vendredi 26 octobre 2018

Les Femmes de Stepford / The Stepford Wives / Le Mystère Stepford

Photo empruntée sur Google, appartenant au site bloody-disgusting.com

de Bryan Forbes. 1974. U.S.A. 1h54. Avec Katharine Ross , Paula Prentiss, Peter Masterson, Nanette Newman, Tina Louise, Carol Eve Rossen, William Prince, Carole Mallory, Toni Reid, Judith Baldwin.

Date de sortie: 12 février 1975 (USA)

FILMOGRAPHIE: Bryan Forbes est un réalisateur de cinéma britannique, également acteur, producteur et scénariste, né John Theobald Clark à Londres le 22 juillet 1926. 1961 : Whistle Down the Wind , 1962 : La Chambre indiscrète,1964 : Le Rideau de brume,1964 : L'Ange pervers,1965 : Un caïd, 1966 : Un mort en pleine forme,1967 : Les Chuchoteurs,1968 : Le chat croque les diamants,  1969 : La Folle de Chaillot, 1971 : The Raging Moon, 1975 : Les Femmes de Stepford, 1976 : The Slipper and the Rose, 1978 : Sarah,1980 : Les Séducteurs   1982 : Ménage à trois, 1984 : The Naked Face, 1990 : The Endless Game (tv)


« Desperate Housewives ».
Adapté d’un roman d’Ira Levin (Rosemary’s Baby), Les Femmes de Stepford se décline en diabolique satire caustique du sexisme. Une vision saugrenue et glaçante de la phallocratie, traduite dans une anticipation horrifique d’une franche singularité. D’ailleurs, son potentiel misogyne engendra une pléthore de séquelles - The Revenge of the Stepford Wives (téléfilm de 1980), The Stepford Children, The Stepford Husbands - jusqu’au remake aseptisé signé Frank Oz en 2004.

Un couple emménage dans la bourgade bucolique de Stepford, Connecticut, village où règnent calme, silence et propreté. Joanna se lie d’amitié avec les voisines du quartier, notamment Bobby, jeune femme affranchie et extravertie, qui n’hésite pas à moquer l’attitude figée de leurs congénères. Peu à peu, le duo s’inquiète du comportement lisse, stéréotypé, sans aspérité ni volonté, de ces femmes devenues coquilles vides.

Précurseur du génial Get Out (dérivé en satire antiraciste), Bryan Forbes surprend autant qu’il ébranle avec cette vision vitriolée de la guerre des sexes. Après une première partie trouble et vénéneuse, où rien ne laisse présager la montée progressive du cauchemar domestique, Les Femmes de Stepford insuffle une atmosphère anxiogène, diffuse, qui rampe sous la surface d’un quotidien trop bien huilé. Ces portraits de ménagères dociles, femmes-modèles d’un idéalisme déshumanisé, dérangent par leur feutre inquiétant et leur absence d’âme.

Sans céder au grand-guignol facile, Bryan Forbes use d’un pitch machiavélique et d’une irrationalité jamais résolue pour mieux troubler le spectateur, prisonnier du même désarroi que son héroïne. Maîtrisé de bout en bout, le film s’appuie sur un suspense d’une précision chirurgicale qu’Hitchcock n’aurait pas reniée. À travers la puissance vénéneuse de la suggestion, Forbes dénonce avec subtilité la réduction de la femme à un rôle d’objet conjugal, au cœur d’une époque charnière où souffle encore timidement l’émancipation féminine.

La charge satirique, féroce, vise de plein fouet le mâle bourgeois, aveuglé par son appétit sexuel et son besoin de domination. Les Femmes de Stepford, cauchemar cérébral, adopte le point de vue d’une héroïne frondeuse, progressivement laminée par l’incompréhension et le doute, jusqu’à une quête de vérité ultime, dans un point d’orgue oppressant, jusqu’au-boutiste et profondément amer. L’horreur y devient lâche, insidieuse, presque silencieuse. Et pourtant, le scénario initial de William Goldman allait encore plus loin dans l’effroi…

Avec ses figures féminines figées dans une fausse perfection, profondément dérangeantes, le film atteint parfois une intensité quasi hypnotique. La justesse du casting (tant du côté des hommes virils que des épouses soumises) contribue à cette réussite, mais rien ne serait aussi viscéral sans Katharine Ross. Son charisme mature, sa sensualité discrète et la profondeur de son regard noir, vacillant entre douceur et inquiétude, donnent chair à une photographe ambitieuse, lentement rattrapée par une psychose délétère, jusqu’à bouleverser sa trajectoire toute tracée.


« Sois belle et tais-toi. »
Chef-d’œuvre d’étrangeté horrifique, au climat insidieux, claustrophobe et glacé, Les Femmes de Stepford empoisonne lentement le spectateur dans un cauchemar domestique où le suspense gagne du terrain jusqu’à l’asphyxie. Sa conclusion sardonique, presque traumatisante, laisse une amertume tenace chez les plus sensibles d’entre nous. Pastiche corrosif de l’émancipation féminine en pleine révolution des Seventies, Les Femmes de Stepford reste tristement d’actualité, dans une société ultraconservatrice où les dissensions homme/femme n’ont jamais été aussi répressives et intolérantes.
À redécouvrir d’urgence.

— le cinéphile du cœur noir 🖤

26.10.18. 3èx
11.01.11. (231 vues)

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