mardi 8 mars 2011

AMERRIKA

                              

de Cherien Dabis. 2009. U.S.A. 1H32. Avec Nisreen Faour, Melkar Muallem, Hiam Abbass, Alia Shawkat, Jenna Kawar, Selena Haddad, Yussuf Abu-Warda, Joseph Ziegler, Andrew Sannie, Daniel Boiteau...

PRIX DE LA CRITIQUE AU FESTIVAL DE CANNES 2009
                   
POINT DE VUE ADMIRATIF: Après "Make a wish", il s'agit du second film d'une réalisatrice, scénariste (pour la série tv The L. World) et productrice de cinéma indépendant. Cherien Dabis est Née en 1976 à Omaha (Nebraska) de parents d'origine Palestino- Jordanienne ayant immigré aux Etats-Unis.

Mouna, une mère divorcée et son fils décident de quitter leur pays palestinien occupé pour tenter de s'exiler en Amérique et y rejoindre une soeur installée depuis plus de 15 ans.

                        

La réalisatrice Cherien Dabis décrit le portrait d'une mère optimiste, courageuse et fougueuse qui décide de quitter son quotidien morose occupé par l'armée pour tenter une seconde vie avec son fils en Amérique. Un pays souvent reconnu comme une terre d'accueil et de liberté. Mais dans un territoire entré en guerre contre l'Irak, déterminé à combattre le président Saddam Husein, l'hospitalité ne sera pas de tout repos et une succession de mésaventures vont fugacement démotiver nos deux réfugiés !
Mouna, ancienne banquière dans son pays d'origine remuera ciel et terre pour retrouver dans ce nouvel état le même emploi d'ordre administratif mais sa ténacité et sa fougue n'y changeront rien. Elle se retrouvera à exercer un boulot manutentionnaire dans un classique Fast Food. Pendant que son fils Fadi va avoir de plus en plus de mal à se faire accepter au collège après maintes brimades de quelques camarades impertinents et leurs relents propos racistes envers sa nationalité étrangère.

Ce sont des instants traditionnels et quotidiens de la vie de tous les jours d'une petite famille immigrée auquel la réalisatrice décide de nous orienter et familiariser pour une prise de conscience attentive de leur difficulté d'insertion dans une nation étrangère devenue paranoiaque et raciste après les terribles attentats survenus un certain 11 septembre 2001, commandités par Ussama Ben Laden. La cohabitation de Mouna et Fadi hébergés chez sa soeur ne sera pas de tout repos entre les conflits maritales du couple bougon avec cette femme arrogante un peu autoritaire, le père souvent dubitatif et inquiet par les conflits politiques répertoriés aux infos télévisés et sa fille dévergondée à fumer du shit comme tous les jeunes de son âge dans une Amérique permissive. Fadi sera d'ailleurs de la partie, influencé lui aussi à se comporter comme ces jeunes américains rebelles et révoltés, entre drogue, jargon juvénile et tenue vestimentaire davantage provocante pour le besoin d'affirmation individuel. Toute cette belle famille palestinienne réunie dans une petite ville Américaine va nous retransmettre sans excès de sensiblerie ni pathos leur profond malaise, leur mal-être et leur désir de coexister dans ce nouveau monde qui ne se reconnait plus. Etre reconnu comme des gens normaux de la vie courante avec ce qu'il faut d'amabilité, d'humilité, de respect et de tolérance envers son prochain pour ce besoin de reconnaissance éprouvé d'affectivité partagée.

                          

Comment accepter le droit à la différence, comment pardonner l'erreur humaine dans un pays entré en guerre après avoir renversé la sculpture d'un dictateur irakien imposé en statue au milieu d'une place publique ? Après que des soldats américains se soient trompés de cible pour avoir tué 31 innocents irakiens et quelques palestiniens dont les infos américaines se garderont bien de divulguer ! Grace à la civilité d'un professeur d'origine juive et par la fierté de leur amour propre, l'entreprise du courage et l'exemplarité à combattre coûte que coûte l'injustice, Mouna et Fadi vont retrouver un sens à leur nouvelle vie. Percevoir un regain de positivité pour mieux relever la tête et affronter leur difficulté identitaire face à une population méfiante souvent méprise de lacheté et d'hostilité.

Nisreen Faour dans le rôle de Mouna est totalement habitée dans son rôle de mère courageuse et combattive mais tout autant désemparée qu'accablée. La cause de la fatalité d'une réaction en chaine envers l'hospitalité austère d'un pays égoiste, apeuré qui ne sait plus quelle solution envisager pour rendre le monde meilleur. Par sa grande humanité, sa bonhomie chaleureuse et son futile complexe de surpoids bedonnant, Nisreen Faour se révèle admirable, divinement belle, pleine de sensibilité, de pudeur et exemplaire de vaillance pour retrouver au bout de son chemin une détermination à ne pas se laisser écraser par les préjugés de ces imbus intolérants, ces extrémistes et autres citoyens zélés d'excès autoritaire.

                   

"Amerrika" est un témoignage racial exemplaire de notre situation actuelle dans chacun de nos pays envers la peur de "l'étranger" en même temps qu'un beau portrait de femme humble et pronfondément humaine. Une histoire touchante, vibrante, simple et salutaire qui ne se complait jamais dans la sensiblerie larmoyante et qui demande avec justesse à reconsidérer notre comportement face à une immigration déjà entaillée dans son pays d'origine, qui ne demandait qu'à retrouver un semblant de vie vers un autre monde plus épanoui. Le final magnifique, d'une grande simplicité se clôt sur une image optimiste dans ce semblant de convivialité, de générosité et de bonheur partagé, le temps d'une soirée de retrouvailles dans un restaurant palestinien installé en Amérique !

11.08.10.

THE DAISY CHAIN

                    

de Aisling Walsh.2008. Irlande. 1H27. Avec Samantha Morton, Steven Mackintosh, Mhairi Anderson, David Bradley, Eva Birthistle, Brendan McCormack, Zoe Sheridan, Flora Montgomery, Orlaith Macqueen, Ron Donachie, Valerie O'Connor.

LE MYSTERE DES FEES.
4è film d'une réalisatrice et scénariste d'origine Irlandaise née à Dublin en 1958, "The Daisy Chain" emprunte la voie du drame psychologique matiné de fantastique et de suspense horrifique.

Un jeune couple emmenage sur la côte anglaise dans une région reculée après la perte brutale de leur enfant de 3 ans.
Pendant que la femme attendra de nouveau un bébé, leur vie va irrémédiablement basculer quand ils vont faire la recontre inopinée de Daisy. Une petite fille sauvageonne et solitaire d'une famille particulièrement discrète qui va se retrouver elle aussi endeuillée par la perte de leur fils retrouvé noyé en bord de mer (la séquence choquante et bouleversante est exemplaire de pudeur, de retenue dans l'émotion délivrée)

                   

Aisling Walsh nous narre l'étrange histoire intimiste d'un couple endeuillé par la mort de leur progéniture pour être ensuite à nouveau référé d'un épouvantable drame auquel Martha sera l'unique témoin.
C'est à ce moment précis qu'elle fera la connaissance des parents déchirés par cette mort enfantine et de Daisy, leur dernière fille.
Mais cette petite dernière à l'allure étrange qui passe son temps à vagabonder dans les terrains voisins va se retrouver quelques jours plus tard démunie de sa famille quand ceux-ci seront retrouvés brulées vifs dans l'incendie accidentel de leur demeure. Seule, Daisy pourra en réchapper pour être l'unique survivante. Par son innocente bouille de sauvageonne espiègle et hostile, Tomas et principalement Martha vont être irrésistiblement attirés, épris de compassion et d'affection.
Mais rapidement, ceux qui avaient emmenagé pour exorciser et tenter d'apaiser un drame épouvantable vont être interloqués et s'interroger sur les nombreux incidents et mésaventures qui semblent s'abattre autour d'eux !
L'assistante sociale est retrouvée morte dans un accident de voiture, à l'école un enfant manque de se noyer dans la piscine devant la présence de Daisy tandis que l'un des voisins du couple semblera davantage apeuré, extremement méfiant de sa diabolique présence !
Au fur et à mesure des mois écoulés, Marta semble obsédée par son irrépréssible besoin maternel à vouloir coûte que coûte être aux petits soins de la jeune fille et pouvoir l'éduquer en l'inscrivant dans sa nouvelle école.
Tandis que la population davantage inquiétée et alarmée par la répétition de ses mystérieux incidents lancera la rumeur que Daisy serait en faite une fée échangée !

