mardi 20 octobre 2015

L'HISTOIRE SANS FIN

                                                                         Photo empruntée sur Google, appartenant au site filmaffinity.com

"Die unendliche Geschichte/The Neverending Story" de Wolfgang Petersen. 1984. Allemagne. 1h35. Avec Barret Oliver, Gerald McRaney, Thomas Hill, Moses Gunn, Deep Roy, Tilo Prückner, Noah Hataway.

Sortie salles France: 21 Novembre 1984. U.S: 20 Juillet 1984. Allemagne de l'Ouest: 6 Avril 1984

FILMOGRAPHIE: Wolfgang Petersen est un réalisateur allemand né le 14 Mars 1941 à Emden.
1974: Einer von uns beiden. 1977: La Conséquence. 1981: Le Bateau. 1984: L'Histoire sans Fin. 1985: Enemy. 1991: Troubles. 1993: Dans la ligne de mire. 1995: Alerte ! 1997: Air force one. 2000: En pleine tempête. 2004: Troie. 2006: Poséidon.


"La vie spirituelle commence à partir du moment où nous découvrons que toute la réalité de nos actes réside dans les pensées qui les produisent". Louis Lavelle.

Considéré à l'époque comme le film le plus cher d'Allemagne (60 millions de Deutsch Mark/27 000 000 $), l'Histoire sans fin rapporta à travers le monde plus de 100 000 000 de dollars. Et malgré son succès mitigé outre-atlantique, il est devenu auprès de plusieurs générations de spectateurs un grand classique de l'Heroic Fantasy, quand bien même la chanson interprétée par Limahl et composée par Giorgio Moroder s'est allouée d'un hit planétaire ! Mais aujourd'hui, que reste t-il de ce spectacle familial hors norme dans son onirisme baroque où le néant accorde une place prépondérante au cheminement héroïque d'Atreyu ? Hymne à l'innocence de l'enfance et au rêve, au pouvoir de l'imaginaire et à la possibilité d'exaucer nos voeux les plus excentriques, l'Histoire sans fin s'édifie en moment de cinéma enchanteur dans le parcours chimérique qu'un jeune ado entreprend au fil de la lecture d'un roman. Héros malgré lui, Bastien est sur le point de changer la destinée de Fantasia, un univers irréel sur le point d'être dévoré par le néant si le guerrier Atreyu ne parvient pas à sauver son impératrice de la maladie. Plongé dans l'illusion de son récit d'aventures, Bastien commence à perdre pied avec sa réalité mais se rétracte de ne pouvoir considérer ce rêve comme une réalité (son père rationnel en est également la responsabilité !). A moins qu'Atreyu et l'Impératrice ne parviennent à l'inciter à croire à l'impossible.


Touché par la grâce d'une poésie tantôt candide (l'intervention pleine de pudeur et de fragilité de l'impératrice lors du final majestueux, les envolées lyriques du dragon porte bonheur, Falkor) tantôt opaque (les présences iconiques de Gmork, le loup impassible, la tortue savante et le mangeur de pierre), Wolfgang Petersen n'hésite pas à cristalliser un endroit à mi chemin entre le merveilleux et l'hermétisme à travers la scénographie baroque de marécage mélancolique, de forêt obscure et d'univers stellaire. Périple d'épreuves homériques qu'un jeune garçon doit surpasser pour sauver sa planète du chaos, l'Histoire sans fin déploie une imagination singulière sans égale pour la conception de ses décors fantastiques tournés en studio (la vision du néant et ses multiples métamorphoses nous provoque une fascination vertigineuse !) et de créatures dantesques jamais vues au préalable ! Par le biais d'effets spéciaux révolutionnaires pour l'époque, le film parvient toujours à distiller féerie et inquiétude chez la conception artisanale de monstres aussi expressifs qu'attachants. Quand bien même le jeune Noah Hathaway parvient avec une innocence naturelle à se fondre dans la peau du guerrier parmi l'apprentissage de transcender ses peurs et sa tristesse. A cet égard, qui peut oublier la séquence poignante auquel son cheval Artax se laisse engloutir par la vase d'un marécage depuis sa mélancolie d'échouer la mission ! Une séquence assez cruelle d'une intensité dramatique plutôt inattendue pour le genre familial que Wolfgang Petersen illustre avec réalisme. Un parti-pris justifié lorsque l'on comprends le parcours initiatique du héros confronté au dépassement de soi parmi l'appui solidaire de Bastien contraint d'exploser les barrières de sa réalité par auto-suggestion. Croire en l'impossible pour braver ses doutes, ses peurs et son désespoir et découvrir un nouveau monde bâti sur la croyance en l'optimisme !


Enchanteur et baroque, lyrique et fantastique, l'Histoire sans Fin continue de perdurer son pouvoir d'évasion grâce à la beauté formelle de sa Fantasy photogénique et l'impulsion héroïque d'adolescents rebelles en quête d'imaginaire. Hymne à l'aventure et ce besoin viscéral de fuir notre quotidien, métaphore spirituelle sur la foi, réflexion sur la persuasion de l'esprit et sur la force de l'espoir afin de déjouer la solitude du néant, l'Histoire sans Fin possède un souffle magique enivrant pour nous faire croire à l'impossible ! 

Bruno Matéï

Anecdote (Wikipedia): La scène de la mort d'Artax est placée cinquième dans le top 11 de The Nostalgia Critic des scènes les plus tristes de notre enfance.

lundi 19 octobre 2015

Le Spectre Maudit / The Black Torment

                                   Photo empruntée sur Google, appartenant au site coverunivers.blogspot.com

"The Black Troment" de Robert Hartford-Davis. 1964. U.S.A. 1h26. Avec Heather Sears, John Turner, Ann Lynn, Peter Arne, Norman Bird, Raymond Huntley, Annette Whiteley, Robert Hartford-Davis.

Sortie Dvd France: 1er Avril 2005

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Robert Hartford-Davis est un réalisateur et producteur anglais, né le 23 Juillet 1923, décédé le 12 Juin 1977 à Beverly Hills, Los Angeles. 1962: Crosstrap. 1963: The Yellow Teddybears. 1964: Le Spectre Maudit. 1964: Saturday Night Out. 1967: Carnages. 1971: Suceurs de sang. 1972: Gunn la gachette. 1974: The Take.


Rareté des sixties exhumée de l'oubli grâce à notre regretté éditeur Neo Publishing, Le Spectre Maudit combine l'enquête policière et le surnaturel avec une efficacité en roue libre (euphémisme !). De par son intrigue charpentée au suspense imperturbable laissant parfois diluer une atmosphère d'étrangeté (les apparitions spectrales de Lana dans le jardin) et la qualité d'une interprétation spontanée jusqu'aux moindres seconds-rôles, le Spectre Maudit nous plaque au siège jusqu'à son renversant twist aussi démonial que retors. Le PitchAprès 3 semaines d'absence, Sir Charles revient dans sa grande résidence parmi sa nouvelle épouse, Sir Elisabeth. Mais tièdement accueilli par la communauté, il finit par apprendre qu'une villageoise récemment décédée dans de troubles circonstances a dévoilé son patronyme avant de mourir. Pour amplifier le mystère, les résidents de sa demeure sont importunés chaque nuit par l'apparition d'une dame blanche ressemblant à sa première défunte épouse. 


