mardi 4 août 2015

LA HAINE. Prix de la mise en scène, Cannes 95.

                                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site legrandaction.com

de Mathieu Kassovitz. 1995. France. 1h36. Avec Vincent Cassel, Hubert Koundé, Saïd Taghmaoui, Solo, Sergi Lopez, Choukri Gabteni, Benoït Magimel.

Sortie salles France: 31 Mai 1995

FILMOGRAPHIE: Mathieu Kassovitz est un acteur, scénariste, réalisateur et producteur français, né le 3 Août 1967 à Paris.
1993: Métisse. 1995: La Haine. 1997: Assassin(s). 2000: Les Rivières Pourpres. 2003: Gothika. 2008: Babylon A.D. 2011: L'Ordre et la Morale.


Film choc de l'année 95 ovationné à Cannes (Prix de la Mise en scène) puis un an plus tard aux césars (Meilleur Film), La Haine retrace la quotidienneté de trois banlieusards issus de la cité des Muguets à Chanteloup-les-Vignes. Alors qu'un de leur ami, Abdel, est hospitalisé dans un état comateux suite à une bavure policière, Vinz, le plus irascible, souhaite se venger si ce dernier venait à trépasser. Durant leur journée d'errance et de mésaventures, ses amis Hubert et Saïd tentent de le raisonner afin de lui épargner son regain de vengeance. Inspiré par la tragédie de Makomé M'Bowolé assassiné en 1993 par un policier lors d'une garde à vue parisienne, Mathieu Kassovitz met en exergue le conditionnement de jeunes de cités contraints de répéter leurs journées de lassitude dans leur situation précaire où l'ennui s'avère un fardeau toujours plus lourd à porter. Livrés à eux mêmes car n'ayant aucune considération ni attache pour une société discriminatoire et xénophobe, ces derniers s'adonnent aux petites magouilles telles que vols de voiture ou deal de shit avant leurs confrontations musclées avec une police aussi arrogante qu'impassible (voire la manière dont Kassovitz caricature la posture d'une assemblée monolithique de CRS protégeant la devanture vandalisée d'un poste de police).


Fustigeant médias et journalistes dans leur quête de sensationnalisme, la haute bourgeoisie (la soirée d'exposition de tableaux virant subitement à l'échauffourée raciale) et surtout le zèle méprisant dont l'insigne policier fait parfois preuve dans leur comportement raciste et revanchard (notamment ce jeu d'humiliation et de passage à tabac que vont subir gratuitement Saïd et Hubert durant une garde à vue), La Haine insuffle un sentiment tangible de révolte par le témoignage désoeuvré de notre trio incapable de communiquer avec la classe sociable. La journée qu'ils vont subir durant plus de 24 heures s'avérant une épreuve de force, un parcours du combattant à refréner leur haine ("la haine attire la haine" s'exclamera Hubert !) dans leur situation houleuse avec une police omniprésente et incivile, quand bien même les délinquants les plus violents se laissent gagner par leurs pulsions criminelles (le sort aléatoire réservé au vigile de la boite de nuit !). Le cheminement indécis de leur errance journalière et leur sentiment d'injustice s'avérant toujours plus opprimant avant de connaître la réponse tragique de leur ami Abdel. L'ironie du sort étant de mettre en appui la déliquescence morale du plus intelligent du trio (Hubert) préalablement réfractaire à la violence et à la loi du Talion mais qui, dans une circonstance dramatique improvisée, cédera finalement à une justice expéditive dans sa rancoeur en ébullition. Une volonté habile pour Kassovitz de mettre en alerte la bavure policière, l'irresponsabilité de certains flics épris de zèle, et de nous démontrer que n'importe quel citoyen lambda doué de raison peut un jour basculer dans le crime pour tenir lieu de rébellion.


Le Monde est à vous.
Emaillé de situations cocasses parmi la verve insolente de dialogues incisifs, La Haine parvient avec réalisme documenté à nous immerger et nous familiariser dans la quotidienneté de ces délinquants avec l'énergie en roue libre de comédiens criants de vérité. Outre la précision chirurgicale de sa mise en scène alambiquée et la facture authentique de sa photo monochrome, La Haine tire parti d'une tension endémique rigoureuse par son contexte de crise sociale en perdition et par l'aigreur accordée à sa conclusion nihiliste (les bons et les méchants ayant proscrit leur identité). 
Jusqu'ici tout va bien... Jusqu'à la chute de notre société...

Bruno Matéï
4èx

"- ça fait vraiment du bien de chier un coup ! Vous croyez en Dieu ? il faut pas se demander si on croit en Dieu mais si Dieu croit en nous.
J’avais un ami qui s’appelait Gonvalski, on était déportés ensemble en Sibérie, quand on va en Sibérie dans les camps de travail, on voyage dans le train à bestiaux qui traverse la steppe glacée pendant 2 journées entières sans croiser personne, on se tient chaud ensemble mais le problème c’est qu’il faut se soulager, faut chier, c’est pas possible dans le wagon, le seul moment où l’on s’arrêtait c’était pour mettre de l’eau dans la locomotive mais Gonvalski était très prude même quand nous devions nous laver ensemble il était très gêné. Et moi je me moquais souvent de lui à cause de ça. Donc le train s’arrête et tout le monde en profite pour aller chier en dehors du wagon et moi j’ai tellement embêté Gonvalski avec ça, il préférait aller un peu plus loin. Donc le train repart et tout le monde saute dedans car le train il n’attend pas.
Le problème c’est que Gonvalski s’était éloigné derrière un buisson il n’avait pas fini de chier, donc je le vois il sort de derrière un buisson en tenant son pantalon dans sa main pour ne pas qu’il tombe, il essayait d’attraper le train. Je lui tends la main mais chaque fois quand il me tend la sienne il lâche son pantalon qui tombe sur ses chevilles. Il remonte son pantalon, il reprend sa course. Et chaque fois son pantalon il tombe quand il me tend la main.
- Et alors après qu’est-ce qui s’est passé ?
- Rien, Gonvalski est mort de froid."



Récompenses:
/ Prix de la Mise en scène, Cannes 95
/ César du Meilleur Film, Meilleur Producteur (Christophe Rossignon), Meilleur Montage (Mathieu     Kassovitz/Scott Stevenson.
/ Prix Lumières du Meilleur Film, 1996

lundi 3 août 2015

ESTHER

                                                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

"Orphan" de Jaume Collet-Sera. 2009. France/Allemagne/Canada.U.S.A. 2h03. Avec Vera Farmiga, Peter Sarsgaard, Isabelle Fuhrman, Jimmy Bennett, CCH Pounder, Margo Martindale, Karel Roden, Aryana Engineer.

Sortie salles France: 30 Décembre 2009

FILMOGRAPHIE: Jaume Collet-Serra est un réalisateur catalan, né le 23 Mars 1974 à Barcelone.
2005: La Maison de Cire. 2007: Goal 2: La Consécration. 2009: Esther. 2011: Sans Identité. 2014: Non-Stop. 2015: Run all Night.


