mercredi 19 septembre 2012

La Chair et le Sang (Flesh and Blood)

Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com 

de Paul Verhoeven. 1985. U.S.A/ Espagne/Hollande. 2h06. Avec Rutger Hauer, Jennifer Jason Leigh, Jack Thompson, Brion James, Ronald Lacey, Simon Andreu, Jake Wood, Bruno Kirby, Tom Burlinson.

Sortie salles France: 2 Octobre 1985. U.S: 30 Août 1985

FILMOGRAPHIE: Paul Verhoeven est un réalisateur néerlandais, né le 18 Juillet 1938 à Amsterdam. 1971: Business is business. 1973: Turkish Delices. 1975: Keetje Tippel. 1977: Le Choix du Destin. 1980: Spetters. 1983: Le Quatrième Homme. 1985: La Chair et le Sang. 1987: Robocop. 1990: Total Recall. 1992: Basic Instinct. 1995: Showgirls. 1997: Starship Troopers. 2000: l'Homme sans Ombre. 2006: Black Book.


Première production hollywoodienne pour Paul verhoeven, en affiliation avec l'Espagne et son pays natal, La chair et le Sang se solde d'un échec public dès sa sortie en 1985. Pour élucider cette défaite, son concentré de violence tranchante et de verdeur érotique eurent sans doute gêné un public trop frileux habitué à l'édulcoration de récits moyenâgeux en bonne et due forme. Epaulé de son acteur fétiche Rutger Hauer et recrutant la jeune comédienne Jennifer Jason Leigh pour son premier grand rôle à l'écran, cette épopée médiévale transpire la chair (la peste) et le sang comme aucune autre production n'eut osé la retranscrire. Ainsi, à travers l'idylle amoureuse d'un mercenaire immoral et d'une jeune femme manipulatrice, Paul Verhoeven nous confronte à une lutte de classes au coeur de l'Europe du 16è siècle si bien que Steven, jeune seigneur pugnace tentera de récupérer sa belle, prisonnière du clan rival des frondeurs incultes. Transposé à l'époque du moyen-âge à l'orée de la renaissance, La Chair et le Sang nous confronte à partager l'intimité de cette troupe de voleurs mesquins réfugiés au sein d'un château après l'avoir assailli. Au préalable, ces derniers furent trahis par leur propre seigneur durant une rude bataille. Mais une embuscade savamment planifiée par ces activistes leur auront permis de récupérer l'argent dérobé. C'est par cette occasion fructueuse que le leader Martin s'entreprend d'enlever la princesse Agnes pour la violer parmi le témoignage de ses comparses. Mais la jeune vierge finaude et séductrice parvient in extremis à charmer son tortionnaire au point de le rendre éperdument amoureux. 


Par conséquent, cette romance vénéneuse traversée de batailles homériques conjugue de façon frénétique érotisme sordide (le viol d'Agnes distille un climat pervers particulièrement voyeuriste) et charnel (sa coucherie nocturne avec Martin lors d'un bain vaporeux éclairé de candélabres). L'ambition provocatrice de Verhoeven insufflant parfois même une poésie morbide singulière lorsque Agnes et Steven, réunis au coeur d'une prairie, roucoulent en dessous de deux pendus putréfiés ! Superbement photographié dans des décors naturels tantôt crépusculaires et magnifié par la vigueur d'une mise en scène virtuose, la Chair et le Sang est une perpétuelle bravade à transgresser la vérité historique d'une époque médiévale dénuée de moralité. Son pouvoir de fascination prégnant émanant principalement de la caractérisation de ces protagonistes subversifs, tour à tour délétères, sournois, équivoques, qui plus est, gagnés par la peur expansive de la peste bubonique. Pour ce faire, la dernière partie illustrant la panique des mercenaires empoisonnés par l'eau provoque malaise, ad nauseum chez le spectateur. De par son réalisme malsain, le réalisateur distille une ambiance de claustration, nous enivre les sens face à l'odeur putrescente de quartiers de viandes avariés, vulgairement découpés sur un chien mort car envoyés par l'antagoniste sur la tête des occupants ! Le fanatisme religieux et son emprise sur les utopistes est également traité à travers le personnage du cardinal guidant ses amis vers un destin (ironiquement) moribond (la propagation de la peste). Et ce par le truchement spirituel de sa statue St-Martin. Ainsi, à travers le destin misérable de cette poignée de brigands sans vergogne, la Chair et le Sang décrit avec force et souci d'authenticité l'instinct de survie chez l'être humain voué à corrompre, trahir et assassiner au prix de la liberté, l'amour ou la cupidité. Mais l'ascension de la renaissance, l'évolution de l'obscurantisme et les nouvelles techniques de la médecine laissent néanmoins augurer un regain d'humanité, un cheminement progressif à travers l'inconscience de ses preux antagonistes. 