Ce pitch prometteur dont le cadre historique se situe au 18è siècle, Robert Hartford-Davis le dépeint avec un art de conteur dans son habileté à distiller un suspense haletant autour d'une sombre conspiration. Employant quelques codes du cinéma d'épouvante, le cinéaste est aussi à l'aise pour nous plonger dans la perplexité face à l'apparition récurrente d'un fantôme puis celle, potentielle, d'un double maléfique conçu pour culpabiliser notre héros. L'intrigue gagnant notamment en intensité auprès du revirement d'un nouveau meurtre et le cheminement psychologique du protagoniste toujours plus compromis par des évènements imbitables qu'il tente vainement de démystifier afin de prouver son innocence. Ce climat de paranoïa régi autour de son autorité l'entraînant vers un comportement irascible où chacun des témoins (épouse inclue !) finiront davantage par le suspecter. Outre la résolution étonnante de l'énigme où vengeance et machination font bon ménage, le film se clôt par un duel à l'épée à la chorégraphie sauvagement épique !


Au gré d'un suspense exponentiel fort bien mené et d'une direction d'acteurs plein de vigueur (Heather Sears terriblement expressif de résignation colérique en victime démunie seule contre tous), Le Spectre Maudit parvient à captiver et à surprendre sous l'alibi irrationnel d'un spectre d'outre-tombe et du double maléfique. A redécouvrir avec vif intérêt donc, d'autant plus que les décors sépias de la résidence seigneuriale n'ont rien à envier au gothisme baroque des fleurons de la Hammer auquel il se fait dignement écho ! Un bijou. 

*Bruno Matéï
19.10.15.
04.06.22. 3èx

samedi 17 octobre 2015

THE GREEN INFERNO

                                                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site motifri.com

d'Eli Roth. 2014. U.S.A/Chilie. 1h43. Avec Lorenza Izzo, Ariel Levy, Aaron Burns, Daryl Sabara, Kirby Bliss Blanton, Nicolas Martinez, Magda Apanowicz.

Sortie VOD France: 16 Octobre 2015. Salles U.S: 25 Septembre 2015

FILMOGRAPHIE: Eli Roth est un réalisateur américain, né le 18 Avril 1972 à Boston.
2002: Cabin Fever. 2006: Hostel. 2007: Thanksgiving (faux trailer). 2007: Hostel 2. 2009: Nation's Pride - Stolz der Nation (trailer). 2013: The Green Inferno.


Privé de salles chez nous, The Green Inferno débarque directement en vod deux ans après l'achèvement de son tournage. Annoncé à renfort de trailers aussi prometteurs qu'alléchants mais d'un bouche à oreille contradictoire, le nouveau film d'exploitation d'Eli Roth sollicite l'hommage aux films de cannibales transalpins qui inondèrent nos écrans de la fin des Seventies jusqu'au milieu des années 80. Pourvu d'un discours social écolo lorsqu'une poignée de jeunes activistes envisagent de dévoiler via internet la déforestation d'une compagnie pétrolière et l'éventuelle épuration d'une tribu indigène du Pérou, The Green Inferno continue d'effleurer un des thèmes chers de Cannibal Holocaust. A savoir, la sauvagerie du citadin moderne prêt à exterminer un peuple primitif pour un motif lucratif. Alors que nos activistes parviennent à accomplir leur mission de diffuser leur bravoure via réseau de leur smartphone, ils sont rapidement alpagués par la police pour être rapatriés en avion. Seulement, durant leur retour, l'appareil se crashe en plein coeur de l'Amazonie. C'est le début d'un enfer (vert) que nous survivants vont endurer face à l'hostilité d'autochtones aux coutumes anthropophages !


Cette trame particulièrement bien troussée et captivante quant aux stratégies héroïques des protagonistes n'est évidemment qu'un prétexte pour embrayer sur les revirements horrifiques nauséeux de la seconde partie. Eli Roth poussant le vice de la dérision vers un détournement cruel lorsque nos militants pacifistes vont endosser malgré eux le rôle d'antagonistes du point de vue des indigènes qu'ils défendaient. Alternant le mauvais goût, la farce macabre, l'humour scato et la tripaille putassière avec une vigueur et invention décomplexées, Eli Roth n'y va pas de main morte pour étaler à intervalles irrégulier des séquences-chocs aussi intenses que viscéralement vomitives. Et si l'ossature prévisible de sa narration a été mainte fois exploitée chez nos transalpins précurseurs, le cinéaste parvient à dépoussiérer le genre grâce à l'impulsion spontanée des comédiens (transfuge cynique à l'appui pour pimenter la tension d'embrigadement et les discordes entre survivants !) et l'efficacité de sa mise en scène misant sur l'appréhension (autant que l'expectative !) des futurs sévices corporels. De surcroît, notre metteur en scène assidu soigne le cadre d'une forêt d'apparence édénique avant de nous dépayser explicitement avec l'envers d'une scénographie cauchemardesque. On peut également souligner la manière documentée dont Eli Roth fait preuve pour nous présenter avec humour sardonique la quotidienneté communautaire des indigènes endossé par des comédiens chiliens plus vrais que nature et affublés d'un charisme tribal des plus impressionnants (peinture guerrière d'un rouge saillant !). Sans compter la stylisation empathique de certaines séquences, telle l'exposition de leurs trophées humains présentés à une foule expansive ! Quand au final homérique, il témoigne toujours d'un ressort haletant pour l'enjeu de survie compromis à l'évasion de la dernière chance, quand bien même une menace autrement perfide est sur le point d'entrer en scène !


Mondo Cannibale
Véritable déclaration d'amour à l'âge d'or des films de cannibales, The Green Inferno est une résurrection pour les fans de tripailles faisandées qu'Eli Roth parvient à rajeunir avec un savoir-faire référentiel. Si l'intérêt mineur du pur divertissement peut prêter à sourire chez les non initiés, le spectacle barbare, aussi jouissif qu'éprouvant (la gêne viscérale peut être évoquée chez les plus sensibles !), comblera les attentes de la plupart des fans. Quant au fond socialo-écolo du produit d'exploitation, Eli Roth ne manque pas de sincérité à évoquer une diatribe contre la déforestation et la cupidité de nos dirigeants tout en effleurant le tabou de l'excision pratiquée illégalement dans certains états (principalement l'Afrique, l'Egypte, l'Indonésie et la Malaisie). Bref, un cadeau inespéré qu'il nous retranscrit ici avec une appétence et une générosité galvanisantes !

P.S: A ne pas louper, le cliffhanger infiltré dans le générique final !!!

