lundi 6 juin 2011

ESPECE EN VOIE DE DISPARITION (Endangered Species)

 

d'Alan Rudolph. 1982. U.S.A. 1h41. Avec Robert Ulrich, JoBeth Williams, Paul Dooley, Peter Coyote, Marin Kanter, Hoyt Axton, Gailard Sartain.

Sortie salle U.S.A.: 10 Septembre 1982.

FILMOGRAPHIE: Alan Rudolph est un scénariste et réalisateur américain né le 18 Décembre 1943 à Los Angeles.
1972: Prémonition, 1974: Nightmare Circus, 1976: Bienvenue à Los Angeles, 1978: Tu ne m'oublieras pas, 1980: Roadie, 1982: Espèce en voie de disparition, 1984: Choose me, Song Writer, 1985: Wanda's Café, 1987: Made in heaven, 1988: The Moderns, 1990: l'Amour Poursuite, 1991: Pensées Mortelles, 1992: Equinox, Mrs Parker et le cercle vicieux, 1997: l'Amour... et après, 1999: Breafast of champions, 2000: Trixie, 2002: Investigating Sex, The Secret live of dentists.

                                  

Note: L'Histoire de ce film est fondé sur des faits authentiques.

Réalisateur discret et touche à tout, Alan Rudolph réalise en 1982 une série B sortie dans l'anonymat le plus complet, Espèce en voie de disparition. Tiré d'une histoire vraie, ce récit de science-fiction conjugué à l'enquête meurtrière anticipe sur 11 ans d'écart la célèbre série parano X files, endossé par un duo d'agents du FBI heurtés par des complots mondiaux liés à l'existence extra-terrestre.
Ruben Castle, ancien flic renommé sort d'un long sevrage suite à sa dépendance pour l'alcool. Divorcé et père d'une jeune adolescente rebelle éprise de liberté, il s'efforce tant bien que mal à pouvoir l'éduquer du fait de son passé indocile et éthylique. A la suite de la découverte de cadavres de boeufs horriblement mutilés dans les champs de la contrée du Colorado, il reprend du service avec l'aide d'une shérif néophyte pour tenter de résoudre l'origine de ses crimes inexpliqués.

                                  

Sur le mode policier d'une enquête criminelle abstraite affiliée à des évènements inexpliqués, Espèce en voie de disparition débute avec tempérance dans sa narration inquiétante allouée à la découverte morbide de cadavres de bétail. C'est dans la manière décharnée des charognes d'animaux retrouvés (certains de leurs organes ont disparu, le crane est souvent désossé ou d'autres parties du corps sont déchiquetées) que le fil de l'intrigue imprime une aura viscérale ancrée dans l'insolite. Après la présentation de nos personnages érigés sur l'autorité drastique des forces de l'ordre enquêtant dans une région bucolique du colorado, le récit va lentement distiller un suspense latent par ces découvertes macabres inexpliquées et accentuer une ambiance paranoïaque davantage oppressante tout en dévoilant en intermittence des révélations interlopes sur l'implication d'une certaine conspiration scientifique de grande ampleur fondée sur le trafic d'armes biologiques. Alors qu'en 1969, le congrès américain décréta l'interdiction de la poursuite des essais d'armes chimiques et bactériologiques, une organisation secrète semble établir des tests frauduleux sur les troupeaux de boeuf sillonnant les campagnes naturelles des Etats-Unis. D'ailleurs, on apprendra à la fin du métrage de façon factuelle que depuis l'interdiction de ces études en cette année évoquée, on évalue à 10 000 le nombre de têtes de bétail ayant subi des mutilations diverses.

                                      

L'histoire de cette sombre affaire de conjuration impliquant des mercenaires et scientifiques chevronnés va largement accroître son sentiment oppressant d'insécurité lors d'une dernière demi-heure rondement menée. Elle laisse place à des séquences haletantes mises en exergue dans de rigoureuses courses poursuites que nos héros rencontrent contre les exactions des antagonistes ayant appréhendé en guise de chantage un otage considérable. Au préalable, une séquence choc inopinée, particulièrement impressionnante dans son caractère explicitement gore réussit à nous ébranler dans l'état de malaise tangible invoqué pour la victime moribonde (les amateurs y verront peut-être une influence à Contamination de Luigi Cozzi avec ses corps humains explosant leurs entrailles sous l'effet d'un fluide verdatre acidifié).