Sublimé de la présence diaphane de Rutger Hauer et de la délicieuse Jennifer Jason Leigh (plus équivoque, lascive et impudente que jamais !), La Chair et le Sang constitue LE chef-d'oeuvre médiéval de premier choix en dérogeant la norme traditionnelle du divertissement imberbe. En résulte une oeuvre provocatrice à l'odeur de souffre parfois nauséeuse (la religieuse mortellement blessée au crane par l'entaille d'une épée, l'accouchement du bébé mort-né, la fillette moribonde atteinte de la peste) mais pourvu d'une ambition intègre à reconstituer une épopée flamboyante, aussi bien foisonnante que débauchée. 

19.09.12. 4
Bruno Matéï

 

Apport technique du blu-ray: 9/10



mardi 18 septembre 2012

THE MAGDALENE SISTERS. Lion d'Or Venise 2002.

                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site shop.silverdisc.com 

de Peter Mullan. 2002. Angleterre. 2h00. Avec Anne-Marie Duff, Nora-Jane Noone, Geraldine McEwan, Dorothy Duffy, Frances Healy, Eithne McGuiness, Mary Murray, Chris Simpson, Britta Smith, Eileen Walsh, Sean Mc Donagh, Phyllis MacMahon, Julie Austin.

Sortie salles France: 5 Février 2003. U.S: 1er Août 2003

FILMOGRAPHIE: Peter Mullan est un réalisateur, acteur et scénariste britannique, né le 2 novembre 1959 à Peterhead, en Ecosse. 1997: Orphans. 2002: The Magdalene Sisters. 2010: Neds


On estime à 30 000 le nombre de femmes ayant été détenues dans les asiles Magdalene en Irlande. La dernière laverie a fermé en 1996.

Lion d'Or à Venise, The Magdalene sisters est un choc cinématographique d'un réalisme et d'une acuité émotionnelle si cuisante qu'il confine au traumatisme ! Tiré de faits réels survenus dans un des Couvents de la Madeleine en 1964, cette descente aux enfers est un terrifiant réquisitoire contre l'intolérance, l'intégrisme et toute forme d'asservissement sous une hiérarchie christianiste. 
La film suit le parcours de trois jeunes femmes, Margaret, Bernadet et Rose, expédiées par leurs parents dans un couvent pour avoir commis de potentiels péchers. Les raisons invoquées ? Accablés par la honte, les parents de Margaret décident de se séparer d'elle après avoir appris qu'elle eut été sexuellement abusée par son propre cousin durant une fête familiale. Pensionnaire dans un orphelinat mais de plus en plus sujette aux remarques lubriques des garçons, Bernadet est également envoyée chez les soeurs Madeleine. Enfin, Rose rejoint le séminaire après avoir été séparée de son bébé, faute d'avoir eu une naissance avant le mariage. Contre leur gré, toutes trois vont se retrouver subordonnées à l'enseignement tyrannique de soeur Bridget ainsi qu'aux quotidiennes humiliations, soumissions et tortures perpétrées par l'allégeance des autres religieuses. 


Dans une photo naturaliste épousant un contraste entre la campagne irlandaise et la pâleur du monastère, Peter Mullan nous convie à la claustration d'un foyer catholique régit par une autorité inhumaine. Sans aucune complaisance et avec un souci glaçant d'authenticité, The Magdalene Sisters retrace le calvaire de trois jeunes filles dépréciées par leur propre famille puritaine pour se retrouver embrigadées au sein d'un sinistre pensionnat. Sanctionnées pour des fautes dérisoires, voires illusoires, elles vont devoir se plier aux exigences disciplinaires de nonnes impassibles. Tâches de labeur, prières spirituelles et interdiction de bavardage sont les règles quotidiennes afin de respecter l'ordre de la vie communautaire mais aussi apprendre à expier leurs pêchers et ainsi leur apporter la divinité de la sagesse. Si l'une d'entre elles s'oppose à la hiérarchie militaire des soeurs Madeleine, celle-ci sera sévèrement châtiée par la flagellation du fouet !


