lundi 25 novembre 2013

LE PROFESSIONNEL

                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site cinemotions.com

de Georges Lautner. 1981. France. 1h48. Avec Jean Paul Belmondo, Jean Desailly, Robert Hossein, Cyrielle Claire, Marie-Christine Descouard, Elisabeth Margoni, Jean-Louis Richard, Michel Beaune, Bernard-Pierre Donnadieu.

Sortie salles France: 21 Octobre 1981

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Georges Lautner est un réalisateur et scénariste français, né le 24 Janvier 1926 à Nice, décédé le 22 Novembre 2013 à Paris. 1958: la Môme aux boutons. 1959: Marche ou crève. 1962: L'Oeil du monocle. 1963: Les Tontons flingueurs. 1963: Des Pissenlits par la racine. 1964: Le Monocle rit jaune. 1964: Les Barbouzes. 1966: Ne nous fâchons pas. 1967: Le Grande sauterelle. 1968: Le Pacha. 1969: Sur la route de Salina. 1970: Laisse aller, c'est une valse. 1971: Il était une fois un flic. 1972: Quelques messieurs trop tranquilles. 1973: La Valise. 1974: Les Seins de glace. 1975: Pas ce problème ! 1976: On aura tout vu. 1977: Mort d'un pourri. 1978: Ils sont fous ces sorciers. 1979: Flic ou voyou. 1980: Le Guignolo. 1981: Est-ce bien raisonnable ? 1981: Le Professionnel. 1984: Joyeuse Pâques. 1984: Le Cowboy. 1985: La cage aux folles 3. 1986: La vie dissolue de Gérard Floque. 1988: La Maison Assassinée. 1989: Présumé dangereux. 1991: Triplex. 1991: Room service. 1992: l'Inconnu dans la maison.


Enorme succès en France (il totalise 5 243 511 entrées !) mais aussi au delà de nos frontières (en Allemagne il dépasse les 3 millions !), Le Professionnel a marqué toute une génération de spectateurs et forgé la réputation d'un acteur charismatique au naturel spontané. Film d'action populaire réalisé par un spécialiste du genre et réunissant pour la troisième fois le tandem Lautner/Bébel, Le professionnel n'a aujourd'hui rien perdu de son capital séducteur, à l'instar de l'inoubliable score d'Ennio Morricone: Chi Mai ! Tiré du roman, Mort d'une bête à la peau fragile de Patrick Alexander, le film nous relate la vengeance d'un émissaire qui était chargé d'abattre un président dictateur au Malagawi. Vendu par les services secrets français, il est finalement condamné au bagne par les autorités africaines. Deux ans plus tard, avec l'aide d'un complice, Joss Beaumont réussit à s'échapper et rentre à paris pour régler ses comptes. Réalisé avec savoir-faire et efficacement structuré, Le Professionnel est le modèle symptomatique du spectacle populaire alliant avec symétrie humour et action. Sur ce dernier point, il est à noter qu'au passage d'une course poursuite une cascade fut entièrement supervisée par le spécialiste en la matière, Rémy Julienne.


Outre la gestion d'un rythme sans faille et de son intrigue bien huilée multipliant rebondissements et revirement dramatique (son final inopiné reste sacrément audacieux pour délaisser le public !), le film doit aussi sa réussite grâce à sa galerie de protagonistes aussi couards qu'insidieux. Sévèrement malmenés par un professionnel véloce, ils vont tenter par tous les moyens de l'abattre afin d'occulter une machination ministérielle. Au sous-texte politique, et avec une belle ironie, Georges Lautner n'hésite pas à égratigner l'hypocrisie de nos ministres français à travers leurs relations diplomatiques auprès de l'état africain, tout en ridiculisant notamment le comportement lubrique d'un dictateur entaché d'une catin ! Dans celui de l'agent secret reconverti en transfuge, Jean Paul Belmondo reste fidèle à son image de séducteur mastard déployant une verve goguenarde (dialogues incisifs d'Audiard à l'appui !) et subterfuges afin de railler ses adversaires. Sa bonhomie extrêmement sympathique, son aisance naturelle et son charisme viril prouvent que l'acteur reste une icône du cinéma d'action dans le paysage hexagonal.


Combinant adroitement humour et action, parfois même lors des moments cruciaux (le duel entre Robert Hossein et Bébel est subitement dédramatisé par l'intervention d'un badaud nickelé !) et scandé des larges épaules de Bébelle Professionnel ne démérite pas son statut de classique populaire. Sublimé d'un thème élégiaque entêtant et agrémenté du charme (polisson) de ces actrices, on garde pour autant la gorge nouée face à l'aigreur de l'épilogue inopinément tragique. 

A Georges Lautner
25.11.13. 3èx
Bruno Matéï

samedi 23 novembre 2013

L'ATTENTAT

 
                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

de Ziad Doueiri. 2012. France/Belgique/Qatar/Belgique. 1h44. Avec Ali Suliman, Evgenia Dodina, Reymonde Amsellem, Dvir Benedek, Uri Gavriel, Ruba Salameh.

Récompense: Etoile d'Or au Festival du film de Marrakech

Sortie salles France: 29 Mai 2013

FILMOGRAPHIE: Ziad Doueiri est un réalisateur et scénariste arabe.
1998: West Beyrouth. 2004: Lila dit ça. 2012: L'Attentat


"Comment a t'elle pu un jour mettre une ceinture d'explosifs et se faire exploser au milieu d'un restaurant ? comment ?"
Je pense que les terroristes ne comprennent pas vraiment ce qui leur arrive.
Quelque chose change dans leur cerveau et ils ne sont plus les mêmes.
Ca peut arriver à n'importe qui, ça peut te tomber dessus comme une tuile ou te ronger de l'intérieur
et après tu ne vois plus le monde de la même façon.
T'attends juste le moment de franchir le pas !