Prenant pour thème l'enfant meurtrier, Esther mise sur le divertissement calibré à partir d'un scénario charpenté faisant preuve de montée en puissance du suspense et de violence rigoureuse étonnamment jusqu'au-boutiste pour une production PG-13. Après la perte de leur 3è enfant, un jeune couple se décide à adopter une orpheline native de Russie, Esther. Rapidement, de nombreux incidents intentent à la tranquillité de la famille Coleman, quand bien même la mère commence à porter des suspicions sur la petite étrangère. "Plus réussi est le méchant, plus réussi sera le film", dixit Alfred Hitchcock, et on peut dire que chez Esther nous tenons là un fameux spécimen de psychopathe en jupe courte ! Impassible, insidieuse et glaçante d'austérité, Isabelle Fuhrman porte le film sur ses épaules du haut de ses 12 ans tant elle impressionne à provoquer l'émoi dans ses multiples stratégies délétères, l'ébauche de ses exactions s'avérant toujours plus couillue et ambitieuse. Nanti d'un regard noir d'une intensité dérangeante, cruelle et impitoyable lorsqu'elle s'adonne aux meurtres, l'actrice provoque d'autant plus la gêne dans sa condition infantile immorale (notamment son jeu de séduction incestueux entretenu avec le père !) délibérée à influencer les rejetons de sa nouvelle famille pour mieux parfaire son dessein.


Grâce à l'efficacité du scénario, le savoir-faire de sa réalisation maîtrisée et le jeu spontané des comédiens, Esther parvient à captiver, notamment parmi l'habileté à laquelle fait preuve Jaume Collet-Sera de prôner les ressorts psychologiques d'une famille en perdition. L'ambition majeure d'Esther étant d'inciter l'entourage familial à écarter la mère afin de mieux influencer le père dans une relation d'ordre affective (pour ne pas dire sentimentale !). Ce qui donne lieu à des affrontements psychologiques plutôt intenses lorsque Kate Coleman tente de prouver à sa thérapeute et surtout à son époux qu'Esther est devenue une menace létale auprès de sa famille. Bien entendu, du fait du passé alcoolique de cette dernière ayant failli causé la mort de sa fille, et à cause de sa maternité inféconde la plongeant dans un déséquilibre moral, John Coleman tend à protéger Esther malgré des épisodes accidentels toujours plus alarmants. Outre la tension psychologique qui émane de leurs rapports discordants, l'intrigue met également en appui des rebondissements incisifs autour de l'identité d'Esther tout en insufflant un suspense exponentiel pour la survie de la famille. Là encore le cinéaste fait preuve d'audace à mettre en pratique une violence graphique perpétrée par une fillette désaxée auquel les sentiments de haine, de rancoeur et de jalousie atteindront leur apogée lors du point d'orgue tragico-explosif.


A l'instar de l'excellent The Children, Esther s'impose en exercice de style tendu (jouer avec nos nerfs avec une efficacité retorse) pour vanter une série B horrifique fertile en rebondissements et péripéties criminelles. Avec la valeur sûre Vera Farmiga exprimant un jeu viscéral de pugnacité révoltée et avec l'icone diabolique Isabelle Fuhrman, leur inimitié de longue haleine constitue l'attraction émotionnelle d'un jeu d'autorité irréductible. 

Bruno Matéï
2èx  

vendredi 31 juillet 2015

JURASSIC PARK

                                                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site buzzfeed.com

de Steven Spielberg. 1993. U.S.A. 2h07. Avec Sam Neil, Laura Dern, Jeff Goldblum, Richard Attenborough, Bob Peck, Martin Ferrero, Joseph Mazzello, Ariana Richards, Samuel L. Jackson.

Sortie salles France: 20 Octobre 1993. U.S: 11 Juin 1993

FILMOGRAPHIE: Steven Allan Spielberg, Chevalier de l'Ordre national de la Légion d'honneur est un réalisateur, producteur, scénariste, producteur exécutif, producteur délégué et créateur américain, né le 18 décembre 1946 à Cincinnati (Ohio, États-Unis). 1971: Duel , 1974: Sugarland Express, 1975: Les Dents de la mer, 1977: Rencontres du troisième type, 1979: 1941, 1981: les Aventuriers de l'Arche Perdue, 1982: E.T. l'extra-terrestre , 1983: La Quatrième Dimension (2è épisode),1984: Indiana Jones et le Temple maudit, 1985: La Couleur pourpre, 1987: Empire du soleil, 1989: Indiana Jones et la Dernière Croisade, Always, 1991: Hook, 1993: Jurassic Park, La Liste de Schindler, 1997: Le Monde Perdu, Amistad,1998: Il faut sauver le soldat Ryan Saving Private Ryan, 2001: A.I., 2002: Minority Report, Arrête-moi si tu peux, 2004:Le Terminal , 2005: La Guerre des Mondes, 2006: Munich, 2008: Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal,2011: Les Aventures de Tintin, cheval de guerre. 2012: Lincoln. 2015: Le Pont des Espions.


Succès planétaire lors de sa sortie, Jurassic Park est le fruit de l'association de l'écrivain Michael Crichton avec le maître du divertissement Steven Spielberg mettant en scène pour la première fois à l'écran des dinosaures par Animatronique et images de synthèse. Révolutionnaires pour l'époque, le film doit essentiellement de sa notoriété grâce aux effets numériques ahurissants de réalisme afin de faire revenir à la vie nos monstres de la préhistoire tels que les Diplodocus, les Vélociraptors, les Dilophosaures et surtout un Tyrannosaure du plus bel effet rugissant ! C'est d'ailleurs par le biais de ce T-Rex monstrueux qu'une séquence-clef culmine son impact catastrophiste lors d'une altercation avec deux enfants réfugiés en interne d'une voiture. Un moment claustro d'une intensité dramatique épique, Spielberg filmant cette bravoure avec la virtuosité d'un montage consciencieux, notamment pour la poursuite à perdre haleine que les victimes molestées doivent parcourir ensuite à travers bois.


Misant tout son potentiel visuel dans le sens du spectacle homérique et merveilleux (la première apparition du Diplodocus déambulant en toute quiétude sur une plaine insuffle un souffle féerique !), Spielberg parvient à nous immerger dans le contexte improbable d'une résurrection préhistorique par le biais d'un scénario cohérent. Une trame scientifique traitant du clonage et des manipulations génétiques à partir de l'Adn d'un moustique fossilisé contenant du sang de dinosaure et avec celui d'une grenouille engendrant la procréation de monstres uniquement femelles (une manière sereine d'éviter leur surpopulation et l'éventuel chaos). Au passage, il n'oublie pas de mettre en garde le caractère irresponsable de scientifiques utopistes violant les lois de la nature au profit de leur fantasme et leur cupidité, quand bien même la société de consommation est prête à exploiter sans vergogne les loisirs à sensations au mépris de la sécurité des touristes. Un milliardaire, apprenti sorcier, décide donc avec l'appui de son équipe scientifique de créer un gigantesque parc animalier prochainement réceptionné pour le public. Alors que deux paléontologues, deux enfants, un avocat et un mathématicien sont invités à scruter les lieux, ils finissent par s'y retrouver piégés sous une nuit pluvieuse. Epreuve de survie, c'est donc une partie de cache-cache que nos héros vont défier parmi les provocations bellicistes des dinosaures planqués derrière les bosquets et avant qu'ils n'investissent les lieux sécurisés de l'entreprise. Mené avec un savoir-faire imperturbable, Jurassic Park parvient à distraire efficacement malgré sa linéarité sans surprises (rejoindre un siège social pour se protéger de la menace préhistorique). Pour cela, il compte sur les courses-poursuites affolantes des protagonistes départagés en deux clans, et sur l'exploitation des décors naturels et du huis-clos qu'ils ratissent prudemment afin de déjouer les affronts des insidieux Raptors et du géant T-Rex.