                                        

Hormis une première demi-heure futilement languissante, Espèce en voie de disparition réussit à convaincre et captiver grâce à une modeste réalisation plutôt efficacement gérée. Il réussit surtout habilement à insuffler une ambiance d'étrangeté probante, rehaussée d'une partition musicale électronique de Gary Wright, particulièrement palpable dans ses accents ombrageux. La prestance d'aimables trognes de série B comme Robert Ulrich (Magnum Force), Hoyt Axton (le père de famille, Randall, l'inventeur extravagant dans Gremlins), Peter Coyote (Wargames) ou encore JoBeth Williams (la maman de Carol Anne dans Poltergeist) apportent un charme supplémentaire à un excellent cru ignoré des années 80, d'autant plus intrigant qu'il est bâti sur des faits authentiques.

Dédicace à "lesineditsvhs"
05.06.11
Bruno Matéï.

samedi 4 juin 2011

L'OPERATION DIABOLIQUE (Seconds)


De John Frankenheimer. 1966. U.S.A. 1H50. Avec Rock Hudson, Salome Jens, John Randolph, Will Geer, Jeff Corey, Richard Anderson, Frances Reid

FILMOGRAPHIE: John Frankenheimer est un réalisateur américain né le 19 février 1930 à New-York, et mort d'une crise cardiaque le 6 juillet 2002 à Los Angeles.
1957: Mon père, cet étranger, 1961: Le Temps du chatiment, 1962: l'Ange de la violence, le Prisonnier d'Alcatraz, Un crime dans la tête, 1964: 7 jours en Mai, Le Train, 1966: Grand Prix, l'Opération Diabolique,
1968: l'Homme de Kiev, 1969: Les Parachutistes arrivent, 1970: Le Pays de la violence, les Cavaliers, 1973: l'Impossible Objet, The Iceman cometh, 1975: French Connection 2, 1977: Black Sunday, 1979: Prophecy le monstre, 1982: A armes égales, 1985: Le pacte Holcroft, 1986: Paiement Cash, 1989: Dead Bang, 1990: The Fourth War, 1992: Les Contes de la crypte saison 4, épis 10), 1992: Year of the gun, 1996: l'Ile du dr Moreau, Andresonville (tv), 1997: George Wallace, 1998: Ronin, 2000: Piège Fatal, 2002: Sur le chemin de la guerre.

                          

En 1966, sort dans l'indifférence générale, l'Opération Diabolique, tiré d'un roman de David Ely. Le film politiquement subversif est un cuisant échec et sombrera rapidement dans l'oubli.
Aujourd'hui, exhumé par quelques aficionados avides de raretés introuvables, ce tourment patibulaire peut enfin être réhabilité à sa juste valeur et se targuer d'être l'une des oeuvres les plus incongrues et cauchemardesques jamais réalisées.

Arthur Hamilton est un homme vieillissant auquel sa vie conjugale est réduite à la routine lymphatique. Un jour, il reçoit  l'appel téléphonique d'un ancien fidèle ami, décédé il y a peu. Celui-ci lui demande de se rendre le lendemain dans un lieu tenu secret. Après brève hésitation, Arthur décide de se rendre au rendez-vous fixé mais s'aperçoit qu'il est orienté d'un endroit à un autre par des individus interlopes. Il est enfin accompagné par une mystérieuse organisation qui lui propose de changer de vie et d'apparence physique pour un prix assez élevé. Contraint de se plier à leur contrat octroyé d'un chantage perfide, le quidam perplexe va devoir subir une opération chirurgicale pour s'approprier de la vie d'un artiste peintre, Tony Wilson.

                          

Dès le générique biscornu d'images oculaires diaphanes dans un noir et blanc funeste, accompagné par la musique hostile de Jerry Goldsmith, un climat d'étrangeté prégnant s'impose à l'esprit entraîné dans une spirale anxiogène.
A grand coup de cadrages alambiqués, de zooms agressifs et d'une caméra à l'épaule en vue subjective (façon maladive et avant-gardiste d'un certain Schizophrenia !), John frankenheimer s'implique en alchimiste expérimental afin de mieux manipuler son public, comme le héros désespéré d'une opération de seconde vie inespérée.
Sous le mode du thriller hybride affilié à la science fiction alarmiste et l'horreur clinique qui en résulte, l'Opération Diabolique imagine une société totalitaire, délibérée à asservir des êtres humains insatisfaits de leur terne existence, conditionnés à s'approprier d'une nouvelle vie qu'ils suggéraient plus épanouie que celle au préalable.
A travers cette trame jouissivement saugrenue et passionnante effleurant au passage les effets pervers d'une médecine putassière fondée sur le simulacre de la chirurgie esthétique, John Frankenheimer démontre avec un malaise innommable que l'accès à une nouvelle identité est un trompe l'oeil, un subterfuge licencieux. Que l'apparence n'est qu'une enveloppe corporelle subsidiaire mais que l'âme spirituelle reste la valeur suprême, le moi conscient, l'essence originelle de sa raison d'être.

