FILMOGRAPHIE: John Frankenheimer est un réalisateur américain né le 19 février 1930 à New-York, et mort d'une crise cardiaque le 6 juillet 2002 à Los Angeles.
1957: Mon père, cet étranger, 1961: Le Temps du chatiment, 1962: l'Ange de la violence, le Prisonnier d'Alcatraz, Un crime dans la tête, 1964: 7 jours en Mai, Le Train, 1966: Grand Prix, l'Opération Diabolique,
1968: l'Homme de Kiev, 1969: Les Parachutistes arrivent, 1970: Le Pays de la violence, les Cavaliers, 1973: l'Impossible Objet, The Iceman cometh, 1975: French Connection 2, 1977: Black Sunday, 1979: Prophecy le monstre, 1982: A armes égales, 1985: Le pacte Holcroft, 1986: Paiement Cash, 1989: Dead Bang, 1990: The Fourth War, 1992: Les Contes de la crypte saison 4, épis 10), 1992: Year of the gun, 1996: l'Ile du dr Moreau, Andresonville (tv), 1997: George Wallace, 1998: Ronin, 2000: Piège Fatal, 2002: Sur le chemin de la guerre.
En 1966, sort dans l'indifférence générale, l'Opération Diabolique, tiré d'un roman de David Ely. Le film politiquement subversif est un cuisant échec et sombrera rapidement dans l'oubli.
Aujourd'hui, exhumé par quelques aficionados avides de raretés introuvables, ce tourment patibulaire peut enfin être réhabilité à sa juste valeur et se targuer d'être l'une des oeuvres les plus incongrues et cauchemardesques jamais réalisées.
Arthur Hamilton est un homme vieillissant auquel sa vie conjugale est réduite à la routine lymphatique. Un jour, il reçoit l'appel téléphonique d'un ancien fidèle ami, décédé il y a peu. Celui-ci lui demande de se rendre le lendemain dans un lieu tenu secret. Après brève hésitation, Arthur décide de se rendre au rendez-vous fixé mais s'aperçoit qu'il est orienté d'un endroit à un autre par des individus interlopes. Il est enfin accompagné par une mystérieuse organisation qui lui propose de changer de vie et d'apparence physique pour un prix assez élevé. Contraint de se plier à leur contrat octroyé d'un chantage perfide, le quidam perplexe va devoir subir une opération chirurgicale pour s'approprier de la vie d'un artiste peintre, Tony Wilson.
Dès le générique biscornu d'images oculaires diaphanes dans un noir et blanc funeste, accompagné par la musique hostile de Jerry Goldsmith, un climat d'étrangeté prégnant s'impose à l'esprit entraîné dans une spirale anxiogène.
A grand coup de cadrages alambiqués, de zooms agressifs et d'une caméra à l'épaule en vue subjective (façon maladive et avant-gardiste d'un certain Schizophrenia !), John frankenheimer s'implique en alchimiste expérimental afin de mieux manipuler son public, comme le héros désespéré d'une opération de seconde vie inespérée.
Sous le mode du thriller hybride affilié à la science fiction alarmiste et l'horreur clinique qui en résulte, l'Opération Diabolique imagine une société totalitaire, délibérée à asservir des êtres humains insatisfaits de leur terne existence, conditionnés à s'approprier d'une nouvelle vie qu'ils suggéraient plus épanouie que celle au préalable.
A travers cette trame jouissivement saugrenue et passionnante effleurant au passage les effets pervers d'une médecine putassière fondée sur le simulacre de la chirurgie esthétique, John Frankenheimer démontre avec un malaise innommable que l'accès à une nouvelle identité est un trompe l'oeil, un subterfuge licencieux. Que l'apparence n'est qu'une enveloppe corporelle subsidiaire mais que l'âme spirituelle reste la valeur suprême, le moi conscient, l'essence originelle de sa raison d'être.
C'est ce que Arthur va devoir apprendre, subir et payer au prix d'une vie violée, infiniment annihilée dans les cimes de la dégénérescence morale. En s'appropriant d'une nouvelle vie de jeunesse potentiellement exaltante, d'une compagne rajeunie et d'une profession artistique notoire, le nouveau Tony Wilson, totalement en perte identitaire et de repère, va se morfondre dans une amertume et une contrition davantage meurtrie. Jusqu'à ce qu'il se désavoue après avoir rendu visite à son ancienne épouse (une séquence poignante faisant écho à l'état d'âme déchu des réminiscences de Murphy dans Robocop de Verhoeven) et entreprenne le suicide salvateur pour dissoudre cette horrible labeur imposée.
Notre illustre Rock Hudson accomplit une intense performance dans son personnage empli de remords à s'être plié contre son gré à un contrat délétère avec le diable. Sa détresse aigrie sur ses questionnements existentiels et son état éthylique à noyer son esprit dans les vapeurs d'alcool d'une soirée équivoque apportent une dimension psychologique empathique pour son destin immolé. Une double vie avilie par les souvenirs d'un passé avorté et d'un nouveau mode identitaire complètement falsifié et frelatée.
L'HOMME SANS VISAGE.
Parsemé de scènes hallucinées et dérangeantes (l'étrange fête païenne tournant à l'humiliation collective contre le héros, la soirée éthylique devant une assemblée d'invités transis de mesquinerie), l'Opération Diabolique est l'un des plus terrifiants pamphlets sur la violation de la dignité humaine au nom d'une société despotiste et déshumanisée. Son final insupportable de nihilisme immoral, mis en exergue sur un ton de verdeur réaliste risque de hanter pour longtemps les cinéphiles ébranlés de cette expérience atypique sans aucune échappatoire.
04.06.11
Bruno Matéï.
merci pour ta critique o combien pertinente et constructive ! tu as vu juste, et je suis fan également de ce film dont je pourrais débattre pendant des heures et des heures...
RépondreSupprimerMerci beaucoup Atryu, ça me fait plaisir car je doute souvent du résultat final de mes avis subjectifs. C'est un film rare que j'ai vraiment adoré ! je ne remercierais jamais assez le site horreurvhscollector !
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