jeudi 25 octobre 2018

La Nuit de la Métamorphose. Licorne d'Or au Rex de Paris.

                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site Senscritique.com

"Izbavitelj / The Rat Savior" de Krsto Papic. 1976. Yougoslavie. 1h16. Avec Ivica Vidovic, Mirjana Majurec, Relja Basic, Fabijan Sovagovic, Ilija Ivezic.

FILMOGRAPHIEKrsto Papic est un metteur en scène yougoslave né le 7 décembre 1933 attitré d'un palmarès de 22 longs-métrages réalisés entre 1967 et 2003 ! En France, La nuit de la métamorphose eut l'opportunité de sortir en salles seulement 5 ans plus tard, précisément le 21 Janvier 1981.

Pitch : En 1930, un jeune romancier, auteur d’un récit fantastique que personne ne souhaite publier, est expulsé de son domicile faute de pouvoir payer son loyer. Livré à lui-même, sans le sou, il parvient néanmoins à se réfugier dans les souterrains d’une banque désaffectée grâce à l’aide d’une ancienne connaissance. C’est alors qu’il devient le témoin d’une étrange confrérie s’abandonnant, sans vergogne, à des orgies culinaires et lubriques...

Ovationné par la Licorne d’Or et le Prix du Meilleur Scénario au Festival du Film Fantastique de Paris au Rex, récompensé du Grand Prix à Trieste, La Nuit de la Métamorphose est un OVNI rare et précieux, parvenant sans esbroufe ni fioriture à rendre crédible un argument fantastique inusité : celui d’une ligue de rats parvenant à adopter une apparence humaine, dans un contexte de crise sociale, pour mieux nous asservir après nous avoir poussés au chômage et à la famine. Derrière l’alibi de cette menace animale d’un genre nouveau, se profile une allégorie féroce sur la cupidité bureaucratique et les régimes fascisants, à l’aube du nazisme d’Hitler (l’action se situe en 1930).

Au-delà d’un suspense latent, franchement accrocheur, la densité de l’intrigue tient à sa capacité à nous faire croire à cette suprématie animale grâce à des trucages sobres, mais d’une efficacité redoutable. Le tout éclairé par une somptueuse photo sépia et inscrit dans une reconstitution historique hyper réaliste, aussi modeste soit-elle, au sein d’une scénographie urbaine insalubre, clairsemée, comme rongée par le vide.

Tout au long du récit, on suit l’enquête obsessionnelle de cet écrivain frondeur, témoin d’une découverte macabre lors d’un banquet tenu secret. Il s’allie bientôt à un chimiste éminent, parvenu à élaborer un sérum capable d’éradiquer ces rats mutants, visant en particulier leur "sauveur", figure messianique vouée à exterminer notre espèce. Une lutte sans merci s’engage alors entre notre duo d’érudits et ces rats humains, d’autant plus insidieux qu’ils savent se fondre à la perfection dans la foule.

L’intrigue, constamment sombre et inquiétante, distille une ambiance mortifère, marquée par un sentiment d’insécurité sous-jacent - notamment dans la précarité du romancier et l’étreinte fragile qu’il partage avec la fille du professeur. Outre son virage haletant et de plus en plus horrifique dans la dernière demi-heure (avec cette condition mutante des détenus humains, "traités" dans une geôle infestée de rats carnassiers !), La Nuit de la Métamorphose n’hésite pas à s’enfoncer dans la cruauté et l’amertume. Sa conclusion, en demi-teinte, s’offre comme un vertige moral : l’écrivain, rongé par le doute, la psychose et le remords, nous laisse face à une ultime image suspendue, incertaine, que chacun pourra interpréter selon son propre prisme - optimiste ou terriblement pessimiste.

Quant aux maquillages, aussi concis que réussis, ils impressionnent par l’apparence fétide de ces rats humains : défroque ténébreuse, petits yeux viciés, traits légèrement velus, commissures baveuses encadrées par deux incisives de belette. Un bestiaire malsain, troublant, presque pitoyable.


"La nuit où l’homme se décompose".
Par son pouvoir de fascination hypnotique et la puissance atmosphérique de son imagerie crépusculaire, La Nuit de la Métamorphose offre ses lettres de noblesse au cinéma fantastique yougoslave, avec un réalisme étonnamment percutant. Fable à la fois inquiétante et passionnante sur la voracité de notables affamés de pouvoir, ce chef-d’œuvre maudit bénéficie en outre d’une distribution étonnante, méconnue du public français, mais dont l’opacité même renforce la suspicion, sans jamais entamer leur charisme saillant.

Du grand art.

— le cinéphile du cœur noir

25.10.18 4èx
05.08.10 (208 vues)

. Licorne d'or et du Prix du Meilleur Scénario au festival du film fantastique de Paris au grand Rex.
Grand Prix du festival du film fantastique de Trieste

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