                        

C'est ce que Arthur va devoir apprendre, subir et payer au prix d'une vie violée, infiniment annihilée dans les cimes de la dégénérescence morale. En s'appropriant d'une nouvelle vie de jeunesse potentiellement exaltante, d'une compagne rajeunie et d'une profession artistique notoire, le nouveau Tony Wilson, totalement en perte identitaire et de repère, va se morfondre dans une amertume et une contrition davantage meurtrie. Jusqu'à ce qu'il se désavoue après avoir rendu visite à son ancienne épouse (une séquence poignante faisant écho à l'état d'âme déchu des réminiscences de Murphy dans Robocop de Verhoeven) et entreprenne le suicide salvateur pour dissoudre cette horrible labeur imposée.
                       
Notre illustre Rock Hudson accomplit une intense performance dans son personnage empli de remords à s'être plié contre son gré à un contrat délétère avec le diable. Sa détresse aigrie sur ses questionnements existentiels et son état éthylique à noyer son esprit dans les vapeurs d'alcool d'une soirée équivoque apportent une dimension psychologique empathique pour son destin immolé. Une double vie avilie par les souvenirs d'un passé avorté et d'un nouveau mode identitaire complètement falsifié et frelatée.

                         

L'HOMME SANS VISAGE.
Parsemé de scènes hallucinées et dérangeantes (l'étrange fête païenne tournant à l'humiliation collective contre le héros, la soirée éthylique devant une assemblée d'invités transis de mesquinerie), l'Opération Diabolique est l'un des plus terrifiants pamphlets sur la violation de la dignité humaine au nom d'une société despotiste et déshumanisée. Son final insupportable de nihilisme immoral, mis en exergue sur un ton de verdeur réaliste risque de hanter pour longtemps les cinéphiles ébranlés de cette expérience atypique sans aucune échappatoire. 

04.06.11
Bruno Matéï.


vendredi 3 juin 2011

JOHN CARPENTER'S THE WARD


de John Carpenter. 2010. U.S.A. 1h32. Avec Amber Heard, Lyndsy Fonseca, Mamie Gummer

FILMOGRAPHIE: John Howard Carpenter  est un réalisateur, acteur, scénariste, monteur, compositeur et producteur de film américain né le 16 janvier 1948 à Carthage (État de New York, États-Unis).
1974 : Dark Star 1976 : Assaut  1978 : Halloween, la nuit des masques 1980 : Fog 1981 : New York 1997  1982 : The Thing 1983 : Christine 1984 : Starman 1986 : Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin 1987 : Prince des ténèbres  1988 : Invasion Los Angeles 1992 : Les Aventures d'un homme invisible  1995 : L'Antre de la folie  1995 : Le Village des damnés  1996 : Los Angeles 2013 1998 : Vampires 2001 : Ghosts of Mars 2010 : The Ward

                    

INCIDENT DE PARCOURS. 
Une jeune fille, Kristen, se retrouve dans un asile parmi 5 donzelles stéréotypées après avoir incendié une ferme. Dans l'institut psychiatrique, un fantôme semble persécuter ces patientes folingues. Plus tard, on apprend qu'une certaine Alice est décédée dans de mystérieuses circonstances. Notre héroine pas folle pour un sou (du moins, c'est ce qu'elle croit !) va donc essayer d'en savoir plus sur le passé fustigé de la mystérieuse Alice ! 


                    

Joliment photographié et interprété par une Amber Heard (Mandy Lane) tout à fait convaincante, la grosse première demi-heure de The Ward réussit à inquiéter et séduire un spectateur pourtant dubitatif d'une trame apparemment incohérente, voire improbable (pourquoi l'héroïne se retrouve dans un institut psychiatrique après avoir mis le feu dans une demeure ? pourquoi n'y a t-il que de charmantes filles sexy uniquement de sexe féminin à l'intérieur de l'établissement ?). Passé la mise en place latente d'un climat ombrageux, le scénario redondant ne fait que tourner en rond par ces attaques surnaturelles régulières contre chacune des patientes et d'un jeu de cache-cache en forme de "ouh fait moi peur" dans les différents locaux de l'enceinte psychiatrique parmi une présence maléfique. Et cela jusqu'au dernier quart-d'heure, fameux point d'orgue révélateur qui se souhaite plus finaud que tout ce que l'on a subi au préalable mais qui sombre royalement dans le ridicule le plus répréhensible. Ou quand Carpenter reprend le thème schizophrène de Scorsese isolé dans l'île de Shutter Island. Il y a bien quelque scènes de flippe futilement réussies (certaines apparitions du spectre sont assez impressionnantes ou 2/3 sursauts font vraiment leur effet escompté) alors que deux séquences de meurtre sont sympathiquement cruels mais passé les 40 premières minutes finalement rébarbatives, on s'ennuie ferme et son épilogue à rebondissement fortuit nous achève littéralement, faute d'un scénario inexistant et puéril. Même le score musical grandiloquent et académique déçoit beaucoup puisqu'il n'est même pas concocté par le maître en personne. 

