lundi 23 mai 2011

Lake Mungo


de Joel Anderson. 2008. Australie. 1h25. Documentaire. Avec Talia Zucker, Rosie Traynor, David Pledger, Steve Jodrell, Tamara Donnellan, Scott Terrill.

FILMOGRAPHIE: Joel Anderson est un réalisateur, scénariste et producteur australien.
Lake Mungo est son premier long-métrage.

L'argument: Une jeune fille de 16 ans se noie accidentellement.
Sa famille accablée est bientôt victime de phénomènes étranges.


Lorsque l’Australie s’intéresse au cas irrésolu d’Alice.
À première vue, il s’agit de la première réalisation de Joel Anderson, ancrée dans le surnaturel d’une macabre découverte : celle du corps d’une adolescente retrouvée noyée dans le lac Mungo.
Mais ce qui fait toute la force de ce faux reportage richement documenté, c’est l’art du storytelling, doublé d’une capacité à distiller l’angoisse, en scrutant les zones d’ombre d’une adolescente en apparence modeste — mais bien moins docile qu’elle ne le laissait croire.
Peu à peu, son profil fissuré nous révèle cette part que chacun dissimule : l’inavouable, tapi dans la dichotomie du Bien et du Mal.

Dès le prélude, le ton est donné : un générique d’archives monochromes, peuplé de visages interlopes, d’apparence réelle, instille un sentiment d’angoisse irrationnelle, où chaque cliché, chaque détail inquiétant s’imprime durablement.
Anderson illustre ensuite, avec une méticulosité glaçante, les témoignages des parents, des proches, médecins, policiers, journalistes et médiums, tous liés à cette jeune victime retrouvée exsangue.
Et concernant la découverte du corps, les images d’archives n’épargnent rien : l’état de décomposition avancée, cette vision blafarde et abominable, vous saisira d’effroi - et marquera à coup sûr vos réminiscences d’imagerie morbide.

                                 

En sondant la douleur sourde des parents d’Alice et de leur fils, tous deux pétrifiés par le choc, Lake Mungo nous saisit, inexorablement, dans l’impuissance et la perplexité.
Joel Anderson évoque, sans pathos ni apitoiement, la difficulté d’accepter la perte d’un être cher, et l’impossibilité d’un deuil apaisé.
Refusant de croire que ce corps méconnaissable est bien celui de leur fille, la famille se voile la face, s’enfonce dans l’incrédulité, dans le mutisme de l’horreur.
Ils feront appel à quelqu'un, mais chut. 
Puis survient un événement aléatoire - que je tairai encore - et le doute renaît. Où Joel Anderson veut-il nous conduire ?
Un peu plus tard, un nouveau choc surgit, posant la possibilité d’un phénomène paranormal, d’une vision, d’un retour - d’un au-delà tangible.

                                     

Aussi déconcertant soit-il, le récit de la famille Palmer aboutit pourtant à un fragile apaisement - une forme d’acceptation du deuil - même si jamais ils ne connaîtront la vérité sur cette nuit du 21 décembre 2005.
Et nous, spectateurs interloqués, restons suspendus entre trouble, croyance et doute, confrontés à cette idée vertigineuse : l’éventualité d’une existence après la mort.
À moins d’être hermétique à ces faux documentaires qui suggèrent plus qu’ils ne montrent, et qui accentuent une angoisse sourde, diffuse, vous pourriez être tenté de décrocher.
Mais Lake Mungo demeure un projet habile, une proposition incongrue, un témoignage retors, marqué par une mise en scène discrète, un casting amateur d’une grande justesse, au service d’une émotion nue — sans jamais sombrer dans les artifices sensationnalistes

                         
"Mungo : la mémoire noyée".
Traité avec un sérieux rare et une intelligence trouble, dans une atmosphère vénéneuse, instable, anxiogène, Lake Mungo reste une perle horrifique honteusement ignorée.
Son bouche-à-oreille, pourtant, ne faiblit pas.
Notamment grâce à sa sidérante capacité à provoquer l’effroi, par ses clichés, (certaines) vidéos d’archive… et surtout, par sa révélation finale. Glaçante.

*Bruno
11/04/10.

                                              


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