qu'une agent du FBI doit collaborer avec un dangereux tueur en série pour tenter d'en appréhender un autre lâché en pleine nature. Cet entretien psychologique qu'amorce Clarice Starling avec le Dr Hannibal Lecter laisse en exergue des confrontations d'une grande intensité émotionnelle si bien que cet anthropophage se joue malin plaisir à fouiller dans l'esprit torturé de la jeune inspectrice. En échange de précieuses informations afin de localiser le tueur Buffalo Bill (Ted Levine est également effrayant en tueur androgyne frustré par sa sexualité !), Clarice est donc contrainte de lui divulguer un traumatisant secret antérieur. Celui d'avoir été témoin d'hurlements d'agneaux abattus sous ses yeux lorsqu'elle fut enfant. Depuis, ces nuits sont régulièrement hantées par ces plaintes moribondes, et donc le fait de tenter de retrouver vivante la dernière victime du tueur pourrait peut-être lui permettre de mettre un terme à ces cauchemars nocturnes. 


    Ainsi, leur relation psychologique fondée sur la psychanalyse et la requête d'informations capitales finit donc par les rapprocher dans une confiance mutuelle teintée d'affection. C'est la une des grandes originalités du récit permettant d'entretenir un rapport équivoque entre l'intégrité d'une inspectrice audacieuse et la manipulation d'un éminent psychiatre d'une intelligence singulière mais tributaire de ses démons. Dominé par la performance glaçante d'Anthony Hopkins (sa 1ère apparition reste dans toutes les mémoires !), l'acteur se fond dans la peau du serial-killer de manière magnétique de par sa posture monolithique rehaussée d'un regard impassible figé dans le vide. Il en émane une aura malsaine insaisissable par son esprit de persuasion et sa démence anthropophage ! Avec fragilité humaine, Jodie Foster incarne une inspectrice en herbe perspicace et pugnace, à l'instar de son franchissement au repère de Buffalo Bill (ce qui nous vaut un final terrifiant bâti sur la peur du noir !). En alternance, elle nous insuffle également une émotion anxiogène éprouvante lorsqu'elle se laisse gagner par des souvenirs douloureux (la mort brutale de son père, la terreur des agneaux sur le point de trépasser) et lorsqu'elle doit faire face à sa survie de manière autonome (son fameux face à face avec Buffalo). 


    "La plus grande révélation est le silence" 
    A la fois bouleversant, tendu et terrifiant, éprouvant, malsain et perturbant à travers sa mise en scène sobrement documentée, Le Silence des Agneaux puise sa force dans sa dimension dramatique, dans l'intelligence du scénario ramifié et dans le pouvoir de suggestion imparti à la psychanalyse et à sa scénographie morbide (notamment cette découverte d'un corps putrescent dans la morgue où l'on extrait de sa bouche un cocon d'insecte). Enfin, l'oeuvre génialement vénéneuse n'aurait peut-être pas gagné son galon de pur chef-d'oeuvre sans la complicité incongrue du duo Starling/Lecter à marquer d'une pierre blanche. Un couple sulfureux bâti sur le rapport d'influence et de considération que Jodie Foster et Anthony Hopkins retransmettent avec une ambivalence infiniment trouble. Et ce jusqu'à sa conclusion irrésolue à l'aura de souffre et au pouvoir émotionnel terriblement déstabilisants. Du grand art pour le genre avec l'étrange impression de découvrir une oeuvre mutante à chaque révision (il faut d'ailleurs privilégier la VO pour son attrait vériste à la limite du reportage).   

    *Bruno
    04.01.23. 5èx

    Récompenses: Oscar 1992 du Meilleur Film, Oscar du Meilleur Acteur (Anthony Hopkins), Oscar de la Meilleure Actrice (Jodie Foster), Oscar du Meilleur Réalisateur (Jonathan Demme), Oscar du Meilleur Scénario: Ted Tally.
    Prix Edgar-Allan-Poe du Meilleur Scénario, Ted Tally

      mercredi 16 avril 2014

      Seven

                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

      de David Fincher. 1995. U.S.A. 2h07. Avec Brad Pitt, Morgan Freeman, Kevin Spacey, Gwyneth Paltrow, R. Lee Ermey, Richard Roundtree, John C. McGinley.

      Sortie salles France: 31 Janvier 1996. U.S: 22 Septembre 1995

      FILMOGRAPHIE: David Fincher est un réalisateur et producteur américain, né le 28 Août 1962 à Denver (Colorado). 1992: Alien 3. 1995: Seven. 1997: The Game. 1999: Fight Club. 2002: Panic Room. 2007: Zodiac. 2008: L'Etrange histoire de Benjamin Button. 2010: The Social Network. 2011: Millénium. 2014: Gone Girl.