Sur un thème d'actualité brûlant, l'attentat-suicide chez les kamikazes compromis au conflit israélo-palestinien, le réalisateur Ziad Doueri livre un drame bouleversant en évitant l'écueil de la morale ou de l'apologie. Avec une profonde humanité, il nous retranscrit le cheminement désespéré d'un éminent médecin, en quête de vérité pour tenter de comprendre l'exaction d'un attentat commis par sa propre femme. Responsable de la mort innocente de 11 victimes dans un restaurant de Tel Aviv, cette jeune palestinienne semblait auparavant une femme équilibrée dénuée d'une quelconque haine intégriste. C'est ce que le film nous remémore avec l'alternance de flash-back où le couple était en harmonie amoureuse. Avec humilité et sensibilité aiguë, L'Attentat s'attache notamment à dépeindre le mal-être de deux patries en guerre, incapables de trouver une solution pacifique à leur problème. Avec sa réalisation limpide dénué de logorrhée inutiles, le film prend aux tripes dans son sens de la dignité et tente de nous expliquer les motivations morales qui ont pu conduire un kamikaze à perpétrer un acte aussi lâche. En évitant les clichés usuels du manichéisme, le réalisateur insiste surtout à mettre en avant la dimension humaine du mari perplexe et de sa femme révoltée, témoin malgré elle du résultat d'un génocide à Jenine, et donc intérieurement rongée par son accablement et sa honte. Face à cette rancœur inconsolable ne lui reste plus qu'adouber sa loi du talion, c'est à dire agir en tant que martyr afin de venger l'honneur de sa patrie et le sacrifice des innocents.   


"Nous ne sommes pas des fanatiques ni des islamistes, nous sommes un peuple qui se bat par tous les moyens pour retrouver sa dignité"
Mis en scène avec une incroyable pudeur et filmant ses personnages tourmentés au plus près de leur sentiments, L'Attentat s'accapare de notre éthique avec une rare puissance émotionnelle pour établir un regard nouveau sur l'expression des Kamikazes. Face au thème brûlant si brillamment illustré, le fait qu'il n'apporte aucune solution pour panser la haine des peuples nous implique personnellement dans un sentiment de désespoir et d'injustice. Au-delà de souligner l'humilité de ces personnages meurtris, l'Attentat n'oublie pas pour autant de transcender une déchirante histoire d'amour où l'amertume de sa conclusion risque de vous chavirer vers un collapse inconsolable.

Un grand merci à Pascal Frezzato
23.11.13
Bruno Matéï
                                

vendredi 22 novembre 2013

La Baie Sanglante / Reazione a catena / Ecologia del delitto

                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site 50ansdecinema.wordpress.com

de Mario Bava. 1971. Italie. 1h24. Avec Claudine Auger, Luigi Pistilli, Claudio Camaso, Anna Maria Rosati, Chris Avram, Leopoldo Trieste, Laura Betti.

Sortie salles France: 22 Mars 1973. Italie: 1971

FILMOGRAPHIE: Mario Bava est un réalisateur, directeur de la photographie et scénariste italien, né le 31 juillet 1914 à Sanremo, et décédé d'un infarctus du myocarde le 27 avril 1980 à Rome (Italie). Il est considéré comme le maître du cinéma fantastique italien et le créateur du genre dit giallo. 1946 : L'orecchio, 1947 : Santa notte, 1947 : Legenda sinfonica, 1947 : Anfiteatro Flavio, 1949 : Variazioni sinfoniche, 1954 : Ulysse (non crédité),1956 : Les Vampires (non crédité),1959 : Caltiki, le monstre immortel (non crédité),1959 : La Bataille de Marathon (non crédité),1960 : Le Masque du démon,1961 : Le Dernier des Vikings (non crédité),1961 : Les Mille et Une Nuits,1961 : Hercule contre les vampires,1961 : La Ruée des Vikings, 1963 : La Fille qui en savait trop,1963 : Les Trois Visages de la peur, 1963 : Le Corps et le Fouet, 1964 : Six femmes pour l'assassin, 1964 : La strada per Fort Alamo, 1965 : La Planète des vampires, 1966 : Les Dollars du Nebraska (non cédité), 1966 : Duel au couteau,1966 : Opération peur 1966 : L'Espion qui venait du surgelé, 1968 : Danger : Diabolik ! , 1970 : L'Île de l'épouvante ,1970 : Une hache pour la lune de miel ,1970 : Roy Colt e Winchester Jack, 1971 : La Baie sanglante, 1972 : Baron vampire , 1972 : Quante volte... quella notte, 1973 : La Maison de l'exorcisme, 1974 : Les Chiens enragés,1977 : Les Démons de la nuit (Schock),1979 : La Venere di Ille (TV).il va inventer 13 manières de tuer


Véritable chef-d'oeuvre du néo giallo, avant-coureur du psycho-killer dont Sean S. Cunninghan reprendra le concept de manière autrement triviale (Vendredi 13), la Baie Sanglante supporte le poids des décennies de par son pouvoir de fascination érigé sous une nature automnale, théâtre macabre d'une hécatombe meurtrière. Le pitchAprès le meurtre d'une comtesse et de son époux, leur fils et deux couples sans vergogne vont tenter de s'emparer de leur propriété située à proximité d'une baie. A partir d'un scénario machiavélique alignant une succession de meurtres d'un gore assez cru, Mario Bava redouble d'efficacité afin d'illustrer le jeu de massacre d'une poignée d'antagonistes aussi cupides que véreux dans leur requête d'une vaste propriété. Ce qui frappe d'emblée quand on se replonge dans les eaux troubles de La Baie Sanglante, c'est le contraste saisissant impartie à la beauté rassurante de la nature et la cruauté des meurtres outranciers qui en découle (zooms insistants sur les plaies entaillées).


Car face aux agissements putanesques de personnages cyniques s'entretuant pour l'acquisition d'un lieu touristique, Mario Bava y dépeint une métaphore sur le respect de l'écologie. Comme si la baie semblait éprise de rancoeur et d'imprécation face à l'attitude désinvolte de ces étrangers. Car en bafouant ce lac par leurs exactions sanglantes ainsi qu'un viol pour le transformer en station balnéaire (voire, une plaque de béton !), la baie semble observer leur mépris avec mélancolie (score élégiaque à l'appui). Ainsi, au coeur de ce pathétique conflit entre amants bornés, et pour rajouter le côté disproportionné de ce massacre organisé, quatre jeunes ados vont pénétrer par effraction dans la propriété puis faire les frais de leur curiosité après la découverte d'un noyé. Ce scénario implacable toujours plus jouissif dans les stratégies perfides émises par nos énergumènes, Mario Bava le dirige avec une maestria géométrique et un sens visuel sépia (et azuré pour les séquences de nuit) qui laisse pantois d'admiration (tout du moins en Blu-ray). La poésie macabre de ses images oniriques ou morbides demeure d'autant plus envoûtante auprès d'un jeu nuancé de lumière sensuelle pour nous susciter une trouble émotion. Et ce jusqu'à l'ironie délibérément grotesque d'un épilogue tristement dérisoire, score primesautier à l'appui.