A travers son climat lourd et oppressant auscultant de prime abord la caractérisation distincte de quatre internes, The Magdalene Sisters transcende la dimension humaine de ces jeunes femmes livrées à la malnutrition, aux humiliations, aux brimades et aux châtiments, alors que l'une d'elles envisagera en désespoir de cause le suicide salvateur. L'autre issue de pouvoir s'extraire d'une dictature aussi barbare est d'y prendre la fuite pour s'échapper vers une contrée éloignée de toute autorité religieuse ! Autant dire qu'il vaut mieux avoir les nerfs solides, un flegme et une patience exemplaires pour réussir à survivre au coeur de ce lieu maudit érigé sous une bannière rigoriste. Séjourner ne serait ce que 24 heures dans cet asile licencieux (certains prêtres ont même pratiqué l'abus sexuel sur une interne lambda !), ce que des milliers de jeunes filles ont enduré durant des décennies, nous démontre à quel point il fallait user de résilience stoïque afin de ne pas se laisser gagner par la folie. Foyer sectaire corrompu par une communauté de religieuses conservatrices, The Magadalene Sisters nous remet donc en question sur les valeurs morales du culte catholique ainsi que son endoctrinement auprès d'une démographie puritaine, voire machiste dans l'Irlande des années 60. Le film met également en lumière le rôle précaire de la femme anglaise au sein du foyer conjugal, car tributaire d'un époux égocentrique en proie à la violence et la tyrannie contre l'émancipation de sa fille. Cette doctrine disciplinaire pour le bien-fondé de la bienséance annihilera le destin de milliers de femmes emprisonnées contre leur gré dans un cloître éhonté. 


Les martyrs du couvent
Dominé par la distribution bouleversante d'un quatuor féminin transi de fragilité névralgique, The Magdalene Sister constitue une épreuve de survie, une descente aux enfers contre la déliquescence morale d'une autorité messianique. Un pamphlet sans concession du fondamentalisme livré à la décadence de son autorité puritaine. Son mea-culpa n'ayant jamais été obtenu et les victimes jamais dédommagées, on est en droit de se demander ou se trouve la moralité d'un tel calvaire assigné contre des victimes ingénues, livrées à une solitude aliénante. En résulte un chef-d'oeuvre glaçant de réalisme et de terreur diffuse quand bien même son épilogue déchirant nous tolère des larmes de délivrance !

A Crispina/Harriet...
18.09.12
Bruno Matéï

Récompense: Lion d'Or à Venise, 2002



LA POLEMIQUE: Info Wikipedia:
Lorsque le film a été récompensé du Lion d'Or à Venise, le quotidien pontifical Osservatore Romano s’est élevé contre ce qu’il a vu comme un brûlot anticlérical à la vision manichéenne. Pourtant, Peter Mullan avait déclaré que le film « n'était pas dirigé contre l’église ».
Le film a été réalisé avec l’aide et l’attention d’une ancienne pensionnaire du couvent, ainsi que d’une religieuse qui a encadré l’un de ces établissements. Elles avaient pour fonction de veiller à l’authenticité du film.
Quant à l'Église, elle n'a formulé à ce jour aucune excuse ni proposé aucun dédommagement à ces femmes, qui, des années durant, ont travaillé pour son compte. Par ailleurs, ce sont bien les témoignages des victimes qui ont été la principale source d'information du réalisateur. Mais la polémique soulevée par le Vatican, et qui eut un certain écho en Italie, a conduit un certain nombre de témoins à commencer à parler en Irlande, venant contredire les dénégations du clergé.

Plus d'info: http://fr.wikipedia.org/wiki/Couvents_de_la_Madeleine


vendredi 14 septembre 2012

THE WICKER MAN. Director's Cut (1h39). Licorne d'Or au Festival du Rex à Paris

Photo empruntée sur Google, appartenant au site gillusreviews.blogspot.com

de Robin Hardy. 1973. Angleterre. 1h39. Avec Edward Woodward, Christopher Lee, Diane Cilento, Britt Ekland, Ingrid Pitt, Lindsay Kemp, Russell Waters, Aubrey Morris, Irene Sunters, Walter Carr.

