de Tobe Hooper. 1974. U.S.A. 1h23. Avec Marilyn Burns, Paul A. Partain, Allen Danziger, William Vail, Teri McMinn, Edwin Neal, Jim Siedow, Gunnar Hansen.
Sortie salles France: 5 Mai 1982. VHS: 1979.
FILMOGRAPHIE: Tobe Hooper est un réalisateur américain né le 25 Janvier 1943 à Austin (Texas). 1969: Eggshells, 1974: Massacre à la Tronçonneuse, 1977: Le Crocodile de la Mort, 1979: The Dark (non crédité), 1981: Massacre dans le Train Fantôme, 1982: Poltergeist, 1985: Lifeforce, 1986: l'Invasion vient de Mars, Massacre à la Tronçonneuse 2, 1990: Spontaneous Combustion, 1993: Night Terrors, 1995: The Manglers, 2000: Crocodile, 2004: Toolbox Murders, 2005: Mortuary, 2011: Roadmaster.
"Totem de chair et folie texane".
Mastodonte de l’horreur poisseuse, épreuve de force traumatique discréditée par la critique bien-pensante dès sa sortie, Massacre à la Tronçonneuse subit les foudres de la censure internationale — en raison de l’intensité de sa violence extrême, de son réalisme aride, et de son caractère faussement sanglant. Hormis son Prix de la Critique à Avoriaz, le film fut marginalisé. Et pourtant, aujourd’hui, tout le monde s’est réconcilié avec l’évidence : la virtuosité de son auteur, l’influence majeure exercée sur des générations de cinéastes, et l’impact émotionnel sidérant infligé aux spectateurs. Tobe Hooper, jadis paria, foule désormais le tapis rouge de Cannes.
À partir d’un pitch trivial — cinq jeunes amis sillonnent la campagne texane pour rejoindre la maison familiale de l’un d’eux, avant d’être méthodiquement exterminés par une famille de rednecks psychopathes —, le jeune Hooper tire un modèle d’efficacité brutale, où les nerfs du spectateur sont mis à rude épreuve durant 1h23 ! Et ce, dès le générique rubigineux, où les flashs d’un appareil photo impriment en gros plan des membres de cadavres putréfiés. Le plan suivant, dévoilant deux corps en position de totem, nous propulse dans un univers où le viol de sépulture est un rite inaugural. Puis vient l’inoubliable séquence de l’auto-stoppeur : l’homme détaille ses anciennes méthodes d’abattage bovin, se tranche la main au canif, puis entaille le bras de Franklyn, l’impotent. La "démence humaine" est plantée.
Avec un souci du détail crapoteux — la caméra s’attardant sur une nuée d’insectes lovés au plafond, ou sur une dent humaine ramassée au sol —, la première partie installe un suspense latent, une montée d’angoisse implacable. Deux maisons insalubres deviennent les portes d’un cauchemar, où surgit le monstre le plus aberrant de l’histoire criminelle : Leatherface. Dès que les protagonistes s’égarent dans cette campagne claquemurée, un sentiment d’insécurité les assiège, amplifié par une bande-son dissonante, hybride, inventée pour l’effroi. Hooper joue avec une atmosphère solaire irrespirable, soulignée par une photo granuleuse et criarde, et un décor insalubre : odeur de charogne, ossements animaux, sang séché… Le spectateur est pris à la gorge.
La seconde partie, la plus cauchemardesque, est une traversée de la folie — un chemin de croix de torture morale, une étude de la démence paroxystique (gros plans sur les yeux révulsés d’une martyre), un crescendo vers l’effroi absolu. Sally Hardesty devient combattante, survivante d’un enfer domestique peuplé de bouchers cannibales. La bande-son, stridente, scande l’hystérie. La course-poursuite débouche sur un repas familial délirant, à la fois cartoonesque et insoutenable. Notamment lors du rituel du marteau, où l’on invoque la main sénile du grand-père pour frapper la victime. L’horreur culmine — et avec elle, un sentiment d’impuissance viscéral, jusqu’au malaise sensoriel.
"Sous le soleil, la charogne".
Tableau schizo de l’Amérique profonde, métaphore de l’exclusion, du chaos et de la désillusion, Massacre à la Tronçonneuse est une plongée sans retour dans la déchéance. Une diatribe sociale sur la précarité, l’ignorance, la marginalisation — et sur ce que la misère engendre de plus monstrueux.
Le film se décline en acmé d’horreur inhumaine, par sa terreur viscérale et son réalisme brutal hérité du reportage. Un bad trip expérimental, à la frontière d’un cartoon vitriolé, où Tex Avery aurait glissé par erreur. Outre sa puissance visuelle et auditive, alternant suggestion oppressante et éclairs de brutalité malsaine, il faut saluer le jeu viscéral d’une scream queen transie de démence : la regrettée Marilyn Burns.
