jeudi 25 juin 2015

Les Jours et les Nuits de China Blue / Crimes of Passion

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

de Ken Russel. 1984. U.S.A. 1h46. Avec Kathleen Turner, Bruce Davison, Gordon Hunt, Dan Gerrity, Anthony Perkins, Terry Hoyos, Annie Potts, John Laughlin, John G. Scanlon, Janice Renney, Stephen Lee...

Sortie salles France: 19 juin 1985. U.S.A: 19 octobre 1984

FILMOGRAPHIE: Ken Russell est un réalisateur, scénariste, acteur, producteur, monteur et directeur de la photographie britannique né le 3 juillet 1927 à Southampton. 1967 : Un cerveau d'un milliard de dollars, 1969 : Love , 1970 : The Music Lovers, 1971 : Les Diables, 1971 : The Boy Friend, 1972 : Savage Messiah essiah, 1974 : Mahler, 1975 : Tommy, 1975 : Lisztomania,
1977 : Valentino, 1980 : Au-delà du réel, 1984: Les Jours et les nuits de China Blue.1986 : Gothic, 1988 : Salome's Last Dance , 1988 : Le Repaire du ver blanc ,1989 : The Rainbow ,1991 : La Putain, 2002 : The Fall of the Louse of Usher, 2006 : Trapped Ashes segment "The Girl with Golden Breasts".


Délire inclassable d'une exubérance psychotique par son érotisme outré, une oeuvre flamboyante sur la passion du désir et la quête éperdue de l'assouvissement sexuel !

Quatre ans après son trip métaphysique Au dela du réel, le sorcier fou Ken Russel continue de surfer sur la provocation avec Les jours et les Nuits de China Blue, drame psychanalytique où l'érotisme torride se mêle à une flamboyance sadomaso. Réunissant à l'écran deux illustres comédiens au parcours distinct (Anthony Perkins et Kathleen Turner s'opposant ici dans une guerres des sexes jusqu'au-boutiste !), le cinéaste aborde les thèmes de l'intégrisme, du refoulement et de la frustration sexuelle pour mettre en exergue les rapports équivoques de personnages en quête de rédemption amoureuse. Le PitchBobby Grady est un détective fuyant sa vie conjugale depuis sa frustration avec son épouse asexuée. C'est dans les bras de China Blue qu'il tente de trouver réconfort, une prostituée comblant sans retenue les fantasmes de sa gente masculine. Or, sous son apparence charnelle et sulfureuse, China Blue occupe le jour un poste de stylisme sous le patronyme de Joanna Crane. Bobby tente en désespoir de cause de la courtiser malgré le harcèlement d'un pasteur désaxé, délibéré à repentir la vie débauchée de China.  Provocateur en diable spécialiste des ambiances baroques et débridées où l'aura malsaine s'y dilue de manière reptilienne (les Diables), Ken Russel cultive ici un goût pour l'ironie dérangeante afin de dépeindre la frustration sexuelle au sein du couple. Particulièrement du point de vue investigateur de Donny Hopper en quête éperdue de désir sexuel depuis que sa femme frigide se noie dans la désillusion. Pour évoquer la déréliction du célibat et la crainte d'aimer et d'être aimé, Ken Russel brosse à travers le personnage ambivalent de China Blue un magnifique portrait de femme contrainte d'endosser la défroque d'une prostituée pour assouvir ses pulsions fantasmatiques, et par la même occasion, se venger du machisme de l'homme lors de séances de sadomasochisme. 


Bafouée par des années de déception amoureuse et faute d'un passé incestueux, elle se répugne à amorcer une relation sentimentale durable avec un amant par peur de routine et de tourment. Or, en guise d'expiation métaphorique, un prêtre psychotique s'incruste dans son quotidien salace afin de la repentir et apaiser son propre refoulement à travers son refus d'accomplir ses pulsions sexuelles. Et donc, auprès des thèmes de la perversion, de la débauche et du désir, Ken Russel dresse le constat d'échec d'une détresse humaine s'isolant dans la sexualité de consommation afin d'anesthésier leur frustration. Dans sa fonction schizophrène de prostituée en perdition, Kathleen Turner se porte garante avec une spontanéité impétueuse et un sens de provocation qui laisse pantois ! Lascive, sexy, dominatrice, effrontée car provocatrice en diable, elle magnétise l'écran parmi l'audace de ses loisirs lubriques et avec la complicité masculine d'une clientèle infortunée. En tenue d'Eve et de jarretelles compromise aux excès en tous genres, l'actrice s'avère d'ailleurs vaillante d'avoir accepté un rôle aussi subversif alors qu'elle venait de triompher sur les écrans dans l'aventure familiale A la poursuite du diamant vert. Dans son dernier grand rôle, Anthony Perkins  lui partage la vedette dans une posture extravagante de pasteur intégriste obsédé par le pêché de la luxure ! Il faut le voir accourir avec son godemiché afin de tourmenter China Blue et lui énoncer d'innombrables versets religieux à l'idéologie prohibitive. D'autre part, durant son parcours psychotique en chute libre on peut également évoquer l'ironie sardonique de son final oppressant pour le rapport du double entretenu avec China Blue alors que Ken Russel se permet d'offrir un clin d'oeil au célèbre  Psychose dans la composante du travestissement.


Soutenu d'une partition dissonante électrisante, Les Jours et les nuits de China Blue invoque le délire visuel baroque autant qu'une tendresse affligée pour cette satire féministe impartie à la sexualité névrosée et à l'assouvissement du couple. Par le biais de ses personnages frustrés, refoulés, schizos et psychotiques, le réalisateur transcende un poème sulfureux sur la passion du désir, l'acceptation de l'échec et la rédemption amoureuse (vecteurs indissociables pour l'harmonie conjugale) quand bien même Kathleen Turner et Anthony Perkins se disputent l'autorité dans un anthologique rapport destructeur de discorde misogyne. 

*Bruno
19.01.23. 5èx
25.06.15. 4èx
18.02.11 (594 vues)

Note: LAFCA Award de la meilleure actrice pour Kathleen Turner au Los Angeles Film Critics Association Awards.
  

mardi 23 juin 2015

LE LOUP-GAROU DE LONDRES. Oscar des Meilleurs Maquillages, 1982.

                                                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site joblo.com

"An American werewolf in London" de John Landis. 1981. U.S.A. 1h37. Avec David Naughton, Jenny Agutter, Griffin Dunne, John Woodvine, Don McKillop, Paul Kember.