La critique de Gilles Rolland: http://www.onrembobine.fr/critiques/critique-the-green-inferno

Bruno Matéï


vendredi 16 octobre 2015

THE VISIT

                                                                            Photo empruntée sur Google, appartenant au site ecranlarge.com

de M. Night Shyamalan. 2015. U.S.A. 1h34. Avec Kathryn Hahn, Ed Oxenbould, Benjamin Kanes, Erica Lynne Marszalek, Peter McRobbie.

Sortie salles France: 7 Octobre 2015. U.S: 11 Septembre 2015

FILMOGRAPHIE: M. Night Shyamalan est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur américain, d'origine indienne, né le 6 Août 1970 à Pondichéry.
1992: Praying with Angers. 1998: Eveil à la vie. 1999: Sixième Sens. 2000: Incassable. 2002: Signs. 2004: Le Village. 2006: La Jeune fille de l'eau. 2008: Phenomènes. 2010: Le Dernier maître de l'air. 2013: After Earth. 2015: The Visit.


Petite production indépendante de 5 000 000 de dollars que Shyamalan a su financer grâce au salaire engrangé par son précédent film, After Earth, The Visit joue la carte du simulacre dans sa combinaison des genres allouée aux thématiques de hantise, de peur du noir et de folie schizophrène. Loretta, mère de deux enfants, a rompu les liens parentaux depuis plus de 15 ans. Mais à la demande de ces derniers, elle accepte de laisser partir Tyler et Rebecca afin qu'ils puissent connaître leurs grands parents. Sur place, leurs comportements excentriques intriguent les enfants confondus en apprentis cinéastes. Jonglant avec les codes du cinéma d'horreur et du conte populaire de manière sarcastique, M. Night Shyamalan déconcerte sans modération pour l'ossature de son intrigue interlope usant de subterfuge et chausse-trappe afin de mieux nous surprendre. Le récit étant conditionné sous le principe du documentaire que deux adolescents filment sans répit pour préserver sur pellicule la quotidienneté intimiste de leurs grands-parents.


Pourvu d'une ambiance crépusculaire envoûtante lorsque la nuit bat son plein et que les arbres contrastent parmi une luminosité onirique, The Visit distille également une angoisse sous-jacente en interne d'une demeure vétuste occultant un terrible secret. Par le biais du comportement incohérent du couple de vieillards (même si l'un souffre du syndrome d'état crépusculaire !), nous nous portons témoins scrupuleux de leur déambulation nocturne sous la caméra amateur des adolescents voyeurs. Eludant remarquablement le stéréotype de l'ado aseptique, Shyamalan nous caractérise intelligemment des héros juvéniles aussi sensés et dégourdis que remarquablement solidaires. La grande force du récit résidant notamment dans le  développement de leur personnalité imparti à une quête initiatique pour la réconciliation parentale et la confiance en soi. Là où le film risque de dépiter une partie de son public, c'est dans la manière caustique dont le cinéaste recours pour exploiter les ressorts de flippe. D'une grande efficacité pour la progression de la tension et les effets de surprise impartis à l'incohérence comportementale, ces moments d'appréhension provoquent au final un sentiment libérateur (et déconcertant) d'angoisse amusée. Une démarche néanmoins subtile car hétérodoxe, justifiée et rationnelle lorsque l'on finit par connaitre les tenants et aboutissants des personnages et le fin mot de l'énigme. Sur ce dernier point, là encore Shyamalan continue de nous surprendre de manière autrement rigoureuse et dramatique lorsque les enfants vont se livrer à une imprévisible épreuve de survie. Quant à l'épilogue particulièrement bouleversant, The Visit nous dévoile enfin sa véritable identité, à savoir que ce à quoi nous venions d'assister n'était qu'un exutoire pour mettre en exergue un drame psychologique sur les conflits parentaux, le regret et le pardon érigés autour des valeurs éducatives. 


Hansel et Gretel
Intriguant, déroutant, angoissant et dérangeant pour la tournure cinglante de son point d'orgue horrifique, The Visit aborde le cinéma d'angoisse dans l'apparence pour privilégier un drame parental d'une intensité aussi dramatique que salvatrice. Outre la stature attachante des ados remarquablement convaincants et la posture interlope des seniors ricaneurs, le film tire-parti de son attention dans la progression intrigante du récit culminant vers une révélation rigoureusement brutale.  
Attention toutefois aux spectateurs non avertis de sa facture fallacieuse !

Bruno Matéï

jeudi 15 octobre 2015

LE VILLAGE DES DAMNES

                                                 Photo empruntée sur Google, appartenant au site to-hollywood-and-beyond.wikia.com

"Village of the Damned" de Wolf Rilla. 1960. Anglettere. 1h17. Avec George Sanders, Barbara Shelley, Martin Stephens, Michael Gwynn, Laurence Naismith, Richard Warner, Jenny Laird.

Sortie salles U.S: 7 Décembre 1960 (Interdit aux - de 18 ans).

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Wolf Rilla est un réalisateur anglais d'origine allemande, né le 16 Mars 1920 à Berlin, décédé le 19 Octobre 2005 à Grasse.
1953: Noose for a Lady. 1954: The Black Rider. 1957: The End of the Road. 1959: Jessy. 1959: Witness in the dark. 1960: Le Village des Damnés. 1968: Pax ? 1973: Secrets of a Door-to-door Salesman. 1975: Bedtime with Rosie.


Classique notoire des sixties où la science-fiction se heurte à l'épouvante, Le Village des Damnés emprunte le roman éponyme de John Wyndham pour illustrer de manière fort originale l'invasion extra-terrestre du point de vue d'une candeur insidieuse. Celle de chérubins aux têtes blondes mystérieusement enfantés par les femmes d'une paisible bourgade depuis l'apparition d'un nuage invisible dans l'atmosphère. Alors que la population de Midwich sombre quelques instants en léthargie devant le témoignage impuissant de l'armée et de la police, l'entité extraterrestre en profite pour investir le corps de quelques épouses avant leur retour au réveil. Un stratagème diabolique remarquablement planifié pour la procréation d'une nouvelle race infantile à l'intelligence surnaturelle. Car pourvus de pouvoirs télépathiques ayant la faculté de violer nos pensées les plus secrètes, ces bambins dénués d'émotions n'ont comme seule devise de coloniser notre planète.


Un scénario charpenté que Wolf Rilla structure avec l'appui d'un climat subtilement anxiogène pour les agissements sournois des enfants, tout en abordant de manière singulière les thèmes de la dictature et du fascisme par leur faculté à nous imposer leur prépondérance. D'apparence analogue, blond et angélique, ils se confondent dans la peau de tueurs (pro-nazis ?) sans vergogne. Incapables d'éprouver le sentiment d'amour pour leur mère et la compassion chez l'étranger, ils n'hésitent pas à se débarrasser des témoins arrogants en guise de vengeance et de couverture lorsque ces derniers envisagent de les éradiquer. Outre la fascination qu'exerce leur cheminement meurtrier et l'atmosphère diaphane qui en émane, le Village des Damnés tire parti de son étrangeté dans la stature innocente des extraterrestres en culotte courte. On peut d'ailleurs saluer le magnétisme accordé aux comédiens infantiles, leur interaction diabolique à hypnotiser communément leur proie d'un regard surnaturel incandescent. Ce sentiment tangible d'hostilité et d'intimidation provoquant chez nous un sentiment de malaise sous-jacent lorsque des enfants criminels parviennent à assujettir l'autorité des adultes !  