                      

Alors voilà, pour la première fois de ma vie, mon réalisateur fétiche m'a tellement déçu de son empreinte que cette série B inutile aurait été réalisée par un autre tâcheron, je n'aurais même pas perçu une once de distinction. 
The Ward est un produit de consommation, une mauvaise série B, une déception insurmontable pour tous ceux qui portent dans leur coeur un des derniers monstres sacrés du cinéma d'horreur et de fantastique. Cette fois-ci, ses détracteurs peuvent le dire: John Carpenter suit exactement la même voie que Dario Argento pour ce premier faux pas affligeant de vacuité... Même s'il reste correctement réalisé avec le minimum syndical.

03.06.11
Bruno Matéï.

jeudi 2 juin 2011

WELCOME TO THE RILEYS


de Jake Scott. 2009. U.S.A/Angleterre. 1h48. Avec Lara Grice, Deneen Tyler, Jack Morre, Kristen Stewart, James Gandolfini. 

Sortie Salles France: 10 Novembre 2010. U.S.A: 29 Octobre 2010.

BOX OFFICE:
Etats-Unis: 158 898 S
France: 154 484 S
Mondial: 317 382 S

FILMOGRAPHIE: Jake Scott est un réalisateur américain né en 1965. Il est par ailleurs le fils de Ridley Scott et neveu de Tony Scott.
1997: The Hunger (Série TV, 1 épisode: ménage à trois)
1998: Guns 1748
2004: Tooth Fairy
2007: HBO Voyeur Project (série TV)
2009: Welcome to the Rileys

                         

Avis subjectif d'un puriste amateur.
Après son premier film d'aventures modernisé façon MTV et quelques séries TV, Jake Scott renoue 11 ans plus tard avec un second long-métrage intitulé Welcome to the Rileys. Il surprend agréablement par sa sobriété d'une chronique sociale nonchalante d'un couple sur le déclin à la suite de la mort de leur fille et d'une jeune prostituée paumée et solitaire auquel le père de la défunte souhaite reconvertir.

Doug Riley est un cinquantenaire bedonnant profondément meurtri après la disparition accidentelle de sa fille de 15 ans. Sa relation conjugale avec Lois s'enlise dans la torpeur et sombre dans une routine en chute libre depuis cet épouvantable drame impondérable.
Un soir, totalement en perte de repère et conscient que sa relation maritale est davantage réduite à l'incommunicabilité, il part en déplacement professionnel à la Nouvelle Orléans. C'est là qu'il se retrouve malgré lui dans le refuge d'une boite de streap-teaseuse en guise d'échappatoire pour faire la connaissance d'une jeune prostituée, Mallory, avec qui il va entamer une relation paternelle complice.

                        

La bonne idée de ce drame psychologique émouvant est au préalable d'avoir enrôlé deux interprètes de renom à la carrière totalement antinomique. James Gandolfini, rendu célèbre par la série des Sopranos et Kristen Stewart, idolâtrée par des millions d'adolescents avec la saga édulcorée, Twilight. Deux comédiens gérés admirablement à contre-emploi pour un jeu naturel particulièrement convaincant.
Le duo inopiné qu'ils forment communément à l'écran doit beaucoup à la réussite d'un petit film dédié à l'humanité frêle et fléchissante de ses personnages, sans excès de mièvrerie.

A la suite d'un deuil familial difficilement surmontable, un père de famille décide de se réfugier dans les bras d'une jeune prostituée afin d'apaiser son mal être inflexible et sa souffrance pesante destituée d'amour paternel. Une prise de conscience subite et une raison moralement équitable pour tenter en prime de sauver la mise à une jeune fille orpheline galvaudée et marginalisée par sa profession putanesque.
Délaissé d'une femme rendue taciturne, blottie dans sa demeure bucolique pour ne plus jamais en sortir, Doug a donc entrepris personnellement de trouver une issue de secours à cette vie de couple apathique au bord du marasme. Cette relation naissante entre un homme vieillissant et une jeune inconnue va donner lieu à une complicité amicale et chaleureuse auquel les deux protagonistes vont partager communément leur moment intime d'une relation père/fille dans la chambre d'un hôtel miteux.
De son côté, Loïs, consciente de la déchéance présagée de sa vie amoureuse, décide enfin de s'extraire de sa demeure pour rejoindre son mari resté à la Nouvelle Orléans. Ce trio improvisé réuni par la fatalité d'un deuil familial va donc tenter de s'accepter pour pouvoir éventuellement tenter d'ériger une nouvelle vie de famille.