Sortie salles France: 10 janvier 2007 en Dvd. U.S: Juin 1975. Royaume Uni: Décembre 1973

Récompenses: Licorne d'Or au Festival du rex à Paris
Prix de l'académie de science-fiction, fantasy et horreur aux Etats-Unis
Prix Saturn 1979 du meilleur film d'horreur

FILMOGRAPHIE: Robin Hardy est un réalisateur, scénariste, acteur et producteur anglais né en 1939 à Londres (Royaume-Uni).
1973: The Wicker Man
1986: Angoisse à Dublin (The Fantasist)
1989: E Street (série TV)
2010: The Wicker Tree


Licorne d'Or au Festival du Rex à Paris, The Wicker Man est devenu au fil du temps un authentique film culte dont la réputation n'a jamais cessé de grandir à tel point qu'un remake aseptisé vit le jour quelques décennies plus tard. Véritable chef-d'oeuvre atypique traitant avec éthique des thèmes religieux du christianisme et du polythéisme, le premier film de Robin Hardy est une descente aux enfers autour d'un Eden rural. En effet, sur l'île écossaise de Summerisle, les habitants vouent un culte à leur doctrine paganisme. En cas de mauvaise récolte de fruits, ils sont parfois contraints d'offrir en sacrifice un être humain au dieu du soleil afin que la prochaine saison soit plus florissante. Après avoir reçu une lettre lui indiquant qu'une petite fille aurait disparu sur l'archipel, l'inspecteur Neil Howie décide d'embarquer en avion pour rejoindre les habitants de Summerisle. Sur place, il découvre l'étrange rite de villageois dévergondés s'adonnant à une philosophie érigée sur la divinité de plusieurs dieux.


Film fantastique à l'imagerie fantasmagorique expansive, traversé de romances musicales chantonnés par certains habitants, Wicker Man est un fascinant voyage métaphysique en interne d'une nature épanouissante. A travers l'investigation drastique d'un flic conservateur en quête d'une disparition infantile, le film nous enseigne une véritable leçon de tolérance (l'éducation parentale en est un modèle d'enseignement !) et de respect d'autrui par l'entremise de païens adorateurs d'une écologie divine. Si leur foi rattachée à plusieurs dieux et leur célébration sont vouées à endosser des déguisements d'animaux pour glorifier l'univers terrestre, c'est un véritable hymne à la nature et à l'harmonie de la vie que Robin Hardy nous véhicule avec poésie fastueuse ! Un florilège d'images graciles, érotiques et charnelles nous sont illustrées parmi la volupté de danseuses nues pratiquant des rituels autour d'un feu. Ce spectacle extatique est familièrement conçu pour honorer et remercier la biologie des êtres vivants (humains, animaux, insectes) étroitement liés à la flore végétale (comme les arbres plantés sur les tombes symbolisant une nouvelle naissance pour les défunts). Les pratiques spirituelles invoquées dans le film sont une coutume afin de sublimer la chimère de la réalité et sa magie qui en émane, extériorisée par une croyance spéculative. Réflexion sur la foi et le besoin inhérent de se raccrocher à une religion pour se prouver l'intérêt existentiel, le film oppose les thèmes de la réincarnation (pour le polythéisme) et la résurrection (pour le catholicisme) afin de nous interroger sur la destinée de l'être humain. Si son point d'orgue, douloureux par la cruauté des faits tolérés, peut dérouter et déranger le spectateur impliqué dans un terrifiant subterfuge de grande ampleur, il pose à réfléchir sur les dangers des croyances et des pratiques culturelles. Notamment l'emprise qu'elles peuvent générer chez les adorateurs quand ils sont vouées à l'allégeance d'un culte divin. 


Fascinant voyage hypnotique dans une contrée reculée d'une île écossaise, The Wicker Man est une expédition introspective afin de questionner notre rapport existentiel à une idéologie religieuse. Réquisitoire contre l'intolérance et le droit à la différence par l'entremise d'une culture célébrant la vie, l'amour et la mort, ce bad trip réversible est une envoûtante expérience mystique avec nos peurs les plus indécises, sans oublier de dénoncer les dérives sectaires sous couvert de dénouement horrifique.

Dédicace à Jean Pierre Dionnet et Selena de Sade
14.09.12. 2èx
Bruno Matéï

                                     

mardi 11 septembre 2012

BULLHEAD (Rundskop)

Photo empruntée sur Google, appartenant au site movies.tvguide.com

de Michael R. Roskam. 2011. Belgique. 2h08. Avec Matthias Schoenaerts, Jeroen Perceval, Jeanne Dandoy, Barbara Sarafian, Tibo Vandenborre, Frank Lammers, Sam Louwyck, Robin Valvekens, Baudoin Wolwertz.