Ecologie du délit. 
Au score inoubliable de Stelvio Cipriani qui enveloppe le récit et à la mise en scène stylisée de Bava, La Baie Sanglante s'édifie en pierre angulaire du cinéma d'horreur où l'audace gore se compromet à l'élégance d'un érotisme macabre. L'efficacité cinglante de son scénario impliquant une galerie assez pitoyable d'antagonistes rustres exacerbant sans répit son pouvoir émotionnel chargé de dérision caustique anti capitaliste. Une oeuvre d'art au sens le plus épuré à redécouvrir d'urgence tant son trouble pouvoir de fascination nous hante l'esprit avec plaisir masochiste inextinguible. 

*Bruno
22.11.13. 
20.02.24. 7èx. VF car version anglaise doublée



jeudi 21 novembre 2013

TERREUR DANS LE SHANGAI EXPRESS (Horror Express / Pánico en el Transiberiano)

                                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site ohmygore.com

de Eugenio Martin. 1972. Angleterre/Espagne. 1h30. Avec Christopher Lee, Peter Cushing, Alberto de Mendoza, Silvia Tortosa, Julio Pena, Helga Line, Telly Savallas.

Récompense: Médaille CEC en 1972 au Festival International de Catalogne, à Sitges.

FILMOGRAPHIE: Eugenio Martin est un réalisateur et scénariste espagnol, né en 1925 à Grenade.
1965: L'uomo di Toledo. 1966: Les Tueurs de l'Ouest. 1969: La vida sigue igual. 1971: Les 4 Mercenaires d'El Paso. 1972: Terreur dans le Shangaï express. 1973: La Chica del Molino Rojo.


Bisserie ibérique bien connue des cinéphiles des années 80 puisque le film sortit au prémices de la VHS, Terreur dans le Shangaï Express allie harmonieusement science-fiction et épouvante d'après un pitch inspiré de The ThingEn chine, un paléontologue fait la stupéfiante découverte d'un fossile mi-humain, mi-singe. Il décide de le rapatrier à Moscou en empruntant le train. Mais à bord, une série de morts mystérieuses commence à ébranler les passagers, les victimes étant retrouvées aveugles. 


Série B modeste aux moyens minimalistes mais transcendée d'une imagination sans borne et le talent de ces illustres interprètes (Christopher Lee et Peter Cushing se partagent la vedette avec un habituel snobisme alors que Telly Savallas cabotine en cosaque castrateur !), Terreur dans le Shangaï-Express joue la carte du divertissement efficient avec énormément de charme. C'est de prime abord l'aspect débridé des motivations de la créature ainsi que sa physionomie rubigineuse qui fascinent le spectateur. Car sous son apparence glauque et velue se cache un extra-terrestre exilé sur terre depuis des millions d'années. Son but: nous annihiler par l'intelligence de notre cerveau en l'absorbant pour se nourrir de nos connaissances. Par son regard rutilant, elle hypnotise chacune de ses victimes jusqu'à ce que leurs yeux ensanglantés soient rendus aveugles ! En prime, à l'instar de La Chose, et pour mieux détourner l'attention de ces ennemis, elle possède la faculté d'usurper les corps humains par le simple esprit de sa pensée. Ce pitch génialement improbable, Eugenio Martin le trousse avec une ironie macabre (à l'instar de l'intégriste insidieux prêt à corrompre son âme pour le prix de la vérité !) et un sens de l'action horrifique fertile en rebondissements. D'autant plus que le lieu de claustration s'avère bien choisi afin d'y diluer l'angoisse. Car à bord du Shangaï-express, depuis que les cadavres pleuvent, la paranoïa se distille peu à peu auprès des passagers et ne cessent d'interroger un duo de scientifiques à l'affût. D'ailleurs, au fil de leur investigation pour démystifier l'objectif de la chose, ils iront de découvertes en révélations (comme le fait que la mémoire de la chose est uniquement confinée à l'intérieur de l'oeil !). Enfin, pour parachever, le réalisateur culmine vers une issue catastrophiste (déraillement ferroviaire à l'appui !) où les morts récalcitrants vont se relever pour importuner les vivants !


Le Monstre aux yeux rouges
Nanti d'un scénario fantasque multipliant les idées extravagantes et campé par des vétérans notoires issus de l'horreur vétuste, Terreur dans le Shangaï-Express épouse un cachet bisseux parmi le soin de maquillages modestes mais qualitatifs et de l'originalité d'une mélodie entêtante. Son esprit iconoclaste d'allier science-fiction alarmiste et horreur cheap au sein d'une scénographie inédite renforcent le caractère débridé d'une série B bonnard aujourd'hui considérée comme culte. Et c'est à ne rater sous aucun prétexte. 

21.11.13. 4èx
Bruno Dussart

mercredi 20 novembre 2013

LA PORTE DU PARADIS (Heaven's Gate)

                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site impawards.com

de Michael Cimino. 1980. 3h37 (Director's Cut). Avec Kris Kristofferson, Christopher Walken, Isabelle Huppert, Jeff Bridges, John Hurt, Sam Waterston, Richard Masur, Brad Dourif, David Mansfield, Terry O'Quinn.

Sortie salles U.S: 19 Novembre 1980

FILMOGRAPHIE: Michael Cimino est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 3 février 1939 à New-York.
1974: Le Canardeur. 1978: Voyage au bout de l'enfer. 1980: La Porte du Paradis. 1985: L'Année du Dragon. 1987: Le Sicilien. 1990: La Maison des Otages. 1996: The Sunchaser. 2007: Chacun son cinéma - segment No Translation Needed.


Chef-d'oeuvre maudit du cinéma hollywoodien, de par son échec cinglant qui valut la faillite de United Artists, La Porte du paradis renaît aujourd'hui par le support du blu-ray dans une version director's cut entièrement supervisée par son réalisateur.

Retraçant un triste épisode de l'histoire américaine après la guerre de sécession (la bataille du comté de Johnson de 1890 qui opposa des mercenaires contre des immigrants d'Europe de l'Est), Michael Cimino démonte les mécanismes de la guerre sous l'insurrection de ces expatriés, condamnés à être exécutés pour anarchisme et vol chez les propriétaires de bétail. Au coeur de ce conflit sanglant, un shérif aigri et un mercenaire raciste vont participer à cette sédition tout en se disputant l'amour d'une tenancière de bordel.