                        

Par l'entremise de scènes intimistes mises en exergue dans les rapports conflictuels générationnels, Jake Scott réussit à rendre attachant un récit douloureux entièrement bâti sur la fragilité de ses personnages. Un couple modèle au bord de la rupture et une jeune fille révoltée désorientée, communément entaillés par un drame accidentel inéquitable.

Kirsten Stewart réussit parfaitement à faire oublier son numéro docile d'adolescente candide développée dans la saga des Twilight. Vulgaire, débauchée, rebelle et révoltée, elle réussit avec assez de conviction à accomplir une interprétation spontanée dans son physique racoleur de jeune prostituée autonome et caractérielle. Quand à James Gandolfini, il endosse admirablement avec un ton naturel subtil un personnage profondément esseulé, en quête d'amour paternel mais également un mari blessé éperdu de voir sa vie de couple s'amenuiser quotidiennement.

                          

Modestement réalisé sans fioriture, Welcome to the Rileys est un joli drame social en demi-teinte plutôt habile dans son refus des bons sentiments lacrymaux et sa sensibilité persuasive à émouvoir sensiblement par la prestance de comédiens inopinément affiliés.
Son thème orthodoxe alloué à la difficulté du deuil et à l'instinct paternel en requête d'amour réussit à maintenir l'intérêt et emporter l'adhésion dans son contexte original de s'accaparer de la vie licencieuse d'une prostituée compétente.

02.06.11.
Bruno Matéï.

mardi 31 mai 2011

STUCK. Corbeau d'Argent BIFFF 2008.


de Stuart Gordon. 2007. U.S.A/Angleterre/Canada. 1h26. Avec Mena Suvari, Stephen Rea, Russel Hornsby, Rukiya Bernard.

Corbeau d'argent au BIFFF 2008.

FILMOGRAPHIE: Stuart Gordon est un acteur, producteur, réalisateur et scénariste américain, né le 11 Août 1947 à Chicago, dans l'Illinois.
1979: Bleacher Bums (Téléfilm), 1985: Ré-animator, 1986: From Beyond, 1987: Dolls, 1988: Kid Safe: the vidéo, 1990: Le Puits et le pendule, La Fille des Ténèbres (téléfilm), Robot Jox, 1993: Fortress, 1995: Castle Freak, 1996: Space Truckers, 1998: The Wonderful Ice Cream Suit, 2001: Dagon, 2003: King of the Ants, 2005: Edmond, Master of Horrors (2 épisodes), 2007: Stuck, 2008: Fear Itself (1 épisode)

                                     

Deux ans après l'excellent Edmond, itinéraire morbide d'un sociopathe sur le déclin, Stuart Gordon renoue avec l'horreur sociale chez un fait divers sordide à peine probable dans ses exactions tolérées par des protagonistes dénués de toute dignité humaine. Une jeune infirmière est prochainement créditée à un poste supérieur pour la résultante de ses aptitudes professionnelles.Un soir, après avoir pris quelques substances illicites dans une boite de nuit, elle renverse sur la route un sdf littéralement encastré dans son pare-brise. Après avoir hésité à se rendre aux urgences, elle décide de ramener l'estropié dans son garage.

                                        

Ce métrage d'un ancien maître de l'horreur est une fois de plus passé par la case DTV et au vu du résultat estomaquant on ne peut que déplorer cette politique inéquitable privilégiant les blockbusters et autres produits familiaux mercantiles éludés d'originalité. Et en évoquant l'excentricité, cette histoire sidérante d'ironie sardonique est d'autant plus terrifiante qu'elle est tirée d'un fait divers à peine sensé dans son nihilisme subversif ! Dès le préambule, à la fois cynique et caustique, Stuart Gordon s'attache à nous décrire une société égocentrique et méprisable chez les citoyens les plus démunis réduits à la précarité et au chômage. En priorité, du point de vue de ce SDF néophyte contraint d'attendre près de 3 heures dans une salle d'attente pour un RV professionnel infructueux dans une agence. Après sa vaine journée, il décide de s'endormir sur le banc d'un parc public alors qu'un policier intransigeant ira le menacer au milieu de la nuit pour quitter les lieux au risque d'être embarqué vers le poste le plus proche. C'est sur son chemin entrepris vers le local d'une mission que l'homme va être violemment percuté par le véhicule d'une aide-soignante éméchée, pourtant réputée pour sa labeur et son honnêteté à s'occuper courageusement des personnes âgées dans son service hospitalier. Seulement, cette aimable demoiselle éprise d'un amant volage décide en guise de panique d'enfermer l'homme gravement blessé à l'intérieur de son garage ! Après avoir téléphoné de son domicile le service des urgences directement relié à un répondeur automatique, elle renonce à porter assistance à la victime. Terrifiée à l'idée d'imaginer qu'elle puisse se retrouver derrière les barreaux, elle décide en désespoir de cause d'appeler son ami pour entreprendre une solution plus radicale.