Sortie salles France: 22 Février 2012. Belgique: 2 Février 2011

Récompenses: Prix du Meilleur premier film à FanTasia, 2011
Prix du Jury et du Public au Festival du film policier de Beaune, 2011
Propeler Motovuna au Festival du film de Motovun, 2011
Meilleur Film aux Prix du film Flamand, 2011
Prix André-Cavens de l'Union de la critique de cinéma (UCC), 2011
Magritte du cinéma du meilleur scénario et du meilleur film flamand en co-production, 2011

FILMOGRAPHIE: Michael R. Roskam (de son vrai nom Michaël Reynders) est un réalisateur et scénariste belge, né en 1972 à Saint Trond. 
2011: Bullhead


Lardé de récompenses dans son pays d'origine, Bullhead fait presque figure d'oeuvre inclassable dans sa structure narrative affilié au polar et au drame social, son ambiance cafardeuse, son humour parfois cocasse (les réparties verbales des 2 garagistes fort en gueule) et sa dimension humaine sur le déclin. Pour une première réalisation, Michael R. Roskam frappe fort et nous envoie un uppercut en pleine face dans son acuité émotionnelle à fleur de peau toujours plus abrupte ! Habité par l'interprétation transie de Matthias Schoenaerts, toute l'intrigue admirablement écrite repose sur ses robustes épaules et nous entraîne dans l'introspection mentale d'un homme profondément frustré car molesté par un trauma infantile.


A Limbourg, Jackie, fils de fermier corrompu, complote depuis toujours un trafic d'hormones auprès de la mafia pour sa viande bovine. Mais le meurtre inopiné d'un flic va contraindre la police à surveiller ses activités ainsi que celles de ses complices dont un ami d'enfance, Diederick. Compromis à un lourd secret lié à leur adolescence, les deux acolytes vont renouer avec le poids de cette réminiscence .


Avec la photo aigre d'un climat blafard, Bullhead empreinte la voie du polar moite pour décrire avec densité le drame humain d'une homme introverti car esseulé depuis le drame de son enfance. Parfois épris d'une violence incontrôlée par la prise addictive de ces stéroïdes mais aussi victimisé par son refoulement sexuel, Jacky est enfoui dans un mutisme nihiliste. Avec l'arrivée d'un ami qu'il n'avait pas revu depuis longtemps et d'une police en filature, son passé va refaire surface et lui remémorer une grave agression aux séquelles irréversibles. Dès lors, au gré de flash-back habilement insérés dans le cheminement hasardeux, une descente aux enfers latente nous ait confronté à travers le profil d'un homme livré à lui même car trop longtemps abdiqué par son entourage et sa famille. 
Il faut louer la dextérité limpide que Michael R. Roskam a su retranscrire à narrer un script en chute libre où les principaux protagonistes recèlent une dimension humaine chargée de remord ou de dépit. Avec la maîtrise inspirée d'une mise en scène autonome et une efficience haletante, Bullhead nous isole dans les vestiges d'un homme littéralement écrasé par la tare de la frustration et la morosité de son environnement animalier. Dans ce rôle torturé, Matthias Schoenaerts fait preuve d'un charisme animal impressionnant dans sa carrure robuste et ces furieux accès de violence extériorisés par une conscience martyrisée. Mais c'est aussi et surtout sa dimension humaine discréditée, sa désillusion de ne pouvoir concrétiser une vie de postérité qui interpelle le spectateur avec une empathie sensitive toujours plus inconfortable. ATTENTION SPOILER !!! D'ailleurs, le point d'orgue redouté, d'une intensité dramatique quasi insoutenable dans sa romance déchue nous arrache les larmes de l'amertume et nous ébranle viscéralement jusqu'au marasme, faute d'un nihilisme désespéré. FIN DU SPOILER


Comme un chien enragé
Fascinant par son réalisme âpre, ombrageux pour son cheminement indécis, voir parfois même déroutant dans ses sautes d'humour intermittentes, cet ovni venu de Wallonne implique le spectateur d'une façon si intime qu'il déséquilibre la maîtrise de nos sentiments. Sous couvert de polar austère, Bullhead est surtout une chronique déshumanisée d'un paysan meurtri, envoûté par l'interprétation magistrale de Matthias Schoenaerts . La déliquescence mentale d'un malfaiteur éperdument amoureux mais incapable de pouvoir transcender son handicap. Le rapport d'un viol irréparable en dépit d'un mutisme rural, l'impuissance inévitable d'un taureau au coeur flagellé. Déchirant jusqu'au malaise surmené. 