                               

Avec une trame intéressante toute en sensibilité pour aborder un thème peu connu et rarement abordé dans le cinéma fantastique (le monde souvent merveilleux des fées), Aisling Walsh va nous faire partager un drame intimiste tout en douceur et contenance en privilégiant l'aspect psychologique de ces personnages, profondément blessés, esseulés par leur passé et tentant de renouer avec le bonheur d'antan pour offrir à nouveau la vie à un second enfant.
Mais avec l'arrivée d'une petite fille perturbée destituée de ses parents,  le drame humain va se juxtaposer avec les cimes du fantastique dans un suspense horrifique tout en suggestion !
En effet, on ne pourra jamais élucider le véritable mobile ou secret de Daisy !
Est-elle l'incarnation du mal ? une fée échangée ? ou simplement une autiste, une fille mentalement dérangée, involontairement perverse ?

La ou le fim gagne en crédibilité, c'est dans ce mélange subtil de rationalité échangée et de sombre superstition macabre à base de fée ailée aux raisonnances celtiques (en référence à la fête d''Halloween).
Le film est d'autant plus convaincant qu'il impose également une sobre interprétation des comédiens au physique naturel auquel on s'identifie plus facilement.
Comme le portrait délivré des parents interprété par Steven Mackintosh et surtout Mhairi Anderson dans celui de la mère partagée entre l'amour de sa nouvelle fille adoptive et de son mari beaucoup plus attentif aux derniers épisodes dramatiques survenus. Un homme de plus en plus suspicieux qui va au fur et à mesure se mettre en retrait jusqu'à délaisser son épouse en guise de désespoir.
Mais celle qui épatera le spectateur troublé et intrigué reviendra à la petite Daisy, incarnée par Mhairi Anderson, réellement impressionnante de naturel et angoissante par sa morphologie trouble, son regard en demi-teinte, aussi patibulaire qu'enfantin dans l'innocence de son très jeune âge. Elle se révèle glaciale, perturbante, dérangeante, malsaine bien que l'on éprouve au bout du compte une véritable compassion, une certaine empathie, le spectateur ne sachant jamais s'il faudrait plutôt la plaindre ou la craindre !

                         

Dans de vastes décors naturels de plaines irlandaises mises en images sous un ciel d'automne, dans un climat blafard en prise avec un environnement clairsemé, "The Daisy Chain" se révèle une excellente surprise pour le genre fantastique en le traitant de manière intelligente, au premier degré, sans aucun effet tapageur ou spectaculaire.
La fin poignante autant impressionnante que dérangeante nous laisse dans une situation d'amertume où les rôles semblent inversés, où la vérité semble induite dans le coeur d'une petite fille ayant soustrait de la mort une nouvelle naissance.
Dernière image de ce visage d'ange maudit sans morale : plan fixe sur un regard rigide et austère... Le mystère Daisy ou le mystère d'une fée...

12.08.10

LE CHAT NOIR (The Black Cat)

                    

de Edgar G. Ulmer. 1934. U.S.A. 1H05. Avec Karloff Boris, Lugosi Bela, Manners David, Bishop Julie, Brecher Egon.

POINT DE VUE RESPECTUEUX: 
Edgar Georg Ulmer est un réalisateur, scénariste, producteur et directeur de la photographie américain d'origine autrichienne (1904-1972) responsable de 49 longs-métrages !


Malgré un titre inapproprié, "Le chat Noir" nous narre la confrontation au sommet de deux personnages ambitieux: un architecte et un psychiatre de renom tous deux entachés par un lourd passé conflictuelle puisque le docteur Dr. Vitus Werdegast (Bela Lugosi) a décidé de se venger de son bourreau sans scrupule après avoir vécu 15 années de bagne derrière les barreaux.
En effet, pendant la guerre, l'architecte Hjalmar Poelzig (Boris Karloff) a profité de la longue absence de Vitus pour se méprendre de son épouse ainsi que de sa propre fille. Vitus, rescapé de l'enfer d'une forteresse Russe inhumaine a enfin retrouvé la liberté pour retrouver de nombreuses années plus tard la trace de Hjalmar après qu'il se soit exilé dans moults pays à travers le monde. L'architecte bien conscient de sa responsabilité d'avoir brisé la vie familiale et sentimentale de son ancien ami s'est réfugié dans un ancien bunker pour commettre en toute liberté des actes sataniques spirituels. Un appel aux sciences occultes et ainsi avoir accès au contrôle de la vie et de la mort !
Entre cette partie d'échec psychologique à haut risque avec deux personnages antinomiques, un jeune couple égaré accidentellement dans la demeure de Hjalmar finiront kidnappés par le maitre de cérémonie. Un gourou malfaisant à la tête de cette sombre secte auquel la mort factice d'un chat noir pourrait renouveller la vie humaine pour le corps d'une jeune femme mourrante qu'il garde précautieusement dans une glace en verre !
Durant tout le film le psychiatre tentera de mettre un terme face aux agissements lugubres et téméraires du sombre Hjalmar avec le mince espoir de retrouver sa femme et sa fille vivantes !


En dehors d'un intense affrontement psychologique entre deux célèbres stars du cinéma d'épouvante ancestral, Edgar Georg Ulmer nous livre un de ces glorieux petits classiques de l'épouvante des années 30 dans un récit prenant, riche en rebondissements et dôté d'une ambiance plutôt macabre et inquiétante.
En ce qui concerne cette ambiance si particulière, nous sommes rapidement interpellés par la beauté des décors baroques architecturaux de la demeure de Hjalmar, exacerbés par un éclairage expressionniste en noir et blanc de toute beauté laissant ressortir du cadre la ciselure de lignes géométriques et d'un jeu d'ombre insolite parmi l'apparition des protagonistes du film.
Au dela d'une scène humouristique inutile entre deux policiers venus rendre visite dans la demeure et d'un fil conducteur irrésolu (de quelle manière Hjalmar conserve inctact le corps de ses victimes embrigadées dans les cages de verre ?), "Le Chat Noir" est un passionnant jeu de pouvoir entre deux hommes déterminés à ne pas lâcher prise et se battre coûte que coûte quelqu'en sera l'issue réservée. Au nom de la fierté par l'arrivisme et l'opportunisme pour l'un et la haine rancunière de la vengeance pour l'autre.

Hjalmar campé par Boris Karloff est impressionnant dans son personnage patibulaire imbus de sa personne, discrètement indocile, totalement dédaigneux envers sa clientèle livrée à sa merci pour le compte de ses troubles expériences . Haute stature, regard lourd et sombre présence physique dans un accoutrement vestimentaire égocentrique !
Vitus interprété avec fierté par Bela Lugosi est un personnage futilement hautain, épris de mélancolie et de gravité. Atteint d'une profonde douleur dans l'âme et le coeur, Lugosi sait laisser transparaitre avec sincérité sa détresse, son chagrin insurmontable quand il sera le triste témoin d'une tragique découverte.