Par la biais d'une épouvante éthérée et dans le cadre de l'enfant démoniaque, Wolf Rilla parvient à renouveler les codes de la science-fiction alarmiste sous l'impulsion d'une hostilité extraterrestre à visage candide. Il en émane une mécanique de suspense latent et oppressant lorsque les adultes en perdition tentent vainement de déjouer la menace avant la stratégie mentale d'un dernier espoir se mesurant au self-control émotif pour en venir à bout.  

Bruno Matéï
3èx

    DEUX JOURS, UNE NUIT. Prix spécial du jury œcuménique, Cannes 2014

                                                                                              Photo empruntée sur Google, appartenant au site Allocine.fr

    de Jean Pierre et Luc Dardenne. France/Belgique/Italie. 2014. 1h35. Avec Marion Cotillard, Fabrizio Rongione, Pili Groyne, Catherine Salée, Christelle Cornil, Timur Magomedgadzhiev.

    Sortie salles France: 21 Mai 2014

    FILMOGRAPHIE: Jean-Pierre et Luc Dardenne sont des frères réalisateurs belges. Jean-Pierre est né le 21 Avril 1951 à Engis, Luc, le 10 mars 1954 aux Awirs.
    1987: Falsch, 1992: Je pense à vous, 1996: La Promesse, 1999: Rosetta, 2002: Le Fils, 2005: l'Enfant, 2008: Le Silence de Lorna, 2011: Le Gamin au Vélo. 2014: Deux jours, une nuit. 2016: La fille Inconnue.


    Multi récompensé dans divers festivals, à l'instar de son Prix Spécial du Jury œcuménique décerné à Cannes, Deux Jours, Une Nuit traite du conditionnement moral et de l'égoïsme matérialiste des ouvriers au sein de l'entreprise. Des thèmes d'actualité développés ici autour de la pudeur d'une femme en perdition depuis sa requête professionnelle, eu égard de l'interprétation sensitive de Marion Cotillard. Une prestance névralgique que l'actrice retransmet avec une vérité bouleversante dans son cheminement inlassable à tenter de convaincre ses employés de les contredire dans leur choix pécuniaire afin de récupérer sa place. A la suite de son arrêt maladie d'une grave dépression, Sandra est sujette à un vote drastique au sein de son équipe professionnelle. Ces derniers pouvant empocher la prime de 1000 euros au mépris du licenciement de leur camarade. Mais depuis la révélation du chantage du contremaître, Sandra parvient à renégocier sa place auprès de son patron en soumettant un nouveau vote. Dès lors, avec le soutien de son mari, elle se lance dans un difficile compromis à contacter un à un ses camarades pour les convaincre de renoncer à leur prime de 1000 euros et l'épargner de son licenciement.  


    Grand moment d'émotion d'une sobriété exemplaire, car réfutant toute forme de pathos et de racolage misérabiliste, Deux Jours, une nuit dresse le constat amer, désenchanté du monde de l'entreprise où l'individualisme prime pour une question de survie et de crainte du licenciement. A travers l'introspection morale d'une jeune femme dépressive terrorisée à l'idée de perdre son emploi, les Frères Dardenne transfigurent son portrait parmi l'impulsion exemplaire de Marion Cotillard. Un rôle timoré plein de dignité, celui d'une femme au bord du marasme et aux tendances suicidaires car contrainte malgré elle de contacter avec beaucoup de retenue (et sentiment de culpabilité) des pères et des mères de famille dont leur situation précaire s'avère difficilement négociable. Par son démarchage à domicile inscrit dans une humanité désespérée, les cinéastes en profitent pour dresser le portrait en demi-teinte d'ouvriers confrontés à un terrible dilemme moral. Celui d'être exposé à une controverse humanitaire alors que chacun d'eux tente difficilement de survivre depuis une situation professionnelle intraitable. Une partie d'entre eux se motivant en désespoir de cause ou en esprit de cohésion à soutenir leur camarade, quand bien même l'autre segment ne songe qu'à leur intérêt personnel afin d'empocher 1000 euros contre le sacrifice de leur camarade.


    Dur, cruel et édifiant pour le tableau impitoyable réservé au milieu de l'entreprise auquel nombre d'ouvriers sont compromis par la loi de la survie, bouleversant et plein de dignité pour le douloureux portrait alloué à une femme en voie de constance et d'assurance (de par son parti-pris solidaire de dernier ressort et sa capacité à avoir su motiver la fraternité d'une poignée d'employés), 2 jours, une nuit nous laisse sur une note aussi vibrante que amère pour dénoncer la lâcheté du patronat et la déshumanisation de nos sociétés matérialistes. 

    Bruno Matéï

    Récompenses
    Festival de Cannes 2014 : Prix spécial du jury œcuménique pour les Frères Dardenne (sélection officielle)
    Prix André-Cavens de l’Union de la critique de cinéma (UCC) pour le meilleur film belge en 2014.
    Festival du film de Sydney 2014 : Sydney Film Prize
    Ensors 2014 : meilleur film en coproduction
    Boston Society of Film Critics Awards 2014 :
    Meilleure actrice pour Marion Cotillard (également pour The Immigrant)
    Meilleur film en langue étrangère
    Boston Online Film Critics Association Awards 2014 :
    Meilleure actrice pour Marion Cotillard
    Meilleur film en langue étrangère
    Indiana Film Journalists Association Awards 2014 : meilleur film en langue étrangère
    National Board of Review Awards 2014 : top 2014 des meilleurs films étrangers
    New York Film Critics Circle Awards 2014 : meilleure actrice pour Marion Cotillard (également pour The Immigrant)
    New York Film Critics Online Awards 2014 : meilleure actrice pour Marion Cotillard
    Online Film Critics Society Awards 2014 : meilleur film étranger
    Prix du cinéma européen : meilleure actrice pour Marion Cotillard
    San Diego Film Critics Society Awards 2014 : meilleure actrice pour Marion Cotillard
    Women Film Critics Circle Awards 2014 : meilleur film étranger à propos des femmes
    Guldbagge Awards 2015 : meilleur film étranger
    National Society of Film Critics Awards 2015 : meilleure actrice pour Marion Cotillard (1re place, également pour The Immigrant)
    Prix Lumières du meilleur film francophone 2015
    Magritte du cinéma 2015 :
    Meilleur film
    Meilleur réalisateur pour Jean-Pierre et Luc Dardenne
    Meilleur acteur pour Fabrizio Rongione

    mercredi 14 octobre 2015

    CHAIR POUR FRANKENSTEIN

                                                                               Photo empruntée sur Google, appartenant au site drnorth.wordpress.com

    "Flesh for Frankenstein" / "Il mostro è in tavola... barone Frankenstein" de Paul Morrissey et Antonio Margheriti. Produit par Andy Warhol. 1973. Américano-Franco-Italien. 1h39. Avec Udo Kier, Monique Van Vooren, Joe Dallesandro, Carla Mancini, Nicoletta Elmi, Arno Juerging, Srdjan Zelenovic,Dalilla Di Lazarro, Marco Liofredi.