Dédicace à Daniel Aprin et Christophe Cosyns
11.09.12
Bruno Matéï



jeudi 6 septembre 2012

RUNNING MAN (The Running Man)


de Paul Michael Glaser. 1987. U.S.A. 1h40. Avec Arnold Schwarzenegger, Maria Conchita Alonso, Yaphet Kotto, Jim Brown, Jesse Ventura, Erland van Lidth, Marvin J. McIntyre, Gus Rethwisch.

Sortie salles France: 16 Mars 1988. U.S: 13 Novembre 1987

FILMOGRAPHIE: Paul Michael Glaser est un acteur et réalisateur américain, né le 25 Mars 1943 à Cambridge, Massachusetts.
1986: Le Mal par le Mal. 1987: Running Man. 1992: Le Feu sur la Glace. 1994: The air up there
1998: Kazaam


D'après un roman de Stephen King mais déjà adapté par l'écrivain Robert Sheckley en 1958, Running Man est le remake débridé de l'excellent brûlot le Prix du Danger d'Yves Boisset. Conçu sous le moule du film d'action et d'anticipation, avec, en tête d'affiche, l'une de ses plus grandes stars des années 80 (Arnorld Schwarzenneger), cette série B réjouissante joue à fond la carte du divertissement dans un esprit décomplexé de bande dessinée. Le look excentrique des antagonistes pourchassant sans répit Ben Richard et ses acolytes, accoutrés eux aussi de combinaisons futuristes en pijama criard, ainsi que le design high-tech d'une émission de télé-réalité éclairée par des néons flashys, mettent bien en évidence l'aspect dérisoire d'un jeu télévisé tributaire d'un voyeurisme vénal. 2019. Dans une société despotiste, un programme TV diffusé 24 heures sur 24 retransmet la course contre la mort d'ex taulards pourchassés par une horde de guerriers sanguinaires. Ben Richards, ancien flic injustement condamné pour une série de crimes qu'il n'a pas commis est recruté dans l'émission "Running Man" avec l'aide de deux anciens camarades de prison. Au sein d'un itinéraire semé d'embûches, les trois fugitifs vont tenter par tous les moyens de sortir vivants de ce traquenard auquel des millions de spectateurs sont rivés devant leur poste pour ovationner le spectacle barbare.


Bien entendu, son pitch préfigurant l'ascension de notre télé-réalité est ici un prétexte pour proposer un film d'action particulièrement bien troussé et à la mécanique d'efficacité indéniable. Toutefois, son ton sarcastique met en évidence la dérision d'un show tv inspiré des jeux de cirque de la Rome antique, alors que tous les citoyens lobotomisés par une propagande fasciste sont devenus de parfaits abrutis. Hormis son côté ludique diablement jouissif, mené à un rythme alerte, une certaine réflexion sur les dérives du sensationnalisme et le contrôle des masses populaires est néanmoins mise en exergue. Au sous-texte social, Paul Michael Glaser dénonce donc les exactions d'une télé spectacle avide de voyeurisme et la prohibition d'une société dictatoriale endoctrinant son peuple par le pouvoir des médias. Avec ses trépidantes séquences de courses-poursuites, sa panoplie de personnages grotesques, le charme latino de Maria Conchita Alonso et le cabotinage viril de Schwarzenegger (cigare au bec façon Commando !), Running Man s'avère un gros défouloir assumé ne se prenant jamais au sérieux. Mais la palme de l'hilarité en revient à la verve de ces dialogues et l'accoutrement de ces nouveaux guerriers aux pseudos saugrenus, endossés de déguisements futuristes comparables à des sapins de noël ! Que ce soit Buzzsaw, le vicking à la tronçonneuse, Subzero, le sumo adepte du hockey sur glace, Dynamo, le rondouillard garni d'ampoules électriques ou encore Fireball, le black power pourvu d'un lance-flamme !


Formidablement jouissif, bourré de dérision et complètement désinhibé dans sa violence cartoonesque, Running Man est en l'occurrence une petite perle du cinéma d'action encore plus attrayante qu'à l'époque de sa sortie. Car aujourd'hui son côté rétro est d'autant plus contrasté qu'il évoque de manière métaphorique l'aspect grand-guignolesque de nos émissions de télé-réalité. En prime, la qualité de ses effets-spéciaux (l'accès des joueurs par l'entrée vertigineuse du tunnel) est encore étonnamment concluante. 