Le final haletant se clôt sur une séance singulière de diabolique cérémonial où le spectateur sera encore interloqué par cet étonnant arrière plan d'un étrange décor gothique à l'art abstrait.
Tandis que la vengance de Vitus aboutira à une inattendue séquence horrifique suggérée de torture sado-masochiste, assez raffinée dans l'art de la cruauté.
La dernière image volontairement salvatrice nous livrera une ironique note d'impression sur la critique professionnelle bien pensante. Le trait d'union d'un complexe de rationalité des faits alors que nous, spectateurs, venons de vivre une surprenante histoire cauchemardesque baignée dans le surnaturel !

16.08.10
  

LE CORBEAU (The Raven)

                      

de Louis friedlander. 1935. U.S.A. 59 minutes. Avec Bela Lugosi, Boris Karloff, Lester Matthews, Irene Ware, Samuel S. Winds, Spencer Charters, Inez Courtney.

Metteur en scène de 21 longs-métrages, Louis friedlande (1901-1962), également connu sous le nom de Lew Landers décide en 1935 d'adapter deux nouvelles d'Edgar Allan Poe : "le puits et le pendule" et "le corbeau".

Un célèbre médecin renommé, fasciné par l'écrivain Edgar Poe, en particulier ses sombres récits funèbres basés sur les instruments de torture moyennâgeux, décide de se venger après avoir sauver d'une mort certaine la fille d'un juge auquel il est éperdument tombé amoureux.

                                      

Nouvelle rencontre au sommet pour deux grands monstres du cinéma d'épouvante de l'âge d'or des années 30, "Le Corbeau" est un superbe poème noir insinueusement sadique au fur et à mesure de l'agencement d'une intrigue épineuse dans l'art suprême de torturer avec raffinement dans l'ingéniosité de ses instruments mis en valeur. D'une belle densité psychologique dans les profils établis de nos deux protagonistes torturés dans l'âme et le coeur, "le corbeau" suit le diabolique plan concocté d'un médecin illuminé pour guise de revanche. Parce qu'il est épris d'affection amoureuse d'une jeune fille qu'il a réussi à délivrer de la mort, Vollin va décider de se venger à cause d'un père soupçonneux qui n'a pas été dûpe d'une potentielle amourette entre notre duo évoqué.
Mais cette charmante demoiselle beaucoup plus jeune que Vollin est déjà éprise d'un amour fusionnel envers son fidèle compagnon.
Après les sévères avertissements et remontrances du paternel pour cette éventuelle liaison improbable, une dispute éclate entre les deux hommes.
Le problème est que ce médecin fantasque, personnage hautain et présomptueux, génie invétéré de sa profession médicale ayant accès au pouvoir du contrôle de la vie est alimenté d'une haine incontrôlée sur l'humanité quand on en vient à lui demander d'oublier la fille qu'il a sauvé. Avec la complicité d'un évadé de prison, il va donc préparer un plan méticuleux consciencieusement établi auprès de ses hôtes, piégés et emprisonnés malgré eux dans sa mystérieuse demeure.
L'évadé en question est un meurtrier dédaigneux de sa vie antérieure que Vollin va volontairement défigurer physiquement de manière hideuse pour mieux le faire chanter et ainsi posséder un "serviteur" à ses côtés pour ses délirantes méthodes vengeresques bien planifiées.

                               

L'interprétation remarquable de Bela Lugosi dans le rôle insidieusement pervers du neurologue meurtri dans son amour déchu imprègne tout le métrage de sa présence malicieuse et son physique de snob opportuniste. Un diabolique personnage cynique et sans scrupule qui se complait dans la fascination de la mort avant le raffinement dans la torture. Il faut l'entendre discourir avec serénité et allégresse sur sa passion morbide à travers les macabres écrits d'un célèbre écrivain. Tout en nous émettant à haute voix ces citations verbales ciselées, sardoniques, poétiquement morbides dictées avec une grande conviction.
La victime la plus plaignante sera Edmond Batman, le criminel échappé de prison, campé par le grand Boris Karloff. Un personnage rendu moribond dans la douleur morale suintante de ses états d'âme, rongé par le remord, désespéré à changer physiquement de visage.
Etant persuadé qu'avec un nouveau regard limpide et enjoleur, il pourra retrouver le chemin rédempteur d'une voie plus raisonnée dans l'épanouissement de la sagesse.
Mais de meurtrier monstrueux il va peu à peu se dupliquer en monstre humanisé pour au final enfin sauver son âme et celle des victimes mises en cause au moment le plus opportun.

                                    

Classieusement interprété par des comédiens au meilleur de leur forme, rehaussé par la géniale présence du prince Lugosi, "Le corbeau" est un superbe conte macabre ingénieusement suggéré dans un scénario parfaitement huilé, élaboré et passionnant.
Le final bondissant dans ses rebondissement haletants et la stupéfiante découverte de deux pièces mortuaires passées maitres dans l'art de torturer par leur folie démesurée (le pendule et la pièce qui rétrécit les murs) achèvent de rendre un classique du cinéma d'épouvante réalisé de main de maitre sans avoir perdu de sa saveur sadienne.

19.08.10

DEEP END

                                        

de Jerzy Skolimowski. 1970. Angleterre/Pologne/Allemagne. 1H31. Avec John Moulder Brown, Jane Asher, Karl Michael Vogler, Christopher Sandford, Louise Martini, Erica Beer, Anne Marie Kuster, Dieter Eppler, Diana Dors.

Dates de sortie: 18 Mars 1971 (Danemark), 10 Aout 1971 (Etats-Unis)

FILMOGRAPHIE: Jerzy Skolimowski est un cinéaste polonais né le 5 mai 1938 à Lodz en Pologne.
1961: Boks, documentaire, 1964: Signe particulier: néant, 1965: Walkower, 1966; La Barrière, 1967: le Départ, 1970: Les Aventures du brigadier Gérard, Deep end, 1972: Roi, Dame, Valet, 1978, Le Cri du Sorcier, 1981: Haut les mains, 1982: Travail au noir, 1984: Succès à tout prix, 1986: Le Bateau phare, 1989: les Eaux printanières, 1991: Ferdyduke, 2008: Quatre nuits avec Anna, 2010: Essential Killing.

                                deep end 1

Par le réalisateur polonais du Cri du sorcier (Grand Prix du Jury à Cannes 1978), Jerzy Skolimowski avait réalisé huit ans auparavant ce Deep End, aujourd'hui tombé dans l'oubli le plus éhonté.
Un ovni sensitif extrêmement rare, quasi introuvable et méconnu dépeignant avec une originalité singulière les affres de l'adolescence impliquant un jeune quidam âgé de 15 ans, éperdument amoureux d'une séduisante aguicheuse majeur mais égarée et nonchalante.
Si le film s'est vu écopé d'une interdiction au moins de 18 ans à l'époque de sa sortie, c'est en rapport à la relation ciselée, politiquement incorrecte, répréhensible entre un mineur et une adulte consentante qui aura tant brusqué et offensé la censure bien pensante originelle.

Mike est un jeune garçon timide et maladroit occupé à un nouveau poste manutentionnaire dans un bain public. Il y fait la connaissance d'une des employées, Susan, jeune fille instable qui accumule les conquêtes sans lendemain.
Rapidement, Mike va se lier d'amitié avec elle pour en tomber follement amoureux.