Spectaculaire avec une juste mesure, haletant et parfois très impressionnant (la première attaque du T-Rex restera dans toutes les mémoires !), Jurassic Park parvient assez efficacement à émerveiller son public pris à parti entre l'effroi du mode catastrophe et la féerie contemplative des monstres de leur enfance. Un fantasme inespéré que Steven Spielberg est parvenu à cristalliser par le biais d'un scénario (étrangement) cohérent et par l'appui héroïque de personnages humainement attachants. 

Bruno Matéï
3èx

jeudi 30 juillet 2015

WOLFMAN

                                                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmofilia.com

de Joe Johnston. Director's cut. 2010. U.S.A/Angleterre. 1h58. Avec Benicio Del Toro, Emily Blunt, Anthony Hopkins, Hugo Weaving, Geraldine Chaplin, Art Malik, Kiran Shah, Elizabeth Croft, Sam Hazeldine, David Sterne.

Sortie salles France: 10 Février 2010. U.S: 12 Février 2010

FILMOGRAPHIE: Joseph Eggleston "Joe" Johnston est un réalisateur et producteur américain, né le 13 mai 1950 à Fort Worth, Texas. 1989: Chérie, j'ai rétréci les gosses. 1991: Les Aventures de Rocketeer. 1994: Richard au pays des livres magiques. 1995: Jumanji. 1999: Ciel d'Octobre. 2001: Jurassic Park 3. 2004: Hidalgo. 2010: Wolfman. 2011: Captain America: First Avenger. 2013: Not safe for work.


Echec commercial injustifié lors de sa sortie alors qu'il adopte une ambition aussi formelle que psychologique, Wolfman remet au goût du jour le mythe lycanthrope afin de rendre humblement hommage à la Universal et à la firme anglaise Hammer. 1891. Après avoir appris la mort de son frère, un comédien de théâtre revient sur les lieux de son enfance pour retrouver son paternel vivant reclus dans sa vaste demeure. Pendant que des villageois sont massacrés par une horrible bête sauvage, Lawrence Talbot ne s'imagine pas qu'il va établir un terrible secret familial. Nanti de décors gothiques à couper le souffle et d'une photo crépusculaire baignée d'onirisme, Wolfman parvient à dépoussiérer l'épouvante séculaire par la biais d'effusions de gore cinglantes et d'action homérique. Un habile dosage que Joe Johnston exploite intelligemment par le biais d'une narration charpentée laissant libre court aux tourments de personnages infortunés avant d'en découdre. Le réalisateur se focalisant sur la discorde d'une famille dysfonctionnelle, un face à face tendu régi autour d'un père véreux et de son fils candide impliqué malgré lui dans une horrible malédiction l'incitant à réparer justice par instinct de vengeance.  


Pour exacerber ces conflits parentaux à la colère de prime abord contenue, on peut compter sur les valeurs sures d'acteurs notoires se disputant la vedette avec charisme viril. Benicio Del Toro endossant avec son regard félin un fils tourmenté, car partagé entre sa malédiction et sa rancoeur après avoir appris l'auteur de la disparition de sa mère et de son frère. Emprisonné et expérimenté dans un centre psychiatrique, il aura également affaire à l'intolérance d'une population avide de traque sauvage ! En sexagénaire bourru et solitaire chargé d'ambiguïté, Anthony Hopkins jubile à exprimer subtilement ses sentiments sournois, son orgueil et sa jouissance d'existence en se raillant de sa progéniture. Outre leurs rapports de force toujours plus houleux, l'intrigue fait également appel à la romance par le biais de Gwen, la défunte fiancée de Ben Talbot. Emily Blunt se réconciliant dans les bras du frère Lawrence avec sobriété d'une posture fragile et timorée avant de se porter garante pour la rédemption du loup-garou. Fascinant à plus d'un titre, notamment par la photogénie de son esthétisme fulgurant, Wolfman transcende des séquences d'action et de transformations franchement impressionnantes par le biais d'effets spéciaux souvent bluffants (si on élude quelques CGI grossiers). A l'instar des diverses métamorphoses modestement détaillées de lycanthropes habités par la fureur comme l'avait su parfaire Neil Jordan dans le sublime conte métaphysique, la Compagnie des Loups


Spectacle onirico-gothique d'une beauté à couper le souffle, Wolfman renoue avec la flamboyance des classiques de l'épouvante vintage avec une vigueur et une inspiration forçant le respect. Mené tambour battant dans son lot de péripéties aussi sanglantes que bondissantes (notamment cette course poursuite haletante entamée sur les toits des habitations !) et bénéficiant des présences ultras charismatiques Benicio Del Toro / Anthony Hopkins, cette excitante déclinaison risque bien à son tour de figurer au palmarès des classiques (modernes) du genre. 

Bruno Matéï
2èx
30.07.15
12.03.11 (89)

    mercredi 29 juillet 2015

    L'IMPASSE

                                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site moviepostershop.com

    "Carlito's Way" de Brian De Palma. 1993. U.S.A. 2h24. Avec Al Pacino, Sean Penn, Penelope Ann Miller, John Leguizamo, Ingrid Rogers, Luis Guzman, James Rebhorn, Viggo Mortensen.

    Sortie salles France: 23 Mars 1994. U.S: 17 Novembre 1993

    FILMOGRAPHIE: Brian De Palma, de son vrai nom Brian Russel DePalma, est un cinéaste américain d'origine italienne, né le 11 septembre 1940 à Newark, New-Jersey, Etats-Unis.
    1968: Murder à la mod. Greetings. The Wedding Party. 1970: Dionysus in'69. Hi, Mom ! 1972: Attention au lapin. 1973: Soeurs de sang. 1974: Phantom of the paradise. 1976: Obsession. Carrie. 1978: Furie. 1980: Home Movies. Pulsions. 1981: Blow Out. 1983: Scarface. 1984: Body Double. 1986: Mafia Salad. 1987: Les Incorruptibles. 1989: Outrages. 1990: Le Bûcher des vanités. 1992: l'Esprit de Cain. 1993: l'Impasse. 1996: Mission Impossible. 1998: Snake Eyes. 2000: Mission to Mars. 2002: Femme Fatale. 2006: Le Dahlia Noir. 2007: Redacted. 2012: Passion.