Sortie salles France: 4 Novembre 1981. U.S: 21 Août 1981

FILMOGRAPHIE: John Landis est un réalisateur, acteur, scénariste et producteur américain, né le 3 Août 1950 à Chicago (Illinois, Etats-Unis).
1973: Schlock. 1977: Hamburger Film Sandwich. 1978: American College. 1980: The Blues Brothers. 1981: Le Loup-garou de Londres. 1983: Un Fauteuil pour deux. 1983: La Quatrième Dimension. 1985: Série noire pour une nuit blanche. 1985: Drôles d'espions. 1986: Trois amigos ! 1986: Cheeseburger film sandwich. 1988: Un Prince à New-York. 1991: l'Embrouille est dans le sac. 1992:Innocent Blood. 1994: Le Flic de Beverly Hills 3. 1996: Les Stupides. 1998: Blues Brothers 2000. 1998: Susan a un plan. 2010: Cadavres à la pelle.


Sorti aux Etats-Unis quatre mois après la sortie du tout aussi novateur Hurlements, Le Loup-Garou de Londres révolutionna le genre horrifique grâce en priorité à une séquence de transformation restée inégalée depuis le talent perfectionniste de Rick Barker. Couronné d'un Oscar pour la rigueur de ses effets-spéciaux, ce moment d'anthologie au réalisme saisissant s'avère d'une intensité émotionnelle proprement hypnotique. John Landis filmant au plus près des parties corporelles cette dégénérescence monstrueuse en insistant notamment sur l'impuissance de la victime hurlant sa détresse de ne pouvoir résister à la mutation ! Et à ce niveau, on peut autant saluer le jeu viscéral de David Naughton affligé par la sueur et les larmes pour contempler avec stupeur horrifiée sa déchéance animale ! En parvenant à agencer la comédie et l'horreur, John Landis accomplit le tour de force d'amuser (les facéties espiègles du héros retrouvé nu dans un quartier zoologique de Londres) et de nous terrifier (l'incroyable balade nocturne que nos deux touristes arpentent prudemment dans la campagne brumeuse des Landes) malgré le classicisme de son intrigue centrée sur une malédiction lycanthropique. 


Avec une efficacité imparable dans sa charpente narrative et une maîtrise assidue en terme de réalisation, John Landis réexploite le mythe du loup-garou dans le contexte contemporain d'un Londres hanté par les anciennes traditions. Reprenant les clichés usuels au genre, il parvient donc à renouveler le thème grâce au judicieux dosage réalisme horrifique (meurtres particulièrement sauvages) et fantaisie extravagante (sens burlesque du gag inventif), à point tel que rarement un film dit d'horreur n'aura su aussi bien combiner le brassage des genres. Qui plus est, outre la fonction en roue libre des seconds-rôles pleins de charisme dans leur témoignage ubuesque (le couple d'enquêteurs en perpétuelle discorde), apeuré (toute la clientèle de l'auberge) ou au contraire prévenant (Griffin Dunne endossant la posture putrescente du zombie altruiste, John Woodvine campant avec autorité un patricien loyal) le Loup-garou de Londres n'oublie pas de provoquer l'empathie parmi le couple David Naughton (féru de ferveur spontanée !), Jenny Agutter (succulente de sensualité timorée !). Notamment la condition torturée impartie à David puisque harcelé par son acolyte d'outre-tombe de devoir se plier au suicide salvateur au moment même où il s'éprend d'une jeune infirmière. Enfin, par l'entremise iconique du zombie tourné ici en mode parodique, John Landis parvient encore à détourner le concept canonique du loup-garou avec inventivité (les morts reviennent à la vie tant que la malédiction n'est pas levée !) et sens burlesque payant, quand bien même son point d'orgue catastrophique nous laisse les mains moites par son intensité cuisante !


Multipliant avec générosité les séquences d'anthologie au rythme d'une BO tantôt entraînante, tantôt envoûtante,(les rêves cauchemardesques de David prenant pas sur la réalité de son quotidien, l'exhibition au parc zoologique, la poursuite dans les sous-sols du métro, la panique urbaine empruntée au mode catastrophe et la fameuse transformation animale) Le Loup-Garou de Londres a réussi à renouveler le genre pour s'imposer comme la quintessence moderne du film de loup-garou que seul son homologue Hurlements est parvenu à émuler. 

La Chronique de Hurlements: http://brunomatei.blogspot.fr/2012/…/hurlements-howling.html

Bruno Matéï
6èx

lundi 22 juin 2015

FRISSONS D'HORREUR

                                                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site senscritique.com

"Macchie Solari/Autopsy" de Armando Crispino. 1975. Italie. 1h40. Avec Mimsy Farmer, Barry Primus, Ray Lovelock, Carlo Cattaneo, Angela Goodwin, Gaby Wagner, Massimo Serato, Ernesto Colli.

Sortie salles France: 3 Octobre 1979

FILMOGRAPHIEArmando Crispino est un réalisateur et scénariste italien, né le 18 Octobre 1924 à Biella, Italie, décédé le 6 Octobre 2003 à Rome.
1966: Le Piacevoli notti. 1967: Johnny le bâtard. 1968: Commandos. 1970: Faccia da Schiaffi. 1972: L'Etrusco uccide ancora. 1974: La Badessa di Castro. 1975: Frissons d'Horreur. 1975: Plus moche que Frankenstein tu meurs.


Thriller un peu trop méconnu à mon sens malgré une certaine renommée auprès des cinéphiles, Frissons d'Horreur s'engage dans la voie du thriller (je préfère éluder le terme Giallo tant l'ensemble s'avère hétérodoxe !) avec assez d'efficacité et de subversion pour retenir en haleine le spectateur jusqu'à la révélation du coupable. Depuis une vague de suicides perpétrés sous un climat solaire irrespirable, une doctoresse est hantée par d'horribles hallucinations ! Les cadavres fraîchement débarqués de sa morgue revenant à la vie pour la lutiner ! Au même moment, des proches de son entourage disparaissent mystérieusement pour laisser sous-entendre le sacrifice du suicide. Avec l'aide d'un curé, Simona tente maladroitement de démystifier cette affaire morbide ! 


Découvert par les amateurs en location Vhs au prémices des années 80, Frissons d'Horreur engendre une aura particulière au sein du thriller transalpin, de par son goût pour les visions morbides de cadavres nus gouailleurs et de sinistres mannequins exposés dans un musée des horreurs. Ajoutez à cela une connotation sexuelle prégnante dans le désarroi psychologique d'une héroïne en perte de sens lubrique et vous obtenez une sorte d'ovni au vitriol où plane un soupçon de nécrophilie. En alliant les meurtres en série d'un mystérieux assassin avec les suicides de quidams en détresse influencés par un climat tropical, Armando Crispino façonne une ambiance d'étrangeté magnétique que la posture équivoque de chacun des personnages va accentuer dans leur névrose interne. A l'instar de ce curé irascible à peine remis de sa convalescence psychiatrique et de Simona, femme médecin plongée dans la déficience mentale depuis la disparition inexpliquée de ses proches et depuis une volonté de lui nuire par la déraison. Par l'entremise d'une sombre conjuration où suspects et faux coupables font bon ménage, le cinéaste réussit à implanter un suspense graduel en dépit d'une intrigue indécise. Notamment dans la déstructuration du scénario et du montage elliptique et dans l'incohérence de certains protagonistes (volontairement outranciers ou au contraire mutiques). On ne manquera pas d'ailleurs de souligner également le caractère inopinément psychotique de certaines confrontations musclées (Simona s'en prenant brutalement à l'un de ses adjoints après une tentative de viol, le curé s'égosillant avec les poings à résonner un voisin de palier !) ajoutant à l'ensemble une atmosphère paranoïaque. Outre la présence charnelle et dénudée d'une Mimsy Farmer pleine d'intensité érotique et le charisme inquiétant des seconds-rôles masculins, le film se permet en outre de s'épauler d'une partition musicale mélancolique composée par l'illustre Ennio Morricone.