Fresque monumentale d'une durée excessive de 3h37, La porte du Paradis est un western romanesque d'une ampleur démesurée dans le déploiement de ses moyens faisant intervenir des milliers de figurants au sein de paysages immaculés. Souffle épique et lyrique se côtoient avec le sens ambitieux d'une mise en scène circonspecte prenant son temps à élucider un épisode peu glorieux de l'ouest américain. Outre le fait de dénoncer une Amérique fasciste et xénophobe, hostile à tout étranger venu s'exiler sur leur patrie, Michael Cimino s'intéresse surtout à dépeindre les tourments d'un trio romanesque impliqué dans une situation politique qui leur échappe. De par leur divergence morale (Nathan est un tueur exerçant pour le syndicat des éleveurs alors que son acolyte James est prêt à défendre les démunis) et leur fragilité humaine (leur rancoeur compromise par l'infidélité amoureuse), le réalisateur décrypte leur remise en cause avec une acuité prude. Par la faute d'une idylle indécise, ces deux acolytes vont finalement se mesurer à leur aplomb pour la sauvegarde d'une catin depuis que cette dernière est consignée sur la liste noire des 125 immigrants (elle est coupable de rameuter sa clientèle étrangère contre du bétail volé). Alors que James se morfond dans la peine et tente de digérer sa rupture amoureuse, Nathan va peu à peu renoncer à ses activités de mercenaire réactionnaire afin de prémunir celle qu'il aime ! A sa réflexion sempiternelle apposée sur l'aboutissement de la guerre, Michael Cimino dépeint surtout l'état d'âme de personnages complexes asservis par un enjeu belliqueux et compromis par une romance en perdition. Il traite notamment de la vieillesse qui s'étiole inexorablement, du regret du temps passé alors que le chagrin d'un homme est engendré par le dépit amoureux.


Autant en emporte le vent
D'une intensité émotionnelle bouleversante et jalonné de batailles homériques hallucinantes de virtuosité, La Porte du Paradis sublime la romance de trois amants inconsolables, embourbés dans la barbarie d'une guerre inéquitable. A travers une page sordide de l'expansion d'une bourgeoisie ricaine, ce western contemplatif célèbre le courage et confine au vertige de la tragédie pour le sacrifice émis aux martyrs du chaos ! 
Un monument en état de grâce, à l'image des ses illustres comédiens transis d'humanisme versatile, déchirant et inoubliable !

20.11.13
Bruno Matéï

lundi 18 novembre 2013

La Sentinelle des Maudits (The Sentinel)

                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site Ecranlarge.com

de Michael Winner. 1977. U.S.A. 1h35. Avec Christina Raines, Ava Gardner, Chris Sarandon, Burgess Meredith, Sylvia Miles, José Ferrer, Arthur Kennedy, John Carradine, Christopher Walken, Eli Wallach, Jerry Orbach, Jeff Glodblum, Beverly D'Angelo, Martin Balsam, William Hickey, Tom Berenger.

Sortie salles U.S: 7 Janvier 1977

FILMOGRAPHIEMichael Winner est un réalisateur britannique né le 30 Octobre 1935 à Londres.
1967: Qu'arrivera t'il après ?, 1971: les Collines de la Terreur, 1971: l'Homme de la loi, le Corrupteur, 1972: Le Flingueur, 1973: le Cercle noir, 1973: Scorpio, Un justicier dans la ville, 1976: Won ton ton, 1977: la Sentinelle des Maudits, 1978: le Grand Sommeil, 1979: l'Arme au poing, 1982: Un justicier dans la ville 2, 1985: le Justicier de New-York, 1988: Rendez-vous avec la mort, 1993: Dirty Week-end.

                               
Surfant sur la vague des succès satanistes de l'époque, Michael Winner s'essaie au genre horrifique en portant à l'écran un roman de Jeffrey Konvitz, The Sentinel. Entouré d'une pléiade de stars peu habituées à fréquenter le genre, cette curieuse série B nantie d'une certaine renommée a depuis gagné un échelon de vilain p'tit canard déviant. Le pitchEn guise d'indépendance, Alison Parker décide de quitter le foyer de son fiancé pour s'installer dans un appartement à Brooklyn. Rapidement, d'étranges évènements se manifestent, à l'instar des bruits entendus la nuit au dessus du plafond de sa chambre ou de la rencontre improvisée avec ses voisines saphiques. Alors que du haut d'une fenêtre du dernier étage, un vieillard aphone semble scruter les environs. En dépit de sa réalisation académique et d'une partition musicale triviale, La Sentinelle des Maudits parvient à captiver de par l'inquiétude latente régie autour d'un sinistre immeuble. Emaillé de séquences chocs parfois sanguinolentes (le corps nu du père d'Alison tailladé à coups de couteau !) et de visions d'effroi (le final mémorable érigé autour d'une "monstrueuse parade" !), Michael Winner souhaite de toute évidence provoquer un malaise hétérodoxe au vu du caractère déviant des situations. 
                             

Si bien qu'au rythme des hallucinations successives que notre héroïne endure (la charmante Christina Raines insuffle d'ailleurs une densité humaine lestement fragile à travers ses questionnements en suspicion et son émoi suicidaire de dernier ressort), le réalisateur laisse libre court à une imagerie lubrique à travers l'orgie de vieillards dévergondés et de l'insolent libertinage de lesbiennes insatiables ! (sur ce dernier point, séquence burnée d'une masturbation malaisante à la limite du X). De par le caractère interlope d'une intrigue assez bien construite et du mystère diffus qui s'ensuit, la Sentinelle des Maudits puise son intensité au gré des vicissitudes que l'héroïne tente d'éclaircir parmi le bénéfice du clergé et du soutien de son amant. Par l'entremise de ce mari peu empathique, autrefois suspecté du meurtre de son ancienne épouse, la plupart des autres personnages qui empiètent le récit s'avèrent tous aussi distants, austères, discrets, équivoques, voirs désincarnés. A l'instar du comportement ambivalent de Monseigneur Franchino ou de l'investigation infructueuse du flic arrogant en mal de reconnaissance. Le jeu cabotin de ce dernier cultivant un goût douteux pour la parano à travers ses suspicions excentriques.


Modestement réalisé en privilégiant avec succès un climat d'étrangeté subtilement perméable au sein d'une ambiance malsaine parfois épeurante de par ses visions d'effroi nécrosées, La Sentinelle des Maudits fait office de must horrifique à travers sa galerie de personnages sclérosés où la folie macabre y martyrise l'héroïne en porte à faux ! De par l'habileté des maquillages de Dick SmithMichael Winner y transfigure en intermittence une poignée de mémorables séquences cauchemardesques inscrites dans la putréfaction.
                             