      Ernest Hemingway a écrit: "le monde est beau et vaut qu'on se batte pour lui". 
      La seconde partie, je suis d'accord.

      Référence absolue du genre (avec son acolyte le Silence des Agneaux), Seven fut autant un succès commercial que critique lors de sa sortie. Et le revoir aujourd'hui prouve à quel point David Fincher  entreprit avec son 2è long-métrage une oeuvre proche de la perfection, à l'instar du travail méthodique accompli par John Doe, tueur inspiré des 7 pêchers capitaux. Jugez en ! A sept jours de la retraite, l'inspecteur Somerset est contraint de résoudre une affaire criminelle particulièrement difficile avec l'aide du jeune recru, David Mills. Ensemble, ils vont tenter de mettre la main sur l'un des tueurs les plus retors et machiavéliques ayant comme seul ambition d'y parfaire son chef-d'oeuvre ! Thriller morbide d'une noirceur nihiliste, Seven réexploite l'investigation criminelle et la traque au serial-killer avec un goût prononcé pour l'amertume. Tant par l'aigreur d'un flicard sclérosé, fatigué d'avoir eu à régler des affaires sordides dans un monde gangrené par le pêcher, que par l'éthique amorale d'un criminel studieux entièrement soumis à l'autorité de Dieu. De par son climat pluvieux inscrit dans la morosité, David Fincher annonce la couleur blafarde d'une cité urbaine entièrement soumise à l'arrogance du tueur auquel deux inspecteurs sur le qui-vive redoubleront d'effort afin d'y déjouer son prochain homicide. Sans jamais verser dans une quelconque complaisance, Fincher joue entièrement la carte de la suggestion car nous ne verrons jamais de quelle manière explicite le tueur accomplit ses exactions.


      C'est dans la résultante du crime et dans la version des faits exposés que Seven laisse gambader notre imaginaire vers un abîme d'ignominies. Que ce soit le châtiment invoqué à la gourmandise (l'obèse mort étouffé par sa propre bouffe), à la paresse (la lente agonie d'un drogué avachi sur son lit 365 jours durant !), à l'orgueil (le visage d'une jolie femme lacérée au couteau) ou à la luxure (le jeu sexuel du godemiché perforant), les tortures infligées sur chacune des victimes nous sont remémorées avec force et détails par les témoins, médecins ou complices éventuels (tel celui contraint de collaborer au pêcher de la luxure !). Sans compter sur la sagacité de notre duo d'inspecteurs ! Outre la rigueur géométrique d'une mise en scène virtuose (la poursuite impromptue dans l'immeuble du tueur culminant vers le centre urbain), David Fincher élabore une montée en puissance du suspense qui atteindra son apogée lors d'un final apocalyptique. La tension graduelle dont John Doe sait faire preuve pour intimider les inspecteurs lors de son escorte en véhicule redouble d'acuité lorsque ce dernier osera leur avouer ses deux plus beaux méfaits. Cette dernière partie absolument anthologique (pour moi l'une des plus terrifiantes séquences de l'histoire du cinéma 20 minutes durant !) distille un tel climat de malaise que le Mal en personne semble y être le principal instigateur. On peut d'ailleurs établir une filiation avec l'aura malsaine d'une entité maléfique qui imprégnait la pellicule de Friedkin dans le fameux Exorciste. Notamment cette analogie entre l'inspecteur Somerset et le père Damien Karras puisque tous deux gagnés par une non-croyance. Qui plus est, le tueur venu de nulle part (John Doe est une fausse identité !) souhaite y laisser son empreinte et transmettre son rituel biblique à tous les dégénérés de la terre !


      "La peur mène à la colère, la colère mène à la haine, la haine mène à la souffrance"
      Chef-d'oeuvre de suspense et de tension dévoilant un regard sinistré sur la nature humaine, Seven demeure notamment un fabuleux numéro d'acteurs que Kevin Spacey monopolise avec autant de tranquillité apathique que de cynisme impassible ! Vertigineux jusqu'au malaise viscéral, on en sort littéralement ivre de traumatisme. 

      *Bruno 
      4èx. 20.12.24. Vostf.