Tour à tour glauque et étrange, déroutant et décousu, Frissons d'Horreur pâti d'un manque de maîtrise dans l'ossature du scénario sporadique mais déborde d'audace à distiller un climat interlope où se mêlent sans complexe sexualité et déviances macabres. Une curiosité détonante donc rehaussée d'un suspense fructueux quant à l'identité du véritable assassin, quand bien même ses défauts précités ajoutent finalement un charme vénéneux au thriller transalpin ! 

Bruno Matéï
3èx

vendredi 19 juin 2015

Frère de Sang / Basket Case

                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site discreetcharmsandobscureobjects.blogspot.co

de Frank Henenlotter. 1982. U.S.A. 1h35. Avec Kevin Van Hentenryck, Terri Susan Smith, Beverly Bonner, Robert Vogel, Diana Browne, Lloyd Pace.

Sortie salles U.S: Avril 1982

FILMOGRAPHIE: Frank Henenlotter est un réalisateur américain de films d'horreur né le 29 août 1950 à New-York. 1982: Frères de sang. 1988: Elmer, le remue-méninges. 1990: Frères de sang 2. 1990: Frankenhooker. 1992: Frères de Sang 3. 2008: Sex Addict.


Ovni culte des années 80 célébré dans les vidéos-clubs en vogue, Frère de Sang fut également la révélation du cinéaste underground Frank Henenlotter, petit maître de la provocation et du mauvais goût dans sa conception d'une improbable amitié morbide entre deux frères siamois. A la croisée d'Elephant Man pour sa plaidoirie sur le droit à la différence et des films gores d'Herschell Gordon Lewis pour son outrance démesurée, Frère de Sang réussit l'exploit d'y communier drôlerie, horreur, dramaturgie par le biais d'exactions vindicatives de Duane et Belial . 

Le PitchAprès avoir été séparés par des chirurgiens sans scrupule sous l'allégeance d'un père réfutant la monstruosité d'une progéniture siamoise, Duane réussit in extremis à sauver de la mort son frère difforme. L'ayant recueilli dans une poubelle après l'opération, Duane part se réfugier chez sa tante afin de le protéger des badauds et assassins. Quelques années plus tard, les deux frères décident d'accomplir une vengeance méthodique pour châtier les responsables de leur séparation. 


Tourné avec les moyens du bord dans les bas-fonds sinistrés de New-york et en toute illégalité, incarnée par des comédiens amateurs surjouant sans complexe leur prestance extravagante, Frère de sang transpire la série B bisseuse, notamment par le biais d'une photo aussi blafarde que granuleuse. Récit horrifique principalement dédié au gore révulsif et à l'humour sardonique, Frères de sang se complaît à émailler l'intrigue de séquences-chocs redoutablement percutantes (bande-son stridente à l'appui !), tout en parodiant en toile de fond la posture dégénérée d'une foule de marginaux reclus dans un hôtel sordide. Cadre d'aménagement précaire auquel Duane et Belial s'y sont réfugiés le temps de parfaire leur besogne punitive. De par son réalisme crapuleux où les gerbes de sang sont auscultées en gros plan et l'intensité des exactions cruelles d'une créature s'égosillant à tout va sa cruelle condition, Frères de Sang oppose horreur et émotion avec une surprenante empathie. A l'instar de ce flash-back remémorant la tragédie familiale des frères siamois et leur infaillible tendresse impartie l'un pour l'autre. Ainsi, dans le reflet de sa haine meurtrière et par la détresse de son regard habité par la rancoeur de l'injustice, Belial s'avère le véritable pilier émotif, quand bien même la modestie adroite des effets spéciaux parviennent à le crédibiliser dans sa mobilité étriquée, dégingandée. Outre l'aspect spectaculaire des séquences chocs souvent impressionnantes, les ressorts dramatiques impartis à la jalousie possessive de Belial n'hésitent pas à verser dans la cruauté pour les rapports de divergence (et télépathiques) entrepris avec son frère depuis une liaison amoureuse entamée avec une réceptionniste.


Ultra gore, glauque et malsain en diable, drôle, tendre et émouvant, Frères de Sang idéalise l'objet culte de déviance pour l'effronterie du scénario débridé alliant éclairs de violence et bouffées de tendresse parmi l'amour impossible de deux frères infortunés. Du gore underground aussi trash qu'incroyablement dégénéré, à revoir sans modération aucune.  

*Bruno
6èx

jeudi 18 juin 2015

GRACE. Prix du Jury, Gerardmer 2010.

                                                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Paul Solet. 2009. U.S.A. 1h25. Avec Jordan Ladd, Stephen Park, Gabrielle Rose, Serge Houde, Samantha Ferris, Kate Herriot, Troy Skog.

Sortie salles U.S: 4 Août 2010

FILMOGRAPHIE: Paul Solet est un réalisateur, acteur, scénariste et producteur américain.
2009: Grace. 2015: Dark Summer.


Récompensé du Prix du Jury à Gérardmer, Grace est le premier film de Paul Solet, réalisateur particulièrement doué d'avoir su façonner une ambiance poisseuse et étouffante au sein d'une demeure familiale régie par une mère possessive. Enceinte et sur le point d'accoucher, Madeline est sévèrement endeuillée par la mort de son mari depuis leur accident de voiture. Rescapée in extremis, elle finit malencontreusement par enfanter un bébé mort-né. Mais quelques minutes plus tard, elle parvient in extremis à le ressusciter. Seul hic, sa progéniture a besoin de sang frais pour pouvoir survivre. Végétalienne, Madeline s'efforce néanmoins d'acheter de la viande dans les rayons de supermarché afin de récupérer le sang animal pour y nourrir sa fille. Pendant ce temps, avec la complicité d'un médecin, sa belle-mère rongée par la colère d'avoir perdu son fils se détermine à lui soutirer le bébé. 