Dédicace à Guillaume Matthieu

*Eric Binford
14.04.11. 
18/11/13.
22/07/21. 4èx

vendredi 15 novembre 2013

WE ARE WHAT WE ARE

                                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site geektyrant.com

de Jim Mickle. 2013. France/U.S.A. 1h45. Avec Kelly McGillis, Michael Parks, Wyatt Russell, Ambyr Childers, Julia Garner, Bill Sage.

Sortie salles France: Prochainement. U.S: 18 Janvier 2013

FILMOGRAPHIE: Jim Mickle est un réalisateur et scénariste américain.
2006: Mulberry Street. 2010: Stake Land. 2013: We are what we are.


Jim Mickle nous avait déjà surpris avec Mulberry Street, un premier film maladroit et redondant mais plutôt prometteur dans sa vision apocalyptique d'un monde contaminé par un mystérieux virus. Son second essai, Stake Land nous a assuré un survival post-apo perfectible mais plein de bonnes intentions dans sa réactualisation du mythe vampirique tout en dressant un joli portrait de fuyards farouches. Avec We are what we are, le réalisateur grimpe d'un échelon dans sa maîtrise de réalisation pour décrire en l'occurrence une histoire de cannibalisme inscrite dans notre époque contemporaine ! Faute d'une vieille tradition, une famille est contrainte de perpétrer une fois par an un acte de cannibalisme afin d'honorer la survie de leurs descendants. Mais une tempête torrentielle finit par dévoiler à la police certains indices d'ossements retrouvés aux abords d'une rivière.


Partant de l'idée originale du film mexicain Ne nous jugez pas, Jim Mickle réexploite intelligemment le filon sans passer par la mode du remake. Si les 45 premières minutes peinent à démarrer, faute d'un rythme languissant où l'ambiance dépressive exacerbe ce sentiment de désuétude, la narration va progressivement accroître un intérêt dans la caractérisation interlope d'une famille religieuse. Avec l'élégance d'une photo limpide aux images parfois ténues, We are what we are traite ici de fondamentalisme sous l'autorité d'un paternel entièrement voué à la cause de Dieu pour la théorie du cannibalisme. Rongés par le chagrin depuis la mort accidentelle de Mme Parker, ses deux filles ainsi que le fils cadet vont devoir se mesurer à son intransigeance afin de perpétrer une tradition inscrite dans la filiation. Si le film exploite habilement ce thème grand-guignolesque pour dénoncer l'intégrisme, il le traite d'autant mieux avec une densité psychologique vis à vis de la posture démunie des enfants et le souci réaliste de nous familiariser avec cette lignée recluse. Avec fragilité, le metteur en scène se focalise sur le fardeau désespéré des soeurs Parker (les actrices dévoilent naturellement un jeu glaçant d'anémie !), contraintes d'obtempérer au paternel pour assassiner de sang froid une pauvre fille enchaînée dans la cave. Mais rongées de remord et de honte, leur regain de pudeur est peut-être un pas vers la rédemption, d'autant plus que l'innocence de leur petit frère est à prémunir. Emaillé de séquences-chocs parfois inattendues, We are what we are met à mal à nos émotions d'empathie et nous extériorise un malaise lattent vis à vis du replis des soeurs Parker. Qui plus est, au rythme d'une musique monotone, le film véhicule sans fioriture un climat diaphane en osmose avec le climat pluvieux d'une rivière jonchée d'ossements humains. Plongé dans l'existence esseulée de cette famille en perdition, le spectateur semble, à l'instar des deux soeurs, abandonné à la solitude, même si l'une d'entre elles est sur le point de se réconforter dans les bras de l'adjoint du shérif. En poussant le bouchon très loin, le réalisateur va intensifier le drame psychologique qui se noue inévitablement en élaborant au final un affrontement paroxystique où l'explosion de l'horreur va sévèrement ébranler les plus sensibles d'entre nous !


En cinéaste avisé réfractaire aux artifices usuels du divertissement, Jim Mickle livre avec We are what we are son film le plus abouti et original dans une démarche auteurisante et avec l'entremise d'une interprétation hors-pair. En résulte une oeuvre austère remplie de mélancolie et de silence lourd, à mi-chemin entre le conte social (le père est comparable à la figure de l'ogre insatiable !) et l'horreur extrême (la barbarie hallucinée qui en découle face à l'achèvement punitif). 

15.11.13
Bruno Matéï

jeudi 14 novembre 2013

LA RESIDENCE (la residencia /The house that screamed/Gli orrori del liceo femminile)

                                                        Photo empruntée sur Google, appartenant au site horrorpedia.com

de Narcisso Ibañez Serrador. 1969. Espagne. 1h40. Avec Lilli Palmer, Christina Galbo, John Moulder Brown, Pauline Challoner, Tomas Blanco, Candida Losada, Mary Maude.

Sortie salles France: 9 Août 1972

FILMOGRAPHIE: Narciso Ibanez Serrador est un scénariste, producteur et réalisateur uruguayen, né le 4 Juillet 1935 à Montevideo (Uruguay).
1969: La Résidence. 1976: Les Révoltés de l'An 2000


Chef-d'oeuvre d'épouvante gothique à l'aura perverse d'autant plus trouble qu'elle découle du refoulement de jeunes collégiennes (défilé d'actrices particulièrement vénéneuses !), La Résidence est un acmé de l'angoisse où l'ombre du tueur giallesque plane derrière les murs d'une geôle scolaire.
Le pitch: Thérèse, nouvelle collégienne d'un internat du sud de la France, est confrontée à la discipline d'une directrice n'hésitant pas à flageller les filles insolentes. Alors qu'Isabelle part rejoindre une nuit le fils de l'administratrice, elle disparaît sans laisser de traces. 