    "Vivre toute une vie sans croiser la route d'un ange, tu vois, c'est bien pire que d'être là, dévoré par le froid..."

    10 ans après Scarface, Brian De Palma renoue sa collaboration avec Al Pacino pour dresser le portrait désenchanté d'un gangster latino en quête de rédemption. Prenant donc le contre-pied du personnage vénal de Tony Montana, l'Impasse transcende avec une virtuosité fulgurante le profil mélancolique d'un ancien caïd de la drogue délibéré à se racheter une conduite après avoir purgé 5 ans de prison. Acquitté grâce à la complicité véreuse de son avocat (Sean Penn, quasi méconnaissable !) alors qu'il devait purger 30 ans, Charlie Brigante retrouve ses anciens comparses de la pègre avant de renouer contact avec son ancienne compagne, Gail. Mais dans un concours de circonstances infortunées et par le compromis de son avocat à qui il devait une faveur, il se retrouve impliqué dans la complicité meurtrière d'un baron de la drogue.


    Par le biais d'une intrigue charpentée multipliant sans esbroufe les rebondissements d'anthologie, mélodrame et film de gangsters s'entrecroisent avec une maestria technique à couper le souffle, à l'instar de la fidèle reconstitution établie au paysage New-yorkais des Seventies. Tant auprès d'un point de vue romantique lorsque Charlie Brigante observe lointainement sous la pluie sa compagne à interpréter une leçon de danse, que lors de circonstances sanglantes, telle la fusillade confinée dans la salle de billard ou de l'haletante poursuite perpétrée dans le métro, l'Impasse donne le vertige parmi l'appui d'un Al Pacino pétri d'humanisme car inscrit dans le désespoir et la déveine. S'identifiant à son nouveau profil empathique, nous nous impliquons dans ses vicissitudes avec la peur au ventre sachant que le prologue nous avait déjà devancé l'issue fatale de sa destinée. Portrait fragile d'un ancien gangster incapable de fuir ses démons depuis son passé de corruption et de criminalité, Charlie Brigante nous commente avec désillusion que l'amitié et le code d'honneur dans les milieux mafieux ne sont plus d'actualité au sein des années 70, faute d'une nouvelle génération cuistre avide d'une liberté sans déontologie. Discours sur la loi du plus fort et celle du Talion, sur l'anachronisme d'un homme dépassé par le modernisme d'une époque qu'il ne comprends plus, témoignage sur la maturité de la vieillesse en voie de sagesse, l'Impasse s'édifie en poème mortuaire lorsqu'il s'agit de mettre en exergue le déclin d'un ancien magnat coupable de son inhabituel laxisme et de sa confiance empotée envers ses sbires.


    D'une intensité dramatique aussi épique que bouleversante (le final inconsolable s'avérant l'une des plus belles morts du cinéma !) et d'un suspense exponentiel à couper au rasoir lors de son cheminement délétère, l'Impasse offre (une ultime fois) ses lettres de noblesse au film de gansgters latinos parmi des trognes burinées plus vraies que nature et parmi l'icone du couple passionnel. Al Pacino / Penelope Ann Miller (magnifique portrait de femme aussi vertueuse qu'avisée !) formant le duo d'amants déchirés entre la grâce de leur tendresse et l'espoir sentencieux. Sublimé par le score sensible de Patrick Doyle, ce chef-d'oeuvre de tragédie criminelle réinvente le langage du cinéma avec une virtuosité incandescente.  

    Bruno Matéï
    3èx

    mardi 28 juillet 2015

    PASSION

                                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site meetinthelobby.com

    de Brian De Palma. 2012. France/Allemagne. 1h40. Avec Rachel McAdams, Noomie Rapace, Karoline Herfurth, Paul Anderson, Max Urlacher.

    Sortie salles France: 13 Février 2013.

    FILMOGRAPHIE: Brian De Palma, de son vrai nom Brian Russel DePalma, est un cinéaste américain d'origine italienne, né le 11 septembre 1940 à Newark, New-Jersey, Etats-Unis.
    1968: Murder à la mod. Greetings. The Wedding Party. 1970: Dionysus in'69. Hi, Mom ! 1972: Attention au lapin. 1973: Soeurs de sang. 1974: Phantom of the paradise. 1976: Obsession. Carrie. 1978: Furie. 1980: Home Movies. Pulsions. 1981: Blow Out. 1983: Scarface. 1984: Body Double. 1986: Mafia Salad. 1987: Les Incorruptibles. 1989: Outrages. 1990: Le Bûcher des vanités. 1992: l'Esprit de Cain. 1993: l'Impasse. 1996: Mission Impossible. 1998: Snake Eyes. 2000: Mission to Mars. 2002: Femme Fatale. 2006: Le Dahlia Noir. 2007: Redacted. 2012: Passion.


    Décrié par la critique, Passion renoue avec les thrillers des années 80 que Brian De Palma avait su parfaire avec le talent Hitchockien qu'on lui connait. En abordant ses thèmes fétiches impartis au double, au mensonge, à la jalousie, la trahison, la vengeance et la sexualité (passionnelle), le cinéaste construit une intrigue machiavélique autour d'une rivalité féminine se disputant la concurrence dans une agence de pub. Provocateur dans son habileté d'exploiter sexe et violence avec une efficacité studieuse, De Palma cultive un jeu de perversion et d'humiliation entre la directrice de l'établissement Christine et son adjointe Isabelle depuis que cette dernière partage en secret une infidélité avec son amant. Pour pimenter l'intrigue, une autre employée, Dani, se porte témoin de leur pugilat avant de divulguer ses sentiments pour Isabelle, quand bien même l'amant des deux rivales est impliqué dans une malversation que Christine est sur le point de faire chanter. Autour de ce quatuor d'employés cupides mais manoeuvrés, un meurtre va être perpétré et cumuler les preuves contre Isabelle bien que cette dernière s'efforce de prouver à la police qu'elle se trouvait à la session d'un ballet au moment du crime. 


    Avec une maîtrise technique que l'on avait pas connu depuis la première partie de Snake Eyes, Brian De Palma parvient à renouveler la vigueur incisive d'un suspense Hitchcockien grâce à l'ossature d'un script où le faux semblant reste le pilier du cheminement dramatique en perdition. Le premier acte s'avère consciencieux pour mettre en exergue la présentation des personnages tours à tours suspicieux, manipulateurs, victimes et vice-versa au sein de leur multinationale. Dans leur travers mégalo avide de notoriété on peut d'ailleurs y déceler une satire sur l'arrivisme au sein du merchandising de la pub par le biais de Christine et de son amant vénal Dirk, puis à échelle plus modeste chez Isabelle, collaboratrice en ascension toujours plus vantée par ses patrons et donc attisant la jalousie de sa dirigeante. Outre une direction d'acteurs hors-pair, Rachel McAdams et Noomi Rapace se disputent la vedette avec charme et fourberie vénéneux dans leur discorde professionnelle axée sur la provocation, l'intimidation et la vengeance. La seconde partie, plus haletante et périlleuse, multiplie rebondissements et subterfuges avec la virtuosité habituelle de De Palma, notamment dans la structure géométrique des cadrages alambiqués et d'une photo pastel pleine de contrastes. Si le caractère prévisible du potentiel coupable peut rapidement être éventé, la manière captivante dont De Palma continue de narrer son histoire et le sens du détail alloué à la machination continue de nous surprendre, Spoil ! notamment parmi l'intrusion capitale d'un témoin oculaire ! Fin du Spoil. Qui plus est, la conclusion équivoque offre la possibilité d'émettre plusieurs hypothèses sur la pathologie du coupable (rêve et réalité se confondent parfois dans son esprit chargé de remords), sur l'éventuel intrusion d'un nouveau suspect et le caractère vindicatif d'un acte morbide laissé en suspens. 