Dans la lignée du Monstre est Vivant et de Répulsions, Grace renouvelle le concept du bambin tueur par le biais d'un réalisme paranoïde. De par l'attitude névrosée d'une mère accablée par une circonstance singulière ! Celle de subvenir aux besoins de son enfant pour le nourrir avec de l'hémoglobine ! Ce qui donne lieu à la régularité d'un contexte improbable lorsque, pour apaiser sa faim, celle-ci doit tolérer que le bambin vienne téter (ou plutôt grignoter !) son sein jusqu'au sang ! Qui plus est, l'élaboration studieuse d'une atmosphère fétide alliant odeur de sang et visions de cadavres (que ce soit un rat ou une victime humaine !) empoisonnent l'esprit du spectateur dans un maelstrom d'images sensorielles où rien n'est laissé au hasard ! A l'instar de ses mouches persécutant le sommeil du bébé jusqu'à ce que l'une d'elle ose s'infiltrer dans l'une de ses narines ! Entre drame psychologique (pour la dégénérescence progressive de Madeline en perte de sens et de repère !) et horreur malsaine (pour la variété de détails macabres impartis aux corps scarifiés ou molestés, ou pour cette putrescence alimentaire !), l'intrigue assigne le huis-clos en la présence solitaire de cette maman éprouvée par ses antérieures fausses-couches et le deuil marital. Prenant pour thèmes l'obsession maternelle et le deuil infantile, Paul Solet ne cesse de cultiver un goût pour la provocation autour de la déchéance psychotique de cette mère assaillie par la vue du sang et ce besoin irrémédiable d'en nourrir son bambin. Par l'entremise de détails scabreux contrastant avec l'épure d'une photo pastel, Grace nous achemine à une descente aux enfers en crescendo (intensité du suspense à l'appui pour le sort réservé à deux protagonistes !). De par la posture meurtrière de Madeline s'infligeant de préserver la vie de sa fille et l'impuissance de sa psychose à accepter l'anormalité de cette naissance.


Pour l'amour de Grace 
Eprouvant, sordide, viscéral et sensoriel, notamment dans cette subtilité audacieuse d'agencer une certaine sensualité à l'imagerie morbide, Grace privilégie la mise en scène alambiquée pour illustrer sans complaisance le cheminement déclinant d'une mère accablée par le deuil mais se raccrochant au fil monstrueux d'une progéniture zombie ! Une expérience profondément malsaine dans son flot d'images dérangeantes où l'innocence la plus candide est ici réduite au vampirisme par instinct de survie, à ne pas mettre entre toutes les mains ! 

Bruno Matéï


mercredi 17 juin 2015

Piranhas

                                                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site lavisqteam.fr

de Joe Dante. 1978. U.S.A. 1h34. Avec Bradford Dillman, Heather Menzies, Kevin McCarthy, Keenan Wynn, Barbara Steele, Shannon Collins.

Sortie salles France: 15 Novembre 1978. U.S: 3 Août 1978

FILMOGRAPHIE: Joe Dante (né le 28 novembre 1946 à Middletown, New Jersey) est un critique, scénariste, monteur, producteur et réalisateur américain. Son plus grand succès populaire est, à ce jour, Gremlins (1984). 1966-1975 : The Movie Orgy 1976 : Hollywood Boulevard, co-réalisé avec Allan Arkush 1978: Piranhas. 1981 : Hurlements. 1983 : La Quatrième Dimension, troisième épisode, Its a Good Life 1984 : Gremlins 1985 : Explorers 1987 : Cheeseburger film sandwich, 5 sketchs .1987 : L'Aventure Intérieure. 1989 : Les Banlieusards. 1990 : Gremlins 2, la nouvelle génération . 1993 : Panic sur Florida Beach . 1998 : Small Soldiers 2003 : Les Looney Tunes passent à l'action . 2006 : Trapped Ashes , premier segment, Wraparound. 2009 : The Hole.


Piranha. Définition (source Wikipedia): Le terme Piranha est un nom ambigu qui désigne plusieurs espèces de poissons d'eau douce vivant dans les rivières d'Amérique du Sud. Les piranhas se regroupent en bancs pour attaquer une proie plus grosse qu'eux. Ils n'en restent pas moins souvent solitaires, quelle que soit leur taille. Leur longueur moyenne est d'environ 15 à 25 cm ; ils peuvent cependant être plus grands. La plupart sont des prédateurs avec des dents aiguës et un appétit pour la viande. Contrairement à ce que dit la légende, ils ne s'attaquent pas systématiquement aux êtres vivants, mais seulement en présence de sang dans l'eau. Ils peuvent détecter la présence d'une goutte de sang dans l'eau à plusieurs dizaines de mètres.

Démarquage sardonique des Dents de la Mer, Piranhas prône l'amour de la série B sous la houlette du réalisateur néophyte Joe Dante (il s'agit de son second long-métrage) et du célèbre producteur Roger Corman. Le Pitch: Faute d'expériences génétiques de l'armée et de l'inadvertance d'une journaliste, des piranhas d'eau douce parviennent à s'échapper de leur bassin d'expérimentation pour rejoindre la rivière du coin. Un jeune couple vaillant tente d'alerter la population locale au moment même ou le corps militaire s'efforce d'étouffer l'affaire. L'insouciance des bambins d'une colonie de vacances et les touristes d'une station balnéaire vont prochainement servir d'appât aux poissons carnassiers. Avec les moyens du bord mais beaucoup de perspicacité dans la confection d'effets spéciaux adroits et dans l'utilisation judicieuse d'une bande-son grésillante, Joe Dante en extrait un petit modèle d'efficacité. La manière sagace à laquelle il s'emploie à suggérer les exactions des piranhas relevant du prodige par la vigueur du montage et l'impact graphique de certains cadavres lacérés ! 


Pourvu d'une photo soignée afin de souligner l'ambiance estivale de son environnement champêtre, Piranhas insuffle une belle atmosphère solaire autour de l'épanouissement de vacanciers quand bien même la couleur du sang va venir ternir le paysage édénique ! Emaillé de séquences chocs aussi intenses qu'épiques, l'intrigue s'avère d'autant plus haletante parmi l'autorité solidaire d'un couple de héros détournant l'hypocrisie de l'armée et des forces de l'ordre (stratégie d'évasion, vol de véhicule de police, course automobile) au profit de la survie des baigneurs. Fustigeant au passage les manipulations génétiques expérimentées pour la guerre bactériologique et chimique, Joe Dante cultive un goût pour la provocation en pointant du doigt l'hypocrisie américaine jamais remise de la guerre du Vietnam. Outre le caractère jouissif de deux séquences de panique assez intenses en terme de dramaturgie (au passage, les enfants trinquent), Piranhas doit autant son attrait ludique parmi  les attachantes trognes de seconde zone pleins de charisme. Outre la bonhomie badine que forme le duo héroïque Bradford Dillman / Heather Menzies, on y croise également Kevin McCarty en savant-fou névrosé, Belinda Balaski en monitrice vertueuse et Paul Bartel en directeur bourru de colonie de vacances. Quand bien même du côté des antagonistes véreux on y côtoie l'acteur fétiche Dick Miller en magistrat couard, la reine de l'horreur gothique Barbara Steele en médecin affabulatrice et Bruce Gordon en colonel indigne.  