Pour tous les amoureux d'épouvante séculaire à l'ambiance gothique littéralement ensorcelante, La Résidence est une clef de voûte ibérique d'une puissance émotionnelle diaphane ! Car à travers la claustration d'un pensionnant de jeunes filles, sévèrement perturbées par la dictature d'une matriarche (en tenue étriquée d'Ilsa Fraulein, Lili Palmer vampirise et éructe d'ambiguïté masochiste !), Narciso Ibanez Serrador nous plonge dans les racines de la perversité sous la mainmise du conservatisme et d'une sociopathie. Préfigurant les figures baroques de Suspiria (la scénographie prégnante est constituée d'un internat pratiquement féminin, la directrice s'accoutre d'une posture aussi rigide que Miss Tanner et l'expérimentation des meurtres s'influence de stylisme charnel), La Résidence possède ce même magnétisme environnemental où le mal semble s'être infiltré en interne des murs. Ainsi, en pleine possession de son talent de conteur (cheminement ombrageux en crescendo) et de maîtrise technique (mouvements de caméra fluides), Narciso Serrador y transcende un univers mortifère extrêmement immersif, de par la caractérisation effrontée des personnages que du point de vue d'un assassin invisible constamment voyeur ! Et donc, à travers l'ombre du suspect et de l'austérité de l'enseignante, la manière latente dont le réalisateur façonne un sentiment d'oppression s'avère résolument incisive si bien que l'effet de suggestion prime le plus souvent avant la cruauté des exactions (flagellations punitives sur les enseignantes rogues et meurtres vertigineux auprès des plus candides !).


Ainsi, sous le même mode opératoire de Psychose, le réalisateur distille une montée progressive du suspense en jouant sur l'angoisse d'une menace sourde et se délecte à broder une relation (limite) incestueuse à travers les rapports intimes de la directrice et de son rejeton pubère. Avec une audace encore plus insolente qu'Alfred Hitchcock, Spoiler !!! le cinéaste ose supprimer au bout au bout d'1h13 son héroïne principale (du moins le personnage le plus candide et attachant) ! Fin du Spoiler. Au climat malsain diffus instauré par la directrice saphique (quinquagénaire attirée par les jeunes collégiennes et d'autant plus amoureuse de sa comparse sadienne), la contagion du vice semble propager la plupart des pensionnaires ! Tant auprès de leurs coucheries récurrentes avec un paysan, de leurs fantasmes sexuels durant une séance de couture ou encore de la draguerie de l'une d'elles sous la douche face à la gouvernante en émoi ! Autant dire que derrière ce portrait d'étudiantes insidieuses s'y cache un malaise existentiel causé par l'intolérance, le fanatisme religieux et le fétichisme d'une mégère interlope. Quand au point d'orgue révélateur, Narciso Serrador enfonce le clou du nihilisme afin d'y transcender une anthologie de l'effroi Spoiler !!! causée par l'obscurantisme d'une doctrine parentale Fin du Spoiler  (d'ailleurs, un certain Lucky McKee a du s'en inspirer pour brosser l'introspection meurtrière de May). Qui plus est, sa dernière image littéralement dérangeante viendra nous hanter bien au-delà du générique final !


Profondément pervers, poisseux et malsain mais terriblement immersif de par son pouvoir de fascination irrépressible, La Résidence sublime au possible sa scénographie gothique au sein d'une résidence rubigineuse. Sa splendide photo sépia renforçant l'aura vénéneuse de ses collégiennes en rut, faute de l'endoctrinement de leur hiérarchie asexuée. Démonial, déviant, effronté à travers une terreur vertigineuse !


14.11.13. 3èx
Bruno 





mercredi 13 novembre 2013

MODUS ANOMALI

                                                                Photo empruntée sur Google, appartenant au site pixagain.org

de Joko Anwar. 2012. Indonésie. 1h26. Avec Rio Dewanto, Hannah Al Rashid, Izzi Isman.

Sortie le 15 mai 2013

FILMOGRAPHIE: Joko Anwar est réalisateur, acteur et scénariste indonésien, né le 3 Janvier 1976
2005: Janji Joni. 2007: Dead Time: Kala. 2009: Pintu terlarang. 2012: Modus Anomali.


Survival indonésien goguenard et retors dans sa réhabilitation des codes du genre, Modus Anomali emprunte au suspense d'une énigme aussi confuse que déconcertante. A travers la fuite désespérée d'un quidam amnésique, perdu au beau milieu d'une forêt hostile, Joko Anwar livre un implacable thriller constamment imprévisible dans son lot de revirements abrupts !

Dans une forêt, un homme s'extirpe de la terre après avoir été enterré vivant. Poursuivi par un tueur sans visage, il se rend dans une maison abandonnée. A l'intérieur, il découvre la vidéo du meurtre de sa femme enceinte. Qu'en est-il de ses deux enfants ? La traque pour les retrouver et échapper au meurtrier ne fait que commencer ! 


Dans une mise en scène originale et inventive (la caméra exploite les décors et scrute la paranoïa du héros avec un sens du cadrage hétérodoxe !), le réalisateur distille une ambiance monocorde des plus déroutantes. Par le silence feutré de la végétation et l'attitude taciturne des protagonistes, Modus Anomali souhaite bousculer les habitudes du spectateurs embarqué dans un jeu de rôle hermétique. En prime, au sein de cette survivance de longue haleine, la manière dont le tueur utilise la paranoïa du héros laisse extérioriser une cruauté à l'humour noir grinçant pour les dommages collatéraux. Émaillé d'indices et de pièges, Joko Anwar fait donc subir à son personnage nombres d'épreuves physiques (sa planque dans une malle étroite alors qu'un feu est entrain de se propager !) et psychologiques ATTENTION SPOILER ! (le sort réservé à ses propres enfants, FIN DU SPOILER sa haine toujours plus viscérale de vouloir étriper son bourreau !) que n'aurait pas renié John Rambo et Evil Ash ! Cette atmosphère crépusculaire d'une forêt particulièrement délétère auquel un tueur s'y est planqué nous place dans une situation de doute, à l'instar du héros incessamment persécuté ! Sans céder à une esbroufe spectaculaire, le réalisateur opte le plus souvent sur le climat tendu d'un environnement étrangement onirique (la forêt superbement éclairée semble insuffler de temps à autre une aura fantasmatique héritée des contes de fée !) tout en nous ébranlant sur le caractère violent de certains évènements. 
Passée cette première heure aussi déroutante qu'irrésistiblement inquiétante, la dernière partie va littéralement bouleverser la  destinée de notre survivant dans une mise en abîme désarçonnante ! Si personnellement, j'ai été stupéfié de la tournure du revirement, il n'en sera pas du goût de tout le monde, tant son twist révélateur laisse certaines questions et réflexion en suspens !


Original et surprenant, mais déroutant et parfois incohérent dans ses facilités requises, Modus Anomali a au moins le mérite de proposer un survival détonnant dans sa structure insolite à double niveau de lecture. Le choc qui en émane (la stupeur des meurtres s'avère toujours plus dérangeante face à la réaction du héros) et les ruptures de ton accordées laissent en mémoire un ovni audacieux conçu pour diviser son public et s'interroger sur la riposte de la violence. 