                                       

Terrifiant de cynisme face à ses personnages crapuleux sans vergogne et glaçant d'immoralité pour leurs états d'âme, Stuart Gordon dresse un impitoyable constat d'une société de déshumanisation en chute libre ! Il nous envoie en pleine face ce que l'être humain est capable de commettre de pire pour la valeur de son égo mais aussi pour contrecarrer la justice répréhensible. Cette jeune fille entièrement responsable d'un grave accident commis contre un pauvre quidam est si terrifiée à l'idée d'avoir elle même créé cette situation alarmiste qu'elle décide lamentablement d'envisager le pire pour se débarrasser furtivement du fardeau. C'est donc le portrait effarant d'une galerie de personnages lambdas consolidés dans la lâcheté, l'égoïsme, l'hypocrisie et l'individualisme que nous illustre avec causticité Stuart GordonLe constat est sans appel dans son contexte tristement actuel car bien inscrit dans notre réalité contemporaine ! Le citoyen s'étant au fur et à mesure muté en véritable monstre irresponsable, faute d'une société militant pour l'arrivisme et engendrant par cette occasion l'incommunicabilité des individus repliés sur eux-même. Partant d'un concept hallucinant de dérision sordide, les nombreux rebondissements qui émaillent le récit ne cessent de surprendre pour relancer une intrigue dense et passionnante auquel les protagonistes désincarnés vont se livrer à une rivalité frénétique au nom de l'égotisme. La charmante Mena Suvari était innée pour interpréter ce rôle de jeune effrontée proprement abjecte dans son immoralité putassière, faute d'une peur panique de s'attirer les ennuis judiciaires. Quand à l'excellent Stephen Rea, il campe adroitement le personnage du Sdf avec un flegme empathique pour sa lente descente aux enfers impliquant un véritable parcours de combattant à tenter de se dépêtrer d'une folie meurtrière.

                                      

L'horreur est humaine.
Mené sans temps morts, violemment incisif et agrémenté de touches d'humour noir cinglantes, Stuck demeure un uppercut émotionnel. Un authentique film d'horreur acéré et jusqu'au-boutiste dans sa folie immorale, l'être humain étant ici rattaché à son instinct de turpitude et de condescendance au mépris de son voisin. Une farce acide à l'esprit tendancieux, viscéralement dérangeante pour le tableau imputé à notre incivisme !

Bruno Matéï

lundi 30 mai 2011

JULIA


d'Erick Zonca. 2007. France/U.S.A. 2h20. Avec Tilda Swinton, Saul Rubinek, Kate del Castillo, Bruno Bichir, Jude Ciccolella, Aidan Gould.

Sortie ciné en France le Mercredi 12 Mars 2008.

FILMOGRAPHIE: Érick Zonca est un scénariste et réalisateur Français né le 10 septembre 1956 à Orléans.
1998: La vie rêvée des Anges
1998: Le Petit Voleur
2008: Julia

                           

Il aura fallu attendre 10 ans pour voir débarquer le nouveau projet d'Erick Zonca parti s'exiler en Californie et au nouveau Mexique pour les besoins de ce road movie intense et captivant. Sous ses airs influents de Gloria de Cassavetes, Julia réussit habilement à détourner les conventions balisées du genre pour nous livrer un thriller sur route aléatoire et poignant, dédié à la personnalité éthylique d'une femme sans ambition sur la déroute.

Julia est une quarantenaire alcoolique et marginale cumulant les conquêtes d'un soir et les beuveries des bars branchés afin d'éclipser sa vie esseulée. Un jour, sa voisine névrosée et dépressive d'une existence noyée dans la solitude lui propose un marché singulier ! Kidnapper son propre enfant prisonnier de son riche grand-père en fin de vie et ainsi faire bénéficier à Julia une forte somme d'argent. Au départ perplexe, celle-ci accepte tout en complotant indépendamment un autre scénario. C'est à dire faire chanter cette femme démunie contre une rançon beaucoup plus faramineuse. Mais rien ne va se dérouler comme prévu.