*Bruno
5èx
Récompense: Prix de la Critique au Festival d'Avoriaz, 1976
Ci-joint la Chronique de Massacre à la Tronçonneuse 2: http://brunomatei.blogspot.fr/…/massacre-la-tronconneuse-2.…
La Chronique du remake Massacre à la Tronçonneuse: http://brunomatei.blogspot.fr/2014/04/massacre-la-tronconneuse-2003-texas.html
Pas facile de parler d'un tel film, tu t'en sors bien ! j'aime la référence à Tex Avery qui si ça se trouve est peut être revendiquée par Tobe Hooper en personne, je ne suis pas assez calé au sujet des origines du projet pour le savoir.
RépondreSupprimerTu sais à quel point j'ai apprécié la rénovation récente du film qui est une pure merveille ! 40 après l'œuvre reste incontournable, indépassable et d'une intensité déroutante.
Un véritable objet de fascination
Et je peux te confirmer que la qualité d'image du Blu-ray est à tomber à la renverse ! J'étais subjugué d'admiration !
RépondreSupprimerPour "Tex Avery", ça m'est venu instinctivement à l'esprit lors de ma rédaction, alors que j'ai vu certains bonus cet après midi auquel un journaliste (je ne sais plus son nom) a employé le même terme pour qualifier le délire sous-jacent de Massacre... J'apprécie d'ailleurs beaucoup ce journaliste (il a des lunettes et était aussi présent sur les Bonus du Crocodile de la mort édité chez Wild Side). Toi aussi Laurent tu as tout dit sur ce monument de manière concise et pertinente !
Non c'était pas facile, j'ai mis 2h15 pour la rédiger !
RépondreSupprimerLe journaliste s'appelle Jean-Baptiste Thoret et si son visage nous est moins connu, sa voix par contre l'est beaucoup plus. Il intervient souvent à la radio (France Inter notamment) où il est aussi producteur je crois. Son analyse du "Crocodile" je l'ai trouvé sympa aussi !
RépondreSupprimer2h15 ça ne m'étonne pas surtout avec Massacre où on se demande sous quel angle abordé le film, l'objet est tellement massif ( La Chapelle Sixtine du film d'horreur).
Bon weekend Bruno
Voilà, c'est bien lui ! (d'ailleurs je l'ai déjà aussi entendu à la radio un dimanche midi sur une émission de ciné vis à vis des teen movie pour la sortie du film Spring Break)
RépondreSupprimerMerci Laurent, à toi aussi
Quel plaisir sadique, mais avouable, que de reconnaitre d'en avoir pris autant a lire une chronique rédigée avec une plume aussi faconde, et qui nous rappelle que c'est avec les "vieux" mots( c'est le vieux con anti langage primitif , appelé aussi SMS, qui le dit ) que l'on fait les meilleures critiques .
RépondreSupprimerPour recentrer le débat , je fais partie de la catégorie de "ceux qui l'ont découvert en vhs" , dés que rené du château nous en a ouvert ses portes .Et depuis l'annonce de cette version restaurée et du soufflage de bougies annoncée en grandes pompes (comprendre : tapis rouge , champagne , petits fours et Nikos aliagas !), une curieuse émotion m'agite ,proche de la schizophrénie ...ce film culte dont le titre a fait expulsé forces commentaires du style "hiiii massacre c'est dégeulasse je deteste ce style de film de peur " "ha qu'elle horreur , autant de sang ca me dégoute" " horrible, je pourrai jamais voir ca "...en clair le film séminal du genre , qui affiche probablement le meilleur ratio dégout / pas vu , et aujourd'hui débattu sur des forums de post pubères nourris aux vampireries cripto gay et aux nains chasseur d'anneaux , franchement ca me troue le culte !!! Heureusement il existe encore des "plumes" et des "cerveaux" pour sauver nos Larousse et autres petits robert d'un autodafé apocalyptique annoncé... merci bruno ; je reviendrai le plus souvent possible sur votre blog nourrir ma culture et renforcer mon clavier .
Merci beaucoup ingloriuscritik et je peux aussi t'avouer que j'ai pris plaisir à lire ton commentaire plein d'ironie et de jeux de mots ! ^^
RépondreSupprimermerci a toi !
SupprimerI'll be backerai régulièrement ...il y a d'autres chro notamment sur cette page (la maison prés du cimetière, wolf creek , kissed, nomads...) qui me les aiguisent déjà, les crocs !
Je manque un peu de temps présentement ...
Par contre je ne découvre ton somptueux blog qu'aujourd'hui , but last not least , et du coup, je me coucherai moins con , bien qu'aussi vieux !
a plus .
Welcome ! Ce blog est autant à toi qu'à moi car je sens que tu es aussi passionné que moi ! ^^
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