Scandée de la partition lancinante de Pino Donaggio aux accents fragiles, Piranhas exploite le filon horrifico-catastrophique initié par Spielberg avec un goût prononcé pour la dérision ainsi qu'une pointe de tendresse au travers de séquences intimistes innocentes. Bougrement ludique, ce petit classique du B movie allie d'autant mieux les séquences-chocs percutantes et le suspense exponentiel avec un sens infaillible de l'efficacité !

Bruno
06.05.23. 6èx

La Chronique de Piranha 3D: http://brunomatei.blogspot.fr/2016/02/piranha.html

mardi 16 juin 2015

L'Antre de la Folie / In the mouth of madness. Prix de la Critique, Fantasporto 96.

                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site arkhamdrive-in.com

de John Carpenter. 1994. U.S.A. 1h35. Avec Sam Neil, Jürgen Prochnow, David Warner, Charlton Heston, Julie Carmen, John Glover, Frances Bay.

Sortie salles France: 8 Février 1995. U.S: 3 Février 1995

FILMOGRAPHIE: John Howard Carpenter est un réalisateur, acteur, scénariste, monteur, compositeur et producteur de film américain né le 16 janvier 1948 à Carthage (État de New York, États-Unis). 1974 : Dark Star 1976 : Assaut 1978 : Halloween, la nuit des masques 1980 : Fog 1981 : New York 1997 1982 :The Thing 1983 : Christine 1984 : Starman 1986 : Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin 1987 : Prince des ténèbres 1988 : Invasion Los Angeles 1992 : Les Aventures d'un homme invisible, 1995 : L'Antre de la folie 1995 : Le Village des damnés 1996 : Los Angeles 2013 1998 : Vampires 2001 : Ghosts of Mars 2010 : The Ward.


Ultime volet de sa trilogie de l'apocalypse initiée par The Thing et Prince des Ténèbres, l'Antre de la Folie est l'un des rares films d'avoir su traiter du thème de la folie avec autant de puissance d'évocation, de par son imagerie paranoïde héritée de l'univers de Lovecraft. Si le scénario n'est en rien le prototype d'un des romans de l'écrivain, John Carpenter lui rend dignement hommage à travers un récit tortueux suggérant plus qu'il ne montre l'ascension du Mal, entre fiction et réalité jusqu'à la conjonction. D'une étonnante subtilité pour le cheminement schizophrène d'un assureur rationnel peu à peu gagné par la perplexité, l'Antre de la folie transcende son investigation parano à travers l'influence d'un écrivain porté disparu. Ce dernier s'avérant le maître de cérémonie de la folie progressive après s'être laissé inspiré par des créatures tapies dans l'ombre des enfers.


Truffé de séquences anxiogènes irrésistiblement effrayantes ou déstabilisantes à travers leur facture baroque particulièrement sardonique, l'Antre de la Folie est entièrement dédié à la singularité d'un scénario retors littéralement ensorcelant. Le Mal étant le pilier d'une malédiction conçue pour annihiler l'espèce humaine. Rien que ça ! Car par l'entremise des écrits diaboliques d'un roman d'horreur prenant forme dans la réalité de notre quotidien et possédant un à un les esprits du lectorat (avec en filigrane une réflexion sur les dangers du fanatisme éprouvant plus d'intérêt à se tailler une raison existentielle au sein de la fiction), les forces du Mal ont décidé de parachever leur dessein afin de matérialiser l'apocalypse sur terre. Leur suprématie, leur arme infaillible pour duper l'ennemi: l'extension de la folie du point de vue d'un public fanatique addicte aux romans d'horreur ! Cette mise en abyme, l'enchâssement insinueux de la fiction au sein de notre quotidennieté, John Carpenter la maîtrise à la perfection par le biais d'une réalisation vertigineuse renouvelant sans cesse l'angoisse des situations inédites. A l'instar de son final espiègle désireux de railler cette fois-ci l'esprit du spectateur pour le contaminer à son tour dans une folie contagieuse. Cette ironie mordante cultivé par un venin reptilien est également une des forces du métrage afin de mettre en exergue l'esprit sarcastique de son thème principal: la paranoïa collective engendrant l'hystérie meurtrière tout en nous interrogeant sur notre réalité potentiellement créée/manipulée par un alchimiste, un créateur, un apprenti sorcier apatride, 


Une expérience schizo douée d'organisme.
Réflexion sur l'identité, la paranoïa et le fanatisme, méditation sur le pouvoir de persuasion à travers l'autorité d'un auteur mais aussi du point de vue visionnaire d'un cinéaste, l'Antre de la Folie semble avoir été écrit par un diable ricaneur tant la puissance de ses images dérangeantes nous transfigure l'avènement de l'apocalypse. Chef-d'oeuvre schizo s'il en est, (dansl'Antre de la Folie (titre on ne peut mieux approprié) est également un jubilatoire exorcisme à nos pire frayeurs pour sa parabole impartie à l'influence du Mal et à notre attrait irrésistible pour la fiction conçue pour nous ensorceler.

*Bruno
28.08.24. 4èx. Vostfr

lundi 15 juin 2015

L'Incroyable Alligator

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site imgsoup.com

"Alligator" de Lewis Teague. 1980. U.S.A. 1h31. Avec Robert Forster, Robin Riker, Michael V. Gazzo, Dean Jagger, Sydney Lassick, Jack Carter, Perry Lang, Henry Silva.

Sortie salles France: 16 Juin 1982. U.S: 2 Juillet 1980

FILMOGRAPHIE: Lewis Teague (né le 8 mars 1938 à Brooklyn, New-York, Etats-Unis) est un réalisateur, monteur, acteur et directeur de la photographie américain. 1974: Dirty O'Neil. 1979: The Lady in red. 1980: L'Incroyable Alligator. 1982: Fighting Back. 1983:Cujo. 1985: Cat's Eye. 1985: Le Diamant du Nil. 1989: Collision Course. 1990: Navy Seals: les meilleurs. 1991: Wedlock.


