de Martin Scorses. 1976. U.S.A. 1h54. Avec Robert De Niro, Jodie Foster, Cybill Shepherd, Peter Boyle, Harvey Keitel, Albert Brooks, Léonard Harris, Martin Scorsese.
Sortie en salle en France le 13 Mai 1976.
FILMOGRAPHIE: Martin Scorsese est un réalisateur américain né le 17 Novembre 1942 à Flushing (New-york). 1969: Who's That Knocking at my Door, 1970: Woodstock (assistant réalisateur), 1972: Bertha Boxcar, 1973: Mean Streets, 1974: Alice n'est plus ici, 1976: Taxi Driver, 1977: New-York, New-York, 1978: La Dernière Valse, 1980: Raging Bull, 1983: La Valse des Pantins, 1985: After Hours, 1986: La Couleur de l'Argent, 1988: La Dernière Tentation du Christ, 1990: Les Affranchis, 1991: Les Nerfs à vif, 1993: Le Temps de l'innocence, 1995: Un voyage avec Martin Scorsese à travers le cinéma américain, 1995: Casino, 1997: Kundun, 1999: Il Dolce cinema -prima partie, A Tombeau Ouvert, 2002: Gangs of New-York, 2003: Mon voyage en Italie (documentaire), 2004: Aviator, 2005: No Direction Home: Bob Dylan, 2006: Les Infiltrés, 2008: Shine a Light (documentaire), 2010: Shutter Island.
D'après un scénario de Paul Schrader, Martin Scorsese revient derrière la caméra deux ans après Alice n'est plus ici pour illustrer le portrait névrosé d'un chauffeur de taxi implacablement entraîné vers une auto-justice suicidaire. Palme d'Or à Cannes ! A peine rentré de la guerre du Vietnam auquel il combattait en tant que marine, Travis Bickle occupe un poste de chauffeur de taxi. Profondément esseulé, dépressif et introverti, il contemple chaque nuit la jungle urbaine des cités malfamées de son quartier. Un jour, il rencontre une séduisante jeune femme travaillant pour le compte d'un sénateur politique en liste de candidature aux présidentielles. Sensible aux attraits charnels de cette dernière, il décide de l'aborder pour l'inviter à déjeuner. Mais la relation au préalable amicale va fugacement déchanter.
Attention ! Il est préférable d'avoir vu le film avant de lire cette première première partie.
Voyage au bout de l'enfer dans un New-York en déliquescence morale ! Avec un souci de réalisme proche du documentaire, Taxi Driver dépeint le trajet scabreux d'un chauffeur de Taxi au bord de la folie meurtrière. Solitaire délaissé par une démographie individualiste, il observe via son véhicule de fonction la faune new-yorkaise colonisée par des putes, macros, dealers et délinquants. Après le boulot, et en guise d'échappatoire à sa vacuité affective, il se réfugie dans des cinés pornos afin d'évacuer son stress. Après une romance infructueuse partagée avec une femme mature, Travis ne trouve plus d'intérêt à sa vie sans projet d'ambition. Totalement replié sur lui même, insomniaque, dépressif, et davantage claustrophobe à contempler les laissé pour compte des glauques quartiers, il décide de s'engager dans la punition expéditive auprès d'un sénateur en liste pour les présidentielles. Au même moment, il fait la connaissance d'Iris, une prostituée de 12 ans avec qui il parvient à entamer une relation amicale. Mais sa haine grandissante envers le proxénète lui permet d'alimenter son désir brutal de vengeance meurtrière.