13.11.13
Bruno Matéï

lundi 11 novembre 2013

MEMORY OF THE DEAD (court-métrage).


de Pascal Frezzato. 2013. France. 20 mns. Avec Isabelle Rocton, Bruno Dussart, Caroline Masson, Christophe Masson, Adrien Erault, David Hamon, Camille Houlbert, Maxime Loiseau, Marina Poulet, Matthieu Lemercier, Eugene Rocton et Jean Bastien Erault

FILMOGRAPHIE: Pascal Frezzato est un réalisateur français de court-métrage, né le 4 Décembre 1972.
2010/11: Predator. 2012: Le Règne des Insectes. 2013: Memory of the dead.


Entreprise autrement plus ambitieuse que celle du Règne des Insectes (en rapport à sa scénographie plus hétérogène exploitant ici des décors naturels, ces comédiens amateurs plus nombreux et un planning de tournage plus imposant), Memory of the Dead est le troisième essai de Pascal Frezzato dans la cour des courtsLa gestation de ce projet de longue haleine, nous la devons d'abord à la scénariste et comédienne Isabelle Rocton (jouant ici son 1er rôle à l'écran) qui souhaitait rendre hommage au mythe du zombie d'une manière toute intime.
Partant de la même théorie nihiliste que le Règne des Insectes (l'apocalypse sans espoir de rédemption), Memory of the Dead traite de la survie des infectés (on les prénomme ici les "Z") après que la 3è guerre mondiale ait éclaté. A partir de cet argument linéaire, Pascal Frezzato livre un hommage Bis au film de zombie dans sa pure tradition, à l'instar du pré-générique où quelques zombies déambulent au milieu des champs. A travers cette belle séquence filmée en plan large, on pense inévitablement à La Nuit des Morts-vivants de Romero, alors que la scène suivante (leur promenade sur le parking d'un supermarché) évoque le panthéon du genre: Dawn of the Dead
Passée cette première ébauche du chaos, nous entrons ensuite de plein pied dans l'intimité d'un dîner particulièrement inconvenant ! Le repas dégueulbif de trois infectés avachis sur une victime éventrée ! De manière percutante, et à l'aide de gros plans insistant sur la chair des viscères, le réalisateur semble subitement habité par une audace graphique quelque peu expérimentale. Les effets spéciaux, bricolés et minimalistes, s'avèrent assez efficaces dans leur texture graphique, d'autant mieux privilégiés par un habile montage. A contrario, on peut tout de même reprocher que la caméra s'attarde un peu trop sur l'appétit vorace d'une zombie en particulier, lorsque cette dernière mâchouille longuement un intestin ! A noter également que la qualité des maquillages de latex confectionnés pour les zombies s'avère assez impressionnante (en priorité le faciès menaçant que Isabelle Rocton porte avec ténacité !). 
Face à cette débauche gore complaisamment étalée, on peut songer aux effluves d'un Joe d'Amato en pleine renaissance ou d'un Jesus Franco pas encore remis de Mondo Cannibale. On imagine alors que la suite à venir sera sans doute du même acabit ! Que nenni, puisque durant sa dernière partie, le métrage bifurque diamétralement pour adopter une démarche très intime (à l'instar du final désenchanté du Règne des Insectes). 


C'est durant ses 10 dernière minutes, face à l'errance solitaire d'une femme zombie, que Memory of the Dead va enfin pouvoir décoller pour dévoiler ses ambitions premières. A travers le cheminement instinctif d'une morte-vivante, le film va subitement explorer son état de conscience comme George Romero l'avait préalablement su traiter dans le Jour des Morts-vivants. La perte de l'être cher face à une réminiscence infantile ! C'est ce que cette infectée souhaite se remémorer durant la visite de son ancienne demeure, où sa démarche nonchalante va l'entraîner vers le refuge tamisé de sa chambre. A l'aide d'un magnifique score élégiaque, l'ambiance mortifère qui imprégnait le métrage va subitement altérer pour extérioriser une amertume délicate ! Tristesse, accablement, colère et regret sont les nouveaux sentiments exprimés du point de vue de ce cadavre rongé par le souvenir et sa nécrose. Ces séquences dramatiques de claustration durant laquelle cette dernière se retrouve recluse dans l'intimité d'une chambre nous saisit à la gorge par son regain d'humanité égaré dans le néant.  
Si le jeu perfectible des comédiens aurait gagné à être plus charpenté, (la petite Camille est assez inexpressive face à la vue de sa maman zombifiée alors que Isabelle Rocton adopte une démarche un peu trop rigide pour se déplacer !) le désarroi fragile que nous véhicule l'actrice première nous bouleverse jusqu'aux larmes ! Face à cette décharge d'émotion et d'humanisme désespéré, on songe au magnifique psycho drame Moi, Zombie, Chronique de la douleur de Andrew Parkinson, alors que Pascal Frezzato ignorait l'existence de ce métrage British !


La mère des Larmes
Avec l'intégrité du cinéaste et l'aimable participation des comédiens amateurs, Pascal Frezzato continue d'entamer la voie du court-métrage Z en livrant aujourd'hui un hommage aux films de Zombies dans une dramaturgie inattendue. En dépit de quelques défauts techniques évidents (fx de synthèse perfectibles, éclairages ternes), du jeu de prestance parfois hésitant (bien que Isabelle Rocton dégage une incroyable acuité émotionnelle !), Memory of the Dead empreinte la voie de Romero et Parkinson pour sa réflexion sur la conscience et transcende en dernier acte une élégie bouleversante sur le deuil infantile ! 

