mercredi 14 octobre 2015

Chair pour Frankenstein / Flesh for Frankenstein" / "Il mostro è in tavola... barone Frankenstein

                                                    Photo empruntée sur Google, appartenant au site drnorth.wordpress.com

de Paul Morrissey et Antonio Margheriti. Produit par Andy Warhol. 1973. Américano-Franco-Italien. 1h39. Avec Udo Kier, Monique Van Vooren, Joe Dallesandro, Carla Mancini, Nicoletta Elmi, Arno Juerging, Srdjan Zelenovic,Dalilla Di Lazarro, Marco Liofredi.

Sortie salles France: 9 Octobre 1974 (Strictement interdit aux - de 18 ans)

FILMOGRAPHIE: Paul Morrissey est un réalisateur, scénariste, directeur de photographie, producteur, monteur et acteur américain, né le 23 Février 1938 à New-York (Etats-Unis).1966: Chelsea Girls. 1967: I, a Man. 1968: San Diego Surf. 1968: The Loves of Ondine. 1968: Flesh. 1969: Lonesome Cowboys. 1970: Trash. 1971: I miss Sonia Henie. 1971: Women in Revolt. 1972: Heat. 1973: l'Amour. 1973: Chair pour Frankenstein. 1974: Du sang pour Dracula. 1978: Le Chien des Baskerville. 1981: Madame Wang's. 1982: Forty Deuce. 1985: The Armchair Hacker. 1985: Cocaïne. 1985: Le Neveu de Beethoven. 1988: Spike of Bensonhurst.

                            "Pour connaître la mort, Otto, il faut baiser la vie dans la vésicule !"

"L’Orgasme et la Suture".
Avec l’aval du producteur Andy Warhol (Flesh, Trash et Heat), Paul Morrissey s’attaque en 1973 au mythe de Frankenstein, dans un débordement de provocation putanesque, galvanisé par l’usage d’un système 3D que le spectateur percute, yeux écarquillés.

Le pitch : avec l’aide de son adjoint Otto, le baron Frankenstein souhaite créer le couple parfait afin d’engendrer une nouvelle race, recomposée de morceaux humains. Pendant qu’ils descendent au village pour choisir leur dernière victime, sa sœur nymphomane fait la rencontre de Nicholas, un métayer adepte de luxure.

Tournée à l’époque en relief, cette réactualisation dévergondée (euphémisme !) revendique sa décadence dans une surenchère organique — un véritable hymne à la chair, tant Morrissey insuffle une sensualité crue à ses séquences gores — et un goût outrancier pour les fantasmes nécrophiles du baron. Ce dernier n’hésite pas à copuler avec les entrailles d’une fille éventrée, amorçant les préliminaires en dégrafant les fils d’une immense cicatrice avant de lutiner l’estomac du sujet. Un moment d’anthologie halluciné, inscrit au panthéon de la déviance somatique, où climat pervers, ironie caustique (le regard lubrique du majordome, fasciné par l’orgasme de son contremaître) et poésie lascive se rejoignent sous l’impulsion romantico-élégiaque de Claudio Gizzi — l’une des plus graciles mélodies du cinéma fantastique, j’vous dis !


Tout, dans Chair pour Frankenstein, inspire fascination et répulsion, dans le portrait marginal d’une galerie de personnages refoulés (voire impuissants) ou, à l’inverse, concupiscents. La mise en scène baroque, érigée autour de somptueux décors gothiques (le laboratoire médical est sans doute l’un des plus vastes et singuliers jamais vus dans une adaptation de Frankenstein), dynamite l’archétype du mythe dans une déflagration vitriolée, où sexe et organes s’extirpent des corps pour mieux exhiber leur beauté viscérale. Outre la subtilité d’un ton semi-parodique, que Morrissey distille à travers la polissonnerie de personnages extravagants, le film est transcendé par le jeu instinctif d’acteurs en roue libre, dont le charisme patibulaire épouse parfaitement l’ambiance délurée :
Udo Kier, d’une condescendance névrosée en baron incestueux (il est l’époux de sa sœur !)
Dalila Di Lazzaro, beauté exsangue, créature soumise
Monique Van Vooren, baronne nymphomane au regard vénéneux
Joe Dallesandro, esclave lubrique à la posture doucement rebelle
Srdjan Zelenović, créature asexuée, engourdie de suspicion
Arno Juerging, assistant aussi pervers que déficient.
Et, à titre subsidiaire, les enfants de Frankenstein — Marco Liofredi et Nicoletta Elmi —, témoins voyeuristes de cette décadence infernale, prétentieusement animés par l’ambition d’en incarner la relève. Bande de fous !

 
"Beauté organique et fièvre gothique".
Déviant, décadent, baroque, érotique, caustique, ultra-sanglant, Chair pour Frankenstein est un objet de scandale, un exutoire aux obsessions impudiques. Pied de nez libertaire au roman séculaire de Mary Shelley, c’est un chef-d’œuvre de sexe et de mort, un hymne à la beauté organique que Paul Morrissey illustre sans tabous, dans une dérision semi-parodique des plus jouissives. Quant aux acteurs — cabotins ou sincères —, ils taillent leur prestance dans une emphase extravertie, tandis que la partition classique de Claudio Gizzi enivre l’ouïe de sa douceur, tout en mélancolie suspendue.
Un sommet de déviance immorale, d’autant plus couillu et précieux qu’il serait aujourd’hui infaisable dans notre époque aseptisée.

La Chronique de son binôme, Du sang pour Dracula: http://brunomatei.blogspot.fr/2012/12/du-sang-pour-dracula-blood-for-dracula.html

*Bruno 
14.10.15. 5èx
07.06.10. (411)

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