de Stephen Weeks. 1971. Angleterre. 1h20 (extented version). Avec Christopher Lee, Peter Cushing,
Sortie salles France: 11 Décembre 1974
FILMOGRAPHIE: Stephen Weeks est un réalisateur anglais né en 1948. 1984: The Bengal Lancers! 1984: L'épée du vaillant. 1976: Scars (TV Movie documentary). 1974: Histoire de fantômes. 1973: Gawain et le chevalier vert. 1971: Je suis un Monstre.
Je suis un monstre – L’élégance du mal
Complètement oublié aujourd’hui par la communauté fantasticophile alors qu'il est toutefois produit par la Amicus, Je suis un monstre mérite pourtant d’être redécouvert. J’en garde un souvenir limpide : celui d’un dimanche soir sur TV6, dans la douce torpeur d’un début de soirée où le gothique s’invitait à la télévision. Ce soir encore, à mon quatrième visionnage, l’immersion demeure indicible. J’y ai éprouvé le même plaisir qu’à ma toute première fois - sans la trace de nostalgie, mais avec la certitude d’un film habité.
Car cet énième remake de Dr Jekyll and Mr Hyde a beau répéter le même procédé narratif, sa première partie s’en écarte par une série d’essais cliniques sur des cobayes humains. Et malgré cette fidélité au mythe, il n’en reste pas moins un formidable cauchemar gothique, admirablement troussé par un Stephen Weeks pleinement impliqué par ce qu'il filme. On le sent autant dans le soin accordé aux décors victoriens - baignés de lueurs violettes ou rouges qui rappellent la Hammer par leur somptueuse architecture domestique et urbaine - que dans cette atmosphère d’étrangeté crépusculaire, où la brume s’invite comme un personnage à part entière.
Christopher Lee, impérial, s’y délecte du rôle du monstre sans la moindre emphase. Weeks évite les effets spéciaux grandiloquents et préfère la sobriété d’un maquillage expressif, laissant transparaître la terreur dans le rictus et le regard vicié de Lee - un regard littéralement habité. Jamais il ne verse dans le cabotinage : tout au contraire, il impose une intensité calme, presque funèbre, d’une noblesse rare.
À ses côtés, l’immense Peter Cushing, plus en retrait, incarne avec retenue un avocat redresseur de torts, de plus en plus suspicieux face aux agissements de son acolyte apprenti sorcier. Si l’intrigue, prévisible, ne réserve guère de surprises, on s’étonne pourtant de s’y plonger avec passion. Weeks déploie un univers de corruption macabre où le Bien et le Mal se livrent une bataille intime, ravivée par les expérimentations immorales d’un savant cherchant à désinhiber les pulsions humaines les plus enfouies à travers une drogue inévitablement addictive.
Une séquence de meurtre, d’une brutalité saisissante, retient particulièrement l’attention : l’agression d’une prostituée à coups de canne. Cruelle, mais jamais complaisante, la scène frappe par la rigueur de son montage et sa violence sèche.
Immersif, vibrant, porté par la présence saisissante de Christopher Lee, monstre tragique et tangible, Je suis un monstre mérite amplement d’être réhabilité. On y retrouve un gothisme séculaire, une dramaturgie sociale tendue et sinistre, et la beauté malade d’un cinéma hanté par la dualité de l’âme humaine.
Remerciement à Lupanars Visions.



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