06.09.12. 3èx
Bruno Matéï



Apport technique du Blu-ray: 7/10

mercredi 5 septembre 2012

BLANCHE NEIGE ET LE CHASSEUR (Snow White and the Huntsman)

Photo empruntée sur Google, appartenant au site hnmovies.com

de Rupert Sanders. 2012. U.S.A. 2h07. Avec Kristen Stewart, Chris Hemsworth, Charlize Theron, Ian McShane, Sam Clafin, Nick Frost, Eddie Izzard, Bob Hoskins, Toby Jones, Eddie Marsan, Stephen Graham.

Sortie salles France: 13 Juin 2012. U.S: 01 Juin 2012


FILMOGRAPHIE: Rupert Sanders est un réalisateur anglais, né le 15 Janvier 1971 à Westminster.

2010: The Low Dweller
2012: Blanche Neige et le Chasseur


Le célèbre conte de Grimm revu et corrigé par un réalisateur néophyte, avec en tête d'affiche, la midinette de la saga docile Twilight, j'ai nommé Kristen Stewart ! C'est dire si ce blockbuster visant un public familial avait de quoi laisser dubitatif l'amateur d'aventures romanesques et d'héroic fantasy. Pourtant, à la vue de sa bande annonce privilégiant la scénographie d'un environnement naturel formel, quelques batailles homériques et la qualité inventive d'effets spéciaux prodigieux, on pouvait présager un bon spectacle ludique potentiellement attractif. A l'arrivée, cette réactualisation ténébreuse de Blanche Neige et les 7 nains réussit haut la main à enchanter son public de 10 à 77 ans ! D'un esthétisme raffiné dans ses décors naturels dantesques et transcendé par une photographie flamboyante, le célèbre conte des Frères Grimm se pare en l'occurrence d'un éclat nouveau pour cette relecture beaucoup plus sombre, voir même parfois horrifique si on le compare au chef-d'oeuvre de Walt Disney. Tout en respectant le matériau d'origine, Rupert Sanders prend soin de nous immerger dans un univers onirique où le merveilleux et l'effroi se télescopent pour mettre en lumière la lutte sempiternelle du Bien contre le Mal.



Afin de préserver son éternelle jeunesse, la reine maléfique Ravenna est contrainte de retrouver la princesse Blanche Neige, à peine échappée du cachot de son château, pour lui arracher son coeur. Réfugiée dans la forêt des ténèbres, Blanche va croiser sur sa route un valeureux chasseur puis septs nains débrouillards. Sur cette route semée d'embûches, ils vont devoir faire face à des rencontres hostiles ou pacifistes avec certaines créatures singulières. Mais leur alliance va surtout converger à l'offensive d'épiques affrontements afin de repousser l'armée hostile et annihiler la Reine. 

Féérie, fantasy, aventures, action et fantastique sont les ingrédients habilement dosés d'un conte notoire destiné à émerveiller sans l'outrance de la fioriture. Si l'amateur se révèle facilement impliqué et conquis, c'est grâce à la densité des personnages vaillants et l'intégrité d'un metteur en scène renouant avec les émotions d'antan. Car en éludant la trilogie du Seigneur des Anneaux et quelques autres charmantes fantaisies du type Narnia, il faut remonter aux années 80 pour retrouver ce sentiment noble de l'émerveillement avec des oeuvres picturales comme Legend, Labyrinth, Dark Crystal, l'Histoire sans Fin, Ladyhawke, voir peut-être aussi à moindre mesure, Willow.


Autant dire qu'un véritable souffle romanesque, épique et poétique plane sur sur les épaules de nos héros engagés dans une flamboyante odyssée émaillée de bravoures et d'imprévus ! Et pour crédibiliser au possible cette aventure fantasmagorique, chaque comédien charismatique réussit à donner chair à leur personnage héroïque ou méprisable. Avec originalité pour confectionner des effets spéciaux en CGI bluffant de réalisme, certaines séquences se révèlent magnifiques ou impressionnantes dans leur aptitude à créer la demi-teinte d'un univers hybride. Que ce soit le refuge obscur de la forêt des ténèbres, le raffinement édénique du sanctuaire, le combat saisissant avec un troll géant ou les métamorphoses maléfiques de la reine ainsi que son miroir déformant.

Dans le rôle délétère de la Reine noire, Charlize Theron livre une fois encore une performance innée dans sa faculté à exprimer les tourments obsessionnels d'une femme hantée par sa beauté physique. Mais aussi la déchéance galvaudée d'une fille préalablement soutirée à sa mère, pour être plus tard envahie d'une rancoeur vindicative vouée au mal absolu ! Kristen Stewart nous avait déjà prouvé qu'elle pouvait être une comédienne persuasive dans Welcome to the Riley ou Speak. En l'occurrence, sans transcender ses rôles les plus saillants, elle incarne avec fragilité la beauté suave d'une Blanche Neige attendrissante, également pourvue d'une bravoure courageuse à daigner mettre un terme aux agissements nihilistes de sa rivale vénale. Enfin, Sam Clafin et surtout Chris Hemsworth (en chasseur viril !) incarnent avec sobriété le profil belliqueux de guerriers délibérés à protéger leur princesse contre les forces du Mal.