    Dominé par le tempérament insidieux de deux actrices usant de charme et sagacité avec ferveur, réalisé avec brio et esthétiquement travaillé dans son panel de couleur limpides et de cadrages obliques, Passion surprend agréablement pour la résurrection du maître du suspense véritablement inspiré à traiter un thriller érotique où le simulacre est roi au sein d'une agence de pub fallacieuse ! 

    Bruno Matéï

    lundi 27 juillet 2015

    SPRING

                                                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site desdeabajo.net

    de Justin Benson et Aaron Moorhead. 2014. U.S.A. 1h49. Avec Lou Taylor, Nadia Hilker, Vanessa Bednar, Shane Brady, Francesco Carnelutti.

    Sortie salles U.S.A: 20 Mars 2015

    FILMOGRAPHIE: Justin Benson est un réalisateur, acteur, scénariste et producteur américain, né le 9 Juin 1983 à San Diego, Californie, U.S.A. 2012: Resolution. 2014: V/H/S: viral -segmetn Bonestorm). 2014: Spring.
    Aaron Moorhead est un réalisateur, acteur, scénariste, producteur américain. 2010: A Glaring Emission. 2012: Resolution. 2014: V/H/S: viral -segmetn Bonestorm). 2014: Spring


    Avertissement ! Je vous recommande de passer outre la promo de son Trailer avant de découvrir le film. 

    Révélés par leur premier essai, l'étonnant Resolution, les compères Justin Benson et Aaron Moorhead continuent de surprendre avec Spring, une love story assez singulière dans l'itinéraire d'un jeune étranger parti s'exiler en Italie depuis la mort des ses parents pour finalement y établir une étrange rencontre. Car sur place, c'est une séduisante inconnue qu'il parvient à courtiser malgré l'autorité de son caractère autonome et ses départs parfois précipités. Au fil de leur tendre relation, Evan finit par apprendre qu'elle cache un horrible secret. 


    Tournés dans des magnifiques lieux touristiques de l'Italie, Spring est une invitation à l'escapade et à l'amour par l'entremise d'un touriste délibéré à changer d'existence pour escompter un avenir plus radieux. En conjuguant la romance et le film de monstres, Justin Benson et Aaron Moorhead parviennent à surprendre et à dérouter à travers cette leçon de tolérance pour le droit à la différence, un conte émaillé d'onirisme dans le contraste établi aux somptueux décors crépusculaires ou ensoleillés que nos héros arpentent avec une harmonie existentielle. Discours éculé sur la passion des sentiments, la peur de l'échec et la responsabilité de l'engagement, Spring renouvelle ses thèmes grâce à la sincérité des auteurs méticuleux à instaurer une ambiance surréaliste dans les rapports sensibles du couple. Sans pathos et en esquivant la facilité des bons sentiments, l'intrigue réussit à captiver malgré sa linéarité au profit de la maturité humaine des deux héros. Outre le caractère très attachant de ces protagonistes en roue libre s'efforçant de consolider leur liaison impossible, l'intérêt que nous éprouvons pour leur fardeau s'avère rehaussé d'un sens du réalisme que la mise en scène assidue des auteurs transcende en s'épargnant les conventions de la romance sirupeuse. Grâce au charme naturel des comédiens dépouillés et à leur complicité attentionnée, Spring envoûte le spectateur embarqué dans une malédiction où les situations alertes de danger se répètent sans pouvoir nous lasser. Un gage de qualité vanté par l'intelligence de sa réalisation indépendante quand bien même l'inventivité des effets spéciaux réussit à nous impressionner pour son sens du détail acquis. Hymne à l'amour et à la rencontre impromptue destinée à bouleverser votre destinée, Spring nous l'exprime avec une liberté de ton proche du documentaire. 


    Onirique, étrange, métaphysique, séduisant et finalement émouvant (à l'instar du score envoûtant de Jimmy LaValle et Sigur Ros), Spring séduit les sens du spectateur grâce au talent spontané des comédiens en étreinte et à l'intégrité des cinéaste aptes à nous conter scrupuleusement une romance singulière parmi la topographie touristique d'une capitale italienne. Une surprise pleine de charme où la pureté des sentiments ne sombre jamais dans la trivialité de la niaiserie pour au contraire se compromettre avec l'horreur organique d'une mythologie. 

    Bruno Matéï

    vendredi 24 juillet 2015

    THE LOVED ONES. Prix du Jury, Prix SyFy, Gérardmer 2011

                                                                                      Photo empruntée sur Google, appartenant au site seriebox.com

    de Sean Byrne. 2009. Australie. 1h24. Avec Xavier Samuel, Jessica McNamee, Robin McLeavy, Victoria Thaine, Richard Wilson, John Brumpton, Fred Whitlock, Eden Porter...

    Sortie salles France: 12 Juin 2010. Australie: 4 Novembre 2010

    FILMOGRAPHIESean Byrne est un réalisateur et scénariste australien. Après avoir entamé quelques courts-métrages remarqués et un documentaire (The Secret) en 2006, il dirige sa première réalisation trois ans plus tard avec The Loved Ones.


    Couronné de 2 prix à Gérardmer, The Loved Ones frappe fort et juste pour une première réalisation débutée par le cinéaste australien Sean Byrne. Mis en scène avec caractère et inventivité, de manière à détourner les conventions du genre pour mieux parfaire un divertissement aussi singulier qu'éprouvant, The Loved Ones fait office de coup de maître dans son brassage des genres réuni autour du Teen movie, du drame social, de la comédie romantique et du tortur'porn ! Avec intelligence et l'alibi d'un humour noir acerbe, Sean Byrne exploite nombre de séquences de torture sans jamais sombrer dans le racolage, sachant qu'autour d'une mise en scène grotesque de surprise-partie, la victime molestée fait office de bouffon d'une vendetta féministe férue d'humiliations avant de le réduire en animal aphone prochainement conditionné au cannibalisme. Les manoeuvres sadiques de ces affronts sont donc avant tout destinées à le rendre invalide pour tenir lieu d'esclavagisme. Si l'intrigue simpliste laisse augurer un air de déjà vu (une jeune fille délaissée s'empresse à de kidnapper à nouveau son nouvel amoureux depuis son refus d'invitation au bal promo !), la manière originale dont Sean Byrne exploite le contexte de la séquestration parvient à captiver le spectateur entraîné malgré lui dans une délirante descente aux enfers toujours plus insolente et traumatique. De par ses idées saugrenues inopinées et d'une scénographie rose bonbon administrée au sein d'une demeure familiale, The Loved Ones déconcerte à mettre en pratique les caprices d'une psychopathe où sentiments d'amour, de haine, de rancoeur et de folie débouchent sur une immense farce macabre au romantisme vitriolé !