                         

Road Movie sillonnant les routes de Californie et du Mexique dans la mise en forme d'un thriller réaliste, Julia est tout autant un superbe portrait de femme aussi désenchanté que fructueux dans son climax impondérable.
A travers le rapt sordide d'un enfant mis à la garde de son grand-père, Erick Zonca nous fait partager la relation contrainte entre deux êtres opposés qui vont devoir s'accepter durant un long cheminement inépuisable. L'une est une femme perfide et révoltée au bord du marasme, l'autre, un petit garçon innocent privé de sa mère qu'il a depuis longtemps oublié. Ensemble, ils vont devoir apprendre à s'accepter pour finalement s'entraider et faire face à quelques évènements majeurs compromettant fortement les lourds enjeux négociés au préalable.
C'est cette narration totalement imprévisible empêchant le film de s'embourber dans la routine d'un road movie lattent qui permet au spectateur de suivre une histoire d'enlèvement à l'ironie pittoresque dans l'implication d'un trio inopiné de kidnappeurs obsédés par l'appât du gain.
Le réalisateur photographie avec souci de réalisme proche du documentaire un pays américain divisé en deux contrées distincts. L'état de Californie pour la première partie du récit et celui du Mexique situé en Amérique du nord pour une seconde partie octroyée à la fuite irréversible de nos héros méthodiquement traqués. C'est ce second segment beaucoup plus percutant, haletant et violent qui va permettre de relancer l'intérêt de son intrigue. En effet, un revirement narratif va faire basculer le film dans un climat beaucoup plus pernicieux et ombrageux dans le refuge d'une capitale corrompue par toutes formes de délinquance (au cours des quatre dernières années 2007-2011, les violences liées aux narco-trafiquants auront fait plus de 34 600 morts).

                       

Mais Julia, le film, doit de prime abord sa réussite à la forte personnalité de son actrice principale incarnée par Tilda Swinton, saisissante de spontanéité révoltée, naïve et maladroite de s'empêtrer dans les pires scénarios envisagés. Irascible, irritable et névrosée par sa dépendance à l'alcool, son évolution personnelle engagée dans l'illégalité répréhensible et le meurtre va toutefois lui permettre de renouer avec un regain de tendresse maternelle dans son ultime point d'orgue caustique décisif. L'enfant endossé par Aidan Gould réussit avec sobriété à éviter l'écueil caricatural du souffre douleur docile et apporte une crédibilité discrète suffisamment tempérée pour convaincre. Un enfant candide jamais niais à dévoiler ses bons sentiments mais plutôt contraint de devoir accepter et affronter des situations parfois crapuleuses pour un si jeune âge.

Mis en scène avec maîtrise et autorité, Erick Zonca réfute les poncifs redoutées dans ce type de scénario orthodoxe et livre un superbe portrait anticonformiste de femme insidieuse peu recommandable. Une alcoolique désoeuvrée au caractère erratique, fustigée et dénigrée de son ego mais qui finalement retrouvera une certaine forme de repentance dans ses exactions perpétrées pour la quête de l'or. Pour renouer en dernier ressort avec l'instinct maternel inné en chaque femme destituée de tendresse filiale.

Dédicace à Jonathan Charpigny.
30.05.11
Bruno Matéï.

                      


dimanche 29 mai 2011

BIUTIFUL. Prix d'Interprétation à Cannes, Oscar du Meilleur Acteur pour Javier Bardem.


de Alejandro Gonzalez Inarritu. 2010. U.S.A/Mexique. 2h18. Avec Javier Bardem, Maricel Álvarez, Eduard Fernàndez, Diaryatou Daff, Cheick N'Diave. 

Sortie en salles en France le 20 Octobre 2010.

FILMOGRAPHIE: Alejandro Gonzales Inarritu est un réalisateur et producteur mexicain né le 15 Aout 1963 à Mexico.
2000: Amours Chiennes
2003: 21 Grammes
2006: Babel
2010: Biutiful

                          

Après Babel qui sondait la solitude existentielle et le désarroi à travers le destin croisé de différents personnages dans les pays du Maroc, des U.S.A, du Mexique et du Japon, Alejandro Gonzales Inarritu 
illustre avec Biutiful le parcours désespéré d'un marginal condamné par la maladie du cancer, mais délibérer à tenter de rehausser une vie miséreuse pour l'amour de ses enfants et sa femme fluctuante.

Uxbal est un père séparé à la charge de deux enfants, responsable d'une entreprise illégale exploitant des immigrés clandestins (sénégalais et chinois) pour la fabrication de sacs à main. Sa femme, Marambra est atteinte de troubles bipolaires et ne peut plus bénéficier de la garde de ces enfants. Alors que Uxbal va apprendre subitement qu'il est atteint d'un cancer de la prostate, ses affaires commerciales vont davantage le mettre dans une situation précaire largement contraignante pour l'avenir de sa progéniture.