Un formidable B movie parvenant avec des moyens modestes à nous faire croire à l'improbable en la présence incongrue d'un alligator géant ! 
Dans la lignée de C.H.U.D et d'Epouvante sur New-York réalisés quelques années plus tard et d'une poignée de séries Z (Killer Crocodile, Alligator, Crocodile), L'incroyable Alligator exploite le filon du gigantisme animalier lorsqu'un croco devient la victime d'une mutation génétique à la suite d'un produit toxique déversé dans les égouts par des scientifiques peu scrupuleux. Confiné dans les canalisations, il hante les lieux à la quête de proies humaines. Après la découverte de cadavres déchiquetés, les médias s'emparent de l'affaire et créent un vent de panique alors que l'inspecteur David Madison est chargé de l'enquête. Inspiré des Dents de la mer pour reprendre son concept horrifico-catastrophiste, l'Incroyable Alligator se porte également héritier des classiques alarmistes des années 50 parmi lesquels Des monstres attaquent la ville ou la Chose surgie des ténèbres. Dénonçant en filigrane les dérives illégales de la vivisection lorsque des scientifiques sans vergogne ont décidé d'expérimenter un produit chimique (un dérivé de la testostérone) sur des animaux de labo, Lewis Teague aborde les dangers de la pollution en guise d'agroalimentaire. Outre sa volonté militante de fustiger les dérives de la science sans toutefois en châtier ses responsables, l'intrigue met surtout en pratique l'investigation ardue d'un détective et d'une charmante scientifique afin de débusquer l'alligator.


Arpentant sans succès les égouts parmi une escorte de spécialistes, David Madison est également compromis par l'accueil impromptu d'un chasseur mégalo avant de se réconforter dans les bras de sa collègue. Si sa structure narrative conventionnelle (massacres, enquête, idylle amoureuse, traque en règle) fait preuve de paresse pour renouveler son concept horrifique, la bonhomie attachante du couple de héros formé par Robert Foster et Robin Riker, et l'aspect fascinant de la créature disproportionnée cultivent une constante efficacité à l'ensemble purement divertissant. Notamment par le biais de deux séquences aussi spectaculaires qu'audacieuses dans leur schéma catastrophique, témoignage de masse d'une population en panique à l'appui ! L'alligator ayant parvenu à rejoindre les ruelles de la ville, particulièrement celle où une réception bat son plein parmi l'élite d'invités mondains. Avec modestie, et afin de renforcer son degré de réalisme, le cinéaste combine astucieusement la qualité d'effets mécaniques avec l'authenticité d'un saurien déambulant autour de maquettes très réussies. Ainsi, en dépit de son aspect bricolé pour autant pétri de charme, ses séquences jouissives parviennent autant à amuser qu'à provoquer frisson et fascination, effets gores soignés en sus.


Si l'Incroyable Alligator pâti d'un manque de densité à travers sa structure narrative et d'une absence de psychologie du point de vue de nos héros bonnards, la décontraction amusée de l'excellent Robert Foster, ses seconds rôles tous aussi charismatiques (Henry Silva en tête !), ses touches d'humour fantaisistes (l'intrusion grotesque du poseur de bombe dans le commissariat, le merchandising autour de la célébrité de l'alligator), son savoir-faire technique, comme le souligne la présence surdimensionnée du caïman, parviennent à élever cette attrayante série B au rang de classique du Monster movie.

*Bruno Matéï
11/03/22.
4èx.

vendredi 12 juin 2015

Les Monstres de la Mer

                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site boblarkin.blogspot.com

"Humanoids from the deep/Monster" de Barbara Peeters. 1980. U.S.A. 1h20. Avec Doug McClure, Ann Turkel, Vic Morrow, Cindy Weintraub, Anthony Penya, Denise Galik-Furey, Lynn Theel.

Sortie salles : 28 Août 1980

FILMOGRAPHIE: Barbara Peeters est une réalisatrice, scénariste, actrice et productrice américaine. 1970: Je suis une hard-girl. 1972: Bury me an Angel. 1974: Summer School Teachers. 1978: Starhops. 1980: Les Monstres de la Mer.


Produit par Roger Corman, juste avant qu'il ne se consacre à d'autres projets aussi débridés (La Galaxie de la Terreur et Mutants), Les Monstres de la mer peut sans conteste rejoindre le duo gagnant précité tant il est conçu avec autant d'intention intègre que de maladresse. Cette contradiction engendrant un divertissement d'une dérision irrésistible à travers ces ressorts dramatiques que la réalisatrice aborde grièvement à l'aide d'un montage sporadique pour autant efficace. Bourré de clichés et de personnages stéréotypés, Barbara Peeters en abuse sans complexe pour divertir un public complice venu frissonner le sourire aux lèvres. Dominé par d'aimables trognes de seconde zone bien connues des amateurs (Doug McClure et le regretté Vic Morrow !), Les Monstres de la mer s'édifie en concentré d'horreur bisseuse uniquement voué au plaisir innocent du samedi soir. Ciblant pour thème la pollution par le biais du DNA 5, produit conçu pour stimuler l'hormone de croissance des saumons génétiquement modifiés afin de tirer profit de l'agroalimentaire, l'intrigue n'est qu'un prétexte à émailler à intervalles réguliers agressions sanglantes d'amphibies humanoïdes, étreintes sexuelles de jeunes touristes en rut et stratégies d'attaques du point de vue des résidents d'un port ! Mais pour en revenir aux saumons mutants, c'est après avoir dévoré ses derniers que les coelacantes (groupe de poissons crossoptérygiens) ont fini par adopter une mutation génétique semblable à l'homme-poisson.


Si l'on songe naturellement au Continent des hommes Poissons de Martino, leur anatomie visqueuse prête autant allusion à la créature du lac noir de Jack Arnold. Et si les créatures quasi omniprésentes prêtent à sourire dans leur apparence grand-guignolesque et leur posture tantôt meurtrière tantôt lubrique (elles n'hésitent pas à dénuder et violer les filles en bikini exposées au bord de la plage afin de parachever leur évolution !), la qualité des maquillages parviennent néanmoins à fasciner de par leur aspect étonnamment réaliste ! On est en tous cas loin de la défroque caoutchouteuse des Kaiju japonais issus de la Toho ! Délibéré à façonner un produit d'exploitation dédié à la vigueur trépidante, Barbara Peeters ne perd d'ailleurs pas de temps à embrayer dès les premières minutes avec deux rebondissements tragiques et avant que n'intervienne une hilarante séquence de baston de rue où les coups de poing affluent parmi le témoignage de la foule d'un bal populaire. L'intrigue se focalisant ensuite sur les rapports houleux entretenus entre un pêcheur raciste (Vic Morrow), très remonté contre la défiance d'un aimable indien, et un pêcheur pacifiste (Doug McClure) venu prêter main forte à ce dernier avant de découvrir les origines des humanoïdes parmi l'appui d'une scientifique ! Pour parachever et reprendre le traditionnel concept catastrophiste initié par les Dents de la Mer, Les monstres de la mer surenchérit l'action avec la fête annuelle de la station balnéaire où les monstres réunis en masse vont ébranler la tranquillité des invités ! Une scène de panique anthologique car fertile en rebondissements sanglants et explosions, quand bien même la drôlerie involontaire de la plupart des affrontements émane autant de la frénésie risible des monstres que celle des protagonistes surjouant leur condition épeurée !