                               

Difficile d'équilibrer un avis fluide et concret à la sortie de cette projection tant cette oeuvre étonnamment moderne et hors norme ne ressemble à rien de connu, déroutant le spectateur de manière continuelle en bousculant nos habitudes et en réinventant l'outil cinématographique par une mise en scène ambitieuse, virtuose, en quête d'innovations perpétuelles.
Cette histoire d'amour étrangement pastel pour s'appesantir brutalement vers une nuance terne dans son point d'orgue capital se révèle d'une sensibilité et d'une fragilité sous-jacente dans sa structure réaliste à la limite du reportage pris sur le vif !
On peut aussi le définir comme un film expérimental, une introspection viscérale des rapports humains où nos protagonistes sont ici répertoriés comme des êtres fantasques délurés, irascibles, versatiles, instables et refoulés. D'ailleurs, le spectateur dérouté pourrait éprouver une certaine irritation dans les agissements véhéments, ardents de nos protagonistes constamment joueurs de mesquinerie dans leur relation amicale virant à la romance courtisée pour l'un d'eux, obsédé par la liaison amoureuse.
Deep end dépeint avec autant d'humanité que d'absurdité saugrenue les rapports équivoques entre un garçon introverti irresponsable et une jeune allumeuse paumée et dévergondée se réfugiant dans les relations sexuelles insignifiantes en guise d'affection et cela depuis l'absence fustigée d'une mère décédée.
S'ensuit entre nos deux amants insolents et désinvoltes un jeu indocile façon "fuis moi, je te suis, suis moi, je te fuis" dans des contextes grotesques et démesurées, de manière à mieux nous interloquer dans un insolite jeu de pouvoir sur les étroits rapports amoureux ambigus et incertains.

                               

Le couple incarné à l'écran par le jeune John Mulder Brown et la ravissante et sexy Jane Asher sont tous deux étonnants de justesse dans leur subtile prestance à la psychologie affirmée de manière extravertie. Ils dévoilent comme rarement leur âme et leurs émotions dans un florilège de sentiments exprimés avec une troublante vérité, mise en exergue dans une réalisation pragmatique entièrement dédiée au caractère brut de l'authenticité.

ATTENTION SPOILER !!! Le final inopiné nouant sa romance lyrique à peine dévoilée dans le drame impondérable émeut, déconcerte et désoriente nos sentiments sévèrement entachés dans une séquence funèbre d'une poésie bouleversée (forme de lointain écho à la Nuit du chasseur de Laughton dans son sens du macabre stylisé baignant dans les eaux translucides).
FIN DU SPOILER.

                               

Appuyé en intermittence par la musique pop de Cat Stevens, Deep End est une oeuvre clairsemée atypique, délicate, fragilement trouble et immersive. Un poème diaphane octroyé au vertige de l'amour quand un adolescent rebellé souhaite s'accaparer d'une idylle insolente et fuyante, rêve d'un amour insoluble qui trouvera son apogée fusionnelle dans les corps enlacés mais scindés.
A l'image de sa sublime affiche publicitaire, Deep End est un authentique film culte, rare et précieux !

NOTE: Prix du meilleur second rôle féminin (Jane Asher), lors des BAFTA Awards en 1972.

08.03.11
Bruno Matéï.

    


                                       
      

CENTURION

              

de Neil Marshall. 2009. Angleterre. 1H37. Avec Michael Fassbender, Dominic West, Olga Kurylenko, Noel Clarke, David Morrisey, JJ Feild, Riz Ahmed, Axelle Carolyn, Dave Legeno, Ulrich Thomsen, Hamish Moir...
          
BIO: Il s'agit du 4è long-métrage de Neil Marshall, réalisateur passionné par le cinéma d'horreur dès sa plus tendre enfance qui aura livré en 2005 une surprise de taille que personne n'attendait: offrir l'un des meilleurs survivals brut de décoffrage de ces dix dernières années !
                                
LE SUJET: Anno Domini 117. L'empire romain s'étend de l'Egypte à l'Espagne et jusqu'à la Mer Morte à l'Est. Mais au nord de l'Angleterre, l'armée romaine se heurte à la tribu barbare des Pictes. Marcus Dias, unique survivant romain d'une attaque des Pictes, rejoint la légendaire 9ème légion du Général Titus Virilus pour détruire ses anciens agresseurs. Mais au cours d'une embuscade, le Général est fait prisonnier et Marcus se lance alors dans une lutte acharnée pour délivrer Virilus et sauver son peloton en les menant juqu'aux frontières romaines.

                                

Après le "gloubi-boulga" à la sauce bisseuse qu'était "Domsday", forme d'hommage assumé aux séries Z italiennes des années 80, Neil Marshall se lance dans la voie du film d'action guerrier, épique et rebelle à la manière des grands succès que l'on connait tels que "Gladiator", "Braveheart", "300" et aussi le superbe et un peu trop oublié "Rob Roy".
D'un scénario de série B déjà maintes fois évoqué (la lutte de clans opposés où les gentils et les méchants divergent dans les 2 camps), Neil Marshall en tire un généreux film d'action barbare de cinéma de quartier, à feu et à sang où le fracas des armes et des lames s'entaillent dans les plaies de chair déchiquettée, sectionnée, empalée, tranchée, arrachée par ces lourds glaives de guerriers sans foi ni loi qui ne combattent que pour l'honneur et le devoir de leur patrie.

Durant la plus grosse partie de l'aventure endiablée nous allons suivre le destin d'une poignée de soldats romains, les huit derniers survivants d'un horrible massacre fustigé envers leur troupe tombée inopinément en embuscade par le clan adverse.
Ils vont alors tenter coûte que coûte à rester en vie face à ces ennemis intrépides lancés à leur trousse, totalement déterminés à se battre jusqu'au bout de leur capacité physique pour traquer sans relache leur proie quelqu'en sera le prix accordé.
Leur groupe est régi par une guerrière farouche sans aucun état d'âme qui ne vit que pour anihiler l'armée romaine sans établir aucune concession ou compassion pour l'ennemi pris en chasse !
A cause d'un passé traumatisé vilipendé par l'empire romain qui aura massacré toute sa famille sous ses propres yeux, la femme-loup, "Etais", ne jure que par vengeance à exterminer le moindre souffle romain occulté à l'horizon !
Nos huits soldats sont commandités par Marcus Dias, déjà survivant d'une attaque antérieure des Pictes. Pendant cette longue traque inlassable et impitoyable, ils vont alors tenter de retrouver ensemble leur côte romaine situé au Sud du pays, au prix de maintes efforts et trafalgards à perdre haleine.

                    

Michael Fassbender qui interprète le soldat Marcus Dias avec persuasion en impose en virilité, hargne et courage pour son rôle d'homme combatif. Habité par l'ambition de l'hardiesse et du devoir de mener à bon terme son groupe épuisé, rendu faible par les maintes péripéties contournées, Marcus sera épris malgré tout d'une rare volonté d'affronter finalement l'adversaire.
Olga Kurylenko dans le rôle physique de la femme loup, "Etais", se révèle LA révélation du film  dans son personnage de sauvageonne blessée et écorchée vive. Proprement divine, surprenante et charismatique dans son regard de louve avec son accoutrement de guerrière peinturlurée de traces bleux contournant son visage pour ne laisser percevoir aucune émotion rédemptrice face à son ennemi.
La scène du combat avec le général Virilus, dominé par un Dominic West tout en maturité dans ses expressions chevronnées montre bien l'immense douleur morale de cette femme meurtrie dans toute sa haine extériorisée, sa férocité animale et sa hargne de tuer avec une incroyable agileté. Il faut la voir trancher bestialement en quatre coups de glaive une tête littéralement arrachée de son buste ! Sans oublier son puissant cri de haine libérateur qui fait écho dans les plaines voisines.

Les séquences d'action ultra violentes, généreusement saignantes et jouissives qui parsèment la globalité du métrage dépotent un maximum dans leur aspect spectaculaire. Et cela même si la seconde partie survival lâche une baisse rythmique sans conséquence du fait des nombreux évènements que traversent sans relache nos huit héros. Des têtes sauvagement tranchées, éventrations, bras sectionnés, égorgements et membres déchiquetés dans des éclaboussures abondantes de sang giclant sur les murs et le sol souillé pour notre plus grand bonheur de cinéphile addicte à la crudité et au réalisme imposé.
Malgré l'aspect numérique de ce sang digitalisé dénaturant parfois quelque peu l'intensité et le côté viscéral de la brutalité de certaines scènes, "Centurion" offre un pur spectacle viril, un vrai film de guerrier qui suinte la sueur, la pisse, les larmes et le sang.

