de Panos Cosmatos. 2018. U.S.A. 2h01. Avec Nicolas Cage, Andrea Riseborough, Linus Roache, Bill Duke, Richard Brake, Ned Dennehy.
Sortie salles France: 12 Mai 2018 (Festival Cannes). U.S: 14 Septembre 2018
FILMOGRAPHIE: Panos Cosmatos est un réalisateur, scénariste et producteur canadien, né en 1974 à Rome (Italie). 2010 : Beyond the Black Rainbow. 2018 : Mandy.
"Nul ne peut atteindre l’aube sans passer par le chemin de la nuit."
Trip mystique d’une fulgurance rubiconde à damner un saint, Mandy s’impose comme une expérience de cinéma rare dans le paysage conventionnel. À partir d’une intrigue aussi simpliste qu’attendue - la vengeance d’un homme après le sacrifice de sa compagne par une secte de hippies fanatisés - Panos Cosmatos (pour sa seconde réalisation) mise sur la forme, l’excès et l’inventivité la plus débridée pour renouveler un spectacle de samedi soir hallucinatoire, baigné de fanatisme religieux.
Mandy demeure autant un vibrant hommage au cinéma grindhouse des seventies et eighties - à travers ses éclats de séries Z entrevus dans une lucarne 4/3 ou dans le tee-shirt de Red Miller - qu’une expérience sensorielle totale, visuelle et auditive, nous enfermant dans un dédale cauchemardesque peuplé d’âmes dérangées.
À la fois sarcastique, horrifique, gore, sciemment grotesque et décalé (quelque part entre The Crow et Mad Max vitriolés), mais aussi onirique, stylisé et envoûtant (surtout durant la première demi-heure cosmique, entre les étreintes romanesques), Mandy explore l’ultraviolence vengeresse de Red Miller à travers une scénographie rutilante où les couleurs tapissent le paysage bucolique comme une fresque psychédélique.
Par la rage que Nicolas Cage exorcise en exterminateur transi de haine, et par l’humanisme dépressif qui suinte de son injustice, l’acteur livre un jeu viscéral, rugissant - à l’image de son tee-shirt animalier. Le film, métaphorique et presque prémonitoire, devient la descente dans la folie d’un justicier éploré, incapable de canaliser sa souffrance pour apprivoiser le deuil. Une démence que le spectateur accepte d’autant mieux qu’il partage son impuissance devant l’immolation de sa compagne par de lâches dévots - cruauté d’une intensité dramatique que Cosmatos pousse ensuite à l’extrême du point de vue de Red, quand enfin libéré de ses chaînes, il laisse éclater une tristesse ivre, volcanique.
Si Mandy fascine et manipule nos émotions sans pouvoir les maîtriser, c’est autant grâce à l’extravagance de ses antagonistes lunaires - comme surgis d’une dimension parallèle, entre David Lynch et David Blyth - qu’à son univers sonore et visuel démentiel. Les hippies lobotomisés par leur gourou et les bikers tout droit sortis de Hellraiser ou plutôt de Death Warmed Up vocifèrent des répliques hallucinées sur fond de dissonances saturées, leurs voix déformées par le LSD.



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