Débordant de générosité à travers son lot d'action homérique, de sexe polisson et d'effusions de gore parfois très spectaculaires, les Monstres de la Mer alterne cocasserie et fascination par le biais d'amphibies avides de rancoeur meurtrière et par la prestance cabotine de comédiens de seconde zone sobrement impliqués dans leur héroïsme en herbe. Il y émane une savoureuse série B bonnard aussi grotesque que jouissive, fréquemment rehaussée du grand-guignol d'FX adroits et de gore cracra. 

*Eric Binford.
Clin d'oeil à Jean-Pierre Putters.
23/09/21. 3èx. 

La Chronique de Mutanthttp://brunomatei.blogspot.com/2012/01/mutant-forbidden-world-grand-prix-du.html
La chronique de la Galaxie de la Terreur (la): http://brunomatei.blogspot.fr/…/la-galaxie-de-la-terreur.ht…

La critique de Mathias Chaput:
Produit par Roger Corman en pleine apogée des films fantastiques et d'horreur qui fleurissaient outre Atlantique et qui remplissaient les drive-in et les salles obscures, il faut être honnête et reconnaitre que ce "MONSTRES DE LA MER" est un véritable régal, un petit bijou du genre...

Le film s'apparente sans difficultés aux « pop corn movies » qui firent le bonheur des aficionados puis bien après des vidéastes, friands de films gore de monstres, pimentés par un soupçon d'érotisme et un sens de l'action inné, qui fit l'apanage et la marque de fabrique du père Corman, qui rencontra un gros succès grâce à cette recette parfaitement huilée et à l'efficacité inaltérable et inaltérée...
Doug Mac Clure (l'inoubliable acteur des films de Kevin Connorsur les continents oubliés, "LE SIXIEME CONTINENT", "LE CONTINENT OUBLIE" et consorts) tient une composition honnête dans son rôle de redresseur de torts bourru et forçant la sympathie et les autres comédiens sont parfaitement impliqués, amplifiant la crédibilité du métrage qui pousse même le détail sur une origine de l'apparition des monstres parfaitement concevable et identifiable pour le spectateur...

Il y a une logique à tout cela, les « monstres » issus de mutations génétiques ne tombent pas là comme un cheveu dans la soupe, leur présence est la résultante de faits bien précis !
La réalisation est soignée, les effets gore font mouche (notamment dans la scène de l'attaque lors de la foire, qui vire à la pantalonnade !) jusqu'à un dénouement particulièrement graveleux et cradingue, à réserver aux plus aguerris d'entre nous...

Une bonne histoire, un bon scénario, des moyens conséquents, tout cela fait prendre la mayonnaise correctement et l'ensemble s'avère convaincant et particulièrement réussi !
Un petit bijou, témoignage d'une époque révolue, où naïveté se conjuguait avec imagination via un postulat délirant certes, mais qui tient parfaitement la route !
Excellent ! 8,5/10




jeudi 11 juin 2015

2000 Maniacs

                                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site horrorsociety.com

Two Thousand Maniacs d'Herschell Gordon Lewis. 1964. U.S.A. 1h16. Avec William Kerwin, Connie Mason, Jeffrey Allen, Ben Moore, Gary Bakeman, Jerome Eden.

Sorti uniquement en video en France. Sortie salles U.S: 20 Mars 1964

FILMOGRAPHIE: Herschell Gordon Lewis est un réalisateur, scénariste, producteur, directeur de photographie, acteur et compositeur américain, né le 15 Juin 1926 à Pittsburgh, Pennsylvanie (Etats-Unis). 1963: Blood Feast. 1964: 2000 Maniacs. 1965: Monster a go-go. 1965: Color me blood red. 1967: A taste of blood. 1970: The Wizard of Gore. 1972: The gore gore girls. 2002: Blood Feast 2.


Un an après avoir révolutionné le cinéma d'horreur avec Blood Feast, premier film gore de l'histoire, le néophyte Herschell Gordon Lewis continue d'exploiter son filon commercial avec 2000 Maniacs considéré à juste titre comme son film le plus ludique. Partant d'un concept aussi original qu'ubuesque, 2000 Maniacs relate les épreuves de loisir qu'endureront trois couples de touristes au sein de la petite ville de Pleasant Valley après avoir franchi un mauvais détour. Accueilli en grande pompe par le maire et sa population sudiste, ses derniers n'ont comme seul dessein de sacrifier ces jeunes yankees afin de fêter dignement le centenaire de la guerre de sécession. Spoil ! Si bien que revenus hanter les lieux après 100 ans de léthargie, nos 2000 maniaques ont planifié leur vengeance depuis le massacre de leur village perpétré par des ancêtres nordistes. Fin du Spoil


Dépourvu de toute substance psychologique quant à la fonction superficielle des comédiens amateurs et réalisé avec les moyens du bord d'un budget précaire, 2000 Maniacs compte sur l'inventivité des meurtres sanglants et l'euphorie communicative d'une population férue de festivité pour nous divertir. Sur ce point, et avec quelques décennies d'avance, Herschell Gordon Lewis peut également se targuer d'avoir initié le "Tortur'porn" tant les crimes incongrus redoublent de cruauté face au témoignage de masse d'une foule hystérisée ! Tant auprès du supplice des chevaux, du massacre à la hache, de l'épreuve du tonneau clouté ou de celle du rocher, les scènes-chocs planifiées au sein d'une kermesse champêtre font preuve de cocasserie morbide malgré l'aspect dérisoire des maquillages. Herschell Gordon Lewis insistant surtout sur les gros plans graphiques de plaies entaillées, membres sectionnés ou déchiquetés par le biais criard d'un sang visqueux ! Et cela fonctionne plutôt bien si j'ose dire tant le sang dégoulinant fait son petit effet de répulsion. Dénué de suspense où de ressort dramatique quant à la destinée des touristes, l'intrigue finit tout de même par accorder le bénéfice du doute du point de vue du dernier couple en stratégie de fugue. 


Curiosité vintage de série Z où l'intrigue impayable se désolidarise d'intensité dans les enjeux de survie, 2000 Maniacs demeure toutefois aussi bien plaisant que délirant en prime d'y avoir imprimé une date dans l'histoire du ciné gore. De par l'élaboration audacieuse des meurtres crapuleux, la verve génialement pittoresque des rednecks incultes et l'ambiance estivale de leur kermesse chantonnée au rythme du banjo, 2000 maniacs mérite d'être vu et revu avec un égal plaisir sardonique.

*Bruno
26.08.19. 5èx

mercredi 10 juin 2015

LES PREDATEURS (The Hunger)

                                                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site pixshark.com

de Tony Scott. 1983. U.S.A./Angleterre. 1h36. Avec Catherine Deneuve, David Bowie, Susan Sarandon, Cliff De Young, Beth Ehlers, Dan Hedaya, Rufus Collins, Suzanne Bertish, James Aubrey, Ann Magnuson... 