Dans une photographie désaturée aux teintes chromées, ce "Centurion" qui connait le sens du mot "émotion" est une nouvelle preuve d'amour que porte sur le coeur Neil Marshal en matière de cinéma de genre. Avec une générosité en diable, une soin non dissimulé pour le fait de raconter simplement l'histoire humaine d'une poignée d'hommes au courage exemplaire, prêts à se battre jusqu'à leur dernier souffle pour sortir victorieux, fiers de leur ténacité à enrayer l'ennemi redouté.
Cette aventure intense parfaitement interprétée par des acteurs investis et confirmés, traversée par un sens épique et un souffle guerrier retranscris dans de magnifiques paysages naturels, nous laisse sur un sentiment de bonheur affirmé.
Nous sommes soulagés d'avoir pû assister à un de ces métrages aussi ludiques qu'intelligents dans sa manière de traiter son spectateur à hauteur d'homme: avec respect, humilité et tradition du grand spectacle bien fait.

                    

NOTE: la preuve qu'une saute d'humeur, une fatigue passagère ou un stress pesant peuvent parfois induire en erreur notre point de vue subjectif.

19.08.10

lundi 7 mars 2011

ROSEMARY'S KILLER (The Prowler)

                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site bannedinqueensland.blogspot.com

de Joseph Zito. 1981. U.S.A. 1h25. Avec Vicky Dawson, Christopher Goutman, Lawrence Tierney, Farley Granger, Cindy Weintraub, Lisa Dunsheath, David Sederholm, Bill Nunnery, Thom Bray, Diane Rode.
               
BIO: Joseph Zito répercute 9 films à son actif et les amateurs excités de nanars bourrins n'ont toujours pas oublié (ou digéré c'est selon !) les peloches énervées que sont "Portés Disparus 1" et "Invasion US.A." (avec Chuck "walker" Norris "Rangers"), "Le Scorpion rouge" (avec Lundgren) et Delta Force one réalisé en 1999. Trois ans après avoir tourné "Rosemary's Killer" et pour terminer en apothéose son rappel des faits, notre père Joseph est aussi responsable en 1984 d'un épisode transitoire de la fameuse série vacancière avec un tueur neuneu maltraité, pas gentil du tout : "Vendredi 13 IV, chapitre final" (comment ça, il est pas neuneu du tout ???).
Sa dernière offensive remonte à 2002 avec "Power Play" (?).


Voici l'exemple type du slasher prosaïque tel qu'il en fleurissait dans les années 80 ! Dans une petite bourgade, un mystérieux tueur revanchard revient 30 ans plus tard pour commettre une série de meurtres auprès de jeunes ados ! Durant son cheminement meurtrier, nous allons nous familiariser avec un adjoint du shériff et une donzelle, témoins oculaires d'évènements dramatiques le temps d'une sanglante nuit. Un incessant jeu de cache-cache, un chassé croisé académique va alors se nouer entre le tueur et ce duo improbable !


Réalisateur de Vendredi 13 Chapîte final, Joseph Zito reprend exactement le même schéma narratif en insistant notamment sur une ambiance ombrageuse soignée, une partition stridante et des meurtres graphiques du plus bel effet (merci Mr Savini !). Seul manque (paradoxalement) à l'appel: une dose de sexe folichon ! Et on peut dire que l'expert des maquillages n'y va pas avec le dos de la cuillère ! Il s'en donne à coeur joie dans l'incongru, le démonstratif et un soupçon de crudité dans l'agonie de ses victimes ! Egorgement en gros plan, fourche plantée tendrement dans l'estomac, couteau encastré en pleine tête dont la lame s'extraie par la gorge, et tête explosée au ralenti ! (à la manière de Maniac de Lustig). Ces fabuleux trucages confectionnés à base de latex se révèlent impressionnants, bluffants et terriblement jouissifs ! C'est l'attraction alléchante et généreuse de Rosemary's Killer là ou la série refoulée des "Vendredi 13" n'osait pas se dévergonder dans le meurtre contemplatif. Le métrage se focalisant en prime sur une ambiance angoissante renforcée d'effet latent de suspense quand la réalisation se donne la peine de gérer une petite tension entre deux jumpscares. Enfin, la partition lancinante de Richard Einhorn inspirée de l'ambiance forestière d'Harry Manfredini ne manque pas non plus d'atout pour atmosphériser un slasher typiquement trivial. On pardonnera le final involontairement parodique et éculé (à savoir, une dernière survivante que le tueur va se contenter de courser durant 10 minutes) et son twist final à ressort sombrant dans la gaudriole à force de ridicule, sans compter la révélation identitaire du meurtrier emmitouflé d'un grotesque treillis militaire.


Malgré son final maladroit, Rosemary's killer reste un honnête slasher ludique efficacement mis en scène. Il n'est ni plus idiot, ni pire qu'un épisode de Vendredi 13 et sait diluer avec savoir-faire ambiance diffuse et meurtres gores particulièrement homériques. A réserver en priorité aux inconditionnels. 

Dédicace à Mathias Chaput

Note: La France aura dû attendre 3 ans après sa sortie US pour le découvrir le 4 Mai 1984.
21.08.10.
               
                             

GARDIENS DE L'ORDRE

                            

de Nicolas Boukhrief. 2010. France. 1H45. Avec Cécile de France, Fred Testot, Julien Boisselier, Nicolas Marié, Stephan Wojtowicz, Nanou Garcia, Stéphane Jobert, Jean-Michel Noirey, Gilles Gaston-Dreyfus...

BIO: Il s'agit du 5è long-métrage de Nicolas Boukhrief qui reprend les commandes du polar noir matiné de drame psychologique.
Un genre auquel il s'était déjà affectionné avec succès dans Cortex en 2008 mais aussi et surtout avec Le convoyeur  réalisé en 2004.

LE SUJET: Lors d'un contrôle de routine qui tourne mal, Simon et Julie, deux simples gardiens de la paix, blessent un jeune drogué qui, pris d'un coup de folie, a abattu en leur témoignage un flic de service. Accusés à tort de bavure et lâchés par leur patron parce que le jeune drogué était fils de député, nos coéquipiers vont tenter de rétablir la vérité en enquêtant sur cette nouvelle drogue et les dealers responsables de la mort du policier.

                   

UN POLAR FICHé A L'ANCIENNE ECOLE ! 
Nicolas Boukhrief renoue avec le polar sombre, âpre et ténébreux dans une enquête à haut risque entre ces trafiquants sans foi ni loi travaillant à leur propre compte pour la fabrication d'une nouvelle drogue. Un produit en teinte jaune fluorescent extrêmement dangereux pour appâter le client en manque de singularité.
Cette mafia bien structurée pourrait suspecter ou pire démasquer à tout moment notre duo de flics complices infiltrés dans leur groupe pour la revente du "sphinx", nouveau produit diabolisé hautement toxique.
D'une belle efficacité continuelle, la narration anxiogène mise en évidence sous une pression en crescendo va nous faire pénétrer dans un monde nocturne, obscur et blafard sous les hauts projecteurs de nights club privés à tendance techno, là où les dealers écoulent traditionnellement leur marchandise.
Epris d'ambition à rétablir la vérité au grand jour et à cause d'une rébellion envers leur profession bafouée et outragée, Simon et Julie vont entamer inopinément une liaison amoureuse pour mieux se retrouver, se forger et s'engager sur un terrain marécageux au péril de leur vie.
Pour prouver à cette organisation leur crédibilité, nos deux héros téméraires et drastiques vont en effet  s'aventurer dans une situation malsaine à haut risque. Une demi-teinte pour atteindre les cimes du Mal en étant (in)volontairement complices de meurtres gratuits, crapuleux et prises de drogue obligatoirement administrée contre leur gré.