    Sortie salles France: 9 Octobre 1974 (Strictement interdit aux - de 18 ans)

    FILMOGRAPHIE: Paul Morrissey est un réalisateur, scénariste, directeur de photographie, producteur, monteur et acteur américain, né le 23 Février 1938 à New-York (Etats-Unis).1966: Chelsea Girls. 1967: I, a Man. 1968: San Diego Surf. 1968: The Loves of Ondine. 1968: Flesh. 1969: Lonesome Cowboys. 1970: Trash. 1971: I miss Sonia Henie. 1971: Women in Revolt. 1972: Heat. 1973: l'Amour. 1973: Chair pour Frankenstein. 1974: Du sang pour Dracula. 1978: Le Chien des Baskerville. 1981: Madame Wang's. 1982: Forty Deuce. 1985: The Armchair Hacker. 1985: Cocaïne. 1985: Le Neveu de Beethoven. 1988: Spike of Bensonhurst.


    "Pour connaître la mort Otto, il faut baiser la vie dans la vésicule !"
    Avec l'aide du producteur Andy Warhol (Flesh, Trash et Heat), Paul Morissey s'approprie en 1973 du mythe de Frankenstein à grand renfort de provocation putanesque. Le pitchAvec l'aide de son adjoint Otto, le baron Frankenstein souhaite créer le couple parfait afin de régir une nouvelle race grâce à des morceaux de corps humains recomposés par ses soins. Pendant qu'ils descendent au village pour choisir leur dernière victime, sa soeur nymphomane établit la rencontre de Nicholas, un métayer adepte de luxure. Tourné à l'époque en relief, cette réactualisation dévergondée (c'est peu de le dire !) revendique sa décadence parmi une surenchère organique (on peut même parler d'hymne à la chair tant Morissey insuffle une sensualité charnelle dans la plupart des séquences gores !) et un sens du mauvais goût pour les fantasmes du baron aux tendances nécrophiles. Ce dernier n'hésitant pas à copuler avec les organes d'une fille éventrée juste après avoir entamé les préliminaires (dégrafer les fils d'une immense cicatrice avant de lutiner l'estomac du sujet !). Un moment d'anthologie halluciné à inscrire dans les annales de la déviance somatique, le climat pervers extériorisant ironie caustique (le regard licencieux du majordome fasciné par l'orgasme en direct de son contremaître !) et poésie lascive sous l'impulsion romantico-élégiaque de Claudio Gizzi (l'une des plus graciles mélodies du cinéma Fantastique !).


    Ainsi donc, tout dans Chair pour Frankenstein inspire fascination et répulsion parmi le portrait marginal d'une galerie de personnages refoulés (voirs impuissants) ou contrairement concupiscents. La mise en scène baroque érigée autour de somptueux décors gothiques (le laboratoire médical est sans doute le décorum le plus vaste et singulier que l'on ait vu dans la filmo des Frankenstein !) faisant voler en éclat l'archétype du mythe de manière vitriolée où sexe et organes s'extirpent des corps pour arborer leur beauté viscérale. Outre la subtilité d'un ton semi-parodique que Morissey exploite parmi la polissonnerie de personnages extravagants, Chair pour Frankenstein est transcendé du jeu spontanée d'acteurs en roue libre auquel leur charisme patibulaire se confond harmonieusement avec l'ambiance délurée. Tant auprès de la condescendance névrosée d'Udo Kier en Baron incestueux (il est l'époux de sa soeur !), de la beauté exsangue de Dalila Di Lazzaro en créature soumise, du regard vénéneux de Monique Van Vooren en baronne nymphomane, de la posture doucement rebelle de Joe Dallesandro en esclave lubrique, de la torpeur suspicieuse de Srdjan Zelenovi en créature asexuelle, que de la déficience d'Arno Juerging en assistant pervers. Enfin, à titre subsidiaire, on peut également souligner le jeu perfide des enfants de Frankenstein successivement endossés par Marco Liofredi et Nicoletta Elmi, témoins voyeuristes de cette décadence infernale avec l'ambition prétentieuse d'y arborer la relève !


    La Chair et le Sang
    Déviant, décadent, baroque, érotique, caustique, ultra sanglant, Chair pour Frankenstein est l'objet de scandale des obsessions impudiques, pied de nez libertaire au roman séculaire de Mary Shelley. Un chef-d'oeuvre de sexe et de mort, un hymne à la beauté organique que Paul Morissey illustre sans tabous parmi une dérision semi-parodique. Quant aux acteurs, cabotins ou sincères, ils taillent leur prestance avec une dimension emphatique extravertie, quand bien même la partition classique de Claudio Gizzi nous enivre l'ouïe de sa douceur somme toute mélancolique.  

    La Chronique de son binôme, Du sang pour Dracula: http://brunomatei.blogspot.fr/2012/12/du-sang-pour-dracula-blood-for-dracula.html

    Bruno Matéï
    14.10.15. 5èx
    07.06.10. (411)

    mardi 13 octobre 2015

    Terre Brûlée

                                                                           Photo empruntée sur Google, appartenant au site surtestripes.blogspot.com

    "No Blade of Grass" de Cornel Wilde. 1971. U.S.A. 1h35. Avec Nigel Davenport, Jean Wallace, Lynne Frederick, John Hamill, Patrick Holt.

    Sortie salles France: 12 Juin 1974 (Interdit aux - de 18 ans). U.S: 23 Octobre 1970

    FILMOGRAPHIE: Cornel Wilde est un acteur et réalisateur américain, né le 13 Octobre 1912 à Prievidza (Autriche-Hongrie), décédé le 16 Octobre 1989 à Los Angeles. 
    1956: Storm Fear. 1957: Le Virage du Diable. 1958: Tueurs de feux à Maracaibo. 1963: Lancelot, chevalier de la reine. 1966: La Proie Nue. 1967: Le Sable était rouge. 1970: Terre Brûlée. 1975: Les Requins.


    Série B post-apo occultée par la critique et peu diffusée à la TV, Terre Brûlée traitait déjà des thèmes de la pollution de l'environnement (les pesticides), du réchauffement climatique et de la famine trois ans avant que Richard Fleischer ne les transcendent dans l'éprouvant Soleil Vert. Illustrant les pérégrinations d'une famille anglaise sillonnant les campagnes avec l'appui d'un groupe de survivants depuis la pandémie d'un virus, Terre Brûlée joue la carte du divertissement d'action dystopique parmi l'efficacité de péripéties assez hargneuses. De par l'attitude meurtrière des pèlerins, Hells Angels et métayers ne comptant que sur leur propre autonomie afin de subsister, certains cédant même parfois à leurs bas-instincts (le viol en réunion des motards). Dès lors, tous les coups sont permis lorsque par exemple quelques propriétaires se laissent influencer par une justice expéditive afin de défendre leur ferme et préserver leur potager. 


