jeudi 26 octobre 2017

La Dernière maison sur la Gauche / "The Last House on the Left"

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site pinterest.fr

de Wes Craven. 1972. U.S.A. 1h25. Avec Sandra Cassel, Lucy Grantham, David Hess, Fred J. Lincoln, Jeramie Rain, Marc Sheffler.

Inédit en salles en France. Sortie U.S: 30 Août 1972

FILMOGRAPHIE: Wesley Earl "Wes" Craven est un réalisateur, scénariste, producteur, acteur et monteur né le 2 Aout 1939 à Cleveland dans l'Ohio. 1972: La Dernière maison sur la gauche, 1977: La Colline a des yeux, 1978: The Evolution of Snuff (documentaire), 1981: La Ferme de la Terreur, 1982: La Créature du marais, 1984: Les Griffes de la nuit, 1985: La Colline a des yeux 2, 1986: l'Amie mortelle, 1988: l'Emprise des Ténèbres, 1989: Schocker, 1991: Le Sous-sol de la peur, 1994: Freddy sort de la nuit, 1995: Un Vampire à brooklyn, 1996: Scream, 1997: Scream 2, 1999: la Musique de mon coeur, 2000: Scream 3, 2005: Cursed, 2005: Red eye, 2006: Paris, je t'aime (segment), 2010: My soul to take, 2011: Scream 4.


"Sous la crasse, la bête".
Fer de lance du Rape and Revenge crapoteux, interdit en salles en France et trente ans durant au Royaume-Uni, La Dernière maison sur la gauche révolutionna le cinéma d’horreur — bien avant que Tobe Hooper ne le marque à son tour, deux ans plus tard, avec l’électrisant Massacre à la Tronçonneuse. Sordide, poisseux, ultra glauque et malsain, le film doit sa réputation scandaleuse à son aspect docu-vérité, issu de la réalisation amateuriste (premier essai de Wes Craven derrière la caméra) qui, dans sa première partie — la plus réussie ! —, illustre le chemin de croix de deux lycéennes livrées à un quatuor de marginaux sans vergogne. Au cœur d’une forêt, ironiquement à quelques pas de la maison des parents de l’une d’elles, elles subiront humiliations, sévices sexuels et tortures corporelles jusqu’à ce que mort s’ensuive. Sans débauche d’hémoglobine, Craven distille un malaise psychologique et viscéral, privilégiant une violence crue, d’une intensité rarement égalée, et une caméra à l’épaule, parfois rivée en gros plans sur des visages pétrifiés ou orduriers. Et, par une bande-son dissonante, tour à tour joviale et élégiaque, il nous plonge dans un vertige moral au bord du malaise.

Et même si Craven désamorce (maladroitement) l’horreur par quelques séquences cocasses — ces deux flics empotés en fil rouge dérisoire —, le spectateur ne parvient pas à relativiser l’impact barbare des images ni le jeu, à la fois approximatif et fascinant, d’acteurs inconnus à l’aura hallucinée de perversité. Mention spéciale à David Hess, raclure impérieuse éprouvant un sursaut de compassion après un meurtre lâche et gratuit (« Les véritables monstres ne sont jamais totalement dépourvus de sentiments. C’est ça, et non leur aspect, qui les rend si effrayants », pour citer Stephen King), et à Fred J. Lincoln — acteur porno prolifique —, inquiétant tortionnaire nanti de penchants masochistes. Parfois un brin complaisant (l’éviscération concise d’une victime, l’entaille au couteau, lente, sur le torse d’une autre martyre), La Dernière maison sur la gauche échappe pourtant au racolage, malgré la gratuité de ses exactions, puisées dans un fait divers sordide (comme le souligne le post-générique) qu’on croirait arraché au Nouveau Détective.

Et si la seconde partie, moins convaincante, peine à égaler l’aura putride et le réalisme insupportable de la première (photo granuleuse à l’appui), le climat de malaise — quasi irrespirable — s’accroît dans l’étau du huis clos familial : les postures sournoises des ploucs insalubres, la vengeance débridée des parents, redoublant d’idées saugrenues pour assouvir leur justice sanglante, prolongent la descente aux enfers jusqu’à la violence paroxystique.

 
"La souillure des justes".
Réflexion sempiternelle sur l’instinct bestial et primitif de l’homme — aussi véreux que son meurtrier dès qu’il s’abandonne à ses pulsions justicières —, La Dernière maison sur la gauche conserve son pouvoir de fascination : sommet d’horreur pestilentielle, brute, écorchée. Même si certains cinéphiles lui préfèrent aujourd’hui La Bête tue de sang froid d’Aldo Lado (plus maîtrisé et mieux interprété, j’en conviens), ce premier Craven reste une pierre angulaire d’un genre marginal et couillu : pionnier d’une horreur documentée où l’effroi est simplement humain.
Public averti.

Bruno Dussart

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