                    

Le profil délivré, psychologiquement fragile et ambigu entre nos deux protagonistes de service est particulièrement bien retranscrit par une Cécile De France parfaite de charme naturel et sensibilité dans le rôle de Simone. Un personnage qui joue avec la demi-mesure au fur et à mesure de la conduite d'un récit davantage oppressant. Tour à tour fragile, humaine, déterminée, combattive et doté d'un vif tempérament de battante, Cecile De France prouve une fois de plus la pleine mesure de son talent. Non dénuée de séduction en femme fatale quand elle se doit d'attirer le loup perverti au moindre affût.
Fred Testo dont il s'agit ici de son premier rôle dramatique prend un sacré risque à tenter de nous convaincre dans un personnage de flic solitaire, discret et tourmenté. Et pourtant il y réussit haut la main à vouloir nous imposer une interprétation juste et nature dans son jeu sobre et décomplexé. Attachant et désabusé dans un état d'esprit violent et suicidaire envers ces actes insensés pour tenter d'annihiler l'agresseur. Un casse-cou renfermé sur lui même qui joue sur l'ambivalence, sur le fil du rasoir, constamment à deux doigts de se faire flinguer !

                    

Le final haletant, aussi tendu qu'un arc de compétiteur, au paroxysme de l'ultra violence et de la froide brutalité excelle dans la virtuosité d'une mise en scène stylisée, incroyablement maitrisée dans la gestion du cadre, des lieux labyrinthiques et des décors suffocants. Un grand moment de suspense étouffant et d'angoisse perméablement diffuse en harmonie totale avec l'image et le son !

Tout en égratignant au passage les rouages d'une subordination laxiste, complice d'une politique autoritaire et opportuniste, "Gardiens de l'ordre" est un excellent polar renouvelé qui doit beaucoup à son script et sa mise en scène personnalisée induite dans une ambiance pénétrante, lourde et hostile, amplifiée par une bande son hypnotique qui envoûte les sens.
Doté d'une belle intensité, bien construit et mené sans faille par un couple inattendu et filiforme, en prise direct avec leur conflit intérieur psychologique, le nouveau Boukrhief mérite une fois de plus que l'on s'y attarde pour ceux qui aiment les vrais polars durs, denses et consistants.

                          

22.08.10

L'ARNACOEUR

                              

de Pascal Chaumeil. 2010. France. 1H44. Avec Romain Duris, Vanessa Paradis, Julie Ferrier, François Damiens, Helena Noguerra, AndrewLincoln, Jacques Frantz, Amandine Dewasmes, Jean-Yves Lafesse...

BIO: Il s'agit du premier long-métrage de Pascal Chaumeil (également scénariste et dialoguiste) qui aura collaboré auparavant avec Luc Besson sur les films Léon (1er assistant réalisateur), Le 5è élément et Jeanne d'Arc (réalisateur de la seconde équipe).
Il a également travaillé pour la télévision sur une centaines de spots publicitaires.

LE SUJET: Alex est un briseur de couples expert dans l'art et la manière de s'accommoder des femmes malheureuses ou désespérées dans leur union amoureuse car son éthique est de ne jamais s'accaparer de celles épanouies ou comblées.
Jusqu'au jour où le père d'une future mariée lui propose un autre contrat juteux pour empêcher sa jeune fille héritière, Juliette, de se marier avec l'homme qu'elle aime. Il reste 10 jours à Alex pour empêcher coûte que coûte l'accès à la corde du pendu !

                    

ROMANCE PASTEL HILARE SUR UN AIR ENLACE DE DIRTY DANCING !
D'une trame judicieuse plutôt originale, Pascal Chaumeil va exploiter jusqu'au bout son idée de départ qui consiste à tout mettre en oeuvre pour empêcher avec des moyens conséquents et adéquates un mariage d'amants refoulés faussement amoureux, embourgeoisés dans la médiocrité et la facilité.
Avec la complicité de sa soeur et de son ami, Alex déguisé en garde du corps va imaginer toutes les situations les plus folles et rocambolesques pour mettre un terme à cet idylle naïve et convenue. Agression physique fictive en pleine rue pour soutirer le sac à main de Juliette dans sa propre voiture, appartement de celle-ci traficoté, micros cachés sous les tables, auto-radio combiné sur des tubes spécifiques ou encore ce faux plombier venu inonder une chambre pour qu'Alex puisse se retrouver en intimité avec Juliette devant une projection de Dirty Dancing ! Surtout quand celui-ci aura appris par coeur la chorégraphie de la fameuse danse bien connue des amateurs de romance musicale rose bonbon !
Mais toute cette mascarade ne serait rien sans le talent de cet arnacoeur professionnel, véritable acteur dans l'art de se vêtir sous n'importe quel personnage fictif, dans toutes les situations possibles et imaginaires. Et quand il se force à pleurer le temps de dévier la tête en un instant de quelques secondes, la jeune dame conquise ne pourra que s'y laisser attendrir !

                    

Cette comédie endiablée, menée à 100 à l'heure ne laisse pas un instant de répit au spectateur grâce à son inventivité constante, ses dialogues ciselés et son habile dosage de romance, bonne humeur et éclats de rire.
Les rebondissement et autres évènements inattendus s'enchevêtrent mutuellement en passant de l'humour farfelu au burlesque débridé, jusqu'aux hilarants instants comiques souvent menés par un acteur belge inconnu, François Damien, (LA révélation du film !!!) dans le rôle du complice d'Alex !
La scène où il assomme à plusieurs moments d'une journée l'amie fidèle de Juliette (Helena Loguerra, soeur de Lio à la ville) campée par une nymphomane lubrique est à mourir de rire ! Comme cette danse improvisée de Dirty Dancing avec Alex répétant tous deux les fameux pas de danse créés sur mesure par le regretté Patrick Swayze.
Il faut le voir aussi déguisé en plombier, la jambe boitteuse et vêtu d'une grotesque perruque sur la tête, tenter de manière volontairement malhabile de berner Juliette pour inonder sa chambre d'appartement.
Enfin, il ne faudra pas non plus rater en générique de fin une autre séquence irrésistible de drôlerie où notre belge devenu Don Juan malgré lui reprendra le rôle attribué à Alex, mis en retraite pour une raison que je n'évoquerai pas ici de peur de déflorer le dénouement !

                    

Le couple formé par Romain Duris et Vanessa Paradis est parfaitement complémentaire à la réussite de cette trépidante comédie française.
L'acteur campe avec légèreté et beaucoup de tempérament un personnage charmeur, malicieux, impertinent qui va se surprendre à lui même de rencontrer l'amour, exacte antinomie de son entreprise !
Vanessa Paradis dans le rôle d'une chieuse capricieuse, ennuyée de son quotidien esseulé est comme à son habitude divine de beauté épanouie, véritable princesse enchanteresse dans son regard de velours bleu, ensorcelant Alex d'un magnétisme docile et trouble.
Une jeune candidate en demi-teinte pour prendre conscience au final que les vraies valeurs ne se trouvent pas dans le porte monnaie de son amant, aseptisé de toute compassion ou de tendresse requise.

Le final romantique et mélancolique change un peu de registre pour parvenir à une émotion plus humaine, chaleureuse et sentimentale, affirmée dans un suspense éprouvé tant évoqué mais qui fonctionne encore à plein régime grâce au charme irrésistible du duo complice, quelqu'en sera l'issue réservée. La séquence remakée de la danse du célèbre tube idolatré par les filles de la planète entière (The Time of my life composé par Franke Previte / oscar de la meilleure chanson !) est un joli moment d'allégresse, de tendresse et sensualité !