    Si la tournure conventionnelle des évènements dramatiques ne propose aucune surprise quant au cheminement périlleux de nos rescapés en quête de nourriture et d'asile, la caractérisation équivoque impartie à la famille Custance ne manque pas d'audace dans leur posture anti-manichéenne. En particulier le leader borgne, John, capable d'enfreindre les lois sans remord (tirer sur des militaires et des fermiers même si ces derniers sont affublés d'armes afin d'intimider l'étranger) avant de trahir le compromis de son frère (pour un enjeu de survie) et duper sa femme (son baiser échangé avec une jeune courtisane). On peut aussi relever la manière détachée à laquelle il recourt lorsque quelques secondes plus tard l'amant jaloux décide d'abattre sa concubine infidèle d'une balle dans le dos devant son témoignage ! D'autres déconvenues meurtrières vont renforcer le caractère hétérodoxe de ce personnage supposé héroïque (il organise autour de lui un véritable convoi humain pour se prémunir du danger et rejoindre le bercail de son frère) au fil de péripéties toujours plus bellicistes (la charge épique des Hells Angels), et parmi l'appui d'un anarchiste juvénile (l'amant jaloux précité !) beaucoup trop erratique dans son comportement criminel. Bref, ce climat d'hostilité permanent régi autour de leur posture amorale renforce le caractère nihiliste d'une situation de crise rendue ingérable par les autorités ! (même la loi Martial est en déroute !). 


    En dépit de l'aspect archaïque d'une partition westernienne en décalage avec son contexte futuriste, et de sa mise en scène académique entrecoupée de flashforward inutiles (un procédé désamorçant l'effet de surprise et l'intensité des scènes-chocs à venir), Terre Brûlée ne manque pas de sincérité, de charme (aujourd'hui bisseux !) et de nervosité à dépeindre une écologie en extinction parmi le comportement sournois de l'espèce humaine en déliquescence morale. Il y émane une curiosité hybride aussi attachante qu'équivoque, traversée d'éclairs de violence primitive au sein d'un dépaysement rural agonisant. 

    Bruno Matéï
    3èx

    lundi 12 octobre 2015

    La Morsure / The Bite

                                                          Photo empruntée sur Google, appartenant au site swlove.ca

    "Curse 2: The Bite" de Frederico Prosperi. 1989. Italie/U.S.A/Japon. 1h38. Avec Jill Schoelen, J. Eddie Peck, Jamie Farr, Savina Gersak, Marianne Muellerleile.

    Sortie salles: 15 Février 1990

    FILMOGRAPHIE
    : Frederico Prosperi est un réalisateur, scénariste et producteur italien.
    1989: La Morsure.


    Petite série B sans prétention bien connue des rats des vidéos-clubs des années 80, La Morsure est une co-production italo-américano-japonaise, l'unique réalisation de Frederico Prosperi (à ne pas confondre avec Franco Prosperi, réalisateur de Les Bêtes Féroces attaquent). S'inspirant de la Mouche sorti 3 ans au préalable, ce film d'exploitation particulièrement maladroit dans sa réalisation, ses situations aussi foutraques qu'improbables et le développement stérile des personnages puise l'essentiel de son intérêt dans la qualité des FX confectionnés par l'artisan Screaming Mad George et par son accumulation (immodérée) de péripéties complètement hallucinées. Le maître des maquillages s'en donnant à coeur joie pour insister sur les détails crapoteux d'une métamorphose imbitable rongée par la nécrose. Linéaire, le scénario se focalise sur la lente dégradation physique (et parfois morale pour ses actes de violence incontrôlée) d'un jeune touriste depuis sa morsure à la main d'un reptile d'origine inconnue. 


    Alors que le médecin part à sa recherche, faute de lui avoir inoculé le le mauvais antidote, sa compagne tente désespérément de le rejoindre depuis son arrestation policière. Une intrigue sommaire que le cinéaste illustre avec beaucoup de naïveté, de par l'attitude puérile des personnages (la VF proprement horripilante rajoutant dans le ridicule des situations), des incohérences parfois compromises par les ellipses et d'une gestion narrative malhabile (Frederico Prosperi ne sachant absolument pas structurer son histoire, aussi futile soit-elle !). Si l'improbabilité du concept peut prêter à rire (un serpent se met à germer dans le bras de la victime avant de proliférer de l'intérieur de son corps), la résultante émétique à l'écran nous provoque une fascination malsaine au fil d'une progression dramatique en crescendo. De par l'efficacité de l'imagerie crapoteuse ne lésinant pas sur les détails infectieux, le climat méphitique qui y règne préserve constamment notre attention, notamment par le biais intermittent de dérives gores à l'italienne. Et si la relation désoeuvrée des amants tombe à plat, faute d'une caractérisation dénuée d'intensité, on se prend néanmoins d'une futile compassion pour eux. En priorité pour la victime sévèrement martyrisée par sa condition reptilienne, d'autant plus contrainte de s'exiler depuis l'injustice de son emprise meurtrière et de l'impuissance de l'entourage.


    Bourré de défauts, de maladresses, de dialogues et tronches à la fois affligeants et risibles, La Morsure s'extirpe pourtant miraculeusement de la médiocrité grâce à son climat fétide irrésistiblement fascinant, son charme bisseux et la facture tantôt homérique, tantôt cradingue des séquences-chocs et métamorphoses protéiformes. Un spectacle totalement débridé donc au goût de souffre palpable si bien que la génération 80 parviendra à nouveau à s'extasier auprès de ce concept aussi vrillé que jouissif. 

    Dédicace à Cédric Pichard
    *Bruno
    17.02.23. 4èx

    vendredi 9 octobre 2015

    LA DAME ROUGE TUA 7 FOIS

                                                                                       Photo empruntée sur Google, appartenant au site ivid.it

    "La Dama rossa uccide sette volte" de Emilio Miraglia. 1972. Allemagne de l'Ouest/Italie. 1h43. Avec Barbara Bouchet, Ugo Pagliai, Marina Malfatti, Marino Masè, Pia Giancaro, Sybil Danning.

    Sortie salles Italie: 18 Août 1972

    FILMOGRAPHIE: Emilio Miraglia est un réalisateur et scénariste italien, né en 1924 à Casarano. 
    1972: La Dame rouge tua 7 fois. 1972: Tire Joe... et amen ! 1971: L'Appel de la Chair. 1969: Ce salaud d'inspecteur Sterling. 1968: Casse au Vatican. 1967: La Peur aux Tripes.