    En parallèle, Sean Byrne s'intéresse également au destin d'un couple de jeunes amoureux en émoi quand bien même la fille vient de perdre son frère lors d'une disparition inexpliquée. Excentrique par son apparence gothique, le cinéaste s'attarde avec attention à décrire le mal-être de cette adolescente rebelle perturbée par l'éveil de sa sexualité et la mort vis à vis de la perte de l'être cher. La peur du trépas et la volonté de le dépasser est d'ailleurs l'un des pivots de l'intrigue puisque le héros sévèrement maltraité s'affiche sur le fil du rasoir dans sa situation indécise de victime réduite à l'impotence depuis sa tentative d'évasion, mais délibéré à tenir tête à ses assaillants car s'efforçant de les affronter la rage (contenue) au ventre. En prime, par le biais d'un prologue inquiétant, ce dernier s'était déjà mesuré à un évènement morbide lorsqu'il fut témoin de l'apparition horrifiante d'un individu ensanglanté déambulant au milieu d'une route champêtre. Six mois après cette vision macabre et son accident de voiture qui s'ensuivait, Brent s'efforce de tester son courage à provoquer la mort en gravissant sans protection une falaise par le biais de ses poignets. Dérangeant et malsain, The Loved Ones provoque la gêne et la terreur dans ses rebondissements alertes et l'horreur de situations d'impuissance où la victime n'aura de cesse d'endurer des châtiments barbares (nous ne sommes pas prêts d'oublier l'expérience de la lobotomie à coup de perceuse !). En soignant le cadre de l'action parmi l'esthétisme baroque d'une scénographie féerique ou d'un environnement naturel, et en peaufinant une ambiance doucereusement inquiétante, Sean Byrne fait preuve de subtilité et de réalisme pour nous ébranler, notamment en provoquant l'empathie de la victime démunie contre la haine d'une dominatrice transie de perversité.


    Horrifique en mode crescendo, sardonique et dérangeant, cynique et drôlement macabre pour l'audace de son humour sulfurique, The Loved Ones renouvelle tortur'porn et teen movie parmi la fougue d'une mise en scène autonome sublimant au passage une satire noire sur le mal-être adolescent parmi la désillusion amoureuse. Bal de l'horreur où Carrie aurait survécu pour s'investir dans la peau d'une vicieuse misandre, The Loved Ones s'avère méchamment sournois et attentionné pour la caricature de ces personnages avant l'explosion d'émotions rancunières confinant à la démence ! A (re)découvrir d'urgence !

    Bruno Matéï
    2èx

    Récompenses:
    Prix du public de la catégorie horreur au dernier Festival de Toronto en 2009.
    Prix Syfy et Prix du Public,  Gérardmer 2011.

    24/07/2015
    06/12/2010 (77 vues)

    jeudi 23 juillet 2015

    La Colline a des Yeux / The Hills have eyes

                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site allocine.fr
     
    d'Alexandre Aja. 2006. U.S.A. 1h48 (version non censurée). Avec Aaron Stanford, Ted Levine, Kathleen Quinlan, Vinessa Shaw, Emilie de Ravin, Dan Byrd.

    Sortie salles France: 21 Juin 2006. U.S: 10 Mars 2006

    FILMOGRAPHIE: Alexandre Aja, (Alexandre Jouan-Arcady) est un réalisateur, producteur, scénariste, dialoguiste et acteur, né le 07 Août 1978 à Paris. 1999: Furia. 2003: Haute Tension. 2006: La Colline a des Yeux. 2008: Mirrors. 2010: Piranha 3D. 2014: Horns.


    Remake du classique de Wes Craven, La Colline a des Yeux révèle aux yeux des cinéphiles le cinéaste français Alexandre Aja avec ce coup de maître horrifique à la violence aussi âpre qu'incisive. Pour preuve, on ne compte plus les coups de pioche et de hache violemment assénées sur les corps ensanglantés des victimes, tant auprès du du camp des autochtones forcenés que des survivants insurgés, quand bien même la séquestration improvisée au sein de la caravane iconise l'épicentre traumatique du carnage avec une férocité quasi insupportable. Ainsi, si la Colline a des Yeux parvient admirablement à naviguer entre angoisse et terreur, il le doit de prime abord à l'atmosphère d'inquiétude régie autour des collines désertiques du Nouveau-Mexique (photo ocre à l'appui surexposée sous un écrasant soleil) qu'une famille de vacanciers est contrainte d'arpenter à la suite de leur accident de voiture. Egarés en plein désert et en quête de main d'oeuvre pour leur porter secours, ils vont avoir sommairement affaire à la sauvagerie d'une bande de cannibales sévèrement dérangés du bulbe et génétiquement défigurés depuis des essais nucléaires ciblés sur leur ancien village.


    C'est donc une nouvelle descente aux enfers pour la survie que nous convie Alexandre Aja parmi le tempérament humaniste d'une famille unie par les valeurs chrétiennes et avant que la tragédie ne vienne les martyriser avec une cruauté proprement primitive. La peur viscérale du danger sous-jacent, car quasi invisible derrière les collines, la crainte instinctive de trépasser face aux exactions criminelles d'un autre âge ! Voilà les ressorts majeurs du metteur en scène aussi tatillon à insuffler une ambiance lourde et pesante, et ce juste avant qu'il ne laisse exploser la violence opiniâtre des confrontations tribales. Or, par le biais de sa brutalité hardcore parfois jusqu'au-boutiste (la tuerie perpétrée dans la caravane) et grâce à la caractérisation solidaire d'une famille plongée dans l'injustice d'une horreur gratuite et le chaos qui s'ensuit, Aja renoue avec le réalisme poisseux des bandes horrifiques des années 70. Notamment en prenant soin de peaufiner l'intensité dramatique confinée autour de survivants à bout de souffle mais délibérés à préserver coûte que coûte leur vie en combattant hache à la main l'ennemi. Et pour exacerber leur amertume dépressive et les confrontations barbares à venir, Aja compte sur la sobriété de comédiens totalement impliqués dans leur fonction de survie afin d'extérioriser les pulsions meurtrières de vendetta et de ruses machiavéliques (chien cerbère à l'appui !) pour mieux piéger leurs tortionnaires.