                         

L'arnacoeur est une délicieuse comédie futée, chatoyante et généreuse dans un panel d'émotions habilement dosées pour contenter le spectateur attendri, embarqué dans une invitation au charme.
Le talent de nos célèbres interprètes se trouve bénéfiquement balloté par un nouvel inconnu totalement hilarant dans chacune de ses apparitions impromptues auquel François Damien délivre ici tout son énorme potentiel  !
Un premier film réussi , pétillant, affirmé et un nouvel acteur belge impayable !!!

23.08.10

SLICE (Cheun)

                             

de Khomsiri Kongkiat. 2010. Thailande. 1H38. Avec Plengpanich Chatchai, Amornsupastri Arak, Chitmanee Sontaya, Pasaphan Jessica.

BIO: Après Art of the devil 2 et 3, Chaiya et Boxers, il s'agit du 5è long-métrage du thailandais Khomsiri Kongkiat, également scénariste en intermittence.

LE SUJET: Un ancien tueur à gages purgeant une peine de prison se voit offrir l'opportunité d'effacer son casier judiciaire s'il trouve d'ici 15 jours le coupable, responsable d'une vague de crimes sordides commis dans une ville foisonnante de Thaïlande.

                         

LA MORT DU CHAPERON ROUGE.
Dans la mouvance d'un thriller horrifique estomaquant, taillé à la serpe, Khomsiri Kongkiat va triturer nos habitudes de spectateurs confortés dans la tradition de ces ingrédients habituels maintes fois dupliqués et/ou falsifiés (ref: seven).
Un genre contemporain rendu balisé et orthodoxe alors qu'ici le réalisateur investi dans une structure singulière va avant tout nous évoquer avec une maestria indiscutable une douloureuse évocation infantile. En même temps de nous livrer un bouleversant portrait de tueur en série comme on en n'a rarement vu au cinéma (qui a déjà versé une larme devant un thriller horrifique malsain, pervers et suffocant ?)

                      

L'histoire hybride qu'il nous narre à pour but de décrire un traumatisme indélébile lié à l'enfance battue, torturée, réduite à la déchéance dans l'âme souillée avec tout ce que cela comporte comme séquelles irrémédiables et irréversibles.
Un groupe d'enfants sauvages et rebelles vont porter atteinte à la dignité avec un nouveau venu de la partie. Un adolescent clairsemé, solitaire et réservé, fréquemment battu par son paternel alcoolique et pédophile !
Dans cette bande de petits caïds livrés à eux mêmes, l'un des leurs va se lier d'amitié avec le souffre douleur souvent impuissant par tant de sévices invoqués et d'humiliations quotidiennes répétées en leur faveur. Et le calvaire ne fera que s'amplifier quand le jeune garçon retrouvera son foyer pour affronter son père névrosé rongé par l'alcool. Un déchet putassier de l'inhumanité ayant perdu toute notion de moralité et d'humilité.                                
De cette liaison inopinée entre les deux jeunes enfants va se nouer une douloureuse histoire d'alliance, d'affection et de fraternité dans un monde sans pitié régi par la violence omniprésente des bas quartiers thailandais.
On devine alors très rapidement que le tueur incriminé n'est autre que cet enfant révolté, totalement dénaturé d'émotion ou d'une parcelle de tendresse au vu des corps décharnés pour les victimes retrouvées, décomposées ou taillées en morceaux.
C'est son ancien ami de longue date qui aura la lourde tâche de le retrouver dans une ville fuyante et hostile pour enrayer ces épouvantables crimes perpétrés.
Mais ce voyage au bout des ténèbres n'est pas au bout de nos peines et de nos surprises quand à connaitre la véritable révélation identitaire du fameux tueur encapuchonné d'une chape rouge ! Et cela même si on démasque au bout des 20 dernières minutes le vrai coupable présumé, un autre coup de théâtre beaucoup plus éloquent viendra rebondir, tout remettre en question et bouleverser cette improbable histoire d'amour et d'amitié !

                                

Dans une mise en scène destructurée des conventions habituelles au genre et des tics de poncifs tant rebattus, Khomsiri Kongkiat va nous entrainer dans une éprouvante descente aux enfers stylisée qui sait parfaitement où elle souhaite nous mener. Au règne du chaos !
Cette réalisation dénaturée fourmille d'idées incroyables, d'un adroit sens visuel, d'une grammaire conductrice iconoclaste, de poésie nonchalante avec la nature épanouie, d'hommages et de clins d'oeil à tout un pan du thriller transalpin (voir l'hallucinante scène baroque et psychédélique de la boite à partouze, l'accoutrement flamboyant du tueur ou bien cette balle visée dans la bouche d'un flic).
La forme esthétique est accentuée par une éclatante photographie saturée, véritable raffinement où chaque plan noyé de chaudes couleurs illumine nos yeux.
Cet électro-choc pesant et foudroyant malaxe avec une incroyable maitrise nos émotions partagées par une sèche crudité dans sa violence retransmise de manière frontale, sans anesthésie et notre bouleversement face à un portrait de tueur hétéroclite, consolidé dans la douleur autant physique que morale. Un constat alarmant de deux êtres brimés qui ont tout perdu de leur fatal destin, annihilé par le spectre de la violence sournoise et la torture tendancieuse au service du Mal.
Un réalisme parfois difficilement supportable bien que suggéré dans les séquences les plus poignantes parce que totalement au service de la psychologie meurtrie de ces personnages . Surtout quand on touche à l'innocence et l'insouciance de l'adolescence.

                    

Le final déchirant laisse place à la désuétude, à un appel désespéré pour la délivrance au nom de l'amour. Un témoignage librement avoué d'une magnifique histoire d'amants retrouvés, de coeurs laminés à jamais sur leur fin de tragédie.
Ce qui nous achèvera lourdement dans un tourbillon de révolte, une compassion dérangée d'avoir été le témoin d'un destin innomable.
Le reflet tristement universel de ce que l'être humain pathétique, rendu perverti contre son gré est capable de nous communiquer. Retransmettre par la barbarie sa haine extériorisée dans notre monde vilipendé. Bienvenu en enfer.
Un chef-d'oeuvre ambivalent, les yeux rougis par l'amertume de nos larmes sanguines, le teint blafard dont on sort d'un pas trainant sans évoquer une réaction définie !

DEDICACE A CHRISTOPHE DE LA GORGONE.

24.08.10

LES CHAROGNARDS (The Hunting Party)

                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinemotion.com

de Don Medford. 1971. U.S.A. 1h51. Avec Oliver Reed, Gene Hackman, Candice Bergen, Simon Oakland, Ronald Howard, L.Q. Jones, Mitch Ryan, William Watson, G.D. Spradlin, Rayford Barnes, Bernard Kay...

BIO: Il s'agit du second film de Don Medford (né en 1917) qui aura livré une courte carrière de 2 longs-métrages avant de s'atteler à la télévision avec une pléthore de séries T.V. issues des années 70 et 80 (les envahisseurs, l'homme qui tombe à pic, des agents très spéciaux, la 4è dimension, l'homme à la carabine, Alfred Hitchcock présente...)


Le pitch: Au Texas, un gangster et sa bande décident d'enlever la femme d'un notable pour pouvoir apprendre à lire et écrire, celle-ci exerçant la profession d'institutrice. Mais son mari, dangereux pervers névrosé décide avec ses fidèles acolytes de mener une chasse à l'homme impitoyable.

Deux années après la sortie du chef-d'oeuvre de Peckinpah qui aura changé à jamais le visage de l'Ouest américain par son réalisme d'une violence incongrue, Don Medford surenchère un nouveau western aride qui va franchir une nouvelle étape dans le sordide et le sadisme. Cette violence âpre nous plongeant dans une traque sanglante d'une sauvagerie rarement vue à l'écran en cette époque glorieuse des années 70 (on pourrait même d'ailleurs y voir une forme de résonance horrifique à Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper réalisé 3 ans plus tard, pour les derniers instants de décadence d'un corps convulsé qu'on mène à l'abattoir !). Car Les Charognards, titre français on ne peut plus explicite que son homologue américain (La Partie de Chasse) s'avère une lente descente aux enfers chez des anti-héros pourchassés par des ordures encore plus lâches et intraitables. D'entrée de jeu, le prologue nous met dans le vif de la crudité par son effet de surprise, cette estocade barbare où l'on assiste à l'égorgement d'un boeuf ainsi que son dépeçage. Une séquence extrême inédite dans un western traditionnel, filmée en alternance avec une relation sexuelle sauvage forcée entre deux amants !