    Pour une première réalisation, Emilio Miraglia se tire honorablement de la routine pour façonner un séduisant Giallo à la lisière du Fantastique. Dans le sens où l'intrigue utilise l'alibi d'une légende séculaire (fresque métaphorique à l'appui !) auquel deux soeurs en discorde sont vouées à se sacrifier pour réitérer un rituel meurtrier tous les 100 ans. C'est à dire tuer 6 personnes pour un mobile de vengeance avant que la 7è (incarnant la soeur de la meurtrière) ne soit assassinée par sa propre frangine. C'est ce que nous illustre brillamment le prologue lorsqu'un père décide de démystifier à ses deux filles la raison d'un tableau funèbre. Ce dernier symbolisant une dame rouge affublée d'un poignard pour en menacer une autre vêtue de noir. Dans le château des Wildenbruck, Kitty et Evelyn se détestent depuis leur enfance. Lors d'une violente dispute, Kitty assomme accidentellement sa soeur qui finit par se noyer dans l'étang. Depuis, les proches de son entourage disparaissent un à un sous les exactions d'une étrange silhouette rouge. 


    Par ses aspects gothiques d'un manoir vétuste renfermant une crypte au secret éhonté, La Dame rouge tua 7 fois renforce son caractère ésotérique par le biais d'une présence meurtrière redoutablement mesquine ! A l'instar de sa course dans la nuit et de ses rires hystériques qu'elle exclame après avoir fièrement violenté ses proies. Pourvue d'une chape rouge et d'une potentielle perruque brune, l'individu provoque inévitablement une fascination irréelle dans la fonction spectrale de ses apparitions éclairs où la sauvagerie des crimes inspire parfois une cruauté assez audacieuse. D'autant plus que de manière inventive Emilio Miraglia nous élabore des séquences chocs rugueuses dont seuls les italiens ont le secret (je pense particulièrement à l'une des victimes dont la tête sera à plusieurs reprises sévèrement fracassée contre une bordure de pierre !). Mais l'intérêt essentiel de l'oeuvre réside surtout dans l'habileté du scénario assez convaincant, rehaussé d'un point d'orgue aussi palpitant que détonnant ! Comme de coutume, les faux suspects et les indices en trompe l'oeil se télescopent autour d'un motif d'héritage, de malédiction et de superstition, quand bien même le suspense métronomique de l'enquête policière ne se laisse jamais rattraper par une quelconque défaillance.  


    Scandé du magnifique score de Bruno Nicolai et illuminé par la beauté (parfois effrontée) des actrices italiennes, La Dame rouge tua 7 fois combine les codes du thriller transalpin parmi le climat gothique d'un conte irrationnel. Souvent occulté par les critiques (dans l'hexagone, il reste d'ailleurs inédit en Dvd et Blu-ray!), il s'avère pourtant à mon sens l'un des plus honorables représentants du genre. 

    Bruno Matéï
    2èx



    jeudi 8 octobre 2015

    Moi, Christiane F., 13 ans, droguée et prostituée... / Christiane F. - Wir Kinder vom Bahnhof Zoo

                                                     Photo empruntée sur Google, appartenant au site senscritique.com

    (Nous, les enfants de la gare du Zoo) de Uli Edel. 1981. Allemagne. 2h09. Avec Natja Brunckhorst, Thomas Haustein, Jens Kuphal, Rainer Woelk, Jan Georg Effler, Christiane Reichelt, Daniela Jaeger.

    Sortie salles France: 24 Juillet 1981 (Interdit aux - de 13 ans). Allemagne: 2 Avril 1981.

    FILMOGRAPHIE: Uli Edel est un réalisateur, producteur et monteur allemand, né le 11 Avril 1947 à Neuenburg am Rhein (Allemagne). 1971: Der Kleine Soldat. 1976: Die Erzählungen Bjelkins (télé-film). 1977: Der Harte Handel (télé-film). 1978: Das Ding: (série TV). 1981: Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée. 1984: Eine Art von Zorn (télé-film). 1987: Waldhaus (série TV). 1989: Dernière sortie pour Brooklyn. 1993: Body. 1994: Confessions d'une rebelle (télé-film). 1995: Mike Tyson, l'histoire de sa vie (télé-film). 1996: Raspoutine (télé-film). 1999: La Ville des Légendes de l'Ouest (télé-film). 2000: Le Petit Vampire. 2001: Les Brumes d'Avalon (télé-film). 2002: King of Texas (télé-film). 2002: Jules César (télé-film). 2003: Evil Never Dies (télé-film). 2004: L'Anneau Sacré (télé-film). 2008: La Bande à Baader. 2010: Zeiten Andern Dich.


    "D'la pisse et d'la merde, partout ! Y'a qu'à r'garder ! Qu'est ce que ça peut faire que d'loin tout est l'air neuf et de grand standing, avec des blouses vertes, des supermarchés ! 
    Ce qui pue l'plus à l'intérieur, c'est les cages d'escalier. Les enfants, qu'est ce qu'ils peuvent faire quand ils jouent dehors et qu'ils ont envie d'pisser ! Le temps qu'l'ascenseur arrive au 11è ou au 12è, ils ont fait dans leur culotte et ils reçoivent une raclée. Autant l'faire dans la cage d'escalier. 
    Et j'habite là depuis qu'j'ai 6 ans, avec ma mère, ma soeur et mes chats. Et j'en ai ras l'bol ! 
    En ville, il y a des affiches partout. Le Sound, la discothèque la plus moderne d'Europe. C'est là qu'je veux aller..." 

    Expérience jusqu'au-boutiste à l'intensité dramatique impitoyablement éprouvante, Moi, Christiane F. est un uppercut émotionnel difficilement soutenable lorsque l'on témoigne impuissant de la descente aux enfers d'une junkie dans le Berlin des années 70. L'épreuve de force intarissable d'une adolescente de 13 ans prise au piège de son addiction à l'héroïne, est donc contrainte de se prostituer afin de subvenir à ses besoins depuis le divorce parental. Cette déchéance humaine en déclin, ce désespoir sans échappatoire, le spectateur la contemple avec un malaise viscéral et sensitif proche de la nausée. De par son ambiance lourde, oppressante, glauque (score lancinant hypnotique à l'appui !) régie autour d'une gare berlinoise fréquentée par de jeunes SDF, et son réalisme documenté extrêmement dérangeant qu'une caméra voyeuriste ausculte sans tabou (les seringues pénétrant dans les veines avant une giclée de sang, les crises de manque et les crampes où sueur et vomi s'entremêlent pour y arroser les draps et tapisser les murs, les rapports sexuels forcés avec une clientèle dépravée !).


