mercredi 10 juin 2015

Les Prédateurs / The Hunger

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site pixshark.com

de Tony Scott. 1983. U.S.A./Angleterre. 1h36. Avec Catherine Deneuve, David Bowie, Susan Sarandon, Cliff De Young, Beth Ehlers, Dan Hedaya, Rufus Collins, Suzanne Bertish, James Aubrey, Ann Magnuson... 

Sortie salles France13 juillet 1983   U.S.A: 29 avril 1983

FILMOGRAPHIE: Tony Scott (né le 21 juillet 1944 à Stockton-on-Tees, Royaume-Uni - ) est un réalisateur, producteur, producteur délégué, directeur de la photographie, monteur et acteur britannique. 1983 : Les Prédateurs1986 : Top Gun, 1987 : Le Flic de Beverly Hills 2, 1990 : Vengeance,1990 : Jours de tonnerre, 1991 : Le Dernier Samaritain,1993 : True Romance, 1995 : USS Alabama,1996 : Le Fan,1998 : Ennemi d'État, 2001 : Spy Game, 2004 : Man on Fire,   2005 : Domino, 2006 : Déjà Vu, 2009 : L'Attaque du métro 123, 2010 : Unstoppable.


"La Soif et le Silence".
Premier essai derrière la caméra de Tony Scott, Les Prédateurs marqua toute une génération de spectateurs, principalement grâce à son épure formelle scandant un requiem d’amour et de mort autour de l’avarice vampirique pour une jeunesse éternelle. Novateur dans son refus hétérodoxe du thème éculé, Tony Scott ose également confronter à l’écran deux icônes singulières que le duo David Bowie / Catherine Deneuve transfigure avec une grâce élégiaque.
 
Le Pitch: À New York, John et Myriam sont des vampires, unis dans un amour passionnel depuis des millénaires. Jusqu’au jour où John, frappé par une étrange maladie – peut-être la progéria –, commence à vieillir à vitesse accélérée. Condamné, Myriam accepte difficilement le fardeau avant de reporter son affection sur Sarah, une doctoresse spécialisée dans la longévité, contactée par John en ultime recours.


"Les Derniers Soupirs de l’Immortel".
Échec public à sa sortie, peut-être en raison de son rythme languide, entièrement dévoué à la beauté des images et à la fragilité de ses personnages en perdition, Les Prédateurs s’impose comme une œuvre atypique dans le paysage vampirique. En témoigne son prologue musical : clip new wave dans une boîte punk, où John et Myriam, lunettes noires et cuir noir, attirent leurs proies dans leur appartement pour une étreinte macabre. Le tube Bela Lugosi’s Dead de Bauhaus intensifie cette séquence hypnotique, entre exactions sanglantes et romantisme mortuaire.
En montage parallèle, Scott juxtapose deux séquences : la fureur d’un singe dévorant son compagnon et l’union charnelle de John et Myriam avant leur rituel sacrificiel. Leur Ankh, bijou égyptien renfermant une lame, scelle le destin de leurs victimes.
Passé cet interlude expérimental, l’ambiance bascule dans la douceur d’une mélodie classique, nous immergeant dans le cocon victorien du couple. La première partie, anxiogène et poignante, relate la dégénérescence inexorable de John. Les maquillages hyperréalistes de Dick Smith impressionnent dans leur précision à décatir Bowie étape par étape, jusqu’aux macchabées du final, saisis dans une putrescence glaciale. Ces instants de poésie charnelle éveillent une empathie profonde pour ce vampire en bout de course. Ue émotion élégiaque émerge, magnifiée par l’esthétisme épuré de Tony Scott
 

"Sous les draps de soir, le néant".
Les Prédateurs explore la fatalité de la mort sous le prisme de l’injustice du temps, qui érode inexorablement jusqu’à ce que nos restes rejoignent la poussière. Mais pour le vampire, point de repos ni de salut : seulement l’errance dans l’opacité, accompagné des soupirs d’ancêtres parcheminés pleurant leur immortalité.
La seconde partie s’oriente vers l’attraction de Sarah pour Myriam. Une union saphique consumée dans la douceur d’un appartement soyeux, drapé de linceuls, sculptures et soieries, où l’érotisme langoureux se mêle au poison. Sarah, séduite, devient l’héritière conjugale, remplaçant John, mais rattrapée bientôt par le doute et la culpabilité.
Que dire de ce casting ? Qui aurait imaginé Catherine Deneuve, icône française, aux côtés de David Bowie dans un film fantastique ?
Deneuve, tout en distance, froideur et majesté, incarne une vampire aristocratique, briseuse de cœurs, lasse de voir ses amants faner. Bowie, bouleversant dans sa posture de mourant, s’accroche désespérément à un reste de vie, jusqu’au dernier sacrifice. Susan Sarandon, quant à elle, s’impose par sa sensibilité confuse, tiraillée entre désir et rédemption.


"Éternité en cendres"
Réflexion sur la vieillesse comme lente agonie, sur le temps qui efface les visages et sur l’illusion de l’amour éternel, Les Prédateurs s’érige en poème funèbre, où l’obscurité s’impose comme ultime refuge.
Entre la fulgurance d’une photographie picturale aux accents classiques et le score électro-baroque de Rubini et Jaeger, ce chef-d’œuvre sensuel et glaçant irradie une beauté morbide. Le film distille une aura trouble, incandescente, suspendue entre deux baisers : Deneuve / Bowie, Deneuve / Sarandon. Deux crépuscules, deux tragédies. Une seule éternité.

Bruno Matéï
09.01.11. 4èX. (137 vues)
10.06.14. 5èx


                                     

1 commentaire:

  1. Heureux de voir une critique aussi positive de ce film qui me fascine toujours autant après toutes ces années.

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