L'itinéraire du héros que dépeint le réalisateur avec humanisme nonchalant constitue un constat d'échec personnel sur son existence fantomatique au sein d'une société véreuse qui le mènera à la folie meurtrière avant de se fondre en héros improvisé ! Cet univers urbain gangrené par une criminalité envahissante et la montée du chômage engendre des paumés vers la marginalité et la dépravation. Travis, tel un cow-boy aguerri sans foi ni loi, s'acquérit d'armes illégales, s'entraîne au tir avant de se dupliquer en punk anarchiste afin de symboliser sa nouvelle image d'ange exterminateur. Le fameux point d'orgue vindicatif, proprement apocalyptique, véritable opéra morbide, d'une intensité quasi insupportable dans sa violence viscérale, constitue l'un des règlements de compte les plus sauvages de l'histoire du cinéma ! L'ironie est de mise lorsque l'épilogue annoncera que Travis est devenu un héros contre son gré après avoir décimé une organisation sordide livrée à la prostitution de jeunes mineurs. Ce déchaînement de violence qu'il commettra sans morale et son héroïsme impromptu à sauver la vie d'une fillette le dirige malgré lui vers une rédemption. Mais le fait qu'il se refuse à observer sa propre image à travers le rétro de son véhicule de fonction prouve néanmoins qu'il répugne inconsciemment sa violence outrancière pour rester hanté par sa déchéance barbare. L'inoubliable Robert De Niro doit beaucoup au caractère fascinant de Taxi Driver par le reflet de ses états d'âme sinistrés. Un assassin xénophobe au grand coeur qui ne demandait qu'à coexister au sein d'une faune urbaine pessimiste (nous sommes tous dans la merde suggère l'un des employés de Taxi à Travis !) et que personne n'aura eu l'aubaine d'humaniser. Jodie Foster révèle déjà à ses débuts d'actrice une aisance naturelle dans sa prestance malingre de jeune prostituée paumée. La relation amicale octroyée envers Travis offre quelques moments intimes d'une tendre complicité.
Scandé par la partition musicale orageuse du grand Bernard Herrmann et réalisé avec une virtuosité obstinée (la tuerie finale est un modèle de rigueur !), Taxi Driver constitue la plus stupéfiante descente aux enfers sur l'introspection d'un homme et d'une ville en voie de dégénérescence morale. Un témoignage édifiant du poids de la solitude chez un justicier avide de rage de survivre. Attention ! Chef-d'oeuvre inextinguible !
Bruno Matéï
23.05.11
INTERPRETATIONS DISTINCTES DE LA FIN DU FILM. SITE INFO WILKIPEDIA.
Certains ont pu voir dans la scène finale la rêverie romantique d'un Bickle mourant, tandis que d'autres y analysent une fin réelle et positive. Malgré les divergences d'interprétation, le film s'achève de manière harmonieuse, sur la thématique de la rédemption, qui est une des quêtes principales de tant de personnages chez Scorsese.
La fin du film peut cependant être analysée différemment: après que Travis a déposé Betsy, celui-ci repart dans son taxi. Cependant, Travis qui déplace son rétroviseur pour ne plus avoir à y supporter l'image de son visage peut mettre en lumière la honte ressentie par le protagoniste, et le dégout qu'il porte à son acte, bien que celui ci ait été largement applaudi par la presse Newyorkaise. En décalage avec les louanges des journalistes, Travis semble cependant être conscient du caractère barbare de son acte, motivé par une escalade nerveuse purgée de toute rationalité et d'un désir d'exprimer toute la violence de sa personne. Scorsese met ici en relief le peu d'estime que se voue le personnage, l'idée d'un orgeuil largement dévalué par le massacre qu'il a perpétré, et peint surtout le portrait d'un héros malgré lui, d'un homme vedettisé malgré l'horreur de son crime.
Autre interprétation : Travis ne s'intéresse pas charnellement à Betsy qui reste pour lui la femme idéale et chimérique. C'est Betsy qu'il regarde brusquement et à plusieurs reprises dans son rétroviseur après qu'il l'ait déposée, sans lui avoir répondu à un seul moment. Peut-être que Betsy n'était qu'un fantasme qu'il retrouvait dans son taxi ? Mais la fin est extrêmement pessimiste et d'ailleurs, le film s'achève sur une musique aux accents particulièrement inquiétants. Travis n'est pas guéri par sa violence suicidaire. C'est avant tout la notoriété qu'il recherchait, il voulait à tout prix être reconnu par l'opinion, par les médias. S'il assassine des crapules pour délivrer une petite prostituée qui le repousse, c'est parce qu'il vient d'échouer dans l'assassinat du sénateur. La délivrance est secondaire : il lui faut avant tout se libérer de ses propres frustrations. Travis est en fait un dangereux psychopathe qui peut récidiver à tout moment, alors que l'opinion voit en lui un héros, comme les parents de la petite prostituée.
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