                        

Avec son quatrième long-métrage tout aussi sensiblement introspectif que ces prédécesseurs dans la caractérisation de personnages chétifs en situation alarmiste, Alejandro Gonzales Inarritu livre son film le plus dur, le plus opaque et dépressif qui soit.
Ce portrait empli d'aigreur d'une famille précaire en situation alerte nous entraîne dans une descente aux enfers terrestre livrée aux tourments de l'âme humaine avec une acuité déprimante proche du marasme.
Dans une cité urbaine insalubre livrée au chômage et à la montée de l'immigration clandestine, un père de famille tente de survivre en exploitant des émigrés faméliques pour le compte d'une entreprise de fabrication de sac à main vendus dans les marchés, et sous l'oeil complice d'une police avilie.
Avec l'aide de deux comparses asiatiques sans scrupule mais contraints de se soumettre à l'illégalité bon marché pour la loi de la survie, Uxbal gère malgré tout ses affaires commerciales perfides avec un certain sens de la dignité humaine puisque attentif, jamais indifférent à la condition d'hygiène et au salaire versé pour ses migrants venus de l'étranger. Des hommes courageux savamment exploités mais aussi des mères de famille fébriles obligées en surplus de nourrir leurs bambins parqués dans un dortoir industriel impromptu.
En parallèle, Uxbal doit autant faire face à la gestion pédagogique de ses enfants séparés d'une mère maniaco-dépressive mais déterminée à renouer affectivement avec celui-ci. Alors que son frère mafieux, indocile et flâneur profite de la détresse de Marambra pour flatter sa libido sexuelle, Uxbal apprend qu'il est atteint d'un cancer incurable. Il va tenter en désespoir de cause de se raccrocher au fil de sa vie avec l'espoir de renouer avec une parcelle de bonheur pour l'équilibre de sa famille. Mais un horrible drame se profile à l'horizon !

                            

Sur fond de misère sociale, Biutiful est l'un des plus durs portraits jamais réalisés d'un homme sur le déclin vivant ses derniers instants dans un environnement glauque et sordide par faute d'une société monolithique gangrenée par le chômage et la fatalité d'une délinquance qui en émane.
Par l'entremise d'une mise en scène limpide et assidue prenant soin de nous illustrer avec une acuité sensitive ses personnages surmenés en détresse inflexible, le réalisateur évoque en toile de fond l'affre de la maladie et la mort qui en résulte. Le refus de s'y résoudre, craindre sa dégénerescence physique, se raccrocher désespérément à sa foi, aussi morne et inespérée qu'elle soit. Chaque protagoniste dépeint avec un soin humaniste alerte et souci de réalisme tangible, est livré à la dure loi de la survie dans un monde impitoyable où une immigration davantage expansive peine à ériger un semblant de vie plus paisible et équilibré.
Dans cet univers suffocant d'un appartement délabré, un couple anarchique tente de renouer une ultime fois avec l'idylle d'autrefois pendant que les enfants, hésitants et attentifs à une situation en dent de scie vont malgré tout se reporter dans la tendresse inculquée de leurs parents.

                        

Entièrement bâti sur les épaules d'un acteur de prestige, Javier Bardem se révèle littéralement époustouflant (son meilleur rôle ?) dans celui d'un personnage désabusé, contraint de se soumettre à l'illégalité pour la postérité de sa famille. Un homme malmené incessament préoccupé, débordant d'empathie et d'humilité pour des étrangers tout aussi désoeuvrés, sur le fil de la déchéance miséreuse. Rongé par le remord, la défaite, l'amertume, l'iniquité injustement répréhensible, sa détermination de se battre malgré tout jusqu'au bout magnifie un personnage terrifié à l'idée de laisser ses enfants sur le bord de la route. Son dernier testament négocié avec une jeune sénégalaise hésitante achève un épilogue mortuaire redouté littéralement bouleversant. Un moment de tendresse élliptique imprévu d'une fragile intimité qui chamboule au dela du générique de fin un spectateur abbatu avec une intensité émotionnelle quasi insupportable.  
L'incroyable interprétation de Maricel Álvarez impose autant d'empathie et d'élégie affectée dans celle d'une mère maniaco-dépressive immature en déroute, éprise d'amour éperdu pour son mari mais incapable d'endosser son rôle maternel afin d'équilibre un foyer conjugal sans cesse destructuré. Son physique burriné de paumée écorchée vive au grand coeur inscrit un implacable désarroi déchirant d'authenticité meurtrie.

Dans une photographie aux teintes naturalistes et funestes, Biutiful est un inoubliable drame humain d'une noirceur immuable et d'un désespoir social cruellement éprouvant pour le spectateur noyé dans un univers hypothétique sans issue de secours. En éludant avec dextérité le recours aux effets pompeux du pathos et du misérabilisme coutumier privilégié par la tempérance pleine d'humilité des comédiens immergés.  
Seul, l'amour rédempteur d'un père galvaudé réuni une dernière fois dans les bras de sa fille mûrissante libère un acte salvateur compromis sur les liens du coeur et d'une réminiscence. Pour ne jamais oublier l'âme d'un père déçu...

29.05.11.
Bruno Matéï.