Visuellement splendide, d'une féerie teintée d'horreur dans ses élans poétiques singuliers et agrémenté de batailles homériques, Blanche Neige et le Chasseur élude la mièvrerie redoutée dans le moule aseptisé du produit familial. Avec une certaine audace, il se réapproprie même des rôles majeurs impartis aux stéréotypes en leur privilégiant une personnalité plus névrosé ou farouche. Ce qui permet aussi de préconiser la dimension humaine et les enjeux dramatiques impartis à chaque personnage préoccupé. Alors que l'épilogue teinté d'ironie sous-jacente se prend un main plaisir à contourner le traditionnel happy-end idyllique imposé dans le conte de Grimm
Pour parachever, un excellent spectacle haut en couleurs réalisé avec modestie et dominé par la présence ensorcelante de Charlize Theron. Et rares sont les films où l'on se surprend à éprouver un soupçon d'empathie (la larme à l'oeil !) envers le coeur ruiné d'une mécréante. 

05.09.12
Bruno Matéï

lundi 3 septembre 2012

THE REVENANT


Photo empruntée sur Google, appartenant au site moviescreenplay.info 
de D. Kerry Prior. 2009. U.S.A. 1h53. Avec David Anders, Chris Wilde, Annie Abbott, Senyo Amoaku, , Anne Arles, Jeff Rector, Amy Correa, Louise Griffiths, , Cathy Shim.

Sorte salles U.S: 26 Septembre 2009

FILMOGRAPHIE: D. Kerry Prior est un réalisateur, scénariste et producteur américain
1996: Roadkill
2009: The Revenant


Inédit en salles dans l'hexagone (comme le fut antécédemment sa première réalisation, Roadkill), The Revenant est une comédie horrifique à l'aura quelque peu insolite dans son cheminement narratif aléatoire et son final à tiroirs. Interprété par un tandem attachant (David Anders/Chris Wilde), le pitch impromptu suit les vicissitudes de ces deux amis de longues dates, Joey et Bart, contraints de sombrer dans la justice meurtrière depuis que l'un d'eux est devenu un mort-vivant. Le film suit donc leurs errances nocturnes à travers la ville new-yorkaise pour la quête de sang frais afin de préserver la nouvelle existence dégénérative de Bart. Avec un certain code de conduite morale, ils décident de s'en prendre uniquement à la vie marginale de criminels, braqueurs, trafiquants de drogues et autres flics ripoux pour rassasier l'appétit vampirique de notre revenant. Si le film réussit à gagner rapidement la sympathie du spectateur, c'est grâce à la complicité amicale de nos deux lurons embarqués dans des situations aussi réalistes que farfelues et un concours de circonstances assez inopinées. En effet, on ne sait jamais où le scénario souhaite nous mener pour trouver une issue favorable aux exactions de nos héros et la réalisation distille parfois une certaine ambiance  hermétique pour les états d'âme contrariés de Bart.


C'est la vraisemblance du caractère saugrenu de la damnation impartie à Bart qui permet au spectateur de s'y impliquer naturellement, le réalisateur dosant habilement l'austérité de sa dimension psychologique et la cocasserie qui émane de l'attitude déconcertée des protagonistes. Par son côté décomplexé et délirant, on peut aussi penser à la bonhomie pittoresque de certaines séries B des années 80 réalisées sans prétention comme le sympathique Flic ou Zombie. Emaillé de dialogues ciselés, d'action sanglante, de gags débridés (l'utilisation inédite du gode électrique) et de rupture de ton dans sa dernière partie légèrement déroutante, The Revenant inspire une affection et emporte notre adhésion pour un alliage de comédie horrifique agréablement troussée. Il en résulte une série B avenante non exempte de petites maladresses (l'attitude subitement hostile de certaines protagonistes est trop vite expédiée) mais pourvue d'une personnalité à livrer un divertissement finalement inaccoutumé.


Un inédit décalé à découvrir qui aurait mérité à être reconnu malgré son succès dans divers festivals.

03.09.12
Bruno Matéï