    D'une brutalité inouïe et d'un réalisme éprouvant en roue libre, la Colline a des yeux, nouvelle mouture, réussit l'exploit de surpasser son modèle grâce au brio de sa mise en scène acérée, à l'exploitation vertigineuse de son environnement ombrageux et au tempérament ardent de comédiens habités par une fougue criminelle toujours plus addictive. Tout en énonçant en background le péril nucléaire, Alexandre Aja transcende un morceau de cinéma horrifique brut de décoffrage dans sa bestialité primitive, un survival aride à couper au rasoir dont l'influence se répercute inévitablement vers l'héritage poisseux des Seventies. 

    La chronique de son modèle: http://brunomatei.blogspot.fr/2013/09/la-colline-des-yeux-hills-have-eyes.html

    *Bruno
    3èx

      mercredi 22 juillet 2015

      SPEED

                                                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site senscritique.com

      de Jan De Bont. 1994. U.S.A. 1h56. Avec Keanu Reeves, Dennis Hopper, Sandra Bullock, James DuMont, Joe Morton, Jeff Daniels.

      Sortie salles France: 24 Août 1994. U.S: 10 Juin 1994

      FILMOGRAPHIE: Jan De Bont est un réalisateur, directeur de photo et producteur néerlandais, né le 22 Octobre 1943 à Eindhoven, Pays-Bas.
      1994: Speed. 1996: Twister. 1997: Speed 2. 1999: Hantise. 2003: Lara Croft, le berceau de la vie.


      Immense succès planétaire lors de sa sortie, Speed n'a pas usurpé sa réputation de modèle du film d'action tant Jan De Bont redouble d'efficacité à relancer les enjeux de survie parmi l'efficacité de stratagèmes d'attaques et de défense, et vice-versa ! Par l'entremise d'un concept aussi retors que redoutablement pernicieux (un bus est contraint de dépasser la vitesse de 50 miles à l'heure pour éviter de faire exploser ses passagers à tous moments !), Speed puise sa vigueur dans la métronomie de séquences d'action ébouriffantes sachant que le véhicule pris en otage à distance est incessamment contraint de rouler à vive allure afin d'éviter le crash.


      En empruntant le schéma du cinéma catastrophe, l'intrigue alerte s'agence autour t'intimidations et retournements de situations d'un jeu avec la peur compromis entre bons et méchant. A ces rapports de force concertés à distance vont découler dommages accidentels (véhicules et balises fauchés dans les centres urbains) et incidents techniques (fuite de carburant, crevaison de pneu !) par le biais d'une interminable course-poursuite sur bitume ! Si certaines situations à risque relèvent de l'improbabilité (le vol plané du bus à partir d'une parcelle manquante de l'autoroute, Jack réfugié sous le car afin de désamorcer la bombe ou de prendre la fuite sur une planche de métal parmi sa compagne, et enfin son audace de dernier ressort en interne d'un compartiment ferroviaire !), la perfection des effets spéciaux, la rigueur de ces cascades épiques et surtout le sens du détail imparti aux solutions de survie parviennent à crédibiliser ces tours de force vertigineux ! Epaulé de la prestance sarcastique du diablotin Dennis Hopper (sorte de "Jocker" moderne féru de cynisme dans son propos orgueilleux de nuire aux otages et ridiculiser le jeune héros redresseur de tort !) et du duo communément pugnace que forment Keanu Reeves et la pétillante Sandra Bullock, Speed parvient à captiver le spectateur dans une série d'épreuves de force érigées autour d'une cage d'ascenseur, d'un autobus infernal et (pour parachever) d'un train.


      Conçu à la manière d'un tour de montagne russe où l'action incessante est entièrement impartie au cheminement intrépide d'une intrigue fertile en péripéties, Speed peut sans rougir accéder au panthéon des plus grands films d'action des années 90. Si la mise en scène avisée de Jan De Bont, l'originalité du pitch et le réalisme des effets spéciaux nous plaquent au fauteuil dans le quotient de son intensité émotionnelle, la complicité attachante formée par le couple Keanu Reeves/Sandra Bullock et la présence roublarde de Dennis Hopper décuplent l'effervescence dans leur inimitié infatigable. 

      Bruno Matéï
      3èx

      Récompenses: Oscars 1995:
      Oscar du meilleur son
      Oscar du meilleur montage sonore
      BAFTA Awards 1995
      Meilleur montage
      MTV Movie Awards 1995
      Meilleure actrice pour Sandra Bullock
      Meilleur duo pour Keanu Reeves et Sandra Bullock
      Meilleur méchant pour Dennis Hopper
      Meilleure scène d'action pour l'échappée du bus et l'explosion de l'avion.
      Saturn Awards
      Meilleure actrice pour Sandra Bullock

      La critique de Mathias Chaput: 
      « Speed » est un modèle du genre, mélange entre film d’action, polar et film catastrophe, ce métrage est un pur régal !
      Certes, on a du mal à y croire, mais le talent de Jan de Bont parvient à faire admettre, même au spectateur le plus blasé, l’iréel !
      Des plans incroyables (comme la scène de l’ascenseur au début) et le filin accroché à une poutre sur le toit de la tour qui retient le câble de l’ascenseur, l’explosion du bus (vide) qui vient s’encastrer sur un avion long courrier et surtout le coup magistral de Jack allongé sur le dos sur une planche à roulettes parvenant à passer sous le bus en essayant de désamorcer la bombe, le tout à grande vitesse !
      Des séquences de folie pure qui font redoubler le stress vécu par le spectateur jusqu’à une issue salvatrice clôturée par un happy end un peu nunuche, reconnaissons le ! mais ici on est à Hollywood !
      Dennis Hopper est magistral et nous régale d’une composition dont seul lui a le secret, il est génial en terroriste déjanté et expert en explosifs !
      Keanu Reeves est rempli de testostérone et livre un combat sans merci pour éradiquer le mal et faire triompher la justice !
      Sandra Bullock ajoute un charme et sa féminité est bienvenue au milieu de cet univers de mâles…
      Le passage de la « poussette » vaut son pesant de cacahuètes et respire la déstabilisation, parfaitement bien rôdée et amenée dans le déroulement du métrage, accentuant une nouvelle fois le stress chez le spectateur, déjà particulièrement éprouvé !
      La décapitation sur le toit de la rame du métro est également bien vue !
      Un excellent film, « Speed » est un concentré d’action, un florilège de scènes dynamiques où cela n’arrête pratiquement jamais une seule seconde ! (la remise des médailles est le seul temps mort du film, tout le restant n’est qu’action pure à 200 à l’heure !).
      A voir et revoir avec le même plaisir !
      9/10

      mardi 21 juillet 2015

      The American Way. Prix du Jury, Prix de la Critique, Prix Antenne d'Or, Avoriaz 1987.

                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site senscritique.com

      "Riders of the Storm" de Maurice Phillips. 1986. Angleterre/U.S.A. 1h45. Avec Dennis Hopper, Michael J. Pollard, Eugène Lipinski, James Aubrey, Al Matthews, William Armstrong.

      Sortie salles France: 27 Mai 1987. U.S: 7 Mai 1988.