Pas de demi-mesure, on sent que le film ne sera pas l'habituel western ludique où des cow-boys héroïques vont courser des indiens mais qu'il s'inspire plutôt de la brutalité d'un Peckinpah avec sa mythique Horde Sauvage ! Après avoir enlevé la femme de Ruger, Calder, bandit illettré va peu à peu se lier d'affection avec sa prisonnière du désert après l'avoir violé de la manière la moins brutale. Une scène suggérée pour autant pénible à regarder dans ce jeu malsain de regards complices. Ruger, notable sadique, orgueilleux et débauché décide donc de supprimer un à un les membres de la bande de Calder jusqu'à ce que les plaines du Texas ressemblent à une nécropole, hécatombe de chair agonisante sous un soleil écrasant jonché de scorpions. Les balles meurtrières fusant tous azimuts sans laisser une once de répit aux victimes ! Elles perforent la chair, laissant voler en éclat les giclées de sang dans un effet de ralenti pour mieux en saisir sa spectaculaire brutalité. Oliver Reed incarne le rôle de Calder, bandit tolérant le moins litigieux de cette galerie pathétique de salopards. Le plus ambitieux également quand on sait qu'à la base, l'enlèvement de cette jeune femme n'était qu'à but pédagogique pour son apprentissage analphabète. Un homme équivoque dans sa personnalité à double tranchant, s'humanisant au fur et à mesure de son chemin de croix. Ruger, riche notable d'apparence respectable est magnifiquement campé par Gene Hackman, antagoniste apitoyé sur la perversité. Si bien qu'il ne trouve son contentement que dans une complaisante torture, autant pour ces proies ingénues que de ses hors la loi sans vergogne. Melissa est endossée par la ravissante Candice Bergen. Un personnage noble d'une acuité humaine fragile, victime candide partagée entre ses désirs de fuite pour renouer avec un mari psychotique et son affection expansive envers Calder délibéré à défendre sa bande autant que celle qu'il aime.


Un dernier râle avant de mourir
Avant-coureur des Chiens de Paille, de Délivrance et surtout de La Chasse Sanglante (Open season) de Peter Collinson, réalisé 3 ans plus tard, Les Charognards demeure un chef-d'oeuvre du western poisseux imprégné d'amertume. Un chemin de croix implacable qui ne trouve sa raison d'être et d'exister que dans l'agonie du châtiment tant et si bien que les fuyards ne trouveront le repos méritoire qu'au sein d'une délivrance morbide. Le final lapidaire, à bout de souffle, se clôturant notamment lors d'une marche du désert fertile en désespoir. D'ailleurs, le terme "The End" se révèlera d'une certaine manière un soulagement pour le spectateur entaché d'un arrière goût de sang amer dans la bouche.

25.08.10
Bruno Matéï

LA TOUR DE LONDRES (Tower of London)

             

de Roger Corman. 1962. U.S.A. 1H19. Avec Vincent Price, Michael Pate, Joan Freeman, Robert Brown, Bruce Gordon.

BIO: La Tour de Londres a été tourné la même année que le prémice du cycle Poe avec l'Empire de la Terreur, le Corbeau et l'Entérré Vivant.
Il s'agit d'un remake d'une version folichonne de 1939 qui n'est jamais sorti en France au cinéma. Ce n'est qu'en Belgique qu'il aura droit à une exploitation en salles.
Le film est donc resté longtemps invisible auprès des cinéphiles français.

LE SUJET: Après la mort du roi, Richard De Gloucester, Duc d'Angleterre est tellement avide de pouvoir pour accéder à la couronne qu'il décide de supprimer chaque membre de sa famille qui pourrait l'empêcher d'y accéder.

                    

Roger Corman, à peine remis de ses trois adaptations de Poe s'attaque à l'entreprise d'un sujet historique avec l'aide de son frère, occupant la place de producteur.
Tourné en noir et blanc à cause d'un budget réduit, il réalise en compagnie de son acteur fétiche un remake d'un film de 1939 réalisé par Rowland V. Lee avec Basil Rathbone, Boris Karloff et justement Vincent Price dans un petit rôle secondaire.
Autant le film d'origine jouait la carte de la réalité historique avec sobriété, autant celui de Corman va baigner dans une atmosphère fantastique continuelle avec l'apparition des nombreux fantômes qui viendront torturer l'esprit de Richard.
Un être abjecte et orgueilleux, avide de pouvoir qui décide par la ruse, le mensonge, le mépris et la trahison de tuer son propre frère ainsi que son cousin, ses nièces puis sa femme pour enfin régner en maitre absolu dans la Tour de Londres.

                    

Le récit mené sur un rythme alerte se révèle beaucoup plus efficace, violent et percutant que la version de 1939. Mais c'est surtout l'interprétation shakespearienne du grand Vincent Price qui va rendre le film si plaisant à suivre.
Il faut le voir dans sa tenue chevaleresque handicapée par une colonne vertébrale difforme et un bras atrophié. Son lourd regard pénétrant injecté de noirceur, ancré dans le vice, se complaisant avec jubilation dans le crime gratuit le plus lâche et méprisant qui soit. Surtout qu'avec l'aide d'un complice il s'offrira la tâche d'étouffer avec un coussin de pauvres jeunes enfants endormis dans leur sommeil !
Il y a d'ailleurs à ce sujet deux autre scènes de torture assez terrifiantes dont l'une d'elles annoncera La Vierge de Nuremberg de Margheretti avec le fameux piège à rat où un pauvre homme se retouve les bras liés et la tête emprisonnée dans une mini cage parmi un rat affamé à l'intérieur ! effet répugnant garanti.
L'autre séquence encore plus douloureuse dans son effet de réalisme concerne une jeune fille qui ira doucement se faire écarteler les bras et les jambes dans des incessants hurlements de douleur suppliciés jusqu'à ce qu'elle en succombe !

                           

C'est cette narration centrée sur un puissant héritier dénuée de toute moralité que vient s'établir un profil psychologique: celui de la personnalité répugnante du duc Richard De Gloucester.
Un personnage condescendant, hautain et dédaigneux qui ira se perdre à son propre piège dans son subconscient angoissé, épris de remords et de rancune, qui ira jusqu'à s'imaginer l'apparition fantomatique de chaque victime qu'il a envoyé au fourneau !
Cet arriviste pathétique en prise avec sa folie démesurée ira se noyer dans un enchainement d'hallucinations jusqu'à vouloir étrangler par accident sa propre femme, le seul être auquel il éprouve un regain de compassion amoureuse.
Mais le final sardonique reprendra ses droits dans la bataille de Bosworth avec cette fatale pointe d'ironie pour le destin exutoire de Richard III, unique responsable de son propre échec.

Les décors minimalistes mais plutôt soignés s'accomodent bien avec l'ambiance gothique accentuée par l'usage du noir et blanc.
Les apparitions surnaturelles des fantomes offrent aussi un attrait supplémentaire à son climat macabre et lugubre entre deux séances de torture et en dehors des actes ignobles commis par notre bourreau shakespearien.

                         

La tour de Londres est une excellente découverte dont on parle peu dans la carrière de Corman du fait de sa rareté imposée.
D'autant plus regrettable que le film dominé par la superbe interprétation de Vincent Price se révèle très efficace et adroitement réalisé.

26.08.10