    Uli Edel ne recule donc devant rien pour relater sans concession le quotidien miséreux de Christiane et ses comparses déambulant, tels des zombies nécrosés, dans un quartier malfamé pour y tapiner afin de se procurer leur offrande. L'ultra réalisme alloué à leur cheminement urbain s'avère si tangible qu'on jurerait qu'acteurs méconnus et figurants marginaux se soient prêtés au jeu de la défonce pour se shooter volontairement face caméra ! Devant l'acuité d'une fascination aussi malsaine, aucun long-métrage n'était parvenu à un tel degré d'authenticité, à l'instar de la déliquescence physique des comédiens retranscrite en temps réel ! Si le jeu assez amateur des seconds-rôles juvéniles et les dialogues triviaux font preuve de facilité, le sentiment d'improvisation éprouvé se prête plutôt bien au climat de sinistrose auquel ils appartiennent, quand bien même une photo blafarde nous martèle l'esprit par sa facture opaque. Le cinéaste s'attardant perpétuellement à mettre en exergue leur contrariété psychique liée à l'accoutumance incontrôlée du produit (d'où ce parti-pris du montage elliptique !). Si Moi Christiane F. s'avère si implacablement immersif et criant de vérité dans la déchéance morale des toxicos, il le doit beaucoup au talent épidermique de Natja Brunckhorst. L'actrice se fondant dans la peau d'une infortunée avec un sentiment de désespoir collapsé et parmi l'apitoiement du regard affligé d'impuissance et de solitude !


    Cri d'alarme contre une jeunesse déboussolée avide d'expérience nouvelle, épreuve de survie impartie à l'emprise de la came, Moi Christiane F... remémore dans une ambiance funéraire suffocante le témoignage le plus glauque, le plus sordide et éprouvant jamais traité sur le fléau. Outre son portrait vérité imparti à son héroïne mondialement célébrée par le best-seller des journalistes Kai Hermann et Horst Rieck, Moi, Christiane F... laisse le spectateur dans un état de choc mutique sitôt le générique écoulé. Pour publics avertis mais à prescrire dans tous les collèges, lycées et universités ! 

    A mon frère de coeur Pascal, décédé en Décembre 93, et à tous ceux qui n'ont eu la chance de s'en sortir...

    * Bruno
    (4èx)


    J'ai clôturé hier soir le livre et j'ai l'impression d'avoir perdu ma meilleure amie (j'ai toujours eu dans ma vie une attirance affectueuse pour les fréquentations torturées, marginales, décalées).

    Comme le film, je n'ai rien vu/lu de plus fort sur les thèmes de la Toxicomanie, de la déchéance et du suicide. Et à travers sa jeunesse galvaudée, souillée par son entourage, par la came et par la SOCIETE, on se rend bien compte qu'un toxicomane est totalement tributaire de sa condition pathologique, livré à lui même et qu'il n'a donc rien à faire en détention.

    Totalement immergé durant 2 semaines à l'intérieur de l'esprit de Christiane (comptez une quinzaine d'heures de lecture approximatives), j'ai comme la troublante impression d'avoir fréquenter/connu mon binôme (ayant vécu le même passé qu'elle à peu de choses près, les mêmes rapports faussement amicaux avec l'entourage véreux, la même déliquescence corporelle, l'impuissance morale) à travers ses confidences et états d'âme souvent intimes, sa rage de survie autant que son désespoir à s'efforcer d'extérioriser le démon en elle. Son parcours du combattant pouvant se comparer au mythe de Sisyphe.

    Inévitablement bouleversant, cruel et d'une dureté aussi âpre qu'impitoyable, le cheminement existentiel (souvent insoutenable) de Christiane est notamment doublé d'une douloureuse et impossible histoire d'amour (sa passion indéfectible pour Djev) se clôturant sur l'insupportable interrogation de la rédemption.

    Un témoignage édifiant, immersif, viscéral, sensitif (puisque d'une sensibilité écorchée vive), que l'on devrait enseigner à chaque collégien et lycéen. Christiane se fondant dans notre corps, dans notre coeur et notre esprit avec intelligence, audace, franchise et surtout une vérité humaine mises à nu. Inoubliable.

    21/04/18.

    Biographie: Qu'est-il arrivé à Christiane F ?: http://brunomatei.blogspot.com/2011/03/quest-til-arrive-christiane-f.html


    Natja Brunckhorst

    Natja Brunckhorst, inoubliable interprète de "Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée..."

    À 14 ans, elle est remarquée par le réalisateur Uli Edel qui la choisit pour le rôle de Christiane Felscherinow. Le tournage dure d'août à novembre 1980. Son interprétation y fut saluée tant par la critique que par le public.

    Le tapage médiatique autour de sa personne, à la suite du grand succès du film, la prend par surprise. Pour échapper à la pression, elle se rend en Angleterre, où elle poursuit ses études jusqu'en 1986. Elle séjourne ensuite à Paris.

    En 1987, Natja Brunckhorst retourne en Allemagne, où elle suit des études d'actrice à la Schauspielschule Bochum. Elle en sort diplômée en 1991. Pendant ce temps, elle tourne d'autres films, relativement inconnus (comme Enfants de pierre ou Babylone). Sa carrière s'interrompt vers 1993/94, alors qu'elle se bat contre un cancer, dont elle guérit.

    En 1998, elle écrit pour la première fois un scénario, celui de la série télévisée Einsatz Hamburg Süd. Elle poursuit pendant 26 épisodes. En 2000, Natja Brunckhort apparaît aux côtés de Franka Potente et Benno Fürmann dans le film La Princesse et le Guerrier. Depuis 2002, elle est également apparue dans 105 épisodes de la série Dr. Sommerfeld - Neues vom Bülowbogen.

    Natja Brunckhorst vit à Munich avec sa fille Emma, née en 1991 d'une relation avec l'acteur Dominic Raacke qui dura de 1988 à 1993.

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    L'avis de Mathias Chaput:
    Ouch !
    "Moi Christiane F." est un film très dur, presque atroce !
    Plongée radicale et sans compromis dans le quotidien de toxicos, dans un Berlin gangrèné par la misère et la délinquance, vision très réaliste d'un contexte social en plein délitement, le métrage prend bien aux tripes !
    Au début pour nous mettre directement dans l'atmosphère, le cinéma où va Christiane projette "Night of the living dead" de Romero !
    Référence glauque et ambiance morbide qui seront inhérentes tout le long !
    ça vomit partout, même des giclées intenses sur les murs, ça se pique dans les chiottes et la prostitution y est montrée ultra crûment !
    rien ne nous est épargné, ni les urophiles, ni les scatophiles ou les sadomasochistes, Edel prend le parti de ne rien cacher !
    On a l'impression que Christiane est atteinte du mythe de Sisyphe, à chaque fois qu'elle monte la pente, quelque chose la fait de nouveau dégringoler et basculer en arrière !
    Nombre de fois elle essaiera de stopper l'héroïne pour replonger régulièrement !
    Edel ne lésine pas sur les effets chocs et le film multiplie les gros plans de seringues plantées dans le bras (donc attention aux personnes sensibles ! personnellement il m'est souvent arrivé de tourner le regard sur certains moments que je jugeais profondément insupportables et indisposants !)...
    La bienséance en prend un coup mais n'empêche pas le film d'être de qualité !
    Interprétation soignée, réalisme abrupt, décors parfaitement appropriés et dynamisme dans la réalisation, "Moi Christiane F." tient bien en haleine et s'avère passionnant !
    Un témoignage du désoeuvrement d'une certaine jeunesse, indispensable pour comprendre les mécanismes de la toxicomanie et les motivations "qui font que ..."
    Inoubliable !
    Note : 8.5/10