Sortie salles France13 juillet 1983   U.S.A: 29 avril 1983

FILMOGRAPHIE: Tony Scott (né le 21 juillet 1944 à Stockton-on-Tees, Royaume-Uni - ) est un réalisateur, producteur, producteur délégué, directeur de la photographie, monteur et acteur britannique. 1983 : Les Prédateurs1986 : Top Gun, 1987 : Le Flic de Beverly Hills 2, 1990 : Vengeance,1990 : Jours de tonnerre, 1991 : Le Dernier Samaritain,1993 : True Romance, 1995 : USS Alabama,1996 : Le Fan,1998 : Ennemi d'État, 2001 : Spy Game, 2004 : Man on Fire,   2005 : Domino, 2006 : Déjà Vu, 2009 : L'Attaque du métro 123, 2010 : Unstoppable.


Premier essai derrière la caméra de Tony ScottLes Prédateurs marqua toute une génération de spectateurs, principalement grâce à son épure formelle scandant un requiem d'amour et de mort autour de l'avarice du vampire avide d'éternelle jeunesse. Novateur s'il en est dans son refus hétérodoxe du thème éculé, Tony Scott ose également confronter à l'écran deux illustres stars du cinéma que le duo inopiné David Bowie / Catherine Deneuve transfigure avec une dimension romanesque élégiaque. A New-York, John et Myriam sont des vampires vivant communément d'un amour passionnel depuis des millénaires. Jusqu'au jour ou celui-ci est atteint d'une étrange maladie (peut-être la progéria !) l'incitant à vieillir prématurément. Condamné à une mort certaine, Myriam accepte difficilement ce fardeau avant de se réconforter auprès de Sarah, une doctoresse spécialisée dans la recherche sur la longévité que John eut contacté en désespoir de cause.


La vie, l'amour, le néant.
Echec public lors de sa sortie, peut-être à cause de son rythme languissant entièrement dédié à la beauté d'images graciles et à la caractérisation fragile des personnages en perdition, Les Prédateurs constitue une oeuvre atypique dans le paysage vampirique. Ce que souligne illico son prologue musical, clip new-wave appliqué dans une boite punk où John et Myriam, affublés de pantalon en cuir et lunettes noires, surveillent leur proie pour les attirer dans leur appartement en guise d'étreinte macabre. Une séquence vertigineuse que le célèbre tube Bela Lugosi's Dead de Bauhaus intensifie parmi la variation d'exactions sanglantes. A titre de singularité et de provocations, Tony Scott alterne 2 séquences en montage parallèle: la sauvagerie d'un singe dévorant son compagnon dans sa cage et les échanges sexuels que John et Myriam pratiquent avant leur sacrifice humain. Ces derniers utilisant un Ankh (pendentif égyptien) dissimulant une petite lame afin d'égorger leurs victimes. Passé cet interlude expérimental, brusque revirement de ton avec l'entrée en scène d'une mélodie classique afin de nous immerger dans l'appartement victorien du duo d'amants. La première partie, anxiogène et véritablement poignante, nous retrace avec rigueur la lente dégénérescence de John dans son état de vieillissement prématuré. A ce titre, les maquillages hyper réalistes de Dick Smith méritent toutes les ovations pour son talent perfectionniste à décatir Bowie dans de multiples étapes de vieillissement graduel, quand bien même les macchabées du dénouement macabre nous saisissent de stupeur dans leur morphologie putrescente. C'est dans une salle d'attente du cabinet médical de Sarah que John s'aperçoit subitement de sa pathologie déclinante. Spoil ! Confiné ensuite dans la quiétude de son pavillon familier, puisque conscient de sa mort prochaine, c'est là qu'il décide de rendre l'âme pour agoniser dans les bras de sa dulcinée qui lui avait pourtant promis un pacte amoureux pour l'éternité. Fin du Spoil ! Ces séquences intimes de poésie prude provoquent une émouvante empathie pour la condition meurtrie du vampire sclérosé. Il en émane une émotion particulièrement élégiaque dans l'impuissance des amants de braver la mort et dans leur dernière étreinte d'adieu que Tony Scott transcende avec souci d'esthétisme épuré !


A la manière d'un opéra funèbre, les Prédateurs met donc en exergue la fatalité de la mort sous couvert de l'injustice du temps s'effritant inexorablement jusqu'à ce que notre cadavre redevienne poussière. Mais du point de vue du vampire, pas de repos éternel ni de rédemption par leur condition damnée, ces derniers étant contraints de survivre dans l'opacité du néant avec comme seuls soutiens des ancêtres parcheminés pleurant leur condition d'immortel. La seconde partie se focalise ensuite vers l'attirance que Sarah éprouve pour Myriam lors d'une expérience saphique, cette dernière l'ayant choisi comme nouvelle héritière conjugale. De par leurs ébats amoureux s'y dégage un érotisme lascif dans l'environnement douillet d'un appartement orné de sculptures, linceuls et draps de soie afin que Sarah se laisse mieux attendrir par sa vénéneuse compagne ! Ce qui l'amènera à suppléer l'amant de Myriam dans sa nouvelle fonction de vampire gagné par le remord et la perplexité. En ce qui concerne nos têtes d'affiche, qui aurait pu prétendre qu'une de nos illustres stars françaises de l'époque aurait pu partager l'écran avec un chanteur/acteur américain dans un film dit de genre fantastique ? Avec pudeur, fourberie et aplomb, Catherine Deneuve endosse la fonction distinguée d'une vampire de charme briseuse de rêves (elle accumule les amants depuis des millénaires !) car délaissée depuis l'usure de leur vieillesse. David Bowie lui prête la vedette avec une intensité parfois bouleversante dans sa posture moribonde de vampire en phase terminale s'efforçant contre toute attente de se raccrocher au fil de sa vie avant de sacrifier une dernière victime ! Enfin, Susan Sarandon parvient autant à s'affirmer pour prendre la relève de la postérité malgré sa fonction indécise de vampire en quête éperdue de rédemption !


Jusqu'à ce que la mort affronte le néant. 
Réflexion sur l'hérédité de la vieillesse engendrant un trépas inéquitable et sur l'usure du temps estompant les souvenirs, quand bien même l'amour éternel est ici détourné au profit de la désillusion du maléfice, Les Prédateurs s'édifie en poème funèbre où l'obscurité du néant s'avère l'unique échappatoire. Parmi sa fulgurance d'une photo picturale inscrite dans un classicisme sophistiqué et le score électro baroque de Rubini et Jaeger, ce chef-d'oeuvre sur le dépit amoureux distille une aura aussi trouble que gracieuse en la présence déchue des couples Deneuve/Bowie, Deneuve/Sarandon.

Bruno Matéï
09.01.11. 4èX. (137 vues)
10.06.14. 5èx