      FILMOGRAPHIE: Maurice Phillips est un réalisateur, acteur et scénariste américain, né le
      1986: American Way. 1990: Un cadavre sur les bras. 1991: Another You. 1996: The Vanishing Man (télé-film). 2000: Second Sight: Parasomnia (télé-film). 2003: Dr Jekyll et My Hyde (télé-film). 2006: Losing Gemma (télé-film).


      Satire féroce contre la guerre du Vietnam, le fanatisme religieux et le corps politique, particulièrement l'extrême droite, The American Way emprunte la démarche de la série B décomplexée afin de vilipender l'Amérique puritaine où l'apparence n'est que duperie afin de mieux manipuler son peuple de masse. A bord d'un avion, une poignée d'anciens vétérans du Vietnam survolent les Etats-Unis pour pirater les ondes hertziennes de l'écran cathodique. En prime, afin de déjouer l'élection d'une candidate conservatrice aux prochaines présidentielles, ils commettent divers attentats lors de ses diverses apparitions sur les plateaux TV. Mais au moment de daigner démasquer son imposture corporelle, cette dernière ordonne à l'armée de l'air de détruire leur avion par le biais de missiles nucléaires. 



      Ovni improbable où l'appellation du terme Culte reprend enfin tout son sens, The American Way s'édifie sous l'enseigne du vilain petit canard, une production mal élevée pour un premier film se vautrant dans le politiquement incorrect avec une insolence dévastatrice. Dominé par l'iconographie excentrique d'insurgés s'en donnant à coeur joie dans les pitreries et défiances contre leur gouvernement, l'intrigue accumule sans répit provocations verbales et visuelles envers l'establishment ricain, quand bien même la défroque militaire de nos redresseurs de tort pourrait prêter allusion aux anti-héros de bandes-dessinées. Véritable pied de nez contre le support consensuel des médias, les lobbies et discours démagos du monde politique, Maurice Phillips ne cesse de se railler de sa république avec une verve délirante, à l'instar de la caricature grotesque impartie à une électrice présidentielle Spoiler ! réduite ici en travelo ! Fin du Spoiler ! Emaillé de rebondissements explosifs et de rencontres impromptues avec des sbires mafieux et un E.T blafard, The American Way cultive un vent de liberté euphorisant sous la houlette de ces vétérans adeptes de l'alcool, du sexe, du rock et de la drogue, score endiablé à l'appel !


      Hymne à l'indépendance d'esprit, à la sous-culture et à l'éthique du politiquement incorrect, The American Way transfigure une diatribe débridée contre la guerre, la soumission, le totalitarisme et l'intégrisme. Si l'intrigue rocambolesque et la réalisation ne font pas preuve de grande maîtrise dans sa structure rythmique, l'éloquence survitaminée des comédiens emportent tout sur leur passage par leur posture (finalement) héroïque et dévergondée ! De la graine de comédie culte, subversive et transgressive, pour le plus grand bonheur du cinéphile frondeur ! 

      Bruno Matéï
      4èx

      lundi 20 juillet 2015

      GOODNIGHT MOMMY. Prix du Jury Syfy, Prix du Jury Jeunes, Gerardmer 2015.

                                                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site senscritique.com

      "Ich seh Ich seh" de Severin Fiala et Veronika Franz. 2014. Autriche. 1h40. Avec Susanne Wuest, Elias Schwarz, Lukas Schwarz, Hans Escher, Elfriede Schatz, Karl Purker.

      Sortie salles France: 13 Mai 2015. Autriche: Janvier 2015

      FILMOGRAPHIE: Severin Fiala est un réalisateur, scénariste, acteur producteur autrichien. Veronika Franz est une réalisatrice et scénariste autrichienne. 
      2014: Goodnight Mommy


      Expérience hermétique avec l'insolite, de par son environnement high-tech aussi épuré que baroque, son cheminement dramatique abrupt et surtout la posture interlope des protagonistes en phase de questionnement, Goodnight Mommy déroute et dérange jusqu'au malaise d'une dernière partie surfant avec la torture physique. Sans fioriture et avec une volonté de bousculer les habitudes du spectateur, ce huis-clos nous fait suivre le chemin de croix d'une mère molestée par ses progénitures, deux frères jumeaux incapables de l'identifier depuis son opération chirurgicale. Car défigurée, distante et castratrice, cette dernière adopte une posture antipathique à leurs égards au point de leur remettre en doute son identité maternelle. Toujours plus suspicieux, les enfants décident de l'emprisonner dans sa chambre pour mieux l'interroger et tenter d'y démasquer l'éventuelle imposture


      Dans la lignée du cinéma de Lynch et de Haneke, Goodnight Mommy réfute le divertissement conventionnel, le film empruntant les genres du drame et de l'horreur avec réalisme clinique et climat d'étrangeté que le mutisme des personnages renforce sans sourciller. Esthétiquement avisé et nanti d'un onirisme crépusculaire parfois envoûtant, cet étonnant jeu de pouvoir entre la candeur de l'enfance et l'autorité de leur génitrice ne provoque aucune empathie pour leur étude caractérielle destituée de béatitude. Privilégiant notamment le non-dit et le nonsensique dans leur comportement hétérodoxe (notamment ce goût singulier pour la passion des cafards !), Severin Fiala et Veronika Franz distillent autour d'eux une froide atmosphère feutrée parmi l'architecture moderne d'une résidence ornée de silhouettes diaphanes (le design baroque imparti aux ombres chinoises des portraits du salon). Sans faire preuve d'outrance et de trivialité, le film évolue vers une direction toujours plus malsaine quant à l'entêtement des enfants réduits en bourreaux malgré eux, mais sans que l'un d'eux ne cède au plaisir pervers pour leurs exactions punitives. Si l'intrigue linéaire peut laisser perplexe au premier abord dans la motivation des personnages et le sens de leur démarche, les cinq dernières minutes viennent tout remettre en question sur ce que nous venons d'assister afin d'élucider Spoiler !!! une réflexion sur le deuil, l'incapacité d'en assumer le fardeau et l'influence dépressive qu'il peut engendrer sur notre inconscient vis à vis des thèmes du double, du traumatisme et de la gémellité. Fin du Spoiler.


      Langoureux par la monotonie de son rythme et donc difficile d'accès pour certains, Goodnight Mommy n'est pas conçu pour plaire au public de masse tant cette épreuve psychologique monopolise le climat d'inquiétude et la posture équivoque des personnages avec une singularité auteurisante.
      Pour public averti.

      Bruno Matéï
      La critique de Audrey Jeamart: http://scopophilia.fr/goodnight-mommy-conte-cruel-de-la-jeunesse/

      RécompensesFestival international du film de Catalogne 2014 : « Official Fantàstic Panorama Selection » - Grand prix du film fantastique européen en argent
      Festival international du film de Thessalonique 2014 : « International Competition » - Prix FIPRESCI
      Festival international du film fantastique de Gérardmer 2015 : Prix du Jury Syfy et Prix du Jury Jeunes
      Festival Hallucinations Collectives 2015 : Grand prix du festival (prix du public)