      Récompenses:
      Meilleur film et meilleur scénario au festival Fantasporto,1996.
      Saturn Awards du meilleur scénario et du meilleur maquillage en 1996.
      MTV Movie Awards du meilleur film et du meilleur méchant (Kevin Spacey) en 1996.
      Hochi Film Award du meilleur film étranger en 1996.
      Empire Awards du meilleur film et du meilleur acteur (Morgan Freeman) en 1997.
      Prix du public du meilleur film étranger aux prix Sant Jordi du cinéma en 1997.
      Blue Ribbon Award du meilleur film étranger en 1996.

      mardi 15 avril 2014

      LAST DAYS OF SUMMER (Labor Day)

                                                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site Notrecinema.com

      de Jason Reitman. U.S.A. 1h51. Avec Kate Winslet, Josh Brolin, Gattlin Griffith, Tobey Maguire, James Van Der Beek, Clark Gregg, Brooke Smith.

      Sortie salles France: 30 Avril 2014. U.S: 31 Janvier 2014

      FILMOGRAPHIE: Jason Reitman est un réalisateur, producteur et scénariste canadien, né le 19 Octobre 1977 à Montréal.
      2005: Thank You for Smoking. 2007: Juno. 2009: In the Air. 2011: Young Adult. 2013: Last days of Summer


      Cinéaste canadien révélé par Juno, In the Air et Young Adult, Jason Reitman n'en finit plus de nous surprendre avec son cinquième long-métrage adapté d'un best-seller de Joyce Maynard.
      Romance éperdue à la sensibilité prude, de par l'humanisme chétif de ses personnages, Last Days of summer relate la destinée amoureuse d'un couple en berne condamné à l'expectative. L'histoire d'amour impossible entre un évadé de prison et une jeune femme timorée, vivant recluse dans sa demeure parmi l'attention de son jeune fils. De prime abord, Jason Reitman s'attache à retranscrire la tendre relation qui unit cette mère et son enfant quand le père a démissionné de ses fonctions pour entreprendre une existence plus conforme à ses espérances. Taciturne et introvertie, car perturbée par un lourd passé, Adele ne croit plus en l'amour depuis son divorce jusqu'au jour où un étranger quelque peu menaçant décide de séjourner dans son foyer afin de fuir la police. Au fil leurs entretiens journaliers, Adele et le jeune Henry vont peu à peu se laisser attendrir par la bienséance de l'individu prodiguant confiance et respect d'autrui. Également tributaire d'un grave passé au secret inavouable, ce dernier finit par s'identifier à la fragilité sentencieuse de la jeune femme au point d'en tomber amoureux. De son côté, l'adolescent délaissé de sa mère commence à s'interroger sur les réelles motivations de l'inconnu, quand bien même sa mauvaise fréquentation avec une jeune adolescente va prolonger sa remise en question.


      Avec sa mise en scène épurée éludée de fioriture, Jason Reitman filme cette romance élégiaque de manière gracile, à l'image de cette nature bucolique qui environne nos héros. Outre la densité des enjeux incertains, l'intensité du récit émane surtout de la sincérité des comédiens que le cinéaste filme avec maturité et refus de sentimentalisme. La manière limpide à laquelle il nous conte son histoire dédiée aux tourments nous implique dans une émotion vulnérable qu'un suspense exponentiel va venir renforcer dans sa toute dernière partie. Sans chercher à manipuler gratuitement les mécanismes de la tension, Jason Reitman exacerbe en point d'orgue un dénouement des plus précaires dans son mode du thriller et sublime au passage une profonde histoire d'amour. En abordant les thèmes de la famille, de l'infidélité, de la démission parentale, SPOILER ! de l'erreur judiciaire, du deuil infantile FIN DU SPOILER et du fragile passage à l'adolescence, Last Days of summer traite ses réflexions à travers l'affliction d'amants désavoués d'un lourd passé SPOILER ! mais auquel la patience finira par vaincre leur déveine FIN DU SPOILER. Du point de vue de la puberté, le personnage d'Henry observe cette nouvelle relation avec inquiétude et interrogation, avant de comprendre les sens de l'amitié et de l'équilibre familial bâtis sur la confiance, le respect, la tolérance et l'amour.


      "Il faut une infinie patience pour attendre toujours ce qui n'arrive jamais". 
      Admirablement dirigé et servi par un trio de comédiens d'une dignité humaine bouleversante, Last Days of summer rejette la sinistrose afin de renouer avec l'épopée romanesque et démontre que le sentiment amoureux reste l'élément le plus aléatoire et cathartique de notre destinée. A vos mouchoirs mesdames !

      Bruno Matéï