dimanche 29 mai 2011

BIUTIFUL. Prix d'Interprétation à Cannes, Oscar du Meilleur Acteur pour Javier Bardem.


de Alejandro Gonzalez Inarritu. 2010. U.S.A/Mexique. 2h18. Avec Javier Bardem, Maricel Álvarez, Eduard Fernàndez, Diaryatou Daff, Cheick N'Diave. 

Sortie en salles en France le 20 Octobre 2010.

FILMOGRAPHIE: Alejandro Gonzales Inarritu est un réalisateur et producteur mexicain né le 15 Aout 1963 à Mexico.
2000: Amours Chiennes
2003: 21 Grammes
2006: Babel
2010: Biutiful

                          

Après Babel qui sondait la solitude existentielle et le désarroi à travers le destin croisé de différents personnages dans les pays du Maroc, des U.S.A, du Mexique et du Japon, Alejandro Gonzales Inarritu 
illustre avec Biutiful le parcours désespéré d'un marginal condamné par la maladie du cancer, mais délibérer à tenter de rehausser une vie miséreuse pour l'amour de ses enfants et sa femme fluctuante.

Uxbal est un père séparé à la charge de deux enfants, responsable d'une entreprise illégale exploitant des immigrés clandestins (sénégalais et chinois) pour la fabrication de sacs à main. Sa femme, Marambra est atteinte de troubles bipolaires et ne peut plus bénéficier de la garde de ces enfants. Alors que Uxbal va apprendre subitement qu'il est atteint d'un cancer de la prostate, ses affaires commerciales vont davantage le mettre dans une situation précaire largement contraignante pour l'avenir de sa progéniture.

                        

Avec son quatrième long-métrage tout aussi sensiblement introspectif que ces prédécesseurs dans la caractérisation de personnages chétifs en situation alarmiste, Alejandro Gonzales Inarritu livre son film le plus dur, le plus opaque et dépressif qui soit.
Ce portrait empli d'aigreur d'une famille précaire en situation alerte nous entraîne dans une descente aux enfers terrestre livrée aux tourments de l'âme humaine avec une acuité déprimante proche du marasme.
Dans une cité urbaine insalubre livrée au chômage et à la montée de l'immigration clandestine, un père de famille tente de survivre en exploitant des émigrés faméliques pour le compte d'une entreprise de fabrication de sac à main vendus dans les marchés, et sous l'oeil complice d'une police avilie.
Avec l'aide de deux comparses asiatiques sans scrupule mais contraints de se soumettre à l'illégalité bon marché pour la loi de la survie, Uxbal gère malgré tout ses affaires commerciales perfides avec un certain sens de la dignité humaine puisque attentif, jamais indifférent à la condition d'hygiène et au salaire versé pour ses migrants venus de l'étranger. Des hommes courageux savamment exploités mais aussi des mères de famille fébriles obligées en surplus de nourrir leurs bambins parqués dans un dortoir industriel impromptu.
En parallèle, Uxbal doit autant faire face à la gestion pédagogique de ses enfants séparés d'une mère maniaco-dépressive mais déterminée à renouer affectivement avec celui-ci. Alors que son frère mafieux, indocile et flâneur profite de la détresse de Marambra pour flatter sa libido sexuelle, Uxbal apprend qu'il est atteint d'un cancer incurable. Il va tenter en désespoir de cause de se raccrocher au fil de sa vie avec l'espoir de renouer avec une parcelle de bonheur pour l'équilibre de sa famille. Mais un horrible drame se profile à l'horizon !

                            

Sur fond de misère sociale, Biutiful est l'un des plus durs portraits jamais réalisés d'un homme sur le déclin vivant ses derniers instants dans un environnement glauque et sordide par faute d'une société monolithique gangrenée par le chômage et la fatalité d'une délinquance qui en émane.
Par l'entremise d'une mise en scène limpide et assidue prenant soin de nous illustrer avec une acuité sensitive ses personnages surmenés en détresse inflexible, le réalisateur évoque en toile de fond l'affre de la maladie et la mort qui en résulte. Le refus de s'y résoudre, craindre sa dégénerescence physique, se raccrocher désespérément à sa foi, aussi morne et inespérée qu'elle soit. Chaque protagoniste dépeint avec un soin humaniste alerte et souci de réalisme tangible, est livré à la dure loi de la survie dans un monde impitoyable où une immigration davantage expansive peine à ériger un semblant de vie plus paisible et équilibré.
Dans cet univers suffocant d'un appartement délabré, un couple anarchique tente de renouer une ultime fois avec l'idylle d'autrefois pendant que les enfants, hésitants et attentifs à une situation en dent de scie vont malgré tout se reporter dans la tendresse inculquée de leurs parents.

                        

Entièrement bâti sur les épaules d'un acteur de prestige, Javier Bardem se révèle littéralement époustouflant (son meilleur rôle ?) dans celui d'un personnage désabusé, contraint de se soumettre à l'illégalité pour la postérité de sa famille. Un homme malmené incessament préoccupé, débordant d'empathie et d'humilité pour des étrangers tout aussi désoeuvrés, sur le fil de la déchéance miséreuse. Rongé par le remord, la défaite, l'amertume, l'iniquité injustement répréhensible, sa détermination de se battre malgré tout jusqu'au bout magnifie un personnage terrifié à l'idée de laisser ses enfants sur le bord de la route. Son dernier testament négocié avec une jeune sénégalaise hésitante achève un épilogue mortuaire redouté littéralement bouleversant. Un moment de tendresse élliptique imprévu d'une fragile intimité qui chamboule au dela du générique de fin un spectateur abbatu avec une intensité émotionnelle quasi insupportable.  
L'incroyable interprétation de Maricel Álvarez impose autant d'empathie et d'élégie affectée dans celle d'une mère maniaco-dépressive immature en déroute, éprise d'amour éperdu pour son mari mais incapable d'endosser son rôle maternel afin d'équilibre un foyer conjugal sans cesse destructuré. Son physique burriné de paumée écorchée vive au grand coeur inscrit un implacable désarroi déchirant d'authenticité meurtrie.

Dans une photographie aux teintes naturalistes et funestes, Biutiful est un inoubliable drame humain d'une noirceur immuable et d'un désespoir social cruellement éprouvant pour le spectateur noyé dans un univers hypothétique sans issue de secours. En éludant avec dextérité le recours aux effets pompeux du pathos et du misérabilisme coutumier privilégié par la tempérance pleine d'humilité des comédiens immergés.  
Seul, l'amour rédempteur d'un père galvaudé réuni une dernière fois dans les bras de sa fille mûrissante libère un acte salvateur compromis sur les liens du coeur et d'une réminiscence. Pour ne jamais oublier l'âme d'un père déçu...

29.05.11.
Bruno Matéï.

 

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