P.S: Attention ! Passé le générique de fin, un clin d'oeil surprise vous attend !
Le court-métrage est visionnable ici !
http://www.dailymotion.com/video/x18teot_memory-of-the-dead-sous-titrage-anglais_shortfilms

La critique de Mathias Chaput:
Après son très réussi « Règne des insectes », le talentueux et passionné Pascal Frezzato récidive dans le court en s’appropriant un thème maintes fois ressassé auparavant : le film de zombies…
Sauf que là, il a choisi le parti pris d’adopter un ton totalement différent et aux antipodes des films d’horreur contemporains en incluant à son œuvre une dimension métaphorique voire cristalline par le biais du personnage de la zombie femelle qui revoit son passé d’humaine après s’être vue dans un miroir…
Et la donne change radicalement !
Inspiré à l’extrême, Frezzato, outre une technique et un sens du cadrage très intéressants prend la symbolique de l’escalier, cet escalier où la « Z » gravite et monte comme une ASCENSION du mort vers son âme dans le ciel…
Et d’un coup, tout son passé, toute sa vie ressurgit ! sa fille enfant, le lit, la chambre, l’ours en peluche, autant d’allégories qui jaillissent du subconscient de cette zombie, frêle et mélancolique…
Les maquillages sont efficaces et les décors très soignés et « Memory of the dead » prend son essor véritablement dès l’entrée dans la maison, parvenant à démarquer le début gore à l’outrance pour partir dans une recherche à la démarche intelligente, cassant les hypothétiques redondances qui auraient pu foisonner si Frezzato n’avait pas exulté son imagination dès lors…
Habilement réalisé et au timing soutenu, « Memory of the dead » plonge le spectateur en immersion vers un voyage sans retour au sein de l’inconscient, dans le creux d’une vague ou d’un tremblement sismique et finalement parvient à apporter un réconfort et un apaisement à une situation douloureuse et énigmatique…
Nul doute que le parcours de « Memory of the dead » sera jalonné du plus grand intérêt des aficionados de films de zombies qui y verront là une approche et une thématique parfaitement novatrice, revigorante et très rigoureuse dans son traitement…
Note : 9/10

Pour ceux qui souhaitent découvrir le Règne des Insectes
http://brunomatei.blogspot.fr/2012/08/le-regne-des-insectes_13.html
et Pour une poignée de Spaghettis: http://brunomatei.blogspot.fr/…/per-un-pugno-di-spaghetti-p…
11.11.13
Bruno Matéï

  



vendredi 8 novembre 2013

L'Invasion des Profanateurs / Invasion of the Body Snatchers. Antenne d'Or, Avoriaz 1979.

                                                  Photo empruntée sur Google, appartenant au site dailymars.net

de Philip Kaufman. 1978. U.S.A. 1h55. Avec Donald Sutherland, Brooke Adams, Jeff Goldblum, Veronica Cartwright, Leonard Nimoy.

Sortie salles U.S: 20 Décembre 1978

FILMOGRAPHIE: Philip Kaufman est un réalisateur, scénariste et producteur américain, né le 23 Octobre 1936 à Chicago, Illinois (Etats-Unis). 1965: Goldstein. 1967: Fearless Frank. 1972: La Légende de Jesse James. 1974: The White Dawn. 1978: L'Invasion des Profanateurs. 1979: Les Seigneurs. 1983: L'Etoffe des Héros. 1988: L'Insoutenable légèreté de l'être. 1990: Henry et June. 1993: Soleil Levant. 2000: Quills, la plume et le sang. 2004: Instincts Meurtriers. 2012: Hemingway et Gellhorn (télé-film).


"Obey !"
Seconde adaptation du roman homonyme de Jack Finney, l'Invasion des Profanateurs est un remake du classique de Don Siegel aujourd'hui privilégié du caractère oppressant d'une épouvante anxiogène. Epaulé de remarquables effets-spéciaux impressionnants de réalisme (la reconstitution des cadavres perfectibles par les cocons) et d'une galerie de comédiens épatants d'expressivité fébrile (Donald Sutherland, Brooke Adams, Jeff Goldblum, Veronica Cartwright et Leonard Nimoy), cette version colorisée s'érige en sommet de terreur psychologique de par son intensité métronome. Ainsi, à travers un scénario original bâti sur une nouvelle invasion d'E.T, l'Invasion des Profanateurs doit sa grande réussite à l'intelligence de son propos pour le rapport intrinsèque à nos pulsions face à la dépendance de l'angoisse et de la souffrance via nos émotions innées. A savoir l'inhérence vitale de régir notre vie par le principe de la souffrance afin de pouvoir conquérir le bonheur. Il fallait tout de même oser entreprendre un pitch aussi saugrenu que n'importe quel tâcheron Z aurait facilement versé dans le ridicule. Imaginez une seconde le concept SF alarmiste ! Une fleur venue de l'espace est la nouvelle menace terrienne dans leur mainmise à vouloir prendre possession de nos corps durant notre sommeil !


Mais sous la houlette de Philip Kaufman, cette trame incongrue s'avère un modèle d'angoisse diffuse et d'efficacité où la paranoïa d'une poignée de survivants sera mise à rude épreuve pour avertir la populace. La première partie, la plus éprouvante, nous fait partager la détresse d'une épouse, convaincue que son mari n'est plus celui qu'elle eut connu et qu'au sein de sa société une conspiration de grande ampleur est sur le point de converger ! Avec l'entremise amicale d'un inspecteur de l'hygiène, d'un couple et d'un psychiatre, ils vont tenter de comprendre les tenants et aboutissants de cette sournoise hostilité. C'est à travers la flore de cocons en mutation que l'origine extra-terrestre s'extrait pour s'emparer de nos corps afin de se dédoubler en zombie impassible ! Dénué d'une quelconque émotion, de douleur et de haine, ces nouveaux conquérants prolifèrent sur terre afin de nous asservir en guise de survie. Le climat d'inquiétude, de doute et de terreur palpable qu'insuffle chaque protagoniste est d'autant plus prégnant que l'endurance de la fatigue les contraint de garder l'oeil éveillé. Cette descente aux enfers se livre donc à un cauchemar sans fin que la mise en scène avisée de Kaufman va habilement coordonner à l'aide d'une bande son dissonante, de cadrages obliques et de mouvements de caméra cuisants (parfois à l'épaule) afin d'amplifier le malaise. La seconde partie, autrement haletante car fertile en poursuites, est une course contre la mort que nos héros devront traverser au sein d'une ville chaotique en adoptant une posture impassible afin de détourner le ravisseur. Avec un désespoir toujours plus contraignant, leur chance de survie semble de plus en plus précaire depuis que chaque citadin s'est substitué par un nouveau corps dénué d'épiderme !
 

Les Envahisseurs sont parmi nous
Métaphore sur la propagande, l'instinct grégaire et les doctrines dictatoriales (et bien d'autres analogies sur notre condition soumise), réflexion métaphysique où les sentiments de peur et de souffrance sont élémentaires à l'épanouissement, l'Invasion des Profanateurs perdure son pouvoir de fascination par la densité d'un scénario implacable et surtout par sa capacité émotionnelle à provoquer l'effroi, jusqu'à l'ultime image, glaçante de nihilisme. 

La Chronique de l'Invasion des profanateurs de Sépultures: http://brunomatei.blogspot.fr/…/linvasion-des-profanateurs-…

*Bruno
30.12